J.-J. ROUSSEAU

AVIATEUR

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LE NOUVEAU DEDALE

( 1742)

Pour A. JULLIEN Libraire

A GENEVE

1910

LE NOUVEAU 

DEDALE 

Par J. - J. Rousseau

Et copié sur son manuscrit original daté 

de l’année 1742

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   C’est un spectacle digne d’admiration de voir les hommes s’exposer au milieu des mers, et se livrer au plus terrible des élémens avec autant d’assurance, que des armées entières agissent, s’arrangent, font leurs évolutions et se battent à deux ou trois cents lieues de terre et avec la même hardiesse que si elles sentoient derrière elles des camps bien commodes et bien alignés. A force de voir la marine et les vaisseaux, on s’accoutume à les considérer sans étonnement, de même qu’on n’en montre point à l’aspect du soleil et des plus beaux phénomènes ; mais les yeux de la raison ne sauroient cesser d’admirer ce que ceux du corps vient de sang-froid ; et pour se convaincre que l’habitude seule nous rend ces objets familiers, on n’a qu’à considérer l’étonnement et l’admiration de celui qui montant sur un vaisseau pour la première fois, en examine la construction, les agrès et la manœuvre. Quel spectacle de voir un homme assis avec une petite boëte devant soi, tranquille au milieu du bruit (p.4) affreux des vagues et des orages, faire mouvoir une masse énorme avec toute la légèreté d’un cheval d’Espagne ! dompter à sa voix la mer et les vents, et les faire servir en dépit d’eux à le pousser dans une route opposée. Les Américains prirent les vaisseaux de Colomb pour de grands oiseaux, et l’on dit que les Tartares regardèrent Doria comme un sorcier, en le voyant sur la mer Noire cingler contre le vent. C’est en effet un paradoxe très surprenant, et bien des hommes seraient assez tartares à cet égard, si ce spectacle était moins familier.


   Que si l’on vient à réfléchir sur les avantages que la navigation nous procure, les pensées d’admiration se changeront en vifs sentimens de reconnaissance pour le premier qui a osé nous frayer la route des mers ; et bien loin de le charger d’injures à l’exemple de tel poëte inconsidéré, l’antiquité qui déifiot les gens à si bon marché, aurait dû lui dresser des autels. Considérez quel seroit l’état du monde si le passage des eaux nous était fermé ; nul commerce, nulle communication avec les régions les plus voisines, dès qu’un bras de mer passeroit entre deux. Notre domaine réciproque serait réellement appauvri d’autant de pays dont la mer nous sépareroit ; l’Angleterre et la Sicile seroient pour nous des mondes éternellement inconnus et nous ferions sans doute de beaux raisonnemens pour prouver qu’ils peuvent être habités, desquels on ne manqueroit pas de se moquer comme de raison La terre, comme du tems d’Hérodote, et même du temps de Pline, était ( p. 5) assez peu de chose. Les deux tiers de l’Europe, la Perse, l’Arabie, l’Egypte, l’Ethiopie et la Barbarie composoient à peu près toutes les régions habitables. Avanciez-vous vers le midi ? vous étiez étouffés, rôtis par les feux de la zône torride. Allez-vous au septentrion ? vous heurtiez de la tête contre le ciel, qui s’abaisse trop de ce côté-là, ou bien vous étiez suffoqué par les plumes qui y volent en abondance ; à l’orient ou à l’occident, vous étiez arrêté par la mer ou par les déserts. Les grands voyages étoient si rares, dans ce tems d’ignorance et d’erreur, que les Argonautes furent immortalisés pour avoir fait dans le Pont-Euxin une route de cent lieues, avec cette précaution qu’ils tiroient tous les soirs leur vaisseau à terre, et le lendemain le remettoient à flot pour continuer leur route. Il ne paroît pas que dans toute l’antiquité il se soit fait des découvertes bien considérables pour la géographie, même par les Phéniciens. La raison en est que leur marine étant encore très imparfaite, et eux se trouvant contraints faute de guides dans la haute mer, de naviguer toujours terre à terre, sur des vaisseaux assez lourds, et qui avoient besoin d’équipage prodigieux ; il leur était ainsi impossible de tenter les routes hardies qui font les grandes découvertes et que nous pratiquons si heureusement depuis presque trois cents ans.

   Les eaux ne sont pas navigables partout, ni dans tous les tems ; tantôt des glaçons énormes, tantôt des écueils ; ici des courans, là des orages continuels ; chaque mer à (sic) ses saisons contraires (p. 6) pendant lesquelles il n’est pas stable. Il faut donc convenir que les voyages sont longs, dispendieux, difficiles, et souvent impossibles ; que ceux de terre sont dangéreux (sic) et ne conduisent pas partout ; d’où il s’ensuit qu’il seroit à souhaiter pour le bien du genre humain qu’on trouvât quelque nouveau moyen plus universel, qui à la commodité des voyageurs de mer, joignît la sûreté de ceux de terre, et le pouvoir de pénétrer dans les continents les plus reculés.


   Si c’est par de telles considérations que des hommes ingénieux ont essayé en différens temps et diverses manières de frayer une nouvelle route dans les airs, des intentions aussi nobles devroient justifier le projet même le plus chimérique. Un méchant homme n’en est pas moins blâmable pour avoir réussi dans une mauvaise entreprise par des moyens fort adroits, et par conséquent un homme généreux qui, aveuglé par son zèle, tente un projet utile, mais impossible, devroit toujours être excusé par les motifs.


   Mais est-il bien vrai que l’impossibilité de monter dans les airs, soit démontrée ? et s’est-on parfaitement assuré de la solidité des raisons qui l’établissent ? Si pour détruire une proposition, il n’était question que de la tourner en ridicule, j’avoue que la navigation aérienne n’auroit pas beau jeu. Son idée porte avec elle un certain air de paradoxe et de chimères tout propre à mettre les railleurs de belle humeur. Cependant l’évidence la plus respectable ne serait pas à l’abri de pareilles attaques. La circulation du sang était (p. 7) déjà parfaitement démontrée, quand les anciens médecins et les scolastiques entêtés faisoient là-dessus de fort jolis badinages, qui ne manquoient pas d’attirer les rieurs de leur côté. Croire que le sang circule, ç’auroit été autant de divertissemens perdus. C’est presque toujours le sort de la vérité d’être moqué. L’ironie et la raillerie sont les véritables armes de l’erreur. Il lui est bien lus aisé de trouver cela que des raisons.

   Nous marchons sur la terre, nous voguons sur l’eau, nous y nageons même et nous la parcourons au dedans. Pourquoi la route des airs seroit-elle interdite à notre industrie ? L’air n’est-il pas un élément comme les autres ? Et quel privilège peuvent avoir les oiseaux, pour nous exclure de leur séjour, tandis que nous sommes admis dans celui des poissons ? L’air et l’eau ont ensemble une parfaite analogie : tous deux sont fluides, tous deux sont transparens, tous deux sont habités, avec cette différence que l’un a bien plus que l’autre de convenances avec nos organes, puisque nous respirons dans l’air et que nous étoufferions dans l’eau. Il n’est donc question entre eux que d’un peu d’identité et de pesanteur de plus ou de moins ; et dans tout cela je ne vois pas la moindre chose qui nous doive rendre l’air plus respectable, et nous faire regarder comme un grand crime la hardiesse de le fouler sous nos pieds.


   Considérons la chose d’un autre sens, et supposons qu’on a trouvé le moyen de perfectionner si bien l’usage de nos voitures aériennes, qu’on (p. 8) les conduit avec toute la facilité du monde, et qu’on y peut même apporter des armes et des provisions. Voilà une nouvelle source d’avantages et de commodités dans la société. Faut-il nous l’interdire parce qu’un misérable bandit pourra peut-être s’en prévaloir ? De semblables raisonnements nous porteroient à retrancher ce qu’il y a de plus excellent sur la terre ; car de quoi n’abuse-t-on point ? Plus de chevaux, ils favorisent les mauvais coups et la fuite des criminels ; plus de navigation, elle nourrit les corsaires ; plus d’habits, ils engendrent le luxe ; que dis-je, plus de lois même, ni de religion, elles sont la source de la chicane et du fanatisme.


   Cette réponse est triviale, parce que le blâme des meilleures choses, par la considération de leurs abus, est un sophisme souvent combattu et souvent renouvellé. Une autre réflexion sert à lever entièrement tout scrupule sur cette matière : c’est que chaque invention utile au genre humain, quoique commune à tous les hommes, fournit cependant très certainement des avantages aux bons contre les méchants, en donnant de nouvelles armes au corps de la Société pour les attaquer ou pour s’en défendre.

   Nota. - Après quelques autres discussions sur la possibilité du vol aérien, J.-J. transporte ses lecteurs au labyrinthe de Dédale, et là leur représente le génie sublime se créant lui-même des ailes pour se soustraire au pouvoir de Minos et à l’ennui d’une prison qu’il n’avoit pas faite pour lui, car l’âme d’un grand homme n’en doit avoir d’autre que l’immensité de l’univers. Suivent encore quel – (p. 9) que courtes digressions, puis il dit à ses lecteurs après leur avoir offert un si bon modèle de ce qu’ils pourroient faire.

   Revenons à nos ailes : quand elles seront donc ainsi bien arrangées, il faut les oindre d’huile légèrement pour les rendre imperméables à l’eau. Nous les attacherons bien proprement le long de nos bras, après nous être équipés le plus légèrement qu’il sera possible ; il ne restera plus qu’à nous essayer quelque tems, en nous balançant avec beaucoup de précaution. Nous ne ferons d’abord que raser la terre comme de jeunes étourneaux ; mais bientôt enhardis par l’habitude et l’expérience, nous nous élancerons dans les airs avec une impétuosité d’aigle, et nous nous divertirons à considérer au-dessous de nous le manège puérile de tous ces petits hommes qui rampent misérablement sur la terre.


   Encore cela vaudroit-il mieux que de se faire porter par deux canards, comme la tortue de la fable ; et nous, nous pourrons de là- haut crier à pleine tête, que nous sommes les rois des animaux, sans craindre de perdre le bâillon ni la vie par une harangue à contre-tems, etc,, etc.

   Ou plutôt pour me servir d’une image plus galante, je crois voir notre aimable jeunesse transformée en autant de petits amours, qui sans craindre les périls de Léandre, en pourront courir la bonne fortune ; il ne seroit pas même bien difficile d’imaginer plus d’une tendre héroïne également hardie, complaisante et légère, qui daigneroit quelquefois leur épargner la moitié du chemin. 

   (p.10) Jusqu’ici, tout va le mieux du monde, et ces imaginations n’ont assurément rien que de fort joli. Le mauvais est que les idées des projets les moins possibles sont justement celles qui nous amusent davantage. Quel malheur pour nous que le plaisir qu’on y prend ne soit pas en leur faveur un degré de probabilité, ou plutôt ne serait-ce point le plus grand des malheurs que les choses fussent autrement ? L’auteur de la nature ne s’est pas contenté de faire naître sous nos pas une foule de biens effectifs, il a permis que nous trouvassions dans la faiblesse même de notre esprit, et même dans notre imagination frivole, la source de mille autres chemins, qui pour n’être qu’en idée, n’en sont guères moins sensibles. Si toutes les chimères étoient détruites, nous perdrions avec elles une infinité de plaisirs réels.

   Cela me donne quelque regret de faire main-basse sur la prétendue possibilité de voler : mais enfin l’amour de la vérité est aussi ma chimère ; et puisque je me suis engagé à cette recherche, il est d’autant moins juste de me contraindre à en déguiser le résultat que l’espoir ou le désir d’avoir des ailes n’est pas assurément au nombre de ces passions qui causent beaucoup d’inquiétudes, et dont on craint d’être désabusé.

   Suivant Borelli la force des muscles qui mouvent les ailes d’un oiseau surpasse dix mille fois le poids de cet oiseau, et puisque suivant le même Borelli, la force avec lequel le deltoïde est capable d’agir n’est que de soixante-onze mille trois cents soixante livres, en doublant ce nombre (p. 11) et en le composant avec la force dont l’homme auroit besoin pour faire agir ses ailes proportionnellement à celles de l’oiseau, il s’ensuit, par une conclusion sans réplique, que quand cet homme ne pèseroit que cent livres, il s’en faudroit encore de huit cent cinquante-sept mille deux cent quatre-vingts livres, c'est-à-dire plus de six fois sa force actuelle, que cette force n’égale celle dont il aurait besoin pour faire usage des ailes que nous lui supposons.

   Je ne puis cependant me résoudre d’omettre ici l’invention singulière que propose Honoratus Fabri, pour s’élever en l’air. Vous prenez, dit-il, une cartouche de carton ; vous la remplissez d’une composition de poudre à canon, de limaille de fer et de charbon pilé ; vous y attaché un bâton et vous y mettez le feu ; cela vous donne une fusée qui s’élève jusqu’aux nues. La raréfaction causée par l’embrâsement de la poudre et par le ressort de l’air agit en tous sens, fait sortir la poudre enflammée par le trou inférieur de la fusée, et chasse en haut cette même fusée. Or, les fontaines de Héron, les cannes à vent et les autres instruments semblables nous apprennent que l’air enfermé, comprimé et pressé dans un petit espace, n’a guères moins de force que la poudre même, ou plutôt que la force de la poudre n’est dans le fond que la force de l’air. Donc dans le même cas il doit produire les mêmes effets. Fondé sur ce raisonnement, je dis que l’on prenne par exemple un tube de verre, qu’on l’emplisse de beaucoup d’air introduit avec force par un souf- (p. 12) flet, et contraint par une soupape ; qu’on attache un bâton léger, (il faut que le bâton soit de telle pesanteur que le centre de gravité de toute la matière soit sensiblement plus bas que le tube), à ce tube qu’on lui donne une direction perpendiculaire à l’horizon, et qu’enfin on le perce par-dessous, on verra avec étonnement ce tube, monter et s’élever de lui-même jusqu’à ce que tout l’air sur abondant en soit écoulé. Comme la raison en est la même que celle des fusées, notre physicien suppose que cela n’a pas besoin de démonstration. 

   Mais ce fait étant accordé, qui nous empêchera d’en pousser plus loin les conséquences. Augmentons la longueur et le diamètre de nos tubes jusqu’à ce que nous en trouvions un capable d’une assez grande quantité d’air, pour élever des quintaux, outre son propre poids, par sa seule force élastique. Alors en suspendant une chaise à ce tube, un homme qui s’y assiéra sera infailliblement élevé en haut ; et si l’on ajoute à cela un gouvernail avec quelques soufflets par lesquels on puisse de nouveau insérer de l’air dans le tube, avant que le premier soit écouler, vous pourrez impunément voler dans les airs aussi longtems qu’il vous plaira. Après nous avoir enseigné ce beau secret, Fabre nous dit froidement que quoique cela soit très vrai théoriquement parlant, il ne s’est trouvé jusqu’ici personne d’assez sot pour vouloir en tenter l’expérience.

    Mais sans entreprendre de réfuter sérieusement un pareil sujet, j’avouerai seulement que je serois (p. 13) curieux de voir un autre tube assez fort pour enlever un homme ; mais le comble de mon admiration seroit de voir cet homme se promener longtems à droite et à gauche par le milieu des airs, avec un instrument qui cependant n’aurait d’autre force que pour monter continuellement. Hinc diu per muttas horas pro medium aera ambulabit, quo nihil fere mirabiles esse potest. Fabri a raison de dire qu’on ne saurait rien voir de plus merveilleux. Cependant après toutes ces belles choses il resteroit encore à savoir comment notre homme s’y prendroit, enfin, pour descendre sans se casser le cou ? Cela a quelque rapport avec l’embarras d’Arlequin. Il propose à Pierrot une invention admirable qu’il a trouvé (sic) pour le faire voler en l’air. Je prends, dit-il, quatre bons barils de poudre ; je les attache ensemble, j’y accommode très proprement un petit plancher sur lequel on te place tout à ton aise ; je fais une grande traînée, qui communique aux barils ; j’y mets le feu ; et voilà Pierrot qui vole on ne peut pas mieux. Oh ! mais, dit Pierrot ; cela me feroit mourir. Ah ! répond Arlequin, si l’on ne mouroit pas je me ferois tout d’or. Avec ce secret-là, de bonne foi le secret d’Arlequin n’est-il pas encore préférable à celui du père Fabri : on y voit du moins qu’une seule difficulté à surmonter, après quoi, il n’y a plus le moindre embarras à tout le reste.

   Laissons donc les tubes du bon Jésuite. L’invention en paroît d’autant moins propre à produire l’effet cherché, que plus on les remplit d’air, plus on augmente leur poids ; ils perdent (p. 14) donc en pesanteur ce qu’ils gagnent en force ; et malgré l’expérience des fusées, et de quelque façon qu’on s’explique, il est peu naturel de vouloir, en les rendant plus pesans, les faire vaincre l’air extérieur en légèreté.

   Voici encore une autre difficulté presque aussi considérable, sur la manière dont il faudroit naviguer en l’air ; pour flotter sur l’eau, il suffit qu’un corps soit plus léger qu’elle ; car le lest, par exemple, n’est pas destiné à donner au vaisseau un degré de pesanteur, mais à lui faire porter des voiles et le tenir en assiète. Or s’il falloit que ce vaisseau nageât entre deux eaux et à différentes profondeurs au gré du pilote, supposé qu’il y pût respirer, alors il faudroit que le vaisseau fût avec cette eau, dans un équilibre parfait, et qu’outre cela il fût au pouvoir du conducteur d’augmenter ou de diminuer le poids du vaisseau tant et si peu qu’il lui plairoit, pour le faire monter et descendre à son gré. 

   Voilà justement le cas de la navigation aérienne. Il s’agit de voguer, non pas sur la surface de l’air, mais au milieu des airs, par immersion. La question se réduit donc à ces deux points qu’il est bon d’établir nettement :

   Premièrement. Trouver un corps plus léger qu’un pareil volume d’air, car par un des premiers principes d’hydrostatique ce corps s’élèvera, et pourra par son excès de légèreté, soutenir un poids et rester encore en équilibre dans l’air.

   Mais dès qu’on l’aura rendu assez léger pour monter, comment l’empêcher de monter davan- (p. 15) tage, et comment le rendre assez pesant pour descendre ? C’est une seconde difficulté qui n’est guère moins embarrassante que la première ; mais aussi il est clair que quiconque pourroit résoudre ces deux questions auroit trouvé la solution du problème de la navigation aérienne.

Nota. Suis immédiatement après cette ingénieuse et étonnante discussion de J.- J. sur la navigation aérienne, une démonstration de la pesanteur comparative de l’air et du mercure, et de la raison pour laquelle le premier tient le second en équilibre à diverses hauteurs dans les tubes qui le contiennent. On ne remarque point dans tous ces raisonnements l’étalage pompeux et scientifiques de nos modernes physiciens, qui, comme des prêtres de l’antiquité, semblent prendre à tâche d’embrouiller leurs explications d’expressions énigmatiques, soit pour étonner les sots qui aiment le merveilleux, soit encore pour en imposer à l’aveugle conduite ; au contraire tout y est exposé avec ordre, sagesse, méthode et simplicité. On croit voir un homme qui, le flambeau de la vérité à la main, vous conduit dans les détours obscurs et tortueux de l’abyme où la science semble être cachée, vous met le doigt sur la difficulté que vous désespériez de vaincre, et dont la solution se refusait constamment à tous les efforts de votre esprit : c’est encore un homme qui, à chaque pas qu’il fait dans le chemin de la vérité, consulte la raison pour se rendre compte de sa découverte, développe les doutes qu’elle peut faire naître ; fait taire l’amour-propre dont l’aveu (p. 16) complaisant et trompeur persuade les esprits présomptueux : ceux-ci évitent les obstacles des difficultés pour se dissimuler à eux-mêmes l’impossibilité où ils sont de les surmonter. 

Texte numérisé par Françoise Bocquentin