Groupe de
contact FNRS en sociologie de la littérature
qui se tiendra à l'Université libre de Bruxelles, le lundi 30 mars 2009
Université
Libre de Bruxelles
Avec l’émergence de l’ère médiatique, le terme de posture est utilisé de
manière intuitive par les hommes de lettres pour désigner le profil moral ou l’apparence
d’un sujet dans l’espace public. Benda évoque de la sorte la « posture
politique » des gens de lettres dans sa Trahison des clercs (1927).
Longtemps perçu comme une évidence, ce travail de construction identitaire n’a que
récemment débouché sur des recherches approfondies, notamment en sociologie et
en histoire littéraires. Ces dernières disciplines, en prenant pour objet les
postures d’écrivains, s’interrogent sur la façon dont un auteur occupe
effectivement sa position dans le champ littéraire. Selon cette perspective, la
notion de posture permet d’associer les dimensions individuelles et collectives,
discursives et sociologiques, des stratégies d’existence symbolique d’un
écrivain. Jérôme Meizoz a notamment consacré deux ouvrages récents à ces
questions et ouvert plusieurs perspectives de recherches, que la présente
journée d’étude se propose d’approfondir, tout en ayant l’ambition de lancer le
débat vers de nouvelles voies.
Plutôt que de considérer la notion comme un outil ayant fait ses preuves et
dont il ne s’agirait que d’illustrer l’efficacité, le groupe COnTEXTES se donne
l’objectif d’éclairer la genèse de la posture comme concept (en opposition avec
son acception commune), d’interroger les conditions et enjeux de son utilisation,
ainsi que ses limites. Pour assurer la dimension prospective et novatrice de la
démarche, trois axes de travail sont proposés :
1. Approche métacritique de la notion de posture
La posture s’est récemment constituée en concept socio-discursif au terme d’un processus dont il s’agit ici d’interroger la genèse et l’aboutissement provisoire. Les époques et les champs sociaux pour lesquels ce concept s’est spécialisé, les usages rhétoriques qu’il a générés au sein du discours critique, les procédures d’analyse qu’il a permis de formaliser, constituent autant de clés d’entrée possibles pour une approche métacritique de la posture. Dans quelle mesure ce concept peut-il être appliqué aux champs politique ou journalistique ? Est-il pertinent pour rendre compte des prises de position propres à des professions plus ou moins institutionnalisées (ouvriers, architectes, journalistes, hommes d’affaires, etc.) ?
2. La posture dans l’œuvre de fiction
Les lieux d’élaboration de la posture ne se limitent pas aux interviews des écrivains, à leurs autobiographies, à leur correspondance ou à leurs ouvrages autofictionnels, mais s’immiscent dans l’œuvre de fiction. Comment les options esthétiques de l’auteur (genre, style et ton notamment, mais aussi élaboration des postures des personnages de la fiction) permettent-elles de détecter l’élaboration posturale ? Quelles médiations faut-il prendre en compte pour traduire ces options esthétiques en éléments de posture de l’auteur ?
3. La posture et son lecteur
La posture est souvent étudiée du point de vue de son élaboration par l’auteur. Il nous paraît cependant opportun d’interroger également la manière dont le lecteur la reçoit, en reconnaissant à celui-ci la capacité de construire lui-même sa propre représentation de l’auteur. Les enquêtes auprès des consommateurs de littérature ou les blogs littéraires où s’échangent les avis sur les auteurs apparaissent comme des matériaux à explorer pour une sociologie de la littérature soucieuse d’interroger les rapports de détermination réciproque entre l’élaboration posturale et l’expérience du lecteur.
Bibliographie
sommaire
Amossy R. (1999, dir.), Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos. Lausanne, Delachaux & Niestlé, « Textes de base en sciences des discours ».
Bourdieu P (1998) Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire [1992]. Paris, Seuil, « Points essais ».
Brissette P. (2005), La Malédiction littéraire. Du poète crotté au génie malheureux. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, « Socius ».
Charpentier I. (2006), « “Quelque part entre la littérature, la sociologie et l’histoire…” L’œuvre auto-sociobiogaphique d’Annie Ernaux ou les incertitudes d’une posture improbable », dans COnTEXTES, n°1, Discours en contexte. URL : http://contextes.revues.org/document74.html
Diaz J.-L. (2007), L’écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique. Paris, Honoré Champion, « Romantisme et Modernités ».
Meizoz J. (2004), L'Œil sociologue et la littérature. Genève, Slatkine Erudition.
— (2007), Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur. Genève, Slatkine Erudition.
Molinié G. et Viala A. (1993), Approches de la réception. Sémiostylistique et sociopoétique de Le Clézio. Paris, PUF.
Parenteau O. (2007), « Le soldat à la tête bandée, le poète à la tête étoilée », dans COnTEXTES, Varia. URL : http://contextes.revues.org/document282.html
Vrydaghs D. (2006), « La constitution d’une identité littéraire. Les autoportraits de Catherine Millet et leur réception par la presse spécialisée », dans Vox Poetica. URL : http://www.vox-poetica.org/t/vrydaghs.htm
— (2008), Michaux l'insaisissable. Socioanalyse d'une entrée en littérature. Genève, Droz, « Histoire des idées et critique littéraire ».