Volume 7, 2007

La signification morale du projet de sincérité de Rousseau

Caroline L. Mineau, Université Laval 

Après une carrière d’auteur d’à peine une décennie, Rousseau entreprend d’écrire ses mémoires, un projet qui l’occupe pendant près de quinze ans et se traduit finalement par trois ouvrages majeurs. Il n’en fallait pas tant pour que cette persévérance à écrire sur lui-même soit expliquée par des tendances égocentriques et paranoïaques, de sorte que certains critiques[1] ont été portés à effectuer une séparation claire entre les écrits théoriques de Rousseau et ses textes autobiographiques. Cette division de l’œuvre est certes justifiable du point de vue d’une théorie des genres littéraires[2] ; peut-être l’est-elle aussi sur le plan psychologique[3]. Néanmoins, une séparation visant à discriminer les ouvrages autobiographiques du projet théorique et moral de Rousseau ne va pas de soi du point de vue philosophique, car Rousseau, dès les premières lignes des Confessions, annonce avoir produit un « ouvrage utile et unique, lequel peut servir de première pièce de comparaison pour l’étude des hommes[4] ». Parce que Rousseau estimait que son ambition philosophique de montrer aux hommes la véritable nature humaine devait être complétée par un projet de sincérité, c’est à la philosophie qu’il revient de déterminer s’il a eu raison.

L’objectif de mon mémoire était de situer la signification morale du projet de sincérité de Rousseau, d’abord en identifiant ses justifications théoriques dans l’anthropologie rousseauiste, puis en analysant les passages clés des Confessions et des Rêveries du promeneur solitaire permettant de déterminer s’il y a congruence entre sa théorie morale, qui indique les visées de la sincérité comme idéal, et sa pratique littéraire, qui en révèle les modalités effectives. Je rappellerai ici les éléments importants pour cerner le sens spécifique de la notion de sincérité chez Rousseau, mais je m’appliquerai surtout à situer l’apport de son projet de sincérité dans l’horizon moral de notre époque, plus particulièrement en ce qui a trait au débat autour de ce que Charles Taylor nomme l’idéal moral d’authenticité. Suivant l’approche de cet auteur, je poserai que la sincérité rousseauiste constitue l’une des sources historiques de cet idéal et permet, de ce fait, d’en saisir les véritables exigences. Je reprendrai ensuite deux critiques qui sont souvent adressées à la culture contemporaine de l’authenticité, celle de mener au relativisme et celle d’inciter à la déresponsabilisation, afin de suggérer dans quelle mesure la sincérité de Rousseau est responsable de tels écueils et comment, bien comprise, elle permet de les surmonter.

1. La sincérité dans l’œuvre de Rousseau
1.1 Sources anthropologiques de la sincérité

L’homme social, estime Rousseau, est un être malheureux. D’une part, il se trouve divisé de ses semblables parce qu’il vit dans un contexte où ses intérêts entrent en conflit avec les leurs, ce qui le contraint à afficher publiquement des sentiments différents de ceux qu’il ressent en réalité. D’autre part, il est divisé intérieurement, car ses besoins dépassent sa capacité de les satisfaire, ce qui l’incite à se dissiper dans les plaisirs plutôt que de s’interroger sur ce qui le rendrait heureux de manière durable. Rousseau résume donc ainsi la situation de l’homme social : dans le rapport à soi comme dans le rapport à l’autre, « être et paraître [sont devenus] deux choses tout à fait différentes […]. [De] libre et [d’]indépendant qu’était auparavant l’homme, le voilà, par une multitude de nouveaux besoins, assujetti pour ainsi dire à toute la nature, et surtout à ses semblables, dont il devient l’esclave en un sens, même en devenant leur maître[5] ». Puisqu’il considère que la division est la principale cause du malheur de ses contemporains, Rousseau voit dans son contraire, l’unité, un idéal moral, c’est-à-dire un critère permettant de déterminer ce qu’il convient de rechercher pour être heureux.

La sincérité s’inscrit dans la philosophie de Rousseau en tant que moyen de reconquérir l’idéal d’unité. Dans les rapports aux autres, elle se traduit par une concordance exacte entre le sentiment vécu et le sentiment affiché. Elle agit, de ce fait, comme un remède contre l’hypocrisie qui mine les relations entre les hommes sociaux. En tant que rapport à soi-même, il s’agit d’un type d’introspection permettant à chacun de découvrir en lui-même les exigences de sa nature. Cette double fonction morale explique la présence du thème de la sincérité, sous différentes formes, dans plusieurs ouvrages importants de Rousseau. Il apparaît implicitement dans le Discours sur les sciences et les arts, où Rousseau évoque la nostalgie d’un temps où « les hommes trouvaient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement[6] » ; on le retrouve aussi, par la négative, dans le Discours sur l’inégalité, qui dénonce l’hypocrisie rendue nécessaire par l’état de société ; il est mis en scène dans La Nouvelle Héloïse, comme ce qui rend possible et intéressante la relation privilégiée des personnages entre eux ; il revient, enfin, dans Émile ou de l’éducation sous le nom de conscience, un amour de la justice que chacun ressent en lui-même, indépendamment de toute autorité extérieure, lorsqu’il fait taire ses passions. L’intérêt philosophique de Rousseau pour la sincérité a donc déjà une longue histoire lorsqu’il entreprend d’écrire sur lui-même. Il importe, par conséquent, d’expliquer pourquoi c’est finalement par le biais d’une mise en pratique de la sincérité qu’il a choisi de poursuivre le but de son projet moral : convaincre le public de l’importance, pour être heureux, d’un rapport à soi et à l’autre où sont unis l’être et le paraître.

Critiquant les auteurs qui bercent leurs lecteurs de belles paroles n’ayant aucun effet tangible sur leurs actions, Rousseau cherche au contraire à donner à ses idées morales une effectivité pratique. En vertu de son anthropologie, celle-ci ne peut résider que dans la force de l’adhésion sentimentale suscitée chez ses lecteurs. Christopher Kelly, dans son article, « Taking Readers as They Are : Rousseau’s Turn from Discourses to Novels », remarque que cette préoccupation est déjà présente dans une lettre écrite pour défendre le Discours sur les sciences et les arts. Rousseau admet ne pas espérer que ses exhortations entraînent une réformation des hommes, puisqu’il a beau leur dire la vérité, « c’est à une voix plus puissante qu’il appartient de la leur faire aimer[7] ». Kelly estime que la décision de Rousseau de passer des discours aux romans viendrait de sa conviction que les gens sont menés par leurs passions plutôt que par leur raison et qu’en conséquence, sa défense de la moralité doit s’appuyer sur le remplacement d’une passion malsaine et des illusions qui l’accompagnent, par un autre ensemble de passions, accompagnées, de même, de leurs illusions[8].

Peut-on pousser plus loin l’hypothèse de Kelly et supposer que c’est ce même désir de persuader, c’est-à-dire de susciter une adhésion effective, donc sentimentale, aux vérités morales que promeut sa théorie, qui aurait ensuite encouragé Rousseau à passer des romans aux écrits personnels ? En ce sens, on note, dans les Confessions, que bien qu’il accorde une grande importance à la lecture de romans dans le développement initial de sa sensibilité, Rousseau dit avoir été incité à la philosophie et aux réflexions morales par son affection pour des personnes réelles avec qui il partageait ces intérêts naissants. Il avoue, par exemple, que c’est en conversant avec Mlle du Châtelet, sa gracieuse et spirituelle amie, qu’il découvre ce « goût de morale observatrice qui porte à étudier les hommes[9] », qui guidera plus tard sa vie et ses travaux. De même, c’est en lisant les malheurs de Voltaire avec son ami M. de Conzié qu’il développe son penchant pour la philosophie, du fait que « l’intérêt [qu’ils prenaient] l’un à l’autre s’étendait à tout ce qui s’y rapportait[10] ». Aussi peut-on croire que lorsque Rousseau affirme que « jamais toute la morale d’un pédagogue ne vaudra le bavardage affectueux et tendre d’une femme sensée pour qui l’on a de l’attachement[11] », c’est qu’il estime que ce ne sont ni les discours, ni même les romans en tant que tels[12] qui se font le mieux entendre des hommes, mais bien les autres personnes, celles pour qui on a de l’affection ou que l’on prend en pitié.

Cette hypothèse viendrait appuyer une lecture unifiée de l’œuvre de Rousseau en fournissant une raison pour laquelle l’écriture de soi est une entreprise des plus adaptées au projet moral promu dans ses écrits théoriques. Puisque l’effectivité morale nécessite l’adhésion affective aux principes et parce que l’on est davantage touché par une personne de chair et d’os que par une fiction, il est fort utile qu’une fois ses principes exposés, puis développés et problématisés par un roman, Rousseau se présente finalement comme un être réel, à aimer ou à plaindre, ayant tenté de mettre cet idéal en pratique. De même, cette hypothèse expliquerait que l’autobiographie doive se traduire par un projet de sincérité, car si l’on s’aperçoit que l’auteur trompe ou se trompe dans sa peinture de lui-même, ou encore s’il utilise trop d’ornements, le personnage devient fictif et l’impact sur le lecteur diminue. Déjà s’esquissent les difficultés liées à l’exigence de véracité, lorsqu’il s’agit d’un projet littéraire.

1.2 La sincérité dans les écrits personnels

Plusieurs de ces difficultés sont d’emblée prises en charge par Rousseau dans le préambule des Confessions, où l’auteur présente son projet en ces termes :

Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. […]. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu[13].

Il s’agit d’un projet ambitieux : Rousseau veut montrer à ses semblables un homme unique, mais qui est en même temps un modèle de la nature humaine. Il y a donc une dimension individuelle et une dimension universelle (ou morale) à la vérité qu’il veut transmettre. En effet, à la lecture des Confessions, on note que Rousseau est constamment en train de nous avertir qu’il est différent des autres hommes, mais il fonde sa singularité sur le fait que seul, il a conservé quelque chose de la simplicité de la nature originaire. Il se présente comme un homme faible, peu propre à la vertu et aux grands exploits, mais bon, c’est-à-dire aimant le bien, et libre. Les lecteurs des écrits théoriques de Rousseau reconnaîtront dans les traits qu’il se donne certains de ceux qu’il attribue à l’homme à l’état de nature. En ce sens, les Confessions sont un nouveau portrait de l’homme naturel et acquièrent, de ce fait, une valeur d’exemple, indépendamment de la question de la conformité de ce modèle à l’individu Rousseau. Toutefois, puisqu’il s’agit d’une autobiographie, Rousseau doit convaincre son lectorat qu’il a raison de croire qu’il incarne lui-même cette vérité de la nature et pour ce faire, il affirme simplement qu’il sent son cœur. Bien que formulée de manière présomptueuse, cette affirmation renvoie à un argument important de son anthropologie. De fait, dans la « Profession de foi du vicaire savoyard », au quatrième livre de l’Émile, Rousseau soutient que si la raison peut tromper parce qu’elle est une faculté active, le sentiment, pour sa part, ne trompe jamais, car il s’agit d’une simple réception passive d’information. Toutefois, la certitude du sentiment porte non sur l’objet lui-même, mais sur ce qu’il est pour nous[14]. Autrement dit, le sentiment nous apprend avec certitude les rapports de convenance des objets avec notre nature. Dire qu’il sent son cœur, pour Rousseau, c’est donc affirmer qu’il sait avec certitude à quel point son moi individuel est conforme aux exigences de la nature universelle.

Pour prouver qu’il ne cherche à tromper personne, Rousseau demande au lecteur de lire l’ouvrage en entier, puis de juger s’il a eu raison de se sentir bon, en dépit de ses fautes. Or, afin de s’assurer que le lecteur l’évalue sur les bases voulues, il avoue avoir quelquefois prêté à la vérité des charmes étrangers pour suppléer à ce qu’il avait oublié sur le plan des événements, mais il soutient qu’il a rapporté avec précision la vérité de sa vie intérieure. Le lecteur se voit donc attribué un rôle actif, mais il est soigneusement guidé par l’auteur : Rousseau ne veut pas être jugé pour ses actions, mais pour ses sentiments. Il ne veut pas non plus être évalué quant à sa capacité de rapporter les événements de sa vie sans faire d’erreur, mais pour son aptitude à peindre son intérieur tel qu’il est, ni meilleur, ni pire. Il nous annonce, autrement dit, que sa sincérité, en tant que rapport à l’autre, vise un autre type de vérité que l’exactitude factuelle.

Dans la Quatrième promenade des Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau est plus explicite quant au type de vérité qui l’intéresse. Reprenant une définition qu’il dit avoir lue dans un livre de philosophie, il pose que « mentir, c’est cacher une vérité que l’on doit[15] ». Un bien dû, estime Rousseau, est un bien qui appartient à quelqu’un et puisque, selon lui, « la propriété n’est fondée que sur l’utilité[16] », il faut, pour qu’une vérité soit due, qu’elle soit ou puisse être utile. À cet égard, la vérité morale, c’est-à-dire la connaissance de la nature humaine, constitue le premier de tous les biens, car d’elle dépend le bonheur des hommes. Elle s’avère, de ce fait, rigoureusement due en toute situation. Toutefois, poursuit Rousseau, la vérité individuelle, ou factuelle, « n’est pas toujours un bien, elle est quelquefois un mal, très souvent une chose indifférente[17] », en quel cas, selon la définition donnée, elle n’est pas due. La vérité individuelle, en fait, ne comporte une utilité que lorsqu’elle concerne la justice.

Revenant sur les Confessions, Rousseau affirme être parvenu à pousser « la bonne foi, la véracité, la franchise aussi loin, plus loin même […] que ne le fit jamais aucun autre homme[18] ». Il avoue s’être parfois montré de profil, pour cacher un côté difforme de son caractère, ce qui semble aller contre sa promesse d’être vrai en ce qui concerne la justice. Il estime cependant que ses réticences ont été compensées par le fait qu’il a encore plus souvent caché le bien plus soigneusement que le mal. En conséquence, si, comme Rousseau le demande, le lecteur suspend son jugement pour apprécier l’ensemble des Confessions, il aura assez d’éléments pour obtenir un portrait ressemblant, non pas tant en ce qui a trait aux faits et aux circonstances, mais en ce qui concerne la morale (c’est-à-dire la nature humaine) et la justice (c’est-à-dire le degré de conformité de Rousseau à la nature humaine). Autrement dit, de l’aveu de Rousseau, les Confessions contiennent bien quelques mensonges, même selon sa définition restreinte, mais elles n’en sont pas un. Sa sincérité, de ce fait, consiste moins à dire la vérité qu’à la laisser voir, quitte à utiliser la fiction pour ce faire.

2. La sincérité rousseauiste et la culture de l’authenticité

On peut résumer le projet de sincérité de Rousseau comme suit : il présuppose un rapport à soi permettant de retrouver, par le sentiment, une vérité individuelle et universelle, et consiste en un rapport à l’autre par lequel sont transmises à autrui ces deux dimensions de la vision de soi. Cette description de la sincérité rousseauiste comporte, pour le moins, des affinités avec ce que Charles Taylor nomme l’idéal moral d’authenticité de la culture contemporaine, qu’il définit par une exigence de véracité à soi-même dans ses rapports à soi, aux autres et à la société. Taylor voit dans la pensée de Rousseau l’une des sources historiques de l’idéal d’authenticité et se base sur une lecture de ses principaux écrits théoriques pour établir ce rapport. Selon lui, Rousseau est à l’origine de deux idées dont dépend étroitement cet idéal : l’autonomie du sujet moral, qui stipule que chacun trouve la vérité en lui-même, et ce qu’il appelle la « liberté autodéterminée », selon laquelle il faut résister aux pressions des influences extérieures[19].

Tel est l’idéal moral si puissant dont nous avons hérité. Il accorde une importance capitale à un type de rapport avec moi-même, avec ma nature intime, que je risque de perdre en partie à cause des pressions du conformisme, en partie aussi parce qu’en adoptant un point de vue instrumental envers moi-même, j’ai peut-être perdu la capacité d’écouter cette voix intérieure[20].

Certains passages du Contrat social et de l’Émile, desquels Taylor dégage l’idée de « liberté autodéterminée », engagent certes les hommes à renoncer à toute autorité et à chercher en eux-mêmes la vérité. C’est ce qui apparaît, entre autres, lorsqu’on compare sa conception autonomiste de la conscience avec celle, généralement admise à son époque, qui rend essentielle l’intervention d’un casuiste dans les choix moraux d’un individu[21]. Les écrits personnels font cependant un pas de plus, car ils proposent une alternative au recours à l’autorité consistant en une exploration et en une exploitation des puissances du moi. En ce sens, la sincérité mise en pratique par l’écriture de soi, bien plus que les notions de liberté ou d’autonomie du sujet moral, rejoint les exigences de la valeur d’authenticité telle que nous la comprenons aujourd’hui. En raison de ces ressemblances et du fait que l’influence des écrits personnels de Rousseau sur la littérature subséquente rend probable un rapport de filiation entre sa notion de sincérité et la nôtre, il convient de considérer la sincérité rousseauiste comme l’une des sources historiques de l’idéal contemporain d’authenticité.

Que l’authenticité soit une valeur présente dans notre culture ne signifie pas qu’elle fasse l’unanimité. Au contraire, elle semble être au centre d’un débat entre ceux qui y voient un progrès vers la liberté et d’autres qui la rendent responsable d’un certain appauvrissement de l’expérience morale à notre époque[22]. Charles Taylor, dans Grandeur et misère de la modernité, avoue partager plusieurs des réserves envers la culture contemporaine formulées par ses détracteurs[23], mais il estime que les caractéristiques de notre époque qui sont en cause dans ce débat procèdent d’un idéal moral puissant et valable que nous ne pouvons pas, en tant que modernes, répudier. Des attitudes intellectuelles néfastes peuvent certes naître de l’authenticité, mais loin d’en être des conséquences nécessaires, elles esquivent ses exigences véritables. Ainsi, selon Taylor, plutôt que de rejeter l’idéal moral d’authenticité à cause des formes triviales qu’il peut prendre, il faudrait au contraire proscrire celles-ci en son nom[24]. Si la sincérité rousseauiste est l’une des sources de l’idéal d’authenticité, elle peut servir à en saisir les véritables implications.

2.1 Le projet de sincérité et le relativisme doux

L’un des principaux reproches faits à l’authenticité est celui de mener à ce que Charles Taylor appelle le relativisme doux, selon lequel les choses prennent de la valeur du simple fait qu’elles sont l’objet d’une préférence subjective. Reprenant à son compte les reproches qu’adressent les critiques de la modernité à cette forme de l’authenticité, il souligne le caractère autoréfutant de cette position en soutenant que nos sentiments « ne sont jamais un principe suffisant pour faire respecter notre position, parce qu’ils ne peuvent pas déterminer ce qui est significatif[25] ». Il rappelle l’exemple des revendications des groupes homosexuels pour montrer que le relativisme doux est détruit par la pratique même de ceux qui s’en réclament : si le seul fait de choisir suffisait à donner de la valeur aux choses, l’orientation sexuelle d’une personne serait aussi significative que le fait de préférer les partenaires blonds ou bruns, petits ou grands. Taylor explique :

Dès qu’on assimile l’orientation sexuelle à une préférence, ce qui se produit lorsque le seul fait de choisir constitue sa justification, l’objectif initial – la revendication d’une valeur égale pour toute orientation quelle qu’elle soit – se trouve subtilement manquée. La différence ainsi promue devient insignifiante[26].

Il ne s’agit pas là d’une conséquence inévitable de l’idéal moral d’authenticité, précise Taylor, mais au contraire d’une déformation qu’il faut combattre au nom de cet idéal. La pensée de Rousseau, semble-t-il, représente à la fois un danger de dérapage et une voie de solution.

On sait que Rousseau, dans ses écrits théoriques, juge du bien et du mal en se référant à l’ordre de la nature. En raison de l’aspect normatif de cette référence, on ne peut classer d’emblée sa philosophie parmi les diverses formes de relativisme. Toutefois, certains éléments de son universalisme peuvent être interprétés de manière à mener au relativisme. J’en mentionnerai deux pour montrer ensuite de quelle manière il faudrait les interpréter pour éviter à la fois les contresens et les conséquences appauvrissantes sur le plan moral.

Le premier élément relève de sa philosophie morale en général. Rousseau, en bon philosophe moderne, accorde au sujet humain une place centrale dans la détermination de la vérité et du bien moral. Cela ne suffit pas à en faire un relativiste, car jusqu’ici, il se contente de suivre le chemin ouvert par Descartes, à qui l’on ne songerait pas à apposer une telle étiquette. Le cas de Rousseau est un peu différent de celui de son prédécesseur rationaliste, car il soutient que l’être humain est d’abord un individu et, de surcroît, un individu qui doit découvrir la vérité en lui-même par le sentiment. Or, si l’on marginalise le caractère universel de la référence rousseauiste à la nature pour se concentrer sur le caractère subjectif du sentiment qui le découvre, cette position théorique peut mener au relativisme doux tel que le définit Taylor.

L’autre élément concerne ses écrits personnels en particulier. Rousseau fait reposer sa prétention à la connaissance de soi sur sa capacité de sentir son cœur. À ceux qui en doutent, l’auteur des Confessions répond qu’ils ne peuvent le juger par les critères habituels, car sa proximité à la nature fait de lui un être singulier, différent en tous points de ses contemporains. Rousseau encourage donc aussi le dérapage relativiste de l’authenticité en appuyant sur ses privilèges en tant qu’être unique : quand la valeur du caractère singulier d’un individu est ainsi affirmée, il ne reste qu’à généraliser cette prétention pour que le sentiment individuel en tant que tel soit élevé au rang de valeur.

Ces deux éléments de la pensée de Rousseau, soit sa revendication de la valeur de son individualité et l’importance qu’il donne au sentiment, ont inspiré plusieurs écrivains du siècle suivant. La période romantique est caractérisée par une fascination pour le sentiment et un empressement peu commun à répondre à l’appel que Rousseau, devant Dieu, adresse à ses semblables dans le préambule des Confessions, lorsqu’il leur dit : « Que chacun […] découvre à son tour son cœur aux pieds de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là[27]. » Les cœurs, de fait, se sont découverts et l’ampleur de la transformation littéraire qui s’est opérée avec le courant romantique est le signe d’un certain écho du projet de sincérité de Rousseau dans les préoccupations d’un vaste public. Mais une question s’impose : Rousseau nous demandait-il vraiment de faire comme lui ou plutôt d’être comme lui ? La première alternative incite à l’exaltation de l’individualité et du sentiment pour eux-mêmes ; l’autre indiquerait chez Rousseau une attitude normée et puisqu’il se présente comme un homme naturel, la nature constituerait la norme promue par les écrits personnels.

J’ai déjà relevé divers indices appuyant cette seconde interprétation. D’une part, j’ai mentionné que le sentiment, en vertu du rôle que lui confère l’anthropologie rousseauiste, indique à chacun non ses préférences subjectives, mais les exigences de sa nature universelle. D’autre part, j’ai souligné que Rousseau fait en sorte d’ajouter une dimension d’exemplarité à son récit individuel, car il se représente comme un homme naturel se heurtant sans protection à la société. Sa singularité ne serait pas une revendication du droit d’être unique, mais l’expression douloureuse de sa situation : il est unique parce que tous les autres hommes sont corrompus. Il ne s’agirait donc pas d’une apologie de l’originalité en vue d’encourager chacun à trouver sa propre manière d’être humain, mais bien d’une invitation à retrouver en soi-même la nature humaine. En cela, les écrits personnels s’inscriraient dans la même visée que les ouvrages théoriques, comme un exemple plus parlant d’une même nécessité morale. Si l’on comprend Rousseau de la sorte, il faut interpréter de manière non relativiste l’invitation qu’il lance à la fin du préambule des Confessions, lorsqu’il demande à ses semblables d’imiter son projet de sincérité : il les engage à connaître, par un processus subjectif d’introspection, leur place dans l’ordre de la nature, afin que se découvrant imparfaits, ils puissent faire l’effort de s’approcher davantage du modèle universel.

2.2 Le projet de sincérité et le problème de la déresponsabilisation morale

Ce caractère normatif du projet de sincérité n’empêche pas qu’au niveau du rapport à l’autre, Rousseau soit possiblement à l’origine d’une certaine forme de laxisme moral. De fait, l’auteur des Confessions et des Rêveries a souvent évité d’assumer la responsabilité de ses fautes, comme si le fait de révéler ses faiblesses au public venait le laver de ses torts. En se disant, malgré ses faiblesses, le meilleur des hommes par l’acte de se confesser, Rousseau fait de la sincérité un supplément à la vertu ou, pour le dire en des termes plus proches des nôtres, il évite par la sincérité d’avoir à réparer ses fautes. En 1816, Benjamin Constant exprimait déjà cette réserve à l’égard de la fascination souvent complaisante des auteurs romantiques pour les mécanismes de la vie intérieure : « Je hais […] cette fatuité d’un esprit qui croit excuser ce qu’il explique, [qui] s’analyse au lieu de se repentir[28] », écrivait-il en postface de son roman Adolphe.

La valeur rousseauiste de sincérité, en tant qu’elle vise l’union de l’être et du paraître dans les rapports à soi et à l’autre, ne justifie pas la déresponsabilisation, mais elle ne possède pas non plus les ressources pour surmonter ce risque. Faire preuve de sincérité, c’est dire la faute là où on la trouve, mais là où on ne la trouve pas, en dépit d’efforts d’introspection, on ne peut pas non plus la dire. Cette limite ne vient toutefois pas de la sincérité elle-même, mais du fait qu’étant, dans le cas des Confessions et des Rêveries du promeneur solitaire, un acte littéraire dont la publication devait être posthume, l’écriture de soi ne permettait pas à Rousseau de sortir de l’illusion consolatrice de son innocence. Au contraire, s’il avait institué un véritable dialogue avec autrui, il aurait été forcé à poursuivre un auto-examen plus serré lorsque sa vision de lui-même et le jugement d’autrui ne correspondaient pas.

Pour qu’un tel dialogue soit possible, il faut que celui qui avoue ses sentiments croit en la capacité de son interlocuteur de bien le juger. Ce climat idéal de confiance est peint dans Julie ou La Nouvelle Héloïse, un roman dans lequel la sincérité est non une modalité de l’écriture, mais la base de la relation entre les divers personnages. La situation de Julie, l’héroïne du roman, fait en sorte que son bonheur dépend de l’approbation de gens capables, par leur amour de la vertu et par leur affection pour elle, de bien la juger. Les rapports sincères avec ses proches constituent donc, pour Julie, une incitation à devenir ce qu’elle doit être. La différence entre cette sincérité et celle des écrits personnels est grande. L’aveu de leurs sentiments n’est pas une alternative à la vertu pour les personnages de La Nouvelle Héloïse, mais ce qui leur donne la force de s’en approcher. Ils sont motivés, autrement dit, par le plaisir de plaire à leurs proches par la bonté de leurs sentiments. Pour sa part, l’auteur des Confessions, arrivé à la fin de sa vie, ne s’examine pas en vue de changer ce qu’il peut y avoir de coupable dans son âme. Il n’agit pas tant sur lui-même que sur sa vision de lui-même et sur l’image qu’il laisse. Il peut avoir intérêt à ce que l’image soit vraie, mais il n’a plus la liberté de travailler à l’améliorer par une vie meilleure.

Plus exigeant sur le plan moral, le modèle que représente la sincérité de Julie comporte cependant des problèmes d’efficacité pratique. Puisqu’elle nécessite une société intime entre gens qui aiment la vertu, il est peu probable qu’elle soit possible dans la réalité sociale, si l’on en croit le diagnostic de Rousseau. Ainsi, il faut considérer que l’écriture de soi représente pour lui le fait, la sincérité telle qu’elle peut se produire dans un monde où personne n’est parfait ; La Nouvelle Héloïse représente au contraire le droit, la sincérité idéale, à laquelle il faut aspirer, même dans les écrits personnels. La solution pour éviter la déresponsabilisation que favorisent les ouvrages autobiographiques, dans cet esprit, se trouverait donc également chez Rousseau. Elle serait, pour qui souhaite avoir un rapport vrai à lui-même et aux autres, de tendre à reproduire une situation semblable à celle de Julie. Dans la mesure où les interlocuteurs idéaux n’existent pas dans la réalité, il ne peut, en aucun cas, s’agir d’une garantie de succès, mais on offre, par cette manière de pratiquer la sincérité, une alternative au laxisme moral appauvrissant l’idéal d’authenticité.

3. Conclusion : Perspectives morales de la sincérité

La possibilité d’envisager des remèdes pour guérir l’authenticité de ses propres formes triviales n’empêche pas qu’il serait naïf d’espérer laver complètement la sincérité du soupçon de tromperie ou d’erreur qui lui a toujours fait un peu d’ombre. Les reproches changent de teneur, selon les époques, mais ils réapparaissent de manière constante. Dans la première moitié du XVIIIe siècle, c’est-à-dire juste avant Rousseau, on craignait surtout que la sincérité ne soit simulée pour manipuler les autres dans les rapports sociaux. Au XXe siècle, on lui a reproché, entre autres, d’entraîner le relativisme doux ou d’inciter à la déresponsabilisation. Rousseau a répliqué aux critiques de son temps en faisant lumière sur les exigences d’introspection liées à la sincérité ; j’ai tenté de répondre en son nom à celles du mien en montrant que le relativisme et la déresponsabilisation ne sont pas des conséquences nécessaires de sa notion de sincérité ou de sa philosophie morale.

Rousseau était conscient de nombreuses difficultés soulevées par l’exercice de la sincérité, mais il l’a défendue en soutenant l’importance de l’idéal d’unité vers lequel elle tend. Ce genre d’approche semble peu prisé de nos jours, comme si l’on craignait que la peinture d’un idéal nous incite à nous perdre dans un monde d’espoirs chimériques. Il faut louer notre méfiance si elle nous préserve d’un tel excès. En revanche, il importe d’éviter de sombrer dans l’abus inverse et de perdre de vue que l’idéal d’un rapport immédiat à soi et à l’autre constitue une ressource permettant d’affermir la sincérité dans sa forme la plus élevée et la plus bénéfique.


1. En plus des exemples fondateurs de l’approche psychologisante de l’œuvre de Rousseau que donne Catherine A. Beaudry (The Role of the Reader in Rousseau’s Confessions, New York, Peter Lang Publishing, 1991, p. 5), il faut mentionner les ouvrages de Louis Proal, La psychologie de Jean-Jacques Rousseau (Paris, Librairie Félix Alcan, 1923) et de D. Bensoussan, L’unité chez Jean-Jacques Rousseau. Une quête de l’impossible (Paris, A.G. Nizet, 1977), qui abordent directement la question de sa sincérité.

2. Il faudrait toutefois faire une division plus fine qu’une polarisation en deux genres, car Rousseau s’est adonné à de nombreuses formes littéraires, tant dans ses écrits théoriques (discours, traité, roman, lettre ouverte) que dans ses écrits personnels (autobiographie, dialogue, essai).

3. L’évaluation psychologique de Rousseau pose cependant un problème de méthode : on ne pourra jamais vérifier si la personne réelle de Rousseau était identique à sa personne littéraire, condition nécessaire pour poser un diagnostic sur son état mental.

4. Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, I, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 5 volumes, 1959-1990, p. 3. Les références subséquentes à l’édition des Œuvres complètes apparaîtront sous la forme suivante : O.C., I, p. 3.

5. O.C., III, pp. 174-175. (Nous soulignons.)

6. O.C., III, p. 4.

7. O.C., III, p. 104. (Nous soulignons.)

8. Christopher Kelly, « Taking Readers as They Are: Rousseau’s Turn from Discourses to Novels », Eighteenth-Century Studies, 33.1 (1999), pp. 96-97.

9. O.C., I, p. 171.

10. O.C., I, p. 214.

11. O.C., I, p. 199.

12. Nous disons bien « en tant que tels », car la pensée de Rousseau sur les rapports entre le réel et la fiction est complexe. Il lui arrive, en effet, de donner plus de réalité aux êtres de son imagination qu’à ses contemporains de chair et d’os. Il faut souligner, par exemple, le cas d’Émile, l’homme naturel de son ouvrage sur l’éducation, qu’il fait évoluer, dit-il, en avançant « attiré par l’ordre des choses », ce qui signifie que quoi qu’en disent les lecteurs sceptiques, Émile n’est pas une chimère, car en l’imaginant, Rousseau ne tire que des conséquences des principes découverts dans la nature (O.C., IV, p. 548). Il ajoute également, à propos de ce même livre : « Ce devait être l’histoire de mon espèce : vous qui la dépravez, c’est vous qui faites un roman de mon livre. » (O.C., IV, p. 777.) Or, dans ces cas, le terme fiction s’oppose à la réalité philosophique des principes de l’ordre de la nature, ce qui diffère quelque peu de l’opposition entre un personnage inventé (même selon les principes de la nature) et une personne réelle. D’ailleurs, malgré ce que dit Rousseau de la réalité d’Émile, on note que son histoire a laissé les Parisiennes plus froides que la correspondance de Saint-Preux et de Julie, dans laquelle elles ont cru lire le récit de la propre histoire de Rousseau. (O.C., I, p. 547.) Rousseau n’a certes pas fait de grands efforts pour faire croire à cette supercherie, qu’il n’a pas non plus démentie, mais les lettres envoyées par ses lecteurs montrent qu’ils ont préféré y croire et que leur enthousiasme résulte en grande partie de cette croyance. Pour un compte rendu des réactions à La Nouvelle Héloïse telles qu’elles apparaissent dans la correspondance de Rousseau avec ses lecteurs suite à la parution de cet ouvrage, voir Beaudry, Op. cit., pp. 23-26.

13. O.C., I, p. 5.

14. O.C., IV, p. 573 et p. 599.

15. O.C., I, p. 1026. Jean Deprun explique qu’Helvétius, dans De l’Esprit, attribue cette phrase à Fontenelle, bien qu’on ne l’ait retrouvée dans aucun des écrits de cet auteur. Rousseau en a donc probablement pris connaissance dans l’ouvrage d’Helvétius, qu’il critique dans Notes sur « De l’Esprit » d’Helvétius (O.C., IV, p. 1126). Voir, à ce sujet, l’article de Deprun, « Fontenelle, Helvétius, Rousseau et la casuistique du mensonge », Actes du colloque Fontenelle, Rouen, Presses Universitaires de France, 1989, pp. 423-424.

16. O.C., I, p. 1026.

17. O.C., I, p. 1026.

18. O. C., I, p. 1035.

19. Charles Taylor, Grandeur et misère de la modernité, trad. Charlotte Melançon, Montréal, Bellarmin, 1992, pp. 39-43.

20. Ibid., p. 44.

21. Selon Pufendorf et Burlamaqui, dont les réflexions, d’ailleurs abondamment citées dans l’article « Conscience » du Dictionnaire de Trévoux (Antoine Furetière et Abbé Brillant, Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé Dictionnaire de Trévoux, tome II, Paris, Compagnie des libraires associés, 1771, p. 819), sont une référence majeure en la matière dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la conscience n’est autre que la raison elle-même, en tant qu’elle est instruite de la loi naturelle. Cette nécessité d’informer la raison de la règle qu’il convient de suivre avant de pouvoir l’utiliser comme guide fait en sorte que l’homme est tenu d’écouter la voix de sa conscience avec méfiance, quitte à remettre son jugement dans les mains d’un casuiste. Pour un développement sur l’opposition de Rousseau aux théories des jurisconsultes au sujet de la conscience, voir Robert Derathé, Le rationalisme de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Presses Universitaires de France, 1948, pp. 75-106.

22. Taylor, Op. cit., pp. 26-27. Parmi ceux qu’il appelle les « détracteurs » (ou critiques) de la modernité, Taylor identifie Allan Bloom, Daniel Bell, Christopher Lash et Gilles Lipovetsky (pp. 24-25). Taylor ne donne pas d’exemple de défenseurs de cette position sur le plan moral, car le caractère autoréfutant de cette attitude morale incite ses défenseurs à éviter d’expliciter les bases théoriques de leur position, de sorte que « l’idéal sombre au niveau d’un axiome, qu’on ne conteste pas mais qu’on ne formule jamais non plus de façon explicite ». Taylor mentionne toutefois que les adeptes de la culture de l’épanouissement défendent en général un certain « libéralisme de la neutralité » sur le plan politique, dont l’un des principaux postulats est « qu’une société libérale reste neutre sur les questions qui concernent la nature de la bonne vie ». Il nomme ainsi John Rawls, Ronald Dworkin et Will Kymlicka au nombre de ceux qui soutiennent le libéralisme de la neutralité en philosophie politique. (Ibid., pp. 30-31.)

23. Ibid., p. 27.

24. Ibid., p. 36.

25. Ibid., p. 53.

26. Ibid., p. 55.

27. O.C., I, p. 5.

28. Benjamin Constant, Adolphe, Paris, Garnier-Flammarion, 1965, p. 182. Critique de la déresponsabilisation qui découle de l’examen complaisant de soi dans la littérature, Constant n’en est pas moins l’auteur de l’Adolphe, un roman à la première personne visant non pas à dénoncer les dangers sociaux ou moraux (au sens traditionnel) des liaisons extra-maritales, mais à en décrire les dangers pour le cœur (pp. 38-39). Il se trouve donc à la fois tributaire, par la forme de son écrit, et critique, par son retour réflexif sur son ouvrage, du mouvement littéraire et moral dont Rousseau fut l’un des plus importants initiateurs.


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