FACOLTÀ DI LINGUE E LETTERATURE STRANIERE
UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DELLA TUSCIA
VITERBO
Dialoghi
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FACOLTÀ DI LINGUE E LETTERATURE STRANIERE
UNIVERSITÀ DEGLI STUDI DELLA TUSCIA
Jean Starobinski
La devise de Rousseau
Nadia Boccara
Il giuoco del rovesciamento:
Starobinski tra Montaigne e Rousseau
Presentazione di Gaetano Platania
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ARCHIVIO GUIDO IZZI© 2001 Archivio Guido Izzi s.r.l. - Via Ottorino Lazzarini, 19 - 00136 Roma
Tel. (06) 39735580 - Fax (06) 39734433
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INDICE
Presentazione di Gaetano Platania .......................................... pag. 7
J EAN S TAROBINSKI
La devise de Rousseau............................................................. » 9
N ADIA B OCCARA
Il giuoco del rovesciamento: Starobinski tra Montaigne
e Rousseau .............................................................................. » 61
Indice dei nomi ........................................................................ » 113
PRESENTAZIONE
Vorrei per prima cosa ringraziare ancora il Prof. Jean Starobinski per aver accettato l’invito a partecipare alla
giornata internazionale di studio dedicata a Jean-Jacques Rousseau, che si è svolta a Viterbo nell’aprile 1999.
Oggi presento la pubblicazione a stampa della lecture del nostro illustre ospite nella Collana ‘Dialoghi’, che
raccoglie i testi di conferenze e di seminari tenuti presso la nostra Facoltà da studiosi italiani e stranieri di
particolare rinomanza e qualificazione scientifica. Questa collana, come ha ricordato il Magnifico Rettore Prof.
Marco Mancini nel volume inaugurale, è nata per assolvere a due funzioni: l’una propriamente didattica, l’altra di
formazione scientifica 1. Infatti i testi sono rivolti agli studenti viterbesi, ma non solo. Un materiale di un
seminario di così alto livello non poteva essere fruito solo in quella giornata di studio. Era necessario far circolare
il testo a stampa della conferenza, accompagnato dal saggio illustrativo redatto dalla Prof.ssa Nadia Boccara, che
ha curato l’organizzazione scientifica di questo incontro.
Ecco quindi che la Facoltà di Lingue presenta questo nuovo strumento, utile ai colleghi, agli studiosi e agli
studenti interessati alle tematiche delle lingue, delle filosofie e delle civiltà europee, che è un nucleo di ricerca
delle didattiche da noi proposto.
Gaetano Platania
1 Così afferma Marco Mancini, già Preside della Facoltà e attuale Rettore nella Prefazione a S TEVEN E. A SCHHEIM ,
Brothers and Strangers (con un saggio di M. Ferrari Zumbini), Roma, Archivio Guido Izzi, 1998, p. 7.
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J EAN S TAROBINSKI
LA DEVISE DE ROUSSEAU
LA DEVISE DE ROUSSEAU
Véritables causes
Dans une longue note de la Lettre à d’Alembert (1758), Rousseau annonce qu’il a pris pour devise Vitam
impendere vero 1. Cette annonce s’accompagne solennellement d’une apostrophe aux lecteurs et d’une invocation
à la vérité: «Lecteurs, je puis me tromper sur moi-même, mais non pas vous tromper volontairement; craignez mes
erreurs et non ma mauvaise foi. L’amour du bien public est la seule passion qui me fait parler au public, je sais
alors m’oublier moi-même. [...] Sainte et pure vérité à qui j’ai consacré ma vie, non jamais mes passions ne
souilleront le sincére amour que j’ai pour toi, l’intérest ni la crainte ne sauroient altérer l’hommage que j’aime à
t’offrir et ma plume ne ne te refusera jamais rien que ce qu’elle craint d’accorder à la vengeance 2!» C’est la
formule d’un serment. L’allégeance à la seule vérité est un réconfort que trouve Rousseau au moment où il se
brouille avec Diderot et où il se convainc qu’il doit apprendre à vivre sans amis. La vérité que Rousseau veut
servir, à ce moment, est celle qui contribue au «bien public», c’est-à-dire à tous les individus. A partir de la
publication de l’ Emile et du Contrat social , en 1762, et sans que Rousseau renie le but d’utilité qui animait son
«système», sa profession de vérité se donnera toujours davantage le moi pour objet.
On sait comme il insiste, au début des Confessions :
«Voici le seul portrait d’homme, peint exactement d’après nature et dans toute sa vérité [...] Je veux montrer à
mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi 3 ».
L’autobiographie est un récit. Rousseau le développe jusque dans le fin détail de ses actions, afin de rendre
sensibles leurs plus profonds motifs. Ces actions furent sans doute «bizarres», mais elles n’ont jamais eu la
malignité pour principe. Le plaisir de raconter, et de multiplier les images du passé, est évident, et ce plaisir se
double d’une certitude apaisante: plus complet sera le récit, et mieux il apparaîtra que Jean-Jacques n’a jamais
pensé à mal, contrairement à la calomnie qu’il sent peser sur lui. Puisqu’il se sent innocent, il est dans son intérêt
de tout dévoiler.
Les quatre Lettres adressées à Malesherbes au début de 1762 , premier grand texte autobiographique, sont un
exposé des «motifs» de la conduite de Rousseau. Il a pris la plume, assure-t-il dans la première de ces lettres, afin
d’éclairer son correspondant, qui à l’instar de tous ceux qui «interprètent ses actions», se méprend sur ces motifs.
La rectification porte d’abord sur la «véritable cause» du choix de la solitude. La vraie cause n’était ni la
mélancolie, ni la vanité déçue, mais «un amour naturel pour la solitude» 4. Quant à l’«invincible dégoût [...]» qu’il
a «toujours éprouvé dans le commerce des hommes», Rousseau déclare s’être «longtemps [...] abusé» lui-même
«sur [sa] cause». Il découvre tardivement qu’il lui venait de «cet indomptable esprit de liberté que rien n’a pu
vaincre 5». Longtemps, il ne l’a pas su lui-même. Il lui aura fallu s’appliquer à mieux lire en lui-même, ce qui veut
dire que le «dictionnaire» personnel est en perpétuelle révision 6.
4
Il existe donc, de l’aveu de Rousseau, des motifs intérieurs qui lui sont immédiatement perceptibles, et d’autres
qui le sont beaucoup moins, et qui réclament davantage d’attention. Quand il écrit, au début des Confessions, «Je
sens mon cœur [...]», il se prévaut d’une certitude immédiate qui ne semble pas appeler l’effort d’un difficile
déchiffrement. La tâche, en principe, n’est alors que de fixer par l’écriture tout ce qui s’impose à la conscience,
qu’il s’agisse d’images remémorées ou de sentiments actuels. Mais mainte page des Confessions , puis des
Rêveries , atteste que l’assignation de ses actions à leur «vraie cause» a pu demeurer pour Rousseau, non seulement
un problème, mais un devoir qu’il croyait n’avoir pas suffisamment rempli. C’est ainsi qu’au fil des Dialogues , les
deux personnages mis en scène — Rousseau, le Français — s’efforcent de déchiffrer le «mystère impénétrable» de
la persécution, et conviennent de rechercher, comme à tâtons, le vrai Jean-Jacques. Le personnage qui porte le
nom de Rousseau prend la résolution de rendre visite à Jean-Jacques, pour «le pénétrer s’il était possible en-
dedans de lui-même 7». Le Français, de son côté, lira les ouvrages de Rousseau. Nous avons affaire, certes, à un
procédé d’exposition. Il débattront ensuite, dans le Troisième Dialogue, de leurs découvertes respectives.
Combien révélatrice, toutefois, cette mise à distance, qui ne permet de saisir le vrai Jean-Jacques et ses «vrais
motifs» qu’au prix d’une double et patiente approche externe. Il y a beaucoup de chemin à faire jusqu’à
l’assurance du vrai.
Tout au contraire de la mise à distance qui est le postulat formel des Dialogues , les Rêveries revendiquent
l’extrême proximité, le renoncement à tout rapport avec un hypothétique lecteur. Elles se veulent monologue
absolu, en prétendant même exclure tout lecteur. Le programme des Rêveries , on le sait, n’est que partiellement
celui d’une immédiate transcription du vagabondage de la pensée. Le projet est aussi de compléter, pour soi seul,
un examen demeuré inachevé, afin de mettre en plein jour ce qui serait encore caché. Les Rêveries ne sont pas des
abandons rêveurs. Chacune retrace le travail d’une libération de l’angoisse, tandis que se renouvellent les
prétextes d’angoisse. Dans le projet obstiné de trouver le dédommagement de ses malheurs, Rousseau poursuit le
déchiffrement de soi pour trouver un abri intérieur contre l’hostilité universelle. La part de la rêverie euphorique
est restreinte, mais ces moments extatiques, par contraste sont d’autant plus intenses 8.
Qu’on relise la Première Promenade, où Rousseau expose le projet de s’examiner et de «réfléchir sur [ses]
dispositions intérieures», en appliquant «le baromètre à [son] âme». On voit se marquer deux plans distincts. Le
premier est celui de l’âme soumise à ses variations affectives imprévisibles. Le second est celui de l’observateur
qui lit au baromètre les variations atmosphériques. Cet observateur se veut précis et clairvoyant. L’image du
baromètre n’implique pas seulement (comme l’a montré Marcel Raymond 9) une perception météorologique du
monde intérieur livré aux sautes subites de l’humeur, mais elle exprime l’utopie d’une traduction chiffrée ,
millimétrée, des changements passionnels. Le sujet observateur se fait un autre pour lui-même. Trop distant pour
n’être pas traître à lui-même, trop proche pour n’être pas complice. Quand on applique le baromètre à son âme, la
métaphore et la structure grammaticale font intervenir une relation instrumentale entre le moi sujet observateur et
le moi objet de l’observation. C’est le paradoxe de l’introspection, qui n’ouvre l’espace intime qu’au prix d’une
scission. L’examinateur de soi-même doit se transporter d’un plan à l’autre, par des moyens surpassant en
précision ceux qu’offre un dictionnaire qui permet de passer d’un terme à sa définition dans la même langue, ou à
son homologue dans une langue étrangère. Rousseau, par cet effort tout artificiel, espère acquérir «une nouvelle
connaissance de [son] naturel 10».
5
L’innocence de la nature
Discerner des causes, des motifs, des dispositions, dans le secret des âmes c’est ce qu’avaient fait les moralistes
du siècle précédent, instruits par la doctrine philosophique des passions, et par la morale enseignée par l’Eglise,
qui se voulait fidèle à l’enseignement d’Augustin. Leur méthode constante était d’opposer l’être et le paraître pour
faire tomber les masques de l’apparence. Ils s’appliquaient, le plus souvent, à dénoncer les fausses vertus, le faux
éclat, pour mettre à découvert les «ressorts» qui ont «véritablement» déterminé une action, ou les «fins» que celle-
ci a recherchées. «Il importe au premier chef», écrit Augustin, «de savoir par quelle cause, pour quel but et avec
quelle intention on agit 11». Cette interrogation morale, nous le verrons, ressemble à celle qu’avait de longue date
recommandée la rhétorique judiciaire.
La Rochefoucauld et ses amis décèlent, au fond des cœurs, la puissance dominante de l’amour-propre: ils y
voient la cause des causes, qui s’active inlassablement. C’est par lui que nous agissons. C’est lui qui nous inspire
nos motifs, c’est-à-dire les satisfactions pour lesquelles nous formons nos entreprises. Comme Pascal et ses amis
de Port-Royal, ils se font les accusateurs des intentions et des désirs dont nous sommes les marionnettes. Ce qui
est honorable selon les règles et les conventions du «monde» s’inverse en péché selon les vérités révélées, qui
enseignent que la nature humaine est blessée, parce qu’elle est marquée par l’héritage de la désobéissance
d’Adam. Sur le théâtre mondain s’étalent des gloires et des prestiges, qui perdent tout leur éclat au regard de la foi.
Cette confrontation est un acte d’interprétation, qui lit selon les lumières de l’ordre surnaturel les réalités de
l’ordre profane. A écouter les soupçons des moralistes religieux (ou des laïcs qui leur font écho), l’intérêt propre
qui nous meut n’a jamais le front de s’exprimer directement: il ruse, il se déguise, il use de mensonge pour se
rendre acceptable. Il utilise les voies détournées, comme le symptôme dans la théorie freudienne. Le désir
possessif qui nous habite ne lâche pas prise, mais change de langage en trompant jusqu’à notre propre conscience.
La perspicacité du moraliste observateur se signale en procédant à une opération de discernement de la cause
cachée. Pour recourir à une formule simple, cette opération devrait être désignée comme une rétroversion causale .
Quelle grille de lecture la pensée des moralistes chrétiens a-t-elle appliquée aux conduites apparentes, pour les
expliquer par leurs mobiles premiers? Leur méthode consiste à essentialiser une “intention” ou une “disposition”
première, en lui donnant un statut d’être quasi autonome. La cible qu’ils veulent atteindre est le désir originel,
générateur de toutes les passions ultérieures. Ils dénoncent une appétition dont tous les vices et toutes les
apparentes vertus des hommes sont le visage modifié. Cette affection, dans le langage des théologiens français qui
se réclament d’Augustin, porte le nom de concupiscence, en laquelle la créature, se détachant de son Créateur, se
préfère elle-même. Selon ces écrivains, la créature a été, dès l’instant du premier péché, la proie de la triple libido
libido sentiendi , libido sciendi , libido dominandi 12. Les moralistes y renvoient, dans chaque cas d’espèce, en
faisant intervenir des opérateurs explicatifs et réducteurs (adverbes ou locutions conjonctives) tels que: n’est que ,
ou parce que . «Nos vertus ne sont la plupart du temps que des vices déguisés»; «l’amitié la plus sainte et la plus
sincère n’est qu ’un trafic [...]» (La Rochefoucauld). Cette opération linguistique établit non seulement une
antériorité, mais produit une “profondeur”, une “intériorité”. Notre regard est ainsi renvoyé vers une réalité qui
précède les apparences et qui persiste en secret, en dépit des simulacres qui s’appliquent à la nier.
6
Pour accuser les vices de la société, nous le savons, Rousseau a utilisé les arguments de la critique religieuse
du cœur humain. Avec un correctif d’importance: l’amour-propre n’est pas inné, il s’est introduit au cours de
l’histoire du genre humain, du fait de la socialisation d’une humanité d’abord éparse. L’amour de soi, parfaitement
innocent, est son précurseur naturel. C’est sur cette considération “généalogique” et sur cette grande distinction
qualitative que Rousseau fait reposer presque toute sa philosophie de l’histoire: l’amour-propre, auquel peuvent
être imputés tous les vices de l’homme social, est une modification — une altération et un fourvoiement — du
premier amour de soi, présent dans l’homme de la nature, et proche de l’instinct de conservation commun à tous
les animaux. Dans ses écrits de doctrine, Rousseau a combattu expressément le dogme du péché originel. Dès lors,
la responsabilité du mal ne pèse plus sur la nature humaine originelle, mais sur les hommes tels qu’ils se sont faits.
Rousseau se refuse donc à inscrire au tréfonds de la nature humaine la coupable libido condamnée par les
moralistes chrétiens. Sortant «des mains de la nature», l’homme est «naturellement bon». Et quelque chose de
cette primitive innocence persiste chez ceux qui sauraient (comme Rousseau en revendique pour lui-même le
privilège) consulter leur conscience. La psychologie d’inspiration augustinienne devinait les ruses de l’amour-
propre derrière les apparentes vertus humaines, et retraduisait les vertus en vices dissimulés. Rousseau en
revanche se donne, face au mal, la ressource d’en faire peser la responsabilité sur la société, tout en absolvant
certains présumés coupables (et d’abord lui-même) en remontant à une bonté native. Cette doctrine autorise
quiconque n’aura pas été profondément défiguré par la vie sociale, donc Jean-Jacques au premier chef, à
retraduire toute défaillance coupable en sorte qu’elle se réduise à une innocence malavisée, à une bonté entravée.
Quand Rousseau déclare chercher refuge en son «cœur» et en ses sentiments «primitifs», c’est pour n’y trouver
plus trace du mal auquel la vie sociale peut l’avoir entraîné. Il assure hardiment qu’il n’y eut jamais d’homme
meilleur que lui. Henri Gouhier a montré de façon convaincante comment Rousseau a substitué la “nature” à la
“grâce”. En se définissant lui-même comme l’«homme de la nature», Rousseau cherche à garder ouverte une voie
qui ramène à une origine limpide, c’est-à-dire à la possibilité d’annuler la culpabilité et de se donner pour patrie
un monde inaltéré 13.
L’affaire du ruban volé et l’éloquence judiciaire
Dans un épisode célèbre des Confessions, Rousseau s’inculpe et s’exculpe successivement. C’est l’histoire du
ruban volé, puis de l’accusation mensongère d’une servante, dans la maison où il fut laquais à Turin aussitôt après
sa conversion (Livre II). La réflexion sur la vérité et le mensonge développée dans la Quatrième Promenade
reviendra à nouveau sur cette faute de la dix-septième année. Les deux évocations de ces événements nous
montrent de quelle façon Rousseau a pratiqué la rétroversion causale, c’est-à-dire la manière dont il a retraduit un
moment de sa propre histoire sur lequel il sent peser l’accusation du «crime».
7
Rappelons à grands traits cet épisode. Dans le désordre qui suit la mort de madame de Vercellis, Jean-Jacques a
volé un ruban perdu par Mademoiselle Pontal, la femme de chambre de la défunte. La tentation, initialement, est la
seule cause alléguée pour ce vol, comme s’il ne s’était agi que d’une compulsion égocentrique: «Ce ruban seul me
tenta, je le volai [...]». Le vol ayant été aisément constaté, Rousseau comparaît devant un tribunal domestique. Il
nie le vol et charge Marion, une jeune servante qui ne lui est pas indifférente: «Je dis en rougissant que c’est
Marion qui me l’a donné». Pis que cela, il reste insensible aux reproches de la jeune fille. Il persévère dans son
mensonge «avec une impudence infernale». Marion et Jean-Jacques sont tous deux renvoyés: «les préjugés étaient
pour moi» 14. Cette fausse accusation est donc un «crime», un «forfait»: c’est en ces termes que le texte des
Confessions en fait l’aveu. Car pour Marion, renvoyée et ne trouvant plus à «se bien placer», les «suites» de
l’accusation mensongère (suppose Rousseau) ont sans doute été terribles. «Qui sait, à son âge, où le
découragement de l’innocence avilie a pu la porter».
A examiner attentivement les pages qui relatent le mensonge et ses suites, l’on se persuade de leur conformité à
un modèle. Ce modèle n’est autre que celui que recommande à l’orateur la rhétorique judiciaire classique 15.
Rousseau, devant lui-même, comparaît à nouveau pour l’affaire si mal jugée au tribunal domestique de la maison
de Vercellis. Nous assistons à un procès à distance que l’autobiographe s’intente à lui-même, et où le crime dont il
s’accuse est moins le vol du ruban que l’accusation calomnieuse dont il s’est rendu coupable. Il engage donc,
contre lui-même, une action en révision du procès tenu quarante ans auparavant, et où il s’était obstiné à nier sa
culpabilité. Le Jean-Jacques d’autrefois, qui avait alors bénéficié du doute quant au vol, est mis en accusation par
Rousseau sur le chef de son mensonge calomniant Marion. Il plaide selon les règles. Il reconnaît sa faute. C’était
bien lui le coupable. Mais il évoque ensuite une série de circonstances, qui font que sa faute était moindre que
celle qu’il a commencé par se reprocher. Et en fin de compte, le Rousseau qui tient la plume acquitte Jean-Jacques
adolescent: «Quelque grande qu’ait été mon offense envers [Marion], je crains peu d’en emporter la coulpe avec
moi». Le mot «coulpe» appartient au vocabulaire religieux, et, nous le savons, c’est bien dans la certitude d’une
indulgence du tribunal céleste que Rousseau termine l’examen de son «crime» 16. N’aurait-ce été qu’une
peccadille?
En quoi la structure du texte est-elle conforme aux prescriptions des anciens maîtres de l’art? Au premier chef,
par l’ordre de ses parties, par sa composition, par sa disposition . L’on voit se succéder plusieurs parties distinctes.
Un exorde définit sommairement le cas: un «crime» et ses «suites» accablantes pour la cons- cience de Jean-
Jacques. Puis une narration expose le détail des événements (répondant aux questions ubi , quando ). Après quoi
intervient une argumentation , qui évalue soigneusement les faits livrés par la narration. L’on aboutit enfin à une
péroraison , où la sentence requise est formulée 17.
8
Dans le développement narratif, Rousseau évoque des faits accablants, en assumant tous les reproches que
pourrait lui adresser un avocat de l’accusation. Les faits sont racontés et interprétés comme sous l’œil du témoin
non prévenu. La narration ne s’arrête pas à la scène de Turin. Elle se poursuit par l’histoire des reproches que
Rousseau, par la suite, n’a cessé de s’adresser à lui-même. Plusieurs éléments de la narration accusatrice pourront
ainsi être réemployés au moment de l’argumentation défensive. L’évocation d’une «impression terrible» laissée
par «le seul» «crime» qu’il ait commis, facilitera l’excuse de la faute. Comme comptera aussi la mise en évidence
de l’héroïsme de la confession. Rousseau, qui n’a jamais pu se résoudre au plein aveu de cette «action atroce», en
fait l’un des principaux motifs de la rédaction même des Confessions . Le désir de s’«en délivrer», déclare-t-il, «a
beaucoup contribué à la résolution que j’ai prise d’écrire mes confessions». L’entreprise autobiographique s’en
trouve justifiée. La morale chrétienne, nous le verrons, n’admet pas que l’on parle de soi sans qu’on le doive, sine
debita causa . Il nous est demandé de croire que le livre que nous tenons entre nos mains existe pour cette raison.
Le mot «délivrer», en fin de narration, a une portée très large: il s’agit certes de rompre le secret, mais tout aussi
bien, déjà, de plaider pour la rémission de la faute.
L’argumentation qui suit reprend tous les faits du récit, en les assortissant d’un pourquoi ( cur ) et d’un
comment. Elle travaille à qualifier le délit (à établir sa qualitas , selon les règles de l’art), pour faire adme t re une
diminution de la responsabilité. Rousseau commence par se prévaloir de la résolution qui l’a conduit à cet aveu
terrible: personne ne peut lui reprocher d’avoir pallié la «noirceur» de son «forfait». C’est là un procédé de bonne
méthode. Ainsi le déclare Quintilien (V, 12)18. L’assurance avec laquelle l’on dit «oui, j’ai fait cela» ( ego hoc
feci ) est une preuve par l’affirmation ( probatio ex affirmatione ). La narration tout entière était déjà cette
affirmation du délit. A mesure que se développe la suite de l’argumentation défensive, l’on reconnaîtra les
différents “lieux” prévus par la rhétorique classique. L’on sait que ces “lieux” sont classés en deux catégories par
l’auteur de l’ Institution Oratoire : la personne (persona ) et les choses ( res ). Il faut donner priorité, prescrit
Quintilien, aux preuves tirées de la personne, car elles sont les plus convaincantes (V, 10). «Les preuves que je
regarde comme les plus fortes, sont celles que l’on fonde sur la personne de chacun» ( ex sua cujusque persona , V,
12). Parmi celles-ci figurent l’âge ( aetas ) et les dispositions permanente de l’âme ( animi natura ), ou l’émotion
passagère (qui se nomme commotio , ou temporarium animi motus, telles que la colère ou la peur). Dans le cas de
ces “dispositions intérieures”, la rhétorique classique associe le locus a persona et le locus a causa .
C’est bien ainsi que plaide Rousseau. Non seulement Jean-Jacques était «à peine [...] sorti de l’enfance», mais
de surcroît il était devenu comme étranger à lui-même lorsque qu’il a été confronté en public avec Marion. Ce fut,
selon une expression favorite de Rousseau, l’un de ces moments de «trouble» et d’égarement qu’il a souvent
connus, d’où il lui fallait ensuite «revenir» à soi. Moment d’aliénation, et donc d’irresponsabilité:
«Mais je ne remplirais pas le but de ce livre si je n’exposais en même temps mes dispositions intérieures, et que je
craignisse de m’excuser en ce qui est conforme à la vérité. Jamais la méchanceté ne fut plus loin de moi que dans ce
cruel moment, et lorsque je chargeai cette malheureuse fille, il est bizarre mais il est vrai que mon amitié pour elle en
fut la cause. Elle était présente à ma pensée, je m’excusai sur le premier objet qui s’offrit. Je l’accusai d’avoir fait ce
que je voulais faire et de m’avoir donné le ruban parce que mon intention était de le lui donner. Quand je la vis
paraître ensuite mon cœur fut déchiré, mais la présence de tant de monde fut plus forte que mon repentir. Je craignais
peu la punition, je ne craignais que la honte; mais je la craignais plus que la mort, plus que le crime, plus que tout au
monde. [...]Je ne voyais que l’horreur d’être reconnu, déclaré publiquement, moi présent, voleur, menteur,
calomniateur. Un trouble universel m’ôtait tout autre sentiment. Si l’on m’eût laissé revenir à moi-même, j’aurais
infailliblement tout déclaré» 19.
9
L’enchaînement argumentatif cherche à rendre évidente, en deçà des divers moments de la conduite manifeste,
la suite de ses motivations latentes. Par quels ressorts le jeune menteur a-t-il été mû? Rousseau s’applique à lui-
même le dictionnaire qu’il invite constamment ses correspondants à mieux apprendre. Tous les termes avancés
dans l’argumentation défensive nient un terme antécédent. Dans la narration, rédigée selon l’ordre des apparences,
Rousseau parle de son «barbare cœur». Dans l’argumentation, en revanche, Rousseau écarte toute méchanceté.
Les vraies causes furent tout autres. «Mon amitié pour elle en fut la cause». La cruauté est imputée au moment, —
à «ce cruel moment».
L’amitié pour Marion a inspiré la pensée du don, mais Jean-Jacques, dans son trouble, a vu double - ou plutôt
il a inversé le geste du don, en prétendant qu’il venu d’elle. Il s’en excuse comme on s’excuse d’un lapsus linguae
20. Le regard rétrospectif sur les “dispositions intérieures” organise la syntaxe de manière étonnamment efficace.
Examinons de plus près ces deux propositions juxtaposées:
«Elle était présente à ma pensée, je m’excusai sur le premier objet qui s’offrit».
Ce sont deux propositions indépendantes et successives, en disposition paratactique. La virgule entre celles-ci
marque la rapidité avec laquelle un sujet principal se substitue à un autre sujet principal. Il ne s’agit toutefois pas,
en l’occurrence, d’une véritable anacoluthe, terme suggéré à ce propos par Paul de Man21. Le mouvement de la
première phrase se fait d’«Elle» à «ma pensée». Le mouvement de la seconde phrase va de «Je» à Marion,
désignée comme «le premier objet qui s’offrit». Le moi, absorbé d’abord à l’intérieur de soi («ma pensée »), puis
tourné vers l’extérieur («sur le premier objet »), est donc en position centrale. D’abord en situation passive et
réceptive, accueillant subjectivement une image féminine; ensuite, dans un rôle actif, formulant une excuse
pointée vers cette «elle», devenue le «premier objet» rencontré au-dehors. Un balancement très exact s’opère
autour du centre subjectif. Rousseau, pour le succès de son argumentation, donne la priorité à «elle», en tant que
sujet de la première phrase et qu’objet de pensée, pour la faire réapparaître en position finale, dans la deuxième
phrase, en tant qu’objet- complément indirect de l’acte d’excuse 22. Le dispositif ici mis en œuvre, dans le groupe
formé par les deux phrases, est commutatif (formant “chiasme”). Dans le rapport entre «elle» et «moi», ce
dispositif fait disparaître tout élément agressif. L’argumentation procède à une redistribution des rôles, comme si
la jeune servante («elle») avait pris l’initiative, mais pour être en retour mise maladroitement en cause par
l’excuse. Dans la phrase suivante, c’est le désir du don qui est allégué. Rousseau a certes menti en prétendant
avoir reçu le ruban, mais à la vérité, prétend-t-il, il voulait le donner. La phrase de Rousseau le dit par des
redoublements et des inversions, comme dans un jeu de miroirs. Relisons-la:
«Je l’accusai d’ avoir fait ce que je voulais faire et de m’avoir donné le ruban parce que mon intention était de le
lui donner ».
10
La phrase est construite en symétries et parallélismes. Le verbe actif «je l’accusai» a pour complément deux
propositions infinitives, la seconde explicitant la première («d’avoir fait»... puis, plus explicitement, «de m’avoir
donné»...). Puis chacun de ces deux verbes-compléments à l’infinitif se répète lui-même en écho («fait» appelant
«voulais faire»; «m’avoir donné» appelant «le lui donner»), à travers un complément ( ce que ) ou une explication
( parce que ) qui fraient le passage pour l’énoncé des vraies intentions de Rousseau. Les deux énoncés parallèles,
au terme de l’enchaînement des compléments et subordonnants, reviennent finalement au Je initial du sujet
accusateur, mais en faisant de lui le Je de l’ intention motivante, antérieure au «forfait»: «ce que je voulais faire»,
et « mon intention était de le lui donner». L’accusation était un acte «infernal». Le don est un acte innocent, et il est
allégué comme le sens originel de toute la scène. De la position initiale à la position finale, le “je” s’est transformé
d’accusateur (de fait) en donateur (par intention). La phrase a opéré une transmutation qualitative en même temps
qu’une régression temporelle. S’il y a eu, malgré tout, fourvoiement de cette bonne intention, Rousseau vient de
nous en donner la raison, qui est de l’ordre du constat. Il n’y entre pas la moindre malice: «Elle était présente à ma
pensée». Marion, «premier objet qui s’offrit», n’a été au fond qu’une circonstance, aussi fortuite que le vol lui-
même. L’accusation fut la traduction malencontreuse du désir de don. A l’heure du nouveau procès qu’il s’intente
à lui-même et du jugement qui se veut définitif, Rousseau retraduit la parole mensongère dans la langue primitive
du sentiment: Marion s’était introduite dans la pensée de Jean-Jacques et il s’est laissé séduire.
Rousseau, au livre premier des Confessions, avait offert une explication de sa propension juvénile à voler. Il en
parlait comme d’une «fantaisie» dont il n’a pu «bien se guérir». Et il en donnait une interprétation qui l’absolvait.
Pour motiver son habitude de «convoiter en silence», pour faire comprendre ses menus vols de friandises et
d’objets (jamais d’argent!), il alléguait sa nature timide, l’entraînement d’un ami, les mauvais traitements de son
maître d’apprentissage, l’interdit frappant l’expression du désir. Par-dessus tout, Rousseau faisait de la frustration
la source de ses convoitises: «Tout [...] ce que je voyais devenait pour mon cœur un objet de convoitise,
uniquement parce que j’étais privé de tout. [...] Rien de ce je convoitais n’était à ma portée en sûreté» 23. Le
sentiment du manque , qui marque le début de la série des vols – «parce que j’étais privé de tout» – ramène la
tentation et le délit à la conséquence d’un tort subi. Et c’est tout juste si les objets volés n’ont pas le tort, eux aussi,
d’être exposés à sa vue et à sa prise.
La justification des premiers vols de l’adolescence vaut pour le ruban de la Pontal, qui est accompagné du
même indice lexical de la «portée»: «Beaucoup d’autres meilleures choses étaient à ma portée ; ce ruban seul me
tenta» 24. Car la frustration joue aussi son rôle dans cette nouvelle histoire de vol. Mademoiselle Pontal est la
nièce des Lorenzy, qui étaient «à la tête de la maison» dans des fonctions d’intendance. Elle a été leur complice
dans l’accaparement des bonnes grâces de Madame de Vercellis mourante. Jean-Jacques n’a plus été admis auprès
de celle-ci. (Déjà une idée de complot!) Et dans son testament, elle a oublié son petit valet. «Je n’eus rien» 25. Il
en a été mortifié. Et le récit du vol succède à celui de la privation. Comme si Jean-Jacques avait voulu se venger
symboliquement, en s’en prenant à une possession de celle qui l’avait prétérité.
L’argumentation invoque ensuite la honte: «L’invincible honte l’emporta sur tout; la honte seule fit mon
impudence». Rousseau connaissait la définition de la «mauvaise honte» d’après le traité de Plutarque, où elle est
nommée en grec dysopia , et où elle est définie comme le contraire de l’impudence. Assumer la honte, plutôt que
l’impudence, et faire porter à la honte la responsabilité de son attitude coupable, c’est là, de la part de Rousseau,
opérer un renversement d’un contraire à l’autre, d’un vice détestable à un défaut excusable, qui découle de la peur
26. Non, il n’accepte pas le reproche d’«impudence infernale» qu’il s’adressait à lui même dans la partie narrative
de son discours!
11
Rousseau connaissait sans nul doute également la définition que les théologiens donnaient de la «mauvaise
honte». On trouve un chapitre à son sujet dans les Instructions théologiques et morales de Pierre Nicole 27. Elle se
définit comme «la crainte des jugements des hommes, d’être condamné par eux, de leur déplaire, d’être l’objet de
leurs railleries. [...] C’est cette mauvaise honte qui empêche de confesser les péchés, et qui y fait trouver tant de
difficultés». Pour Pierre Nicole, il y a trois espèces de passions pécheresses (l’amour du plaisir, l’amour de la
science, l’amour de l’élévation) qui naissent de la concupis- cence, et il y en a trois autres dont la crainte est le
principe et qui peuvent nous retenir sur la voie qui mène à Dieu. La référence à Augustin est très précise: Peccata
duae res faciunt in homine, cupiditas et timor (in Psalmos , 79). La mauvaise honte, qui ne résulte pas de la
concupiscence (ou «mauvais amour») ressemble à la «crainte des maux humains», ou à la «tristesse». Evoquant
toujours saint Augustin, Pierre Nicole admet que certains des péchés inspirés par la crainte soient véniels, et
n’encourent pas les châtiments éternels 28. Pour Rousseau, dans le Discours sur l’Inégalité , dans l’ Emile , la
crainte du jugement d’autrui est un produit de l’inquiet amour-propre, qui supplante l’amour de soi quand
l’homme qui t e l’état de nature. Ainsi la vie en société fomente l’amour-propre, et la faute est désormais
collective. Que ce soit donc selon le code proposé par Plutarque (honte ou impudence), ou selon celui de la morale
d’inspiration augustinienne (crainte ou concupiscence), ou selon la grille de lecture de son propre «système» (vice
social ou, par impossible, méchanceté naturelle), Rousseau opte à tout coup pour l’interprétation la moins sévère
de sa faute juvénile, et ramène à un moindre mal la «vraie cause» de son ancien méfait. La traduction travaille au
profit de la trans-parence, non de la noirceur.
Ainsi la relative banalité des sentiments que Rousseau substitue aux présomptions aggravantes décolore
l’«action atroce» qu’il vient d’avouer. La démarche de l’excuse consiste à remonter à l’antécédent psychique,
jusqu’à buter, au dernier cran, sur une détresse enfantine, telle l’«horreur d’être reconnu». Le mal commis ne fut
pas une «véritable noirceur», mais une «faiblesse». La formule réductrice et minimisante ne ... que si souvent
employée à charge par les moralistes, fonctionne ici comme formule d’exculpation. «Dans la jeunesse les
véritables noirceurs sont encore plus criminelles encore que dans l’age mûr; mais ce qui n ’est que faiblesse l’est
beaucoup moins, et ma faute au fond n ’était guère autre chose». Ainsi relue et traduite dans le langage des
intentions et des sentiments «intérieurs», la faute de Rousseau est considérablement réduite. Les sentiments par
lesquels, les motifs pour lesquels il a menti et persisté dans son mensonge sont peut-être bizarres, mais n’ont plus
rien d’«infernal» ni de monstrueux. C’est le cas, selon la casuistique thomiste, où l’accusateur peut recevoir le
pardon de l’accusé, lorsque le faux témoignage résulte non d’une volonté de calomnier, mais de légèreté.
«L’accusé, s’il est innocent, peut pardonner le tort qui lui a été fait, surtout s’il a été calomnié non de façon
calomnieuse, mais par légèreté d’âme. Accusatus, si innocens fuerit, potest injuriam suam remittere, maxime si
non calumniose accusavit, sed ex animi levitate » 29.
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Rousseau nous fait savoir qu’il aurait pu agir différemment si les circonstances avaient été différentes. Il s’agit
alors d’une argumentation qui, selon le code oratoire, invoque les “choses” ( argumentatio a rebus) . Parmi les
multiples considérants que peut invoquer ce type d’argumentation, figurent le lieu et le moment ( ubi , quando ), et
plus largement la circonstance ( peristasis , circumstantia ) 30. Rousseau ne les oublie pas. On a fait comparaître
Jean-Jacques devant une «assemblée [...] nombreuse». Il a été impressionné par «la présence de tant de monde».
N’a-t-il pas ainsi été contraint à faillir? Rousseau, nous l’avons vu, déclare avec assurance: « Si l’on m’eût laissé
revenir à moi-même, j’aurais infailliblement tout déclaré». De la sorte, un nouveau si , une nouvelle proposition
hypothétique évoque d’autres circonstances, où l’attitude du juge domestique, plus confidentielle, lui aurait fait
abandonner ses accusations. Rousseau recompose imaginairement une autre scène, où d’autres paroles lui auraient
été dites, et où un autre lui-même aurait avoué son larcin. Ce sont là des hypothèses impossibles, du même ordre
que celles du regret mélancolique, qui s’exaspère de ne pouvoir rendre réversible le fait accompli:
«Si M. de la Roque m’eût pris à part, qu’il m’eût dit: ne perdez pas cette pauvre fille. Si vous êtes coupable
avouez-le moi; je me serais jetté à ses pieds dans l’instant; j’en suis parfaitement sûr. Mais on ne fit que m’intimider
quand il fallait me donner du courage».
Voici donc une part de culpabilité renvoyée sur le juge lui-même, et sur un on extérieur. Jean-Jacques a été
intimidé, c’est-à-dire victime de la peur, au sens fort qu’a le verbe «intimider» au dix-huitième siècle. L’on voit
alors combien l’argumentaion par les choses est étroitement liée à l’argumentation par la personne et par ses
émotions ( commotio , temporarium animi motus ). La honte, plus haut dans le texte, était déjà accompagnée
d’«effroi» et d’«horreur». Peu à peu, Rousseau a ainsi désarmé l’accusation d’effronterie et d’audace dans la
méchanceté dont il s’était fait le porte-parole dans la narration précédente, jusqu’à se présenter comme un démon
face à un ange qu’il calomnie.
Dernier argument: cette faute a eu assurément des suites que Jean-Jacques n’a pu prévoir sur le moment 31. Il
s’en est affligé, moins à cause du «mal en lui-même» que du mal «qu’il dû causer» dans la destinée de Marion.
Mais ne fut-ce pas aussi une heureuse faute? Felix culpa . Le mal, ayant provoqué la douleur morale, se renverse
en bien. Son souvenir, assure Rousseau, «m’a même fait ce bien de me garantir pour le reste de ma vie de tout acte
tendant au crime par l’impression terrible qui m’est restée du seul que j’aie commis, et je crois sentir que mon
aversion pour le mensonge me vient en grande partie du regret d’en avoir pu faire un aussi noir» 32. Ce ne sont
plus maintenant les sentiments antérieurs à la faute qui sont mis en évidence, mais les effets consécutifs, lesquels
sont finalement des bienfaits.
On peut considérer comme une péroraison les trois phrases finales. Une grande période, suivie de deux
déclarations conclusives:
«Si c’est un crime qui puisse être expié, comme j’ose le croire, il doit l’être par tant de malheurs dont la fin de ma
vie est accablée, par quarante ans de droiture et d’honneur dans des occasions difficiles, et la pauvre Marion trouve
tant de vengeurs en ce monde, que quelque grande qu’ait été mon offense envers elle, je crains peu d’en emporter la
coulpe avec moi. Voilà ce que j’avais à dire sur cet article. Qu’il me soit permis de n’en reparler jamais».
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L’enthymème final, le syllogisme irrégulier, dans une phrase admirablement articulée, commencent par une
hypothétique (qui appelle une réponse affirmative), et se termine par une consécutive. La motivation ayant été
éclairée, le péché peut être considéré comme «expiable» (donc relativement véniel), et le narrateur peut se tourner
avec confiance vers le monde à venir. Ses malheurs n’ont pas été moindres que l’offense faite à Marion. Il y a eu
compensation. A quarante ans de distance, sans absoudre le Jean-Jacques d’autrefois, l’auteur des Confessions se
déclare quitte: sa bonne conduite ultérieure et ses «malheurs» sont les indices d’une suffisante attrition.
«Expiation», souffrances subies «en ce monde», «coulpe»: la péroraison s’inscrit dans le registre religieux. Il n’a
certes pas réparé le tort fait à Marion, mais il est en règle avec sa propre culpabilité.
Telle est l’interprétation proposée par Rousseau. Elle repose sur des événements sur lesquels il est notre seule
source d’information. Il est fréquent, aujourd’hui de tenir pour “réels” les événements tels qu’ils sont narrés, et de
contester l’interprétation qu’en donne l’auteur, afin d’en suggérer une lecture plus convaincante. L’attitude la plus
radicale, que nous avons adoptée, consiste à considérer le récit des événements et l’interprétation offerte par
Rousseau comme un tout indissociable: création littéraire sur un souvenir désormais inaccessible à toute
vérification. Nous ne cherchons pas à l’acte de Rousseau d’autres mobiles que ceux qu’il déclare. Si l’historien
tient pour suspect l’autocommentaire psychologique construit par Rousseau, libre à lui de construire un
métacommentaire, d’après une grille de lecture différente, notamment celle que fournit aujourd’hui la
psychanalyse. Le résultat ne pourra jamais être confirmé, en l’absence de nouveaux recoupements documentaires,
ou d’autres détails livrés par le principal intéressé et restés inconnus. Le métacommentaire psychologique peut se
diversifier et se multiplier à l’infini, sans rencontrer de résistance. Les relectures des «vrais motifs» sont
entièrement suspendues aux faits et aux explications que Rousseau a jugé bon de livrer à la postérité. Il y a là tout
à la fois une exposition et un retrait insurmontables. L’écrivain, faisant désormais silence, demeure le maître du
jeu, quoique livré aux ménades qui le déchirent. Sur les «vrais sentiments» d’un auteur du passé qui a prétendu les
avoir vérifiquement livrés, tout peut se dire parce que rien ne peut être atteint 33. Quand on spécule sur les forces
inconscientes qui auraient pu mener le jeu au moment de l’événement, ou celles qui étaient à l’ouvrage au moment
de la rédaction tardive de l’histoire de la faute, l’on reste tributaire du texte existant. Le code interprétatif à travers
lequel on le déchiffre lui apporte le complément causal qui s’ajuste à lui. Un système de nécessités (de conditions
nécessaires) est ainsi supputé, avec un sérieux qui ne tient pas compte de la contingence du texte. La seule
ressource consiste à accepter le texte tel qu’il se présente, tel que nous l’avons choisi, et à tenter de le comprendre
indépendamment des motifs non-avoués qui le précéderaient. A la place de ces motifs, notre attention a assez à
faire avec les relations internes de ce texte, avec les liens qu’il établit avec les autres parties de l’œuvre de l’auteur,
avec le rapport explicite ou implicite qu’il établit avec le monde extérieur. Sur le vol du ruban et sur le mensonge
consécutif, on peut imaginer diverses propositions interprétatives, toutes difficiles tant à prouver qu’à réfuter. Si
l’on rejette les deux versions proposées tour à tour par Rousseau — simple tentation aussitôt satisfaite, ou désir de
cadeau pour Marion — le choix est large, maintenant que la psychanalyse a perfectionné le code des variantes de
la libido: trouble causé par le sentiment du deuil, compensation des plus anciennes frustrations affectives,
fétichisme (le ruban devenant objet substitutif), désir de voir les femmes prendre les devants dans la relation
amoureuse, difficulté à établir avec les femmes un rapport réel, non inhibé par les fantasmes sado-masochistes.
Personne ne saura jamais si le souvenir de la servante Marion n’était pas sous-jacent lors de la rencontre de la
lingère Thérèse Levasseur? Marion chasséee, prostituée, a-t-elle été, dans la pensée de Rousseau, la victime
persécutrice, l’Erinnye attisant la longue suite des remords et des tourments 34? Il nous demande de le croire dans
cette page des Confessions , tout en nous demandant de croire aussi qu’il a payé son dû pour cette faute.
Vérité et mensonge: Grotius, Pufendorf, Augustin
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A la fin du deuxième Livre des Confessions , Rousseau requiert la permission de ne plus jamais reparler de son
«crime» de Turin. Cette résolution, il ne la tiendra pas. Car il revient au souvenir de Marion, dès le début de la
Quatrième Promenade, pour ouvrir le long examen qu’il consacre aux définitions de la vérité et du mensonge afin
de se mieux juger lui-même. Il a retrouvé, dans ses papiers, l’allusion d’un correspondant à sa devise: Vitam
impendere vero 35. Cette allusion, Rousseau la soupçonne d’être ironique. Son esprit se met à travailler. Et il
renouvelle, en guise de post-scriptum aux Confessions , l’explication de sa faute par ses «dispositions intérieures».
Cette fois, comme il récuse tout destinataire externe, et qu’il prétend ne délibérer qu’en tête-à-tête avec lui-même,
il n’adopte plus la ressource de l’éloquence judiciaire et il ne prend plus le lecteur à témoin: le travail d’écriture
développe patiemment toute une casuistique générale sur la parole vraie et sur le devoir de vérité. Pour sa défense,
Rousseau avance toujours les mêmes arguments, moraux et “psychologiques”, mais dans une tout autre
organisation textuelle. Il n’a eu aucune «intention de nuire» à Marion. Son mensonge fut un «délire», qui résulta
de son «naturel timide» et de la «mauvaise honte». Le sentiment par lequel sa conduite si singulière a été mue
n’avait donc rien de coupable en lui-même, et de surcroît son acte lui a laissé d’«inextinguibles regrets». Il a pu
mentir encore en d’autres circonstances, mais ce ne fut «ni par intérêt ni par amour-propre, encore moins par
envie ou par malignité: mais uniquement par embarras et mauvaise honte» (p. 1034). Les ressorts par lesques ses
mensonges se sont produits ne furent jamais des vices substantiels. L’«embarras» est ce qui le contraignait, en
société, à «parler avant de penser», à dire «des inepties que [son] cœur désavouait à mesure qu’elles échappaient»
(p. 1033). Comme lorsqu’il argumentait dans les Confessions au sujet de circonstances de son «crime» envers
Marion, l’étiologie qu’il propose n’est pas un vice attaché à sa «nature», mais un manque de force: «Jamais la
fausseté ne dicta mes mensonges, ils sont tous venus de faiblesse, mais cela m’excuse très mal. Avec une âme
faible on peut tout au plus se garantir du vice, mais c’est être arrogant et téméraire d’oser professer de grandes
vertus» (p. 1039). C’est là tout ensemble sa ligne de défense et sa base de contre-attaque habituelles. La force
étant la condition nécessaire de la vertu, Rousseau ne se déclare pas «vertueux», tout en assurant qu’il n’y eut
jamais d’homme meilleur que lui.
N’ayant plus que lui-même pour premier interlocuteur, Rousseau, dans la Quatrième Promenade, ne plaide plus
sa cause selon les procédés de l’éloquence judiciaire, mais il n’a pas oublié pour autant les notions de la morale
religieuse et de la réflexion philosophique. Son dictionnaire, pour lire en lui-même, n’est pas de son invention:
c’est un code qu’il reçoit de la tradition et qu’il aménage pour son usage personnel. Certes, Rousseau se déclare
hostile tout ensemble à la leçon des livres, et au mauvais exemple donné par les gens du monde. Mais Rousseau
s’est souvenu des ouvrages de philosophie. On en trouve aussitôt la preuve.
Au début de sa longue délibération casuistique, Rousseau évoque un «livre de philosophie», dont il ne cite pas
le titre. Il y a trouvé une définition et une déduction auxquelles il réplique par une série de questions:
«Je me souviens d’avoir lu dans un Livre de Philosophie que mentir c’est cacher une vérité que l’on doit
manifester. Il suit de cette définition que taire une vérité qu’on n’est pas obligé de dire n’est pas mentir; mais celui qui
non content en pareil cas de ne pas dire la vérité dit le contraire, ment-il alors, ou ne ment-il pas? Selon la définition
l’on ne saurait dire qu’il ment; car s’il donne de la fausse monnaie à un homme auquel il ne doit rien, il trompe cet
homme sans doute, mais il ne le vole pas» 36.
15
Non sans quelque raison, l’on a supposé que le «livre de philosophie» mentionné par Rousseau pourrait être De
l’Esprit d’Helvétius, dont Rousseau a critiqué, dans un commentaire marginal, une note du chapitre VI, qui
définissait le mensonge en renvoyant à un mot de Fontenelle 37. Mais Rousseau a pu rencontrer la même question,
bien plus tôt, dans le Droit de la Nature et des Gens (1672) de Samuel de Pufendorf. Il l’avait également
rencontrée dans le Droit de la Paix et de la Guerre (1625) de Hugo Grotius, dont le Livre III (11 à 20) traite
systématiquement de la légitimité du mensonge en situation de conflit 38.
Pufendorf, au début du quatrième Livre de son ouvrage, consacre au langage un long chapitre qu’il intitule “De
l’ obligation qui concerne l’usage de la parole”. Pufendorf, après avoir rappelé que les signes du langage ont été
établis non par la nature, mais par la convention, ajoute: «Mais cela ne suffit pas pour nous imposer l’obligation de
découvrir à tout le monde, par le moyen de ces signes, tout ce que nous avons dans l’esprit. Il faut encore que l’on
y soit engagé par une convention particulière; ou qu’une loi générale du droit naturel nous le prescrive [...]». Le
contrat de véracité n’est donc ni universel, ni inconditionnel. L’impératif prépondérant est de ne pas «faire du
mal» et de ne pas «causer du dommage à quelqu’un qui ne le mérite pas». Il existe assurément des transactions qui
requièrent la véracité, afin que l’on puisse «conclure validement» et, réciproquement, compter «sur la parole
d’autrui». Mais dans la réalité ce type de rapport n’est pas constamment établi. Pufendorf observe:
«Mais comme l’on ne se trouve pas toujours engagé par quelqu’une de ces raisons à découvrir ce que l’on pense,
surtout au sujet de nos affaires particulières: il faut avouer qu’on n’est pas non plus obligé de dire à tout le monde tout
ce qu’on a dans l’esprit, mais seulement à ceux qui ont un droit [...] de connaître nos pensées, et qu’ainsi l’on peut
taire innocemment les choses sur lesquelles personne n’a droit de nous faire expliquer, et que l’on n’est pas d’ailleurs
tenu de découvrir de son propre mouvement. Bien plus: lors qu’il n’y a pas d’autre voie pour se procurer ou pour
procurer à autrui quelque avantage, ou que l’on ne saurait autrement se garantir ou garantir les autres d’un danger
pressant, il est permis d’employer les signes extérieurs de telle manière, qu’ils expriment toute autre chose que ce
qu’on pense, pourvu que par là on ne porte d’ailleurs aucune atteinte aux droits de qui que ce soit» 39.
On peut donc mentir «pour se procurer ou pour procurer à autrui une utilité entièrement innocente». Selon à
qui l’on parle, dire une fausseté ( falsiloquium ) n’est pas toujours répréhensible. «S’ils n’ont aucun droit de
connaître nos pensées, et qu’en les leur cachant, ou les leur déguisant, on ne fasse tort à personne, je ne vois pas
pourquoi, lorsqu’on y trouve son avantage, on formerait ses discours à leur gré plûtôt qu’au nôtre. Ainsi tout
mensonge est bien une fausseté; mais toute fausseté n’est pas un mensonge» (§ IX). Le critère de l’utilité dont
nous-mêmes ou autrui pourront bénéficier permet de pondérer, voire de suspendre l’exigence de véracité. La
«vérité morale» (différente de la «vérité logique») étant ainsi inscrite dans un cadre contractuel, des exceptions à
la vérité peuvent intervenir, pour autant qu’elles ne contreviennent pas aux stipulations implicites du contrat.
Grotius avait déjà dit que, «selon l’opinion commune des peuples», le mensonge «ne peut être que l’atteinte qu’on
donne à un droit réel, et subsistant sans diminution quelconque, de celui à qui l’on parle, ou envers qui l’on se sert
de quelque autre signe équivalent à la parole» 40. Tout le développement de Rousseau, sur les circonstances où la
vérité est due à autrui, et sur l’utilité qui fait d’elle une dette envers autrui, ne fait que reprendre les considérations
que Pufendorf formulait dans un langage qui restait celui de la philosophie du droit. D’ailleurs, le vocabulaire de
Rousseau, dans la Quatrième Promenade, frappe par un singulier juridisme:
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«Quant aux vérités qui n’ont aucune sorte d’utilité ni pour l’instruction ni dans la pratique, comment seraient-elles
un bien dû, puisqu’elles ne sont pas même un bien, et puisque la propriété n’est fondée que sur l’utilité, où il n’y a
point d’utilité possible il ne peut y avoir de propriété.[...] Ainsi la vérité due est celle qui interesse la ju s tice et c’est
p rofaner ce nom sacré de vérité que de l’appliquer aux choses vaines dont l’existence est indifférente à tous et dont la
connaissance est inutile à tout. La vérité, dépouillée de toute espèce d’utilité même possible, ne peut donc pas être une
chose due, et par conséquent celui qui la tait ou la déguise ne ment point» 41.
Rousseau, dans la suite de son texte, ne s’en tiendra pas là. Mais ces premières considérations auront
néanmoins restreint le nombre des circonstances où ses mensonges auraient pu être des injustices. Une seconde
question, selon Rousseau, se formule ainsi: Peut-on «tromper innocemment»? Il rappelle que sur ce point «les
livres» préconisent «la plus austère morale». Quant à lui, il s’interroge. N’y a-t-il pas des faits indifférents?
«Partout où la vérité est indifférente, l’erreur contraire est indifférente aussi; d’où il suit qu’en pareil cas celui qui
trompe en disant le contraire de la vérité n’est pas plus injuste que celui qui trompe en ne la déclarant pas. [...]
Comment pourrait-on être injuste en ne nuisant à personne, puisque l’injustice ne consiste que dans le tort fait à
autrui» (p. 1027)?
Mais quels sont ces livres que mentionne Rousseau? Quelle est cette austère morale? Il les rencontrait,
diffusément, dans la culture du moment. Rousseau aurait pu trouver cette morale, par exemple, dans les
Instructions théologiques et morales [...] de Pierre Nicole, qui déclare, en se réclamant d’Augustin, que tout
mensonge est péché, puisque «la vérité [...] est Dieu même», et qu’«il faut aimer Dieu comme vérité» (Cinquième
instruction, I, chap. VI). Il n’est pas certain que Rousseau ait connu directement le De Mendacio et le Contra
mendacium d’Augustin, dont toute la théologie morale du dix-huitième siècle s’inspirait encore sur le chapitre du
mensonge. Les moralistes religieux rappellent cette définition générale d’Augustin: «Quiconque ment parle contre
ce qu’il pense en son âme, avec l’intention de tromper. Omnis qui mentitur contra id quod animo sentit loquitur
voluntate fallendi» 42. La duplicité et la volonté (l’intention) de tromper ne sont jamais absentes du mensonge
selon la définition d’Augustin. Il faut juger le menteur selon son intention ( ex animi sui sententia ). Rousseau le
sait et le répète. «C’est uniquement l’intention» de celui qui tient un discours qui «détermine [son] degré de malice
ou de bonté» 43. Cette définition permet d’écarter les simples plaisanteries, dont doivent pourtant s’abstenir les
«âmes parfaites» ( De mendacio , II, 2). D’autre part, «ce n’est pas mentir que de dire une chose fausse si on croit
ou si l’on s’est fait l’opinion qu’elle est vraie. Non enim omnis qui falsum dicit mentitur si credit aut opinatur
verum esse quod dicit ( De mendacio , III, 3). L’austère morale augustinienne admet une exception pour l’erreur et
la contre-vérité dites de bonne foi. Rousseau est prompt à élargir l’exception à son avantage: «En fait de vérités
inutiles, l’erreur n’a rien de pire que l’ignorance. Que je croie le sable qui est au fond de la mer blanc ou rouge,
cela ne m’importe pas plus que d’ignorer de quelle couleur il est. [...] Quand il faut nécessairement parler et que
des vérités amusantes ne se présentent pas assez tôt à mon esprit je débite des fables pour ne pas demeurer muet»
44.
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De même que le texte de Pufendorf, les traités augustiniens sur le mensonge contribuent à rendre mieux lisible
la Quatrième Promenade. Il est frappant de constater que les différents types de mensonge ou de non-vérité
discutés par Rousseau dans la casuistique de la Quatrième Promenade pourraient être aisément rangés dans l’une
ou l’autre des catégories qu’Augustin inventorie par ordre décroissant de gravité. On ment, selon Augustin, 1°
dans l’enseignement religieux, pour amener quelqu’un à la foi; 2° pour léser injustement son prochain; 3° pour
rendre service à quelqu’un tout en portant préjudice à un autre; 4° pour le simple plaisir de mentir et de tromper;
5° pour rendre la conversation agréable; 6° pour être utile à quelqu’un sans nuire à personne; 7° pour sauver la vie
à quelqu’un; 8° pour éviter à une personne de subir un attentat impur 45. La première catégorie d’Augustin,
concernant la vérité religieuse, touve sa version laïcisée chez Rousseau, lorsque, au début de la Quatrième
Promenade, celui-ci déclare que «la vérité générale et abstraite est le plus précieux de tous les biens». C’est un
bien que tout homme peut revendiquer. Chacun a un droit sur elle, car cette sorte de vérité est «nécessaire à son
bonheur». L’en frustrer, c’est «commettre le plus inique de tous les vols». L’interdiction du mensonge, en ce
domaine, est absolue. Rousseau, sans ouvrir le moindre débat au sujet de «la vérité générale et abstraite», fait de sa
communication un devoir quasi apostolique. Il en va tout autrement en ce qui concerne «la vérité particulière et
individuelle» (p. 1026), celle qui concerne donc les individus et leurs pensées, leurs sentiments, leurs actes, les
circonstances contingentes de leurs existence. Cette vérité-là peut être «indifférente», elle peut ne pas intéresser
«la justice».
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Les théologiens médiévaux, notamment Thomas d’Aquin, tenant compte des diverses catégories distinguées
par Augustin, avaient établi trois groupes fondamentaux de mensonges: I. Le mensonge pernicieux, mendacium
perniciosum , qui couvre les catégories 1 à 4 d’Augustin. II. Le mensonge plaisant, mendacium jocosum , qui
correspond à la catégorie 5 d’Augustin. III. Le mensonge officieux, mendacium officiosum , discuté dans les
catégories 6 à 8 d’Augustin 46. Pour Thomas d’Aquin ne sont mortels que les péchés contraires à la charité. Le
mensonge plaisant («où l’on recherche une délectation légère, in quo intenditur aliqua levis delectatio» ) et le
mensonge officieux («où l’on recherche l’utilité du prochain, in qua intenditur etiam utilitas proximi ») ne sont pas
mortels 47. Il faut rappeler que Thomas d’Aquin faisait de la véracité ( veritas ) un devoir moral ( debitum morale) ,
en tant que celle-ci est l’une des vertus qui font partie de la justice ( veritas est pars justitiae ). «Il ressort de ce
devoir que l’homme doit se montrer à autrui, dans ses paroles et ses actes, tel qu’il est. Ad hoc debitum pertinet
quod homo talem se exhibeat alteri in verbis et in factis qualis est » 48. Et Thomas d’Aquin ajoutait cette
importante remarque, d’inspiration aristotélicienne, sur le fait que le lien social ne peut subsister que moyennant
un refus du mensonge: «[...] Parce que l’homme est un animal social, un homme doit naturellement à un autre ce
sans quoi la société humaine ne pourrait être sauvegardée. Les hommes ne pourraient pas vivre en communauté,
s’ils ne pouvaient se faire confiance les uns aux autres, en tant que se manifestant réciproquement la vérité. Quia
homo est animal sociale, naturaliter unus homo debet alteri id sine quo societas humana servari non posset. Non
autem possent homines ad invicem convivere nisi sibi invicem crederent, tanquam sibi invicem veritatem
manifestantibus » 49. Rousseau dans la Quatrième Promenade, définit «l’homme vrai» — c’est-à-dire lui-même —
dans des termes conformes à la doctrine de l’Eglise, quelle que soit par ailleurs la dette que nous avons mise en
évidence à l’égard de Grotius et de Pufendorf. Contrairement aux gens du monde, «l’homme vrai» de Rousseau ne
sépare pas «justice et vérité»: l’essentiel, alors, est sauf. Mais en ce qui ne relève pas de la justice, il se permet
d’inventer, il laisse libre cours à son imagination, il supplée aux faits qui manquent à sa mémoire par des fictions
et des fables. Si Rousseau a menti en conversant ou en écrivant, ç’a été « par l’embarras de parler ou pour le plaisir
d’écrire» 50. Et dans ses fictions, contrairement à Montesquieu, il dit avoir eu constamment en vue l’utilité morale
que ses lecteurs pouvaient en retirer. C’est la catégorie du mendacium jocosum , qu’il s’efforce de rendre
compatible avec le devoir moral ( debitum morale ) qui invite l’individu à «se montrer tel qu’il est», selon la
recommandation de Thomas d’Aquin. Tout un développement de la Quatrième Promenade tend à amalgamer la
permission du plus libre emploi de la fiction «en choses parfaitement indifférentes» et l’impératif du dévouement
absolu à la vérité, jusqu’au sacrifice de soi, quand celle-ci implique le respect de la justice. Qu’on prête attention,
dans les phrases suivantes, à la façon dont la dénégation du mensonge injuste s’entretisse avec la revendication
(presque provocatrice) du parler fictif. Le ressassement rend cette tentative de synthèse encore plus perceptible.
On verra Rousseau parler ici d’«alliage»:
19
«L’homme que j’appelle vrai [...] ne se fera guère de scrupules d’amuser une compagnie par des faits controuvés
dont il ne résulte aucun jugement injuste ni pour ni contre qui que ce soit vivant ou mort: mais tout discours qui
produit pour quelqu’un profit ou dommage, estime ou mépris, louange ou blâme contre la justice et la vérité est un
mensonge qui jamais n’approchera de son cœur, ni de sa bouche, ni de sa plume. Il est solidement vrai, même contre
son intérêt quoiqu’il se pique assez peu de l’être dans les conversations oiseuses. [...] Mais, dirait-on, comment
accorder ce relâchement avec cet ardent amour pour la vérité dont je le glorifie? Cet amour est donc faux puisqu’il
souffre tant d’alliage? Non, il est pur et vrai: mais il n’est qu’une émanation de l’amour de la justice et ne veut jamais
être faux quoiqu’il soit souvent fabuleux. Justice et vérité sont dans son esprit deux mots synonymes qu’il prend l’un
pour l’autre indifféremment. La sainte vérité que son cœur adore ne consiste point en faits indifférents et en noms
inutiles, mais à rendre fidèlement à chacun ce qui lui [est] dû en choses qui sont véritablement siennes [...]. Il mentira
donc quelquefois en choses indifférentes sans scrupule et sans croire mentir, jamais pour le dommage ou le profit
d’autrui ni de lui-même» 51.
Dans un mouvement de sévérité que ne désavoueraient pas les théologiens, Rousseau voit une injustice dans le
«mensonge officieux», c’est-à-dire dans les mensonges qui en imposent «à l’avantage soit d’autrui soit de soi-
même». «[...] Quiconque loue ou blâme contre la vérité ment dès qu’il s’agit d’une personne réelle» 52.
Pourtant la Quatrième Promenade s’achève par les histoires de deux mensonges dont Jean-Jacques peut
s’honorer. Il les a commis dans son enfance, les deux fois pour épargner une punition à un camarade qui l’avait
blessé. Ce sont là des exemples parfaits de mensonge officieux. On ne doit certes pas manquer de souligner au
passage l’accent masochiste avec lequel ces blessures sont racontées. Si Rousseau évoque ces événements de son
enfance, c’est afin d’expliquer les «réticences [...] bizarres» qui lui ont fait écarter du récit de ses Confessions ces
épisodes qui auraient pu y figurer à son propre avantage. Ces silences lui «ont fait taire le bien plus soigneusement
que le mal».
Selon la classification augustinienne, les mensonges commis par Rousseau dans les deux circonstances où un
camarade a fait couler son sang illustrent le cas du mensonge dont l’intention est d’«être utile à quelqu’un sans
nuire à personne». Rousseau évoque à ce propos l’épisode d’Olinde et Sophronie raconté par le Tasse, et il cite
l’exclamation admirative du poète devant un mensonge qui manifeste la grandeur d’âme:
Magnanima menzogna! or quando è il vero
Si bello che si possa a te preporre? 53
20
Sophronie, en s’accusant devant le sultan du vol d’une statue sainte qu’elle n’a pas commis, accepte de périr
elle-même pour sauver les chrétiens de la mort. A son tour, dans une surenchère de générosité, Olinde s’accusera
faussement, pour se substituer à celle qu’il aime et que le tyran a fait conduire au bûcher. Rousseau laisse à son
hypothétique lecteur le soin de relever la disproportion comique entre cet exemple héroïque et son refus de
dénoncer ses camarades de jeu. L’important est que Rousseau se reporte ici à des mensonges officieux , qui
précèdent dans sa vie le mensonge pernicieux de l’épisode du ruban volé. Voilà donc, se persuade-t-il, quels
avaient été ses premiers mouvements! Dans ces mêmes pages conclusives de la Promenade, il dit avoir été
constamment guidé par sa conscience et par ses sentiments: il en appelle à nouveau à une instance antécédente, sur
laquelle ne peut peser aucune culpabilité. Le dictamen intime, auquel il s’est toujours voulu soumis, est antérieur
au raisonnement et à ses erreurs toujours possibles. En toute rigueur, il aurait fallu éviter tout mensonge comme
l’exige Augustin: être «vrai pour soi», puisque «l’honnête homme» doit rendre hommage «à sa propre dignité».
Rousseau reconnaît qu’il aurait même dû éviter la «fiction» et la «fable», dont il a soigneusement démontré dans
les pages précédentes qu’il ne fallait pas les confondre avec des mensonges. C’est alors qu’intervient l’argument
ultime de la faiblesse, argument qui n’évacue pas la faute, mais fait le vide dans le sujet lui-même.
Donne-t-il finalement raison à ceux qui lui font grief d’avoir contredit sa devise et d’être un menteur? Oui, il
s’y résigne. Mais il réduit sa faute à un espoir déçu. Il s’en décharge en la ramenant au tort d’avoir trop attendu de
lui-même. Avec une âme faible, «c’est être arrogant et téméraire d’oser professer de grandes vertus». Il le redit
maintes fois: la vertu n’est accessible qu’aux forts. Si Rousseau, pour finir, accepte le reproche d’avoir manqué
aux promesses de sa devise, c’est en prenant une résolution de modestie qui n’a désormais rien d’héroïque. En
fait, il se dit incapable de l’effort auquel l’obligeait le service absolu de la vérité. La dernière phrase de cette
Quatrième Rêverie évoque une ultime “réforme”, sans éclat ni défi: «[...] Il n’est jamais trop tard pour apprendre
même de ses ennemis à être sage, vrai, modeste, et à moins présumer de soi». Il déclare ainsi que, sans s’en
douter, ses persécuteurs lui auront rendu un très grand service. Etre «vrai»! C’est ce qu’il n’a pas fini d’apprendre
au terme de sa vie. La dernière résolution implique certes une autocritique, mais ne doit pas être considérée
comme un reniement. Le dernier effort de véracité, pour Rousseau, consiste dans l’aveu du péril qu’il y avait –
pour lui – à se proclamer le porte-parole de la vérité. Il se vouait au perpétuel recommencement de
l’autojustification.
1 J.-J. R OUSSEAU , Œuvres complètes ( OC ), t. V, Paris, Gallimard, Pléiade, 1995, p. 120. La devise est empruntée à
J UVENAL , Satires , IV, 91. Rousseau fera confectionner un cachet portant cette devise. Dans la correspondance conservée, on
le voit appliqué pour la première fois sur une lettre du 18 mars 1759. La devise figure en épigraphe des Lettres écrites de la
montagne (1764). La présente étude reproduit, avec des modifications et des compléments, la seconde partie d’une étude
intitulée «Quia non intelligor illis», parue au t. XLII des Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau , Genève, Droz, 1999,
pp. 445-517.
2 Ibidem.
3 J.-J. R OUSSEAU , Confessions , OC , I, pp. 3 et 5.
4 J.-J. R OUSSEAU , Lettres à Malesherbes, I, OC , I, p. 1131. Pour ce qui est du terme «motif», voir en particulier son
emploi dans les mêmes Lettres aux pp. 1130 et 1142.
5 Ibidem , p. 1132.
6 Le mot «dictionnaire» est employé par Rousseau écrivant à madame d’Epinay: «Apprenez mieux mon dictionnaire
[...]». Correspondance complète , éd. R. A. Leigh, Genève, Institut et Musée Voltaire, puis Oxford, Voltaire Foundation, 52
volumes, t. III, n° 389, pp. 292-293.
7 J.-J. R OUSSEAU , Dialogues, OC , I, p. 783.
8 Nous renvoyons à notre étude “Rêverie et transmutation”, dans Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle ,
Paris, Gallimard, 1970, pp. 415-429.
9 M. R AYMOND , Jean-Jacques Rousseau. La quête de soi et la rêverie , Paris, Corti, 1962.
21
10 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries, Première Promenade, OC , I, p. 1000.
11 Voir A UGUSTIN , Contra mendacium , III, 18: « Interest [...] plurimum qua causa, quo fine, qua intentione quid fiat ».
Par exemple distribuer des largesses aux pauvres peut s’accomplir par miséricorde ( causa misericordiae cum recta fide ), ou
par vantardise ( jactantiae causa ).
12 Cette concupiscence est dénoncée par Pascal, d’après la première Epître de Jean II, 16: «Tout ce qui est au monde est
concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie: libido sentiendi , libido sciendi , libido dominandi»
( Pensées , éd. L. Brunschvicg, fr. 458).
13 H. G OUHIER , Les méditations métaphysiques de Jean-Jacques Rousseau , Paris, Vrin, 1970.
14 J.-J. R OUSSEAU , Confessions , Livre II, OC , I, p. 85. Dans le récit du châtiment injuste de Bossey, Rousseau écrit:
«Les apparences me condamnaient» (Livre premier, p. 19). Il y a une similitude de vocabulaire entre les deux rappels (dans
les Confessions et les Rêveries ) du mensonge commis à Turin par Jean-Jacques et le récit qui relate la fausse accusation de
mensonge dont il a été l’objet dans l’épisode du peigne cassé. Le vocabulaire de la morale religieuse est présent dans ces
divers textes. Les Lambercier lui reprochent à tort un «diabolique entêtement» (Livre premier), tandis qu’il s’attribue «une
impudence infernale» dans l’accusation de Marion (Livre second). Cinquante ans après l’épisode du peigne cassé, il «déclare
à la face du Ciel» qu’il en était innocent; dans la Quatrième Promenade, il jure «à la face du ciel» qu’il aurait donné «avec
joie» tout son sang pour «détourner» sur lui seul «l’effet» de son mensonge de Turin.
15 Sur la situation d’inculpé de l’autobiographe, voir notre étude “Le style de l’autobiographie”, dans La relation
critique , Paris, Gallimard, 1970, pp. 83-98, où nous confrontons la confession rousseauiste et la confession augustinienne.
Voir G. M ATHIEU -C ASTELLANI , La scène judiciaire de l’autobiographie , Paris, PUF, 1996.
16 Acad., 1798: «C OULPE : Faute, péché. Il n’est en usage que dans les matières de religion. Il signifie la souillure, la
tache du péché qui prive le pécheur de la grâce de Dieu. Par la confession la coulpe est remise, et non pas la peine. Le grand
amour de Dieu, la charité parfaite emporte la coulpe et la peine, délivre de la coulpe et de la peine». Le même terme est
utilisé par Rousseau dans la Troisième Promenade pour s’exculper, dans l’hypothèse où le système philosophique qu’il a
élaboré en toute bonne foi serait grevé d’erreur: «Si malgré cela nous tombons dans l’erreur, nous n’en saurions porter la
peine en bonne justice puisque nous n’en aurons point la coulpe» ( OC , I, p. 1018).
17 Sur les préceptes de l ’inventio , je renvoie à H. L AUSBERG , Handbuch der literarischen Rhetorik , 2 voll., München,
1960, t. I, chap. II, § 255 à 442. Dans le texte de l’épisode, l’exorde comporte un paragraphe, commençant par: «Que n’ai-je
achevé» (p. 84); la narration comporte trois paragraphes, commençant par: «Il est bien difficile que la dissolution d’un
ménage», et s’achevant par: «d’écrire mes confessions» (pp. 84-86). L’ argumentation commence par: «J’ai procédé
rondement dans [la confession] que je viens de faire» et s’achève par: «du regret d’en avoir pu faire un aussi noir» (pp. 86-
87). La péroraison, porteuse d’un pathétique enthymème, commence par: «Si c’est un crime qui puisse être expié». Ce sont
les lignes conclusives du Livre II des Confessions, qui s’achève par un bel optatif: «Qu’il me soit permis de n’en reparler
jamais» (p. 87).
18Rousseau connaît bien Quintilien, à travers l’abrégé latin de Rollin (M. F ABII Q UINTILIANI , Institutionum
oratoriarum libri duodecim, ad usum scholarum accommodati [...] a Carolo Rollin , 2 voll., Paris, 1754). En 1742, il
recommande que le fils de M. de Mably l’apprenne par cœur, ce qui est beaucoup! Voir le Mémoire présenté à M. de Mably ,
OC , IV, p. 29.
19 J.-J. R OUSSEAU , Confessions, livre II, OC , I, pp. 86-87. Dans la Quatrième Promenade, Rousseau qualifiera de
«délire» l’état où il s’est trouvé.
20 «As if it were a slip », écrit fort justement Paul de Man dans Allegories of Reading, Yale University Press, 1979, p.
288.
21 P. DE M AN , op. cit. , p. 289. Les deux courtes phrases qui avouent le vol ont une structure exactement semblable à
celles qui expliquent le mensonge: «Ce ruban seul me tenta, je le volai» ( OC , I, p. 84). Le terme «anacoluthe», qui désigne
une rupture de construction dans la syntaxe d’une phrase unique, ne peut pas s’appliquer à de brèves propositions
indépendantes qui se juxtaposent avec des sujets différents. Voir l’article ANACOLUTHE dans B. D UPRIEZ , Les Procédés
littéraires , Paris, 1980. Le changement du sujet de deux propositions juxtaposées, fussent-elles séparées par une virgule, et
non par un point, ne peut être analysé de la sorte. Rousseau ne néglige pas l’anacoluthe et ne craint pas les vraies ruptures de
la syntaxe. En voici un exemple: «Mais né pour de vrais attachements, la société des cœurs et l’intimité lui seront très
précieuses [...]» ( Dialogues , II, OC , I, p. 820). Dans la narration du vol puis dans celle de la confrontation au tribunal
domestique, l’inconséquence de la conduite et la précipitation des événements sont signalés par des séries de propositions
brèves, juxtaposées sans coordonnants, et dont les sujets sont différents d’instant en instant. Qu’on en juge: «On la fit venir;
l’assemblée était nombreuse, le comte de la Roque y était. Elle arrive, on lui montre le ruban, je la charge effrontément; elle
reste interdite, se tait [...]» ( op. cit. , p. 85).
22 Contrairement à ce que suppose Paul de Man, l’expression «s’excuser sur» n’a rien d’inhabituel au dix-huitième
siècle. Elle indique la raison ou le prétexte allégué par ceux qui s’excusent. Voir en particulier le Dictionnaire de Trévoux
(1771). Il est indéniable que cette expression est ici bien choisie. Par son caractère indirect, elle adoucit l’effet des verbes à
complément direct qui l’entourent, tels qu’«accuser», «charger».
22
23 J.-J. R OUSSEAU , Confessions, livre I, OC , I, pp. 32 et 33. Précédemment, dans sa famille, avant cet assujettissement,
Rousseau assure qu’il n’avait pas connu de plaisir qui ne fût «à sa portée», pas de désir inavoué ( op. cit. , p. 31).
24 Autre élément d’excuse: c’était le moindre vol. Ce ruban «couleur de rose et argent» était «petit», «déjà vieux» ( op.
cit. , p. 84).
25 Ibidem.
26 Les Œuvres morales et meslees de Plutarque , traduction par Jacques Amyot, Genève, Stoer, 1603, Traité XI, p. 77 r.
«Nous entendons par honteux celui qui rougit de honte, par trop, et à tout propos». C’est un changement de regard ou de
visage en face des autres. Dans la «mauvaise honte» selon Plutarque, l’on manque de courage devant les autres, l’on cherche
à leur complaire, au lieu de leur tenir tête. La mauvaise honte «cède et se laisse aller à toutes prières, jusques à n’oser pas
regarder en face ceux qui lui demandent [...] Car ceux qui sont par trop honteux, et là où il ne le faut pas estre, font bien
souvent autant de fautes, comme ceux qui sont effrontez et impudens, excepté qu’ils sont marris et desplaisans quand ils
faillent, et les autres en sont bien aises: car l’impudent ne se desplaist point d’avoir fait chose deshonneste, et le honteux se
trouble facilement des choses qui semblent estre deshonnestes et ne le sont pas». Je suis reconnaissant à Alain Grosrichard
d’avoir attiré mon attention sur ce texte. Montaigne évoque Plutarque, à propos de la «mauvaise honte» ( Essais , III, 10, éd.
Villey, p. 1019).
27 P. N ICOLE , Instructions théologiques et morales [...] , 2 voll., Paris, 1723, t. II, chap. V, § 2, “De la crainte des
jugements des hommes, ou de la mauvaise honte”, pp. 56-62.
28 Op. cit ., p. 55.
29 T HOMAS D ’A QUIN , Summa theologica , II, II, Quaestio 68, articulus 4.
30 Q UINTILIEN , Institution Oratoire , V, 10.
31 Sur la question des conséquences non maîtrisées, je renvoie à mon étude “Le dîner de Turin”, dans La Relation
critique , Paris, 1970.
32 J.-J. R OUSSEAU , op. cit ., p. 87.
33Il en va de même lorsqu’il s’agit de «cas» psychologiques décrits dans la littérature psychiatrique, et surtout
psychanalytique. Dans l’immense littérature consacrée au cas classiques de Freud, trop nombreux sont ceux qui prétendent
compléter ou retoucher les interprétations de Freud, trop rares sont ceux qui tiennent compte de la complète circularité entre
les éléments «factuels» ou narratifs livrés par Freud, et ses interprétations. L’histoire clinique a été construite pour et par
cette interprétation-là, qui paraît lui avoir été appliquée après-coup.
34 Bien entendu, toute mon analyse est tributaire d’une modalisation, que je devrais peut-être signaler plus souvent par
des expressions comme: selon Rousseau, à en croire le texte de Rousseau, sur la foi des Confessions , des Dialogues , des
Rêveries , etc. Je m’attends à des lecteurs qui n’ont pas besoin de tels signaux. Ils comprennent que je ne dispute pas sur les
motifs «réels» de Rousseau: je me contente d’analyser le texte dans lequel Rousseau désigne ses motifs.
35 Sur la littérature consacrée à la Quatrième Promenade, voir B. A NGLANI , Le maschere dell’io , Fasano, Schena, 1995,
pp. 317-332.
36 «Quatrième Promenade», OC , I, p. 1026. Nous soulignons.
37 [Notes sur «De l’Esprit» d’Helvétius ], OC , IV, p. 1126. Voir Jean Deprun, «Fontenelle, Helvétius, Rousseau et la
casuistique du mensonge», dans Fontenelle , Actes du colloque (Rouen, 1985), Paris, 1989, pp. 423-431. La définition du
mensonge attribuée par Helvétius à Fontenelle - «taire une vérité qu’on doit» – n’a toutefois pu être repérée par Jean Deprun
ni dans les œuvres imprimées de Fontenelle, ni dans les ouvrages consacrés à son «esprit». De fait, la casuistique de la vérité,
telle qu’on la trouvait dans De l’Esprit , relayait une doctrine traditionnelle dont Helvétius avait connaissance. Dans son autre
ouvrage, De l’Homme (posthume, 1772), Helvétius insère un chapitre intitulé «Qu’on doit la vérité aux hommes» (Section
IX, chap. XI), sans la moindre référence à Fontenelle. Ce chapitre commence par des citations d’Augustin et d’Ambroise, qui
indiquent bien la source de la problématique. «La vérité devient-elle un sujet de scandale? que le scandale naisse et que la
vérité soit dite » (Augustin, cité sans référence); «On n’est pas défenseur de la vérité, si du moment qu’on la voit, on ne la dit
point sans honte et sans crainte» (Ambroise, cité sans référence). Pour Helvétius l’intérêt public est la mesure du devoir de
vérité: «...Si tout homme doit, en qualité de citoyen, contribuer de tout son pouvoir au bonheur de ses compatriotes, sait-on la
vérité? on doit la dire. Demander si l’on la doit aux hommes, c’est, sous un tour de phrase obscur et détourné, demander s’il
est permis d’être vertueux et de faire le bien de ses semblables». (H ELVETIUS , De l’Homme , section IX, chap. IX, dans
Œuvres , 5 voll., Paris, 1792, t. V, pp. 54-55. )
38 Dans la dédicace du Discours sur l’Inégalité , Rousseau écrit: «Je vois Tacite, Plutarque et Grotius, mêlés devant lui
avec les instruments de son métier» ( OC , III, p. 118).
23
39 S. DE P UFENDORF , Le droit de la Nature et des Gens (1672), trad. fr. par Jean Barbeyrac, 2 voll., Amsterdam, 1706,
t. I, Partie IV, chap. I, «De l’obligation qui concerne l’usage de la parole», pp. 386-413. Ce chapitre est important aussi en ce
qui touche à l’emploi des signes. Il est l’une des sources de la théorie du langage de Rousseau. Pufendorf fait partie des livres
que Jean-Jacques trouve dans sa chambre, à Annecy, à son retour de Turin ( Confessions, livre III, OC , I, p. 110). Pufendorf
et Grotius font partie des lectures que le Projet d’éducation de 1740 pres-crit à M. de Sainte-Marie, dont Rousseau est le
précepteur ( OC , IV, p. 31). Ce sont là des lectures plus avancées, qui mènent à une «connaissance un peu plus raisonnée de
la morale et du droit naturel». Ces auteurs sont nécessaires «parce qu’il est digne d’un honnête homme et d’un homme
d’esprit de connoître les principes du bien et du mal, et les fondemens sur lesquels la societé dont il fait partie est établie»
( ibidem ).
40 H. G ROTIUS , Le Droit de la Guerre et de la Paix , trad. J. Barbeyrac, 2 voll., Leyde, 1759, L. III, ch. I, § 11, t. II, pp.
720-721. Il ajoute: «Il faut encore que le droit, auquel on donne ici atteinte, soit le droit de celui à qui l’on parle, et non pas
d’un autre: de même qu’en matière de contrats, l’injustice ne consiste que dans la violation du droit des parties
contractantes».
41 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries , Quatrième Promenade, cit. , pp. 1026-1027.
42 A UGUSTIN , Enchiridion de fide , 286.
43 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries, cit. , p. 1029.
44 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries, cit. , pp. 1027 et 1033.
45 S AINT A UGUSTIN , Œuvres , Première série, Opuscules , II, Problèmes moraux, éd. par G. Combes, Paris, 1937, p. 233.
Voir surtout De mendacio , XIV, 25. Augustin donne beaucoup d’attention aux mensonges qui compromettent ou protègent la
chasteté d’autrui. Il faut se souvenir que les reproches que Rousseau se fait, sur les conséquences de son accusation
calomnieuse, concernent la chasteté que Marion, congédiée, n’a probablement pas pu préserver.
46 Même classification chez Bonaventure, cité par Jean Pontas à l’article M ENSONGE du Dictionnaire des cas de
conscience , 3 voll., Paris, 1734: « Mentiens autem aut intendit prodesse, aut delectare, aut laedere. Secundum quod intendit
prodesse, est mendacium officiosum. Secundum quod intendit delectare, est mendacium jocosum. Secundum quod intendit
laedere, est mendacium perniciosum . Celui qui ment a soit l’intention de rendre service, soit d’amuser, soit de nuire. S’il a
l’intention de rendre service, c’est un mensonge officieux. S’il a l’intention d’amuser, c’est un mensonge plaisant. S’il a
l’intention de nuire, c’est un mensonge pernicieux».
47 T HOMAS D ’A QUIN , Summa theologica , II, II, Quaestiones CIX ( De veritate ) et CX ( De vitiis oppositis veritati, et
primo de mendacio ) .
48 Summa theologica , II, II, Quaestio LXXX, articulus unicus. Parler de soi peut être une action vicieuse, même en disant
la vérité, si ce n’est pas pour une «cause due». Les confessions spontanées sont suspectes: « Dicendum quod confiteri id quod
est circa seipsum, in quantum est confessio veri, est bonum ex genere. Sed hoc non sufficit ad hoc quod sit virtutis actus; sed
ad hoc requiritur quod ulterius debitis circumstantiis vestiatur: quae si non observentur, erit actus vitiosus. Et secundum hoc
vitiosum est, quod aliquis sine debita causa laudet seipsum etiam de vero: vitiosum est quod aliquis peccatum suum publicet,
quasi se de hoc laudando, vel qualitercumque inutiliter publicando » (q. CIX, art. I). Thomas tient la confession du péché,
lorsqu’elle n’est pas due ( sine debita causa) pour un acte vicieux, ou du moins inutile. La morale qu’il enseigne ne prépare
donc pas à faire bon accueil à des aveux comme ceux de Rousseau. Est-ce parce qu’il se souvient de la doctrine reçue que
Rousseau déclare, au début de la Quatrième Promenade, que «la vérité particulière et individuelle» est inutile aux autres
hommes? Il n’en persévère pas moins dans l’entreprise de l’examen public de soi-même, selon sa vérité «particulière et
individuelle».
49 Summa theologica , II, II, Quaestio CIX, article 3. L’ideé est reprise par Montaigne, à la fin du chapitre «Du démentir»
( Essais , II, 18).
50 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries , Quatrième Promenade, p. 1038.
51 Ivi , p. 1033.
52 Ivi , pp. 1030-1031.53 «Magnanime mensonge! Quand le vrai pourrait-il être si beau qu’on puisse le préférer à toi?»
On sait que Rousseau a traduit cet épisode qui figure au début du Chant II de la Jérusalem délivrée de Torquato Tasso. Les
vers cités appartiennent à la strophe XXII. Voir OC V, pp. 1287-1295, et remarque p. CCCV.
24
N ADIA B OCCARA
IL GIUOCO DEL ROVESCIAMENTO:
STAROBINSKI TRA MONTAIGNE E ROUSSEAU
IL GIUOCO DEL ROVESCIAMENTO:
STAROBINSKI TRA MONTAIGNE E ROUSSEAU
1. Starobinski e il grafico viterbese
Sono le 10 del mattino del 26 aprile 1999. L’Aula Magna del Rettorato è gremita di studenti, di professori e di
autorità cittadine. Tutti i presenti hanno la consapevolezza che questa giornata di studio, dedicata a Jean Jacques
Rousseau, grazie alla presenza di Jean Starobinski, resterà un evento memorabile per l’Università di Viterbo. Ho
appena accompagnato nella sala il conferenziere e la signora Jacqueline, dolce ed energica moglie che riesce
splendidamente a conciliare la professione di medico con la partecipazione discreta ed entusiastica alle conferenze
del marito.
Egli mostra di apprezzare tutto della città che lo ospita: l’albergo, reso più confortevole dalla presenza delle
terme, il quartiere medioevale, la sala del Rettorato addobbata per le grandi occasioni.
Nell’organizzare questa giornata di studio mi sono subito resa conto che Starobinski a Viterbo è non solo noto,
ma anche studiato fuori dell’ambiente accademico viterbese. L’adesione dei professori della Facoltà di Lingue,
che da anni utilizzano testi dell’eminente critico, era infatti scontata; quella dei professori dei licei, che
organizzano dei percorsi basati sui testi di Starobinski, era auspicabile.
Ma fuori delle scuole e dell’accademia quale adesione avremmo avuto?
Una piacevole sorpresa in questo senso mi è giunta dal grafico che ha ideato il pieghevole del convegno. Egli
mi ha proposto un programma che riproduceva su un battente un noto ritratto di Rousseau e sullo sfondo
dell’altro, quello che poteva essere il suo ‘negativo’ 1.
Il grafico aveva ben sintetizzato in due sole immagini un modo di procedere, una chiave di lettura, ricorrente
nei testi di Starobinski.
Mi riferisco al gioco del ‘rovesciamento’ e dei contrari, di cui egli si serve spesso per presentare le grandi
figure della storia con cui si confronta.
Egli infatti delinea i contorni di una figura e ne mette in evidenza un certo aspetto. Poi, grazie a un sapiente
gioco di specchi, ne illumina un altro (o altri) che ci restituiscono un’immagine che appare come l’esatto contrario
della precedente.
Avremo modo di esemplificare questo procedimento, sia a proposito del testo che qui pubblichiamo dedicato a
Rousseau, che a proposito di altri testi di Starobinski.
L’oratore è seduto alla presidenza, accanto alle autorità accademiche. Guarda il numeroso pubblico, composto
in prevalenza di giovani e appare soddisfatto. Egli è certamente consapevole del fatto che riuscirà a catturare
l’attenzione di tutti, compresi gli studenti del liceo che oggi sono meno abituati ad ascoltare il francese. Egli si
esprime prima in un perfetto italiano, ma poi passa alla lingua d’origine.
La relazione, pronunciata lentamente e in maniera persuasiva, affascina i presenti, tanto che la traduzione
consecutiva risulta essere utile solo per riflettere un po’ più a lungo sui temi che via via vengono proposti.
25
2. Starobinski interpreta l’episodio del ruban volé
Il saggio qui pubblicato è un commento all’episodio del ruban volé , contenuto nel libro secondo delle
Confessions , che viene definito nella Quarta Promenade come «cette faute de la dix-septième année» 2.
Il tema affrontato è quello ‘della verità e della menzogna’ ed è legato a un preciso fatto capitato a Rousseau.
Jean-Jacques, giovanissimo, si trova a Torino, in casa della contessa di Vercelli, in qualità di cameriere. La
padrona è sofferente e, al momento della morte, si produce in casa un grande trambusto tra i domestici e i
familiari. Nulla manca dall’inventario degli oggetti della casa, tranne un «piccolo nastro rosa e argento», perduto
dalla femme de chambre , Mademoiselle Pontal. Jean-Jacques racconta di essere stato ‘tentato’ dal nastro, già
vecchio. Il furto viene scoperto e Jean-Jacques, di fronte a un tribunale domestico, incolpa una innocente
domestica, Marion, che, per altro, non gli era indifferente.
Starobinski passa in rassegna le motivazioni, addotte nelle Confessions , che avrebbero spinto Rousseau a
impossessarsi di quell’oggetto.
L’analisi, condotta in maniera magistrale, accosta l’argomentazione prodotta nelle Confessions alle prescrizioni
dell’eloquenza giudiziaria, senza esaurirsi in queste.
Infatti il critico fa riferimento, in apertura, all’esigenza tutta rousseauiana di ‘narrarsi’. Vengono così presi in
esame i testi autobiografici, quali le Confessions , le Rêveries , come pure le Lettres adressées à Malesherbes .
Queste ultime vengono definite come il «premier grand texte autobiographique» del ginevrino, perché in esse si
analizzano i «motifs intérieurs», tanto quelli che risultano chiari alla sua coscienza, quanto quelli che lo sono
meno.
Anche nei Dialogues , evocati subito dopo, viene sottolineato il desiderio di ricerca del «vrai Jean-Jacques»
«pour le pénétrer s’il était possible en-dedans de lui-même» 3.
L’analisi che viene condotta in questi scritti ha come scopo di «réfléchir sur [ses] dispositions intérieures»
applicando «le baromètre à [son] âme». Il rapporto che si vuole stabilire è quello de l ’anima «soumise à ses
variations affectives imprévisibles» e quello dell’osservatore «qui lit au baromètre les variations atmosphériques».
Dal «paradosso dell’introspezione» si apre uno spazio interiore che mette in comunicazione l’io che osserva e l’io
che viene osservato 4.
Lo studioso francese ricorda che già i grandi moralisti del Seicento, rifacendosi all’insegnamento di Agostino,
avevano indagato sull’opposizione tra «l’être» e il «paraître» e denunciavano le «fausses vertus», volendo scoprire
quali fossero le ‘vere’ mo l e che determinano un’azione e gli scopi che questa si prefigge.
Ecco che viene evocata la figura di La Rochefoucauld sul quale Starobinski ha scritto delle pagine illuminanti
per la comprensione del ruolo dell’ amour-propre nell’agire umano 5.
Viene anche citato Pascal e «ses amis de Port Royal qui se font les accusateurs des intentions et des désirs dont
nous sommes les marionettes» 6.
Dalla citazione di La Rochefoucauld, Starobinski passa a evidenziare in Rousseau il ruolo dell’ amour-propre
rispetto a quello dell’ amour de soi : «L’amour propre n’est pas inné» e «l’amour de soi, parfaitement innocent, est
son précurseur naturel». A questo proposito nota il critico: «C’est sur cette consideration “généalogique” et sur
cette grande distinction qualitative que Rousseau fait reposer presque toute sa philosophie de l’histoire: l’amour-
propre, auquel peuvent être imputés tous les vices de l’homme social, est une modification – une altération et un
fourvoiement – du premier amour de soi, présent dans l’homme de la nature, et proche de l’instinct de
conservation commun à tous les animaux» 7.
Contrariamente che nei moralisti (e, prima di loro, in Agostino) l’ amour-propre è visto quindi come la fonte
dei mali sociali , mentre la natura dell’uomo è buona.
26
Come s’è detto, Starobinski sostiene che Rousseau nelle argomentazioni addotte, a proposito dell’episodio del
‘ruban volé’, si ispira alla ‘éloquence judiciaire’ (« le modèle n’est autre que celui que recommande à l’orateur la
réthorique judiciaire classique»)8.
Egli sostiene che nelle Confessions Rousseau ripropone una ‘revisione’ di quel processo, davanti al quale si era
presentato quarant’anni prima e che l’aveva, per così dire, condannato ‘in direttissima’. Rousseau si riconosce
colpevole, ma poi evoca una serie di circostanze per far accettare una diminuzione di responsabilità 9.
Le argomentazioni addotte comportano un exorde , che definisce per sommi capi il caso («un crime», per le
conseguenze che ha comportato nella coscienza di Jean-Jacques); una narration , che espone nel dettaglio gli
avvenimenti, riferiti all’ ubi ; una argomentation , che valuta i fatti e una péroration «où la sentence requise est
formulée».
È come se Rousseau assumesse tutti i rimproveri che potrebbe rivolgergli un avvocato per il furto e per aver
accusato un’innocente. I rimorsi nati in seguito a quel ‘misfatto’ sono rimasti vivi in tanti anni nella coscienza di
Rousseau e hanno influito sulla decisione di scrivere le Confessions . Nasce così la volontà di parlare di se stesso e
intraprendere un lavoro autobiografico: lo scopo è quello di ‘liberarsi’ da una colpa.
Questa riflessione – nota Starobinski – viene fatta seguendo anche i dettami della morale cristiana, la quale non
ammette che si parli di se stessi «sine debita causa».
Rousseau si serve di una argomentazione di Quintiliano (per esempio, enumera, tra le circostanze ‘attenuanti’,
il fatto di essere giovanissimo, di essere cioè «à peine sorti de l’enfance»).
Tra i ‘motivi’ possibili che avrebbero spinto ad accusare l’innocente Marion, Rousseau menziona l’amicizia
che provava per lei (usando una spiegazione un po’ contorta: ha preso il nastro, in realtà, per darlo, a sua volta,
alla ragazza) 10.
Seguono alcune pagine di analisi delle argomentazioni addotte da Rousseau, relative ad altre possibili
motivazioni (per esempio, egli afferma di aver agito per ‘vergogna’). Il critico osserva che egli aveva appreso la
definizione di «mauvaise honte» ( dysopia ) da Plutarco.
3. Il ‘rovesciamento’ dei contrari
Starobinski afferma che Rousseau opera un «renversement d’un contraire à l’autre, d’un vice détestable à un
défaut excusable, qui découle de la peur» 11. Sulle orme di Plutarco, come pure di Pierre Nicole, Rousseau trova
nel «difetto scusabile» la causa che procura timore e che impedisce di confessare un peccato. Il defaut excusable è
prodotto in Rousseau da «l’inquiet amour-propre qui supplante l’amour de soi, quand l’homme quitte l’état de
nature. Ainsi la vie en société fomente l’amour-propre, et la faute est désormais collective» 12. Ma il riportare lo
sbaglio giovanile alla vera causa, ha come conseguenza che la colpa di Rousseau risulta essere ridotta, in quanto è
dovuta a una causa più scusabile, a una faiblesse , a una debolezza infantile: cioè «l’horreur d’être reconnu».
La colpa è scaturita quindi da un atto di leggerezza. Se le circostanze fossero state differenti, Rousseau avrebbe
agito in un altro modo. Se, per esempio, non l’avessero messo di fronte a un’«assemblée nombreuse», ma
l’avessero preso da parte, egli avrebbe confessato tutto («Se mi avessero lasciato rientrare in me stesso, senza
dubbio avrei confessato tutto. Se il conte di La Roque mi avesse preso da parte e mi avesse detto: non rovinare
questa povera ragazza, se sei colpevole, confessalo, sono sicuro che mi sarei gettato subito ai suoi piedi. Ma non
fecero che intimidirmi, quando bisognava darmi coraggio») 13. Rousseau sarebbe stato quindi spinto al furto dalla
paura 14.
27
L’ultimo argomento addotto da Rousseau e tratto dalla ‘éloquence judiciaire’ è che la faute commessa ha
causato dei danni che non si potevano prevedere allora e che hanno determinato negativamente il destino di
Marion. Ma, si domanda il critico, non è stata anche una «heureuse faute» («felix culpa»)? 15
Il ricordo di quel fatto ha provocato in Rousseau un dolore morale che si è trasformato in un bene: il provare
dell’avversione per il mensonge . Si può ben dire, afferma l’autore delle Confessions , che Jean-Jacques ha espiato
la colpa, dal momento che ha sofferto per essa per ben quaranta anni.
Egli ha espiato, ma non si assolve.
La scelta operata dal critico è quella di accettare le interpretazioni proposte da Rousseau e di considerare le
argomentazioni addotte come l’ unica fonte di informazione. Così facendo opera la scelta di ‘lavorare’ sul
materiale letterario offerto dall’autore e di non proporre una lettura ‘esterna’ al testo («Le métacommentaire
psychologique peut se diversifier et se multiplier à l’infini, sans rencontrer de résistance»).
Invece di basarsi sulla narrazione offerta dall’autore, il critico francese avrebbe potuto trarre dalla psicoanalisi i
«veri motivi» dell’agire del giovane Jean-Jacques. Ma, come dicevamo, la scelta operata è quella di servirsi del
testo che l’autore offre come l’unica fonte e di raffrontarlo con altri luoghi di altre sue opere. Vengono così
scartate altre possibili motivazioni, addotte dalla psicoanalisi, quali: Rousseau aveva rubato per compensare più
antiche frustazioni, per feticismo, per difficoltà a stabilire un reale rapporto con le donne…
La conclusione che si può trarre dalle motivazioni addotte da Rousseau è che egli ha pagato per la colpa
commessa.
4. Rousseau ritorna a parlare del suo ‘crimine’
Nonostante che alla fine del secondo libro delle Confessions Rousseau dichiari di non volersi più soffermare
su l ’accaduto, ritorna a parlarne nella ‘Quatrième Promenade’. Il discorso viene ripreso a proposito delle
«dispositions intérieurs»: «le travail d’écriture développe patiemment toute une casuistique générale sur la parole
vraie et sur le devoir de vérité» 16.
Il giovane non agì con lo scopo di nuocere a Marion. Starobinski afferma infatti: «l’étiologie qu’il propose
n’est pas un vice attaché à sa “nature”, mais un manque de force» (è la mancanza di forza che gli ha impedito di
agire in modo virtuoso) 17.
Ancora, l’autore della Quatrième Promenade si pone domande del genere: «Si può ingannare senza fare torto a
un altro?» «Può una menzogna essere perfettamente innocente?» 18 Rousseau riconosce che, per rispondere a
queste domande, è necessario giudicare le azioni umane dalle loro intenzioni e non dai loro effetti. Per cui, mentire
senza vantaggio, né pregiudizio proprio o d’altrui non è menzogna, ma finzione» 19. Egli scrivendo, ha mentito.
Infatti dal momento che si basava su ricordi di fatti avvenuti tanti anni prima, aveva dato corso all’immaginazione
per colmare delle imperfezioni della memoria. «Imprestavo talvolta alla verità estranei incanti, ma non ho mai
messo al suo posto la menzogna, per occultare i miei vizi o per arrogarmi virtù non mie» 20.
Egli amme t e che avrebbe dovuto esistere anche questa finzione, che così facendo ha agito per faiblesse e che
non avrebbe dovuto mentire. Infine riesce a scusare il suo comportamento, affermando che non si può presumere
troppo da se stessi e che è necessario essere modesti 21.
28
5. Starobinski e i problemi dell’autobiografia in Rousseau
Il critico in Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle si pone il problema di che cosa sia
l’autobiografia in Rousseau e afferma che la conoscenza di sé per Jean-Jacques non è un problema, ma è un dato
22.
Molti sono gli aspetti dell’opera autobiografica di Rousseau. Infatti egli «si mette a scrivere i Dialoghi come se
non si fosse già dipinto nelle Confessioni , dove pretendeva di aver ‘detto tutto’. Poi vengono le Fantasticherie ,
dove tutto ricomincia: «Che sono io? Questo è ciò che mi resta da cercare» 23. Anche se Rousseau muove da una
confessione di ignoranza di sé, non la ammette mai. «Per lui le lacune della memoria non saranno fonte di
preoccupazione: egli non si dirà mai, come Proust, che l’evento dimenticato cela una verità fondamentale. Per
Rousseau ciò che sfugge alla memoria non è importante, forse è solo un che di inessenziale. A questo proposito
rivela un ottimismo che non si smentisce mai e che poggia sulla salda fiducia del pieno possesso di un’evidenza
interna» 24.
Per Rousseau l’evidenza tende subitamente ad esternarsi. «Per lui la vita soggettiva non è, di per sé, una vita
‘nascosta’ o ripiegata nel ‘profondo’; affiora spontaneamente in superficie e l’emozione è sempre troppo forte
perché si possa contenerla o reprimerla» 25. Solo che «la trasparenza assoluta si presenta invano. Offrirsi a tutti gli
sguardi non basta, bisogna anche che gli altri accettino di vedere la verità in tal modo offerta; bisogna che abbiano
il dono di interpretare questo linguaggio. E gli altri disconoscono la sua vera natura, i suoi veri sentimenti, le sue
vere ragioni di agire o di astenersi». Quindi si può affermare che «Jean-Jacques è tutto conoscibile ed è tutto
misconosciuto». È per colpa degli altri che la verità di Jean-Jacques resta celata e si camuffa. Quindi le
Confessioni sono, in prima istanza, un tentativo di rettificare l’errore altrui, non la ricerca di un ‘tempo perduto’.
La domanda che si pone è la seguente: «perché il sentimento interno, che è immediatamente evidente, non trova
eco in un riconoscimento accordato con altrettanta immediatezza? Perché è tanto difficile far concordare quello
che si è per sé con quello che si è per gli altri?» 26. «Vivere ne l o stato di grazia della trasparenza non basta, la
propria trasparenza bisogna anche dirla, convincendone gli altri» 27. La trasparenza è in atto solo quando «avrà un
testimone cui apparire come tale, vale a dire, secondo l’espressione di Rousseau, quando sarà trasparente agli
occhi del lettore » 28.
Rousseau rivolge poi a coloro che l’hanno preceduto nello scrivere autobiografie, in particolare a Montaigne,
questa obiezione: «L’immagine che un uomo dà di se stesso non è forse altrettanto fittizia, costruita?» 29 Egli è
convinto di essere l’unico, il primo ad offrire un completo ritratto di sé e di dipingersi così com’è («Mi accingo ad
un’opera senza esempi»30). Gli altri, a suo dire, «sono incapaci di giudicare e non si conoscono perché non
conoscono nessuno all’infuori di se stessi. Onde superare ‘la duplice illusione dell’amor proprio’ dovrebbero
sforzarsi di non giudicare il prossimo in base a se stessi e accettare di conoscere qualcuno che sia altro da sé» 31.
Il conoscersi per Rousseau è un atto semplice. Ma tale atto non può accontentarsi della propria certezza, perché
questa va comunicata. È necessario «tradurre in linguaggio efficace un’evidenza interna che non si rassegna a
considerare incomunicabile». È necessario «costringere gli altri a farsi un’immagine veritiera del carattere e del
cuore di Jean-Jacques».
29
Egli dovrà mettere in mostra tu t e le ‘pieghe’ della sua ‘anima’ e mostrare la ‘materia prima’ di eventi e
circostanze della sua vita, affinché gli altri li unifichino in una sintesi alla quale potranno credere tanto più
volentieri, dal momento che ne saranno gli autori. «L’effetto della narrazione minuta non sarà solo quello di
attrarre l’attenzione del lettore, ma anche di costringerlo al giudizio, inducendolo a farsi un’immagine veritiera di
Jean-Jacques» 32. Se il lettore non trarrà le conclusioni che si impongono, la colpa ricadrà su di lui 33. Ma come
si farà a dire tutto? E soprattu t o che linguaggio si deve usare? Egli considera infatti il discorso quotidiano non
adatto «a esprimere avvenimenti e sentimenti che, sommati, costituiscono un’esistenza unica». Rousseau,
so t olinea Starobinski, ha inventato «una scrittura sufficientemente elastica e variata per dire la diversità, le
contraddizioni, gli infimi dettagli, le ‘inezie’, il concatenarsi delle ‘percezioni minute’ il cui tessuto costituisce
l’esistenza unica di Jean-Jacques» 34. Egli segue cronologicamente lo sviluppo della sua coscienza e vuole
«ricomporre il tracciato del suo progresso, percorrere la sequenza naturale delle idee e dei sentimenti, rivivere
nella memoria la concatenazione di cause ed effetti che hanno determinato il suo carattere e il suo destino» 35.
Anche se l’autore delle Confessioni dichiara di fornire al lettore un materiale grezzo, in realtà non trascrive
solo gli istanti vissuti, ma fornisce anche un ordine, attribuisce loro un senso. Starobinski sostiene che la libertà
non è un principio operante nella vita di Rousseau; essa regola l’espressione letteraria e la rende possibile. Egli,
nel dire la verità su se stesso, «si affermerà liberamente nel suo modo di sentire, rifiutando costrizioni, disagi,
regole imposte» 36. È solo nella libertà della parola che si ritrova la possibilità di cogliere il vero. Egli «lascerà
parlare l’emozione» e «si lascerà invadere dal ricordo e dalle parole».
Nota a questo proposito il critico francese: «compare qui una nuova concezione del linguaggio la cui fortuna
andrà fino al surrealismo» 37. Tanto è vero che Rousseau assume questa iniziativa: «lasciar fare al linguaggio,
senza intervenire […]; soggetto e linguaggio ora non sono più esterni l’uno rispetto all’altro. Il soggetto è la sua
emozione e questa è subito linguaggio. Soggetto, linguaggio, emozione, non sono più distinguibili; l’emozione è il
soggetto che si svela e il linguaggio l’emozione che si parla. Nell’ispirazione narrativa Rousseau è
immediatamente il suo linguaggio» 38.
Quindi per «mostrarsi» basta «abbandonarsi docili al sentimento, affidandogli la parola. La non-resistenza al
sentimento e al ricordo sarà garante della verità autobiografica» 39. Nell’istante in cui «l’atto di scrivere non è più
ritenuto un mezzo strumentale usato al fine di scoprire la verità, bensì la scoperta stessa, il problema del
linguaggio svanisce»: «il linguaggio è emozione espressa con immediatezza e, invece di essere l’utensile
convenzionale che serve alla rivelazione di una realtà nascosta, è esso stesso il segreto rivelato, un che di nascosto
reso istantaneamente manifesto. La fedeltà spontanea che collega la parola all’emozione, per giunta, fa da garanzia
a tutto il resto: l’immediata verità del linguaggio garantisce la verità del passato così come è stato vissuto […].
Tutto ciò che è stato menzogna o vizio, nella vita di Jean-Jacques, si riassorbe e si purifica nella trasparenza
attuale della confessione» 40.
Quindi Rousseau non riesuma il passato, i fatti oggettivi, ma i sentimenti di una volta che possono «irrompere
nella sua anima, diventare emozione attuale. Anche se la ‘catena degli eventi’ non è più accessibile alla sua
memoria, gli rimane la ‘catena dei sentimenti’ intorno ai quali potrà ricostruire i fatti materiali dimenticati» 41.
Non si tratta più di chiedersi se l’autoritratto è somigliante o meno. Infatti «la somiglianza non risiede affatto
nell’immagine rappresentata, ma nella presenza dell’io all’interno della parola. Dunque l’autoritratto non sarà la
copia più o meno fedele di un io-oggetto, bensì la traccia vivente di quell’azione che è la ricerca di sé. Io sono la
mia ricerca di me. Perfino quando mi dimentico e mi smarrisco nella parola, tale parola non cessa di rivelarmi e di
esprimermi» 42.
Il vero io in Rousseau, secondo Starobinski, viene cercato non in un passato immoto, ma lo si costruisce
vivendo.
30
La novità di Rousseau consiste nel concepire il linguaggio come luogo di un’esperienza immediata. «Esso
testimonia ad un tempo come lo scrittore inerisca alla sua ‘fonte’ interiore e come sussista il bisogno di far fronte a
un giudizio, vale a dire di essere giustificato nell’universale. È un linguaggio che non ha più niente in comune col
‘discorso’ classico; è infinitamente più imperioso e, insieme, infinitamente più precario. Se la parola è l’autenticità
dell’io, essa rivela, d’altronde, che l’autenticità perfetta non è ancora raggiunta, che la pienezza va ancora
conquistata e nulla è certo se il testimone rifiuta il suo consenso. L’opera letteraria non richiede più l’assenso del
lettore su una verità frapposta in ‘terza persona’ fra lo scrittore e il suo pubblico; lo scrittore si designa colla sua
opera e richiede l’assenso sulla verità della sua esperienza personale» 43.
Rousseau, conclude Starobinski, è stato il primo a vivere in maniera esemplare il pericolo del patto fra l’io e il
linguaggio, la ‘nuova alleanza’ nella quale l’uomo si fa verbo 44. Rousseau crede quindi in un’etica
dell’autenticità. E il vero a cui dedica tutta una vita è il suo vero; «il pa t o con il vero è un patto con se stesso», che
non gli fa ricercare una verità astratta, stabilita in via preliminare 45.
Il Rousseau. La transparence et l’obstacle è stato definito da Giuseppe Ricuperati un libro epocale «che
rinnova non solo gli studi su Rousseau, ma anche sull’autobiografia, proiettando sul testo tensioni analitiche
fecondamente interdisciplinari come quelle che gli derivano dall’insolita e affascinante formazione, insieme
medica e letteraria». «Starobinski ha rinnovato negli anni successivi – dice ancora Ricuperati – non solo lo studio
della simbolica e dell’iconografia dei lumi e dei concetti chiave, ma anche dell’esplorazione dei sentimenti trans-
epocali come la malinconia, la paura della morte, il sentimento del male, gli artifici per resistervi». Giustamente si
deve ricordare, a questo riguardo un’altra esplorazione intellettuale, avvenuta proprio a Ginevra. Mi riferisco a
Lumières de l’utopie di Bronislaw Baczko 46.
6. L’immagine del ‘rovesciamento’ in Montaigne en mouvement
Starobinski nella splendida monografia dedicata a Montaigne, mette in evidenza come lo scrittore di saggi,
vissuto in un’epoca insanguinata dalle lotte religiose, si tenga lontano dal turbinio delle passioni e ricerchi, per un
periodo, nella vita solitaria, nella vita interiore, un asilo di pace.
Egli si prefigge come scopo di vivere più piacevolmente, a proprio agio. Per fare ciò ricerca la strada giusta in
solitudine ed è consapevole che deve «abbandonare le proprie occupazioni» e non solo mutarle. Deve eliminare
totalmente l’ambizione, l’avarizia, l’irresolutezza, la paura. Perché non basta cambiare quartiere, cambiare posto:
le passioni possono seguire anche se ci si ritira in chiostri, nelle scuole di filosofia, nelle caverne e nei deserti. Non
è sufficiente infatti «[...] essersi allontanati dalla gente; non basta cambiare luogo, bisogna allontanarsi dalle
inclinazioni comuni che esistono in noi; bisogna sequestrarsi e isolarsi da se stessi» 47.
È necessario liberare se stessi e la propria anima dal peso che l’opprime e distinguere tra solitudine e vita
solitaria. La solitudine infatti è quella dimensione in cui appartarsi significa portarsi dietro i propri affanni. La vita
solitaria invece è quella che mette in grado di allontanare da sé tutte le molestie della vita. Occorre sequestrarsi e
raccogliersi in se stessi per imparare a trovare la vera solitudine anche in mezzo alla fo l a, «in mezzo alle città e
alle corti dei re; ma la si gode più comodamente in disparte» 48.
Ma vivendo lontano, si deve fare in modo che la propria soddisfazione dipenda da se stessi: «[…] sciogliamoci
da tutti i vincoli che ci legano agli altri, conquistiamo davvero su noi stessi il potere di vivere soli e di vivere a
nostro be l ’agio» 49.
31
Il vivere in solitudine significa non dipendere più dal possesso dei beni esterni. L’uomo d’intelletto è un uomo
libero perché tiene ad una sola cosa che non può perdere: se stesso. È per questo che è necessario «[…] sceglier
bene i tesori che possano essere esenti da danno, e nasconderli in un luogo dove non vada alcuno e tale che non
possa esser tradito che da noi stessi. Bisogna avere moglie, figli, sostanze, e soprattutto la salute, se si può; ma non
attaccarvisi in maniera che ne dipenda la nostra felicità. Bisogna riservarsi un retrobottega tutto nostro, del tutto
indipendente, nel quale stabilire la nostra vera libertà, il nostro principale ritiro e la nostra solitudine» 50.
Montaigne è fermamente convinto che in solitudine ci si debba intrattenere con se stessi come se non si
possedessero figli e domestici, per trovarsi pronti alla possibilità di perderli.
Dalla solitudine, inoltre, egli non crede che si debbano ricavare vantaggi né personali, né sociali. Quindi è vile
ambizione il voler trarre gloria dal proprio ozio e dal proprio ritiro. Quest’ultimo deve servire solo per conoscere
se stessi. Ecco perché si deve preparare il proprio ‘sgombero’ e prendere congedo dagli altri. Ci si deve liberare
dal legame con gli altri, non legarsi a niente che a noi stessi, prendere congedo dalla società, ritirare le proprie
forze e rinserrarle. La preghiera che si rivolge a Dio è di rendersi contenti di se stessi e dei beni che nascono da se
stessi 51. In questa dimensione di solitudine è necessario scegliere una occupazione che non sia faticosa, né
molesta. Infatti lo studioso fa le ore piccole per consultare i libri, non per diventare migliore, o più felice. Egli
perde la salute, trascura se stesso per i libri e quindi non saprà trarne felicità.
Ricordiamo che nell’affermare ciò Montaigne si trova in polemica con Cicerone e in accordo con Petrarca.
Quest’ultimo afferma infatti che la solitudine non deve essere un mezzo per ottenere ricchezze e onori, ma una
cultura che porta gioia e luce. Se quindi Cicerone ricerca nella solitudine la gloria e dopo aver interrotto i pubblici
affari, intende acquistare una vita immortale con i suoi scritti, Montaigne è dell’avviso che non bisogna servirsi
della solitudine come mezzo per raggiungere la gloria o la beatitudine eterna. I libri possono anche essere dei
compagni piacevoli, ma se, trattandoli, si dovesse perdere la propria gaiezza e la salute, è necessario abbandonarli.
Così «alle cure domestiche, allo studio, alla caccia e a ogni altro esercizio bisogna darsi fino agli estremi limiti del
piacere, e guardarsi dall’andare oltre, dove comincia a frammischiarvisi il fastidio» 52.
Ma, per ritirarsi in se stessi, è necessario prepararsi. Egli consiglia infatti: «ritiratevi in voi, ma prima
preparatevi a ricevervi; [...] C’è modo di fallire ne l a solitudine come nella compagnia» 53.
Starobinski sottolinea, nella prima parte del saggio, il fatto che Montaigne difenda la solitudine interiore, il
ritorno a sé. Egli si dimostra così «particolarmente attento agli argomenti della morale filosofica (quella degli
stoici, come pure quella di Epicuro) che incoraggiano un ritorno a sé, la ripresa di possesso di se stessi. [...].
Quello che Montaigne cerca è un luogo, in questo mondo, che sia veramente suo, a differenza degli altri uomini
che lasciandosi trascinare dall’immaginazione, da l a presunzione, dalla vanità, si assentano da se stessi, disertano,
per conquistare una posizione o una ricchezza immaginarie» 54.
Ecco quindi la progressione inevitabile che trasforma l’uomo da un «essere sedotto dalla propria
immaginazione in un essere menzognero e mascherato. Dopo aver conferito un volto falso a tu t o, non può
presentarsi agli altri che con una smorfia o una maschera. È ipocrita perché è alienato (come si dirà più tardi): ha
messo il proprio essere alle dipendenze dell’opinione, dello sguardo, delle parole attraverso le quali gli altri (il
mondo, la ‘società’) conferiscono la ‘reputazione’ e la ‘gloria’» 55. Montaigne non accetta che i sentimenti
dell’individuo vadano oltre il proprio io. È necessario invece «raggiungere una saggezza che non ci faccia
trascendere il presente in direzione del futuro»; e non mettere in pericolo «la coesione e la costanza dell’individuo
che possono trovare un fondamento solo su un qui e un adesso perpetuati; morale del contenimento (in tutti i sensi
del termine), che trattiene l’uomo dal disperdere il suo contenuto caratteristico, lo vota alla concisione e al parlare
per massime e che, in presenza di oggetti di desiderio, lo vota alla continenza (di cui Montaigne ripetutamente si
dirà incapace)» 56.
32
L’errore che vuole evitare l’autore degli Essais è la scissione del desiderio. Il suo scopo consiste nella
riappropriazione di se stesso, consapevole del fatto che in questo modo si ritrova la salute e il vigore originale.
Alla dispersione dell’io si deve opporre la concentrazione. La scelta è «tra essere e apparire , tra qui e altrove , tra
me e gli altri , tra il mio e l’ estraneo , tra il naturale e l’ artificiale , tra lo spontaneo e l’ appreso , l’ interno e
l’esterno, il profondo e il superficiale […]. Tutte designano una decisione da prendere: il ritorno a sé, la ripresa in
mano, l’autonomia e l’autarchia» 57. Con questa scelta si impedisce alle proprie forze di volgersi verso un oggetto
esterno, stando attenti a non servirsi della solitudine per qualche altro scopo sia pure, come afferma Agostino, per
ascoltare la voce di Dio. Montaigne non cerca la sottomissione, ma «un interlocutore speculare». Egli «mira a
rendere all’individuo mortale il pieno esercizio del proprio giudizio in uno sdoppiamento che tende ad instaurare
all’interno di sé un rapporto di eguaglianza, senza alcuna sottomissione ad una autorità esterna». «Cosa dice
l’antica lezione della filosofia?» – nota il critico – «che l’uomo, sottomesso alle forze dell’esterno, si dilapida in
pura perdita; è passione e passività, non persegue che soddisfazioni deludenti, la sua sostanza si dissipa, la sua
volontà si estenua e diventa schiava» 58. Tale riappropriazione non comporta un ‘dissociarsi’ dal corpo dal
momento che nella solitudine si deve rafforzare sia il corpo che l’anima.
«Gli interpreti di Montaigne hanno visto in genere chiaramente come questo ‘ritorno a sé’, ispirato dalla
sapienza greco-latina, differisca da quello richiesto dalla pietà cristiana e soprattutto dalla predicazione agostiniana
le quali invitano a rientrare in se stessi per ascoltarvi la voce di Dio e per subire il suo giudizio, secondo una
esistenza che interiorizza il rapporto di sottomissione alla trascendenza. Al contrario il ripiegarsi su di sé auspicato
da Montaigne non cerca che un interlocutore speculare, mira a rendere all’individuo mortale il pieno esercizio del
proprio giudizio in uno sdoppiamento che tende a instaurare all’interno di sé un rapporto di eguaglianza, senza
alcuna sottomissione ad una autorità esterna». Montaigne, afferma Starobinski, pur scegliendo l’identità interna,
continua però «a rivolgere lo sguardo sul mondo, facendo salvi i legami che non ostacolano l’appartenenza a se
stessi» 59.
La riappropriazione di sé deve mirare al raggiungimento della saggezza gaia , caratterizzata da un ‘costante
giubilo’. La virtù che il saggio vuole infatti raggiungere non deve essere «piantata sulla cima di un monte
scosceso, dirupato e inaccessibile» 60. La saggezza, infatti, ama la vita, la bellezza, la gloria e la salute. Essa ci
insegna a vivere mediante ragionamenti semplici e facili da comprendere e non si serve di ragionamenti
sottilmente dialettici, che non possono migliorare la nostra vita. Quindi essa non deve portarci alla malinconia.
Montaigne infatti nel saggio De l’institution des enfants raccomanda proprio di non educare i fanciulli,
tormentandoli con un lavoro che li impegni tante ore. Bisogna invece trovare un modo di insegnare che non porti
ad ‘isolare’ il ragazzo dalla vita, a renderlo inetto alla ‘civile conversazione’ e a distoglierlo da migliori
occupazioni. Gli stessi giochi e gli stessi esercizi fanno parte dello studio.
Il ragazzo non si deve isolare nel suo lavoro, ma deve esercitarsi praticamente. È per questo che devono far
parte del suo studio «la corsa, la lotta, la musica, la danza, la caccia, il maneggio dei cavalli e delle armi» 61.
Così dicendo Montaigne si dimostra consapevole del pericolo che comporta lo studio prolungato
nell’isolamento e nella solitudine che può far nascere la malinconia. Infatti questa si palesa nel momento in cui
egli, appartandosi per ritrovare se stesso e superare la dimensione della dissimulazione e della ‘maschera’, troverà
mostri fantastici e chimere.
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Montaigne desidera non solo «farsi spettatore del mondo», vuole diventare teatro di se stesso. Egli desidera
«riappropriarsi», ma non ci riesce. È a questo punto che il critico francese fa riferimento alla figura del
rovesciamento. «È la prima confidenza a cui Montaigne si lascia andare sull’origine del libro. Ha dovuto subire un
rovesciamento dal pro al contro, un malizioso gioco dei contrari. Desiderava l’assise calma e sicura ( fermarsi e
riposarsi in se medesimo ), il colloquio silenzioso con se stesso ( lasciarlo nell’ozio più completo conversare con se
stesso ). Invece di questo, ha conosciuto il trasporto disordinato, la proliferazione delle preoccupazioni. Invece
della vita regolata, restituita alla sua piena realtà, ha visto nascere l’orda, il proliferare dei mostri e delle creature
irreali. Si è visto allora costretto a prenderne atto, a registrarli, a metterli in lista. Ha cercato soccorso nell’atto di
scrivere, nel libro da fare» 62. Il rovesciamento è potuto avvenire per «una imprevista conseguenza dello
sdoppiamento che separa il contemplatore dall’oggetto contemplato». Diciamo che si tratta – nel pensiero, nel
discorso – di una imprevista conseguenza dello sdoppiamento che separa il contemplatore dall’oggetto
contemplato.
Montaigne afferma, come abbiamo visto, che per intraprendere questo processo non è sufficiente osservare il
mondo come uno spettacolo; è necessario diventare teatro di se stessi. Ma nell’esperienza che ne fa l’autore
francese, «la scissione autocontemplativa invece di essere stabilizzatrice, diventa il principio di una rapida
pluralizzazione. Lo sdoppiamento invece di assicurare la ripetizione dello stesso , apre la strada alla differenza e
scatena tutta la serie dei numeri. Nella breccia aperta, il multiplo e i cambiamenti illimitati si ingolfano o si
impadroniscono dello spazio offerto. Il teatro che l’io è per se stesso vede sorgere una folla di figure che
provengono dall’interno» 63.
Nel saggio dedicato all’ Oysiueté infatti afferma: «Recentemente, quando mi sono ritirato a casa mia, risoluto
per quanto lo potessi a non occuparmi d’altro che di trascorrere in pace e appartato quel po’ di vita che mi resta,
mi sembrava di non poter fare al mio spirito favore più grande che lasciarlo, nell’ozio più completo, conversare
con se stesso e fermarsi e riposarsi in se medesimo: cosa che speravo potesse ormai fare più facilmente, divenuto
col tempo più posato e più maturo. Ma trovo, variam semper dant otia mentem , che, al contrario, come un cavallo
che rompe il freno, esso si procura cento volte più preoccupazioni da solo di quante se ne faceva per gli altri; e mi
genera tante chimere e mostri fantastici gli uni sugli altri, senz’ordine e senza motivo, che per contemplarne a mio
agio la balordaggine e la stravaganza, ho cominciato a registrarli, sperando col tempo di farlo vergognare di se
stesso» 64. La scena si popola di intrusi: dirigerla o regolarla diventa impresa disperata 65. Montaigne, desideroso
di vivere appartato per conversare con se stesso, spera di fare un piacere al suo spirito. Al contrario, come il
cavallo che rompe il freno, esso si procura cento volte più preoccupazioni da solo di quante se ne faceva per gli
altri.
È quindi nella solitudine, che aveva ricercato per una scelta di libertà, disgustato dagli incarichi pubblici,
stanco della servitù del parlamento, che Montaigne trova una pluralità mostruosa. La solitudine provoca la
tristezza. «La speranza della libertà si dissolve: bisogna subire la legge dell’umore tetro, sentirsi invasi dalla
fantasia , che è alienazione nel senso patologico del termine»66. È avvenuto quindi il rovesciamento dal pro al
contro. Invece del riposo ha conosciuto il suo contrario, il trasporto disordinato.
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Egli viene così spinto a scrivere dall’ansia di riconquistare il dominio interiore che è messo in pericolo «dalle
impennate del suo spirito in ozio e dall’irresistibile fantasia della tristezza melanconica» 67. Egli confessa nel
saggio De l’Affection des pères aux enfants che «è un umore melanconico, e un umore quindi molto contrario alla
mia indole naturale, prodotto dalla tristezza della solitudine nella quale qualche anno fa mi ero immerso, che mi ha
dapprima messo in mente questa fantasia di mettermi a scrivere. E poi, trovandomi del tutto sprovvisto e vuoto di
ogni altra materia, ho presentato me a me stesso, come argomento e soggetto» 68. Se infatti, come si legge nel
saggio Oysiueté , lo spirito non è occupato da un determinato soggetto che lo tenga ‘imbrigliato’ e costretto, si
getta, senza regola, qua e là nel campo vago dell’immaginazione: «L’anima che non ha uno scopo stabilito si
perde» 69.
Dalla fantasia si giunge alla malattia, cioè ad un atteggiamento che è molto lontano dall’indole naturale 70.
Solo scrivendo egli si libererà dalla malinconia, che è una disposizione fisica che riesce ad avere il sopravvento
su l a ragione, e che costringe l’uomo a compiere azioni non responsabili 71.
Il suo spirito, nel cimentarsi in un’impresa così impegnativa come lo scrivere, riuscirà a riappropriarsi di se
stesso, avendo come interlocutore solo se stesso. «Se poi qualcun altro lo trova utile e piacevole, ebbene, tanto
meglio» 72.
Egli diventa così «il creatore di una nuova professione e di una nuova categoria sociale: l’ homme de lettres e
écrivain , il profano in veste di scrittore» 73. In questo modo rinnova «da un certo punto di vista, l’ideale antico del
saggio solitario; ma lo fa senza un programma definito». La sua è una solitudine solo interiore che gli permette di
interessarsi a tutto e appassionarsi viaggiando74. Egli rifiuta la malinconia pur accettando la solitudine; non vuole
che questa si trasformi in misantropia, in quanto, a suo parere l’allontanarsi dalle convenzioni comuni, o ‘cambiare
luogo’ non serve a nulla se prima non ci si è liberati dalle passioni, dalle debolezze, dalle forze esterne che
so t omettono l’anima. Non ci si ritira dal mondo per non essere riusciti a accettare la falsità del vivere sociale: non
si deve operare una rottura con il mondo, perché questo ha bandito la verità, trasformandosi in un ‘teatro
ingannatore’.
Starobinski sottolinea a questo proposito che lo scrittore ha operato questa scelta senza alcuna certezza, solo
per prendere le distanze e tornare ad essere presente a se stesso; non ha voluto esiliarsi dal mondo ingannatore, ma
stabilire una frontiera. Egli sale nella ‘libreria’ della torre, all’ultimo piano del castello di famiglia, pur non
considerandolo come un ‘abituale domicilio’. L’importante per lui è «aver conquistato la possibilità di fissarsi in
un territorio personale e privato, di potervi prendere le distanze in qualsiasi momento, uscendo dal gioco:
l’importante è aver dato una localizzazione, insieme simbolica e concreta, alla distanza riflessiva, averle riservato
un luogo sempre accogliente, senza essere costretto ad abitarlo costantemente» 75.
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«Il libro» – afferma Starobinski – «è il luogo unitario dove può effettuarsi il raggruppamento del diverso. Il filo
di una stessa scrittura non è incompatibile con la mutevolezza degli umori, lo scontro delle idee contraddittorie, il
‘passaggio’, il movimento, il viaggio» 76. Starobinski pone l’accento sulla nozione di sincerità con cui inizia
l’avvertenza preliminare di Montaigne: «Questo, lettore, è un libro sincero. Ti avverte fin dall’inizio che non mi
sono proposto, con esso, alcun fine, se non domestico e privato. Non ho tenuto in alcuna considerazione né il tuo
vantaggio né la mia gloria. Le mie forze non sono sufficienti per un tale proposito. L’ho dedicato alla privata
utilità dei miei parenti ed amici: affinché dopo avermi perduto (come toccherà loro ben presto) possano ritrovarvi
alcuni tratti delle mie qualità e dei miei umori, e con questo mezzo nutrano più intera e viva la conoscenza che
hanno avuto di me. Se lo avessi scritto per procacciarmi il favore della gente, mi sarei adornato meglio e mi
presenterei con atteggiamento studiato. Voglio che mi si veda qui nel mio modo d’essere semplice, naturale e
consueto, senza affettazione né artificio: perché è me stesso che dipingo. Si leggeranno qui i miei difetti presi sul
vivo e la mia immagine naturale, per quanto me l’ha permesso il rispetto pubblico. Ché se mi fossi trovato tra quei
popoli che si dice vivano ancora nella dolce libertà delle primitive leggi della natura, ti assicuro che ben volentieri
mi sarei qui dipinto per intero, e tutto nudo. Così, lettore, sono io stesso la materia del mio libro: non c’è ragione
che tu spenda il tuo tempo su un argomento tanto frivolo e vano. Addio dunque; da Montaigne, il primo di marzo
millecinquecentottanta».
7. Le ragioni del cuore: Starobinski interprete
di La Rochefoucauld
L’autore delle Maximes non condusse sempre una vita di riflessione. Era stato un uomo d’azione, un soldato,
era stato imprigionato anche alla Bastiglia.
La verità che vuole esprimere è già chiara dall’antiporta della prima edizione delle Maximes , che mostra un
putto alato che toglie al busto di Seneca la maschera che ne nasconde il vero volto. Tale immagine rappresenta un
attacco alla morale stoica. Si pensi, tra l’altro, alla massima 504 in cui La Rochefoucauld dichiara la falsità della
posizione stoica per quanto riguarda il disprezzo della morte. Anche Epicuro esortava i suoi discepoli a
disprezzarla, ma i neo-epicurei del XVII secolo, quali La Rochefoucauld, La Fontaine e Hobbes, non credevano
che tale disprezzo fosse possibile.
La posizione di La Rochefoucauld nei confronti dello stoicismo non è sempre stata la stessa. Infatti nel Portrait
egli mostra un legame con tale corrente di pensiero a proposito delle belles passions qui «marquent la grandeur de
l’âme» 77. Egli ancora nel Portrait , afferma che la conversazione è uno dei piaceri che più l’attraggono: «Mi piace
che sia seria e che la morale ne costituisca il tema dominante». E aggiunge poche righe dopo: «ma forse esprimo
la mia opinione un po’ troppo schiettamente» 78.
Egli rimprovera a se stesso quella schiettezza che resta una sua caratteristica costante. Infatti il Portrait ,
pubblicato nel 1659, è una presentazione assolutamente sincera del suo aspetto fisico e del suo carattere. Anche
nelle Maximes egli mostra qual è, a suo parere, il vero volto della virtù, che non può essere compreso se non
facendo appello all’ amour-propre . È per questo che, dietro gli intenti di La Rochefoucauld di mostrare i
meccanismi esatti della morale, si deve vedere la letteratura machiavellica del tempo, i trattati ispirati a Tacito che
riguardano la Ragion di Stato con il loro disprezzo delle fantasticherie idealistiche. Egli ha tracciato un ritratto del
cuore umano, pretendendo di fissarne le leggi e ha mostrato che i fatti della morale obbediscono a leggi generali
che è possibile individuare. Ha messo in risalto come i comportamenti umani non siano dominati dalla calma
evidenza della ragione, ma che alla loro origine vi siano il desiderio, il timore, le nostre passioni 79.
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È inutile cercare – egli insegna – una coerenza nell’uomo, una unità spirituale che i moralisti tendono ad
attribuirgli. È necessario ammettere realisticamente che, ad esempio, la vera amicizia esiste, anche se si deve
riconoscere che «quella che gli uomini hanno chiamato amicizia non è altro che un’alleanza, una reciproca cura
d’interessi e uno scambio di servigi; insomma, una relazione in cui l’egoismo ( amour-propre ) si prefigge sempre
qualche utile» 80.
Non si deve scorgere in questa massima, come nelle altre, una nota di amarezza, indice di un’aridità dello
spirito. ‘Dire la verità a persone bennate’, cioè nel salotto che riunisce persone scelte vuole dire proprio opporsi
alle false credenze, alle fantasticherie idealistiche e conoscere il cuore umano per quello che è. È la perfetta
honnêteté che La Rochefoucauld pone al di sopra di tutto, che ben si confà alla preudhomie richiamata da Pierre
Charron. Infatti la più necessaria virtù dell’ honnête homme è proprio la lealtà perché «i falsi galantuomini sono
quelli che nascondono i loro difetti a se stessi e agli altri; i veri sono quelli che li conoscono perfettamente e li
confessano» 81.
Antoine Adam ha notato giustamente che La Rochefoucauld «sognava un uomo che osasse essere vero. Questa
verità escludeva, nella sua mente, l’imitazione degli altri, la docilità ai pregiudizi dell’opinione comune, lo sforzo
per innalzarsi al di sopra di sé, tutto ciò che introduce in noi qualcosa di falso e di estraneo. Il libro delle Maximes
non denuncia la falsità delle virtù perché possiamo trarre partito da l a menzogna, ma perché impieghiamo tutti i
nostri sforzi ad essere veri 82.
Quello che è stato definito il «misantropo cortese» intende quindi dire la verità al mondo a cui appartiene che,
a sua volta, si camuffa, coprendosi il viso con la maschera 83. Per poter raggiungere il suo scopo, egli sceglie non
una solitudine completa, ma un salotto di gente dabbene dove esercitare la conversation .
A proposito della conversation , La Rochefoucauld si esprime esplicitamente nelle Refléxions . Egli enuncia
delle vere e proprie regole alle quali ci si deve attenere: «Bisogna ascoltare, se si vuol essere ascoltati; bisogna
lasciare agli altri la libertà di farsi capire e perfino di dire delle cose inutili. Invece di contraddirli o di
interromperli, come si fa spesso, si deve penetrare nella loro mentalità e nei loro gusti, far vedere che si capiscono,
parlare di ciò che li riguarda, lodare le cose meritevoli di lode che dicono e far mostra di lodarli più per
discernimento che per compiacenza» 84.
Egli afferma inoltre che non si deve assolutamente parlare di se stessi, ma che al contrario si deve porre molta
cura nel conoscere i propri interlocutori; non si deve prendere con essi «des aires d’autorité» e ferirne l’amor
proprio. Non si deve essere al centro della conversazione e parlare sempre della stessa cosa. Bisogna introdurre
temi gradevoli, non trattare sempre lo stesso argomento e, soprattutto, saper scegliere l’argomento adatto al
proprio interlocutore85. Bisogna stabilire un rapporto «entre les esprits» sostenuto dal «bon sens» e dall’umore
(«humeur»).
La Rochefoucauld afferma molto chiaramente che non è la ragione a guidarci, ma il cuore. «Spesso l’uomo
crede di guidarsi e invece è guidato; e mentre con la mente tende a una meta, il cuore insensibilmente lo trascina
verso un’altra» 86.
Starobinski afferma a questo proposito: «Rien ne viendra guider la ‘pratique’ humaine: une sagesse
dogmatique est une chimère, et les ricettes empiriques sont dérisoires. On ne pourra jamais ‘agir avec sûreté’». E
ancora volendo descrivere nelle Maximes l’uomo come ‘centro di passività’, afferma: «La Rochefoucauld ne fait
pas seulement de l’homme un être de contradiction, il le décrit comme un être d’aveuglement et de passivité» 87.
La passività scaturisce dal fatto che l’uomo non ha forza sufficiente per seguire tutta la propria ragione 88. Il
cuore umano non riesce a volere attivamente le sue contraddizioni, ma le subisce senza avere la capacità di
riconoscerle chiaramente né di resistere loro 89.
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Quando la volontà crede di essere determinata dalla ragione, obbedisce in realtà a cause fisiologiche. Per
spiegare la molla delle nostre azioni si deve ricorrere agli umori, sostenendo e accettando il fatto che l’organismo
è pervaso da una massa di influssi mutevoli che si trasmettono a loro volta allo spirito. Vi è una massima
chiarificatrice in questo senso che suona: «Non si desidera mai ardentemente ciò che si desidera solo con la
ragione» 90. E ciò nel senso che si desidera veramente che una cosa avvenga quando la si vuole non solo con la
ragione ma con i nostri desideri o, diremo con un linguaggio moderno, le nostre ‘pulsioni’ più nascoste. Chi
conosce infatti il proprio esprit non è detto che conosca il proprio coeur .
È come se la sfera della raison e dell’ esprit vivesse indipendente dalle ‘ragioni del cuore’ e l’ esprit svolgesse
un ruolo che non è quello del coeur .
Anche dalla massima 297 si comprende che la raison non può dominare, regolare e disciplinare i nostri
desideri: «Gli umori del corpo hanno un corso abituale e regolato che muove e piega impercettibilmente la nostra
volontà; scorrendo insieme, esercitano successivamente un segreto dominio dentro di noi ed hanno una parte
considerevole in tutte le nostre azioni, senza che noi ne possiamo avere coscienza» 91.
Ciò traspare anche dalla massima 43 analizzata prima e dalla massima 10: «Nel cuore umano c’è una genesi
perpetua di passioni, e il soccombere dell’una rappresenta quasi sempre l’insediarsi di un’altra».
L’elenco delle citazioni di Massime relative al ruolo della raison e delle passions potrebbe continuare e non
farebbe che confermare la credenza in una generazione continua di passioni che si produce indipendentemente
dalla raison .
La concezione della natura umana in La Rochefoucauld è caratterizzata da un’affettività indifferenziata che
può manifestarsi in comportamenti antitetici: «I capricci del nostro umore sono ancora più bizzarri di quelli della
fortuna» 92. Dalla massima 45 si desume ancora che l’essenza dell’uomo consiste in un flusso affettivo, le cui
capricciose manifestazioni hanno tutte lo stesso valore : un «perpetuo generarsi di passioni» non offre alcuna presa
reale al pensiero ragionevole e alla libera volontà.
Se ci si chiede perché La Rochefoucauld insista nel delineare una natura dominata da scopi terreni, si trova la
risposta in Paul Bénichou. Questi afferma infatti che con il Duca si arriva alla dissoluzione dell’eroe, a una
autentica dissoluzione dell’io. Egli ha voluto opporsi alla concezione che immagina due possibili livelli nella
natura: quello delle anime elette e quello volgare. Vi è in lui «il rifiuto di ammettere una gerarchia qualitativa tra i
sentimenti» e della dottrina che «istituisce tra gli uomini delle differenze di rango» 93. Il critico francese afferma
ancora che l’intento di Pascal, di La Rochefoucauld e di Jacques Esprit sarebbe quindi quello di convincere i
personaggi di Corneille che la loro ambizione è abbietta. Essi vogliono infatti così smascherare le pretese ideali
dell’orgoglio. Secondo gli autori giansenisti e secondo Nicole è necessario mostrare all’uomo che «gli impulsi
reali sono ben diversi dalla percezione che egli ne ha e presentargli questa stessa percezione come un effetto
nascosto dell’interesse. Tutti concordano nel demolire l’ideale aristocratico». La Rochefoucauld afferma che
«siamo lontani dal conoscere tutte le nostre volontà». Siamo cioè ingannati dai mascheramenti del nostro amor
proprio. L’intelletto, a suo dire, serve solo a mascherare l’affettività. Egli afferma infatti a proposito dell’amor
proprio: «[...] Nient’altro è impetuoso come i suoi desideri, segreto come i suoi progetti, abile come il suo
comportamento; la sua adattabilità è indicibile, le sue trasformazioni fanno impallidire quelle delle metamorfosi e
le sue finezze quelle della chimica. Nessuno può scandagliare le profondità o vedere nelle tenebre dei suoi abissi.
Là egli si sottrae agli sguardi più penetranti e fa mille giri e rigiri inavvertiti. Là, spesso invisibile a se stesso,
concepisce, nutre e coltiva senza saperlo affetti e odi in gran numero, e ne genera di così mostruosi che, dopo
averli dati alla luce, non li riconosce più per suoi e non può risolversi a confessarli. Dalla notte che lo copre
nascono le ridicole opinioni sul suo conto, da lì vengono i suoi errori, le sue ignoranze, le sue grossolane
sciocchezze in merito a se stesso» 94.
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8. La complexité de La Rochefoucauld:
il ruolo dell’ amour-propre secondo Starobinski
Un dibattito centrale della seconda metà del XVII secolo in Francia è senz’altro quello che si svolge intorno
all’ amour-propre . Si pensi all’ Avis au Lecteur (1665) 95 in cui F. de La Rochefoucauld afferma che le Maximes
trattano l’egoismo ( amour-propre ) da corruttore della ragione.
Il curatore italiano delle Maximes sottolinea di aver tradotto «con egoismo il francese amour-propre che nel
XVII secolo significava ‘amore di sé spinto fino alla preferenza di se stessi agli altri’». Questo «si distingueva dal
più tenue e legittimo amour de soi . La parola francese égoïsme (come pure la corrispondente italiana) è attestata
soltanto a partire dal XVIII secolo». Egli aggiunge anche che gli era parso che « egoismo risultasse più aderente –
anche se un poco approssimato per eccesso – dal vetusto amor proprio , che ormai connotato positivamente
sarebbe riuscito sempre approssimato per difetto» 96.
I critici sembrano concordi nel dire che La Rochefoucauld indichi nelle Maximes qual è il vero volto della virtù
e dica che quest’ultima non possa essere realizzata se non facendo appello all’ amour-propre .
Tutto sembra semplice, a prima vista, in questo autore – sottolinea Starobinski – basta rivelare «l’être véritable
dissimulé sous les apparences [...]» e mostrare «la présence d’une passion unique – l’amour-propre – derrière ses
innombrables déguisements. Sous mille masques – un seul visage » 97.
Per capire il vero messaggio di La Rochefoucauld ci si deve riferire a quelle massime che descrivono la natura
dell’ amour-propre , come quella espunta dopo la prima edizione, in cui si apprende che: «L’egoismo è l’amore di
sé e di ogni cosa in funzione di sé; rende gli uomini idolatri di se stessi e li renderebbe tiranni degli altri se la
fortuna ne desse loro i mezzi; non si sofferma mai fuori di sé e si posa sugli estranei solo per trarne, come le api
dai fiori, quanto gli serve. Nulla è più impetuoso dei suoi desideri, nulla più occulto dei suoi disegni, nulla più
astuto de l a sua condotta ; le sue astuzie non si possono descrivere, le sue trasformazioni superano quelle delle
metamorfosi, i suoi trucchi quelli della chimica. Non si può sondare la profondità né penetrare le tenebre dei suoi
abissi dove, al riparo degli sguardi più penetranti, compie mille insensibili sotterfugi. Spesso è invisibile anche a
se stesso, concepisce, nutre e alleva, senza saperlo, un gran numero di affetti e di odii, a volte così mostruosi che,
quando vengono alla luce, li disconosce oppure non trova il coraggio di confessarli» 98.
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Si può affermare quindi che è l’ amour-propre ad accendere «i suoi desideri e non la bellezza e il valore delle
cose; che è il suo gusto il pregio che le innalza e l’ornamento che le abbellisce; che egli corre dietro a se stesso e
che segue il suo piacere quando segue le cose che gli aggradano. L’egoismo ha tutte le contraddizioni: è imperioso
e obbediente, sincero e dissimulatore, misericordioso e crudele, timido e temerario.[...] È incostante per
incostanza, per leggerezza, per amore, per novità, per stanchezza e per disgusto; è capriccioso, e spesso lo si vede
lavorare con estrema alacrità a compiere imprese incredibili per ottenere cose che non gli sono utili e che
addirittura gli sono dannose, ma che persegue perché le vuole. È bizzarro, e spesso pone ogni impegno nelle
imprese più frivole; trova piacere nelle più insipide e conserva tutta la sua fierezza nelle più disprezzabili. Lo si
trova in tutte le fasi della vita e in tutte le condizioni; vive dappertutto e vive di tutto e di niente. Si compiace delle
cose e della loro mancanza; passa perfino dalla parte dei suoi nemici, prende parte ai loro piani e, cosa mirabile,
odia se stesso con loro, congiura alla propria perdizione, lavora alla propria rovina. Insomma, si preoccupa
soltanto di esistere e, pur di esistere, accetta anche di essere nemico di se stesso. Non ci si deve meravigliare
dunque se a volte si accompagna alla più rigida austerità allo scopo di distruggersi, perché, quando soccombe da
una parte, risorge da un’altra. Quando si pensa che abbia abbandonato ciò che gli piace, si è concesso soltanto una
pausa oppure si è rivolto altrove, e anche quando è sconfitto e si crede di essersene liberati, lo si ritrova che trionfa
nella propria disfatta. Ecco il ritratto dell’egoismo, di cui tutta la nostra vita non rappresenta altro che la grande e
lunga agitazione; lo si può raffigurare concretamente col mare, perché l’egoismo trova nel flusso e riflusso delle
sue onde continue una fedele espressione della turbolenta successione dei suoi pensieri e del suo moto eterno» 99.
Egli si preoccupa solo di esistere, accetta anche di essere nemico di se stesso tanto che a volte si accompagna
alla più rigida austerità allo scopo di distruggersi. E quando sembra che soccomba da una parte, in realtà risorge
dall’altra. La Rochefoucauld infatti, come abbiamo visto, termina il ritratto dell’ amour-propre paragonandolo al
mare 100.
Dall’analisi di queste Maximes sembra dunque che esse mostrino un solo appetito, una sola energia che viene
occultata poi dalle varie maschere. L’uomo in tutte le età e in tutte le condizioni non è altro che l’ amour-propre
che impersona da solo tutti i personaggi della commedia umana. Apparentemente sembra che esso sia l’origine e il
punto di arrivo di tutto.
Anche Jean Starobinski ha visto in questo elegante scrittore colui che offre «des variations délicates sur un
grand thème janséniste. L’homme pécheur est la créature qui s’est préférée à son créateur». Le Maximes vengono
lette quindi come un commento «parfaitement beau de Saint Augustin» 101. Si è detto anche che le Maximes
hanno prodotto un effetto choc e molte reazioni di scandalo, dal momento che hanno trasportato un tema
dell’antropologia cristiana in un libro laico e collegato il discorso dell’ amour-propre all’idea del peccato
originale. L’ amour-propre si era trasformato da «tentateur» a «le plus grand de tous les flatteurs».
Ma, secondo il critico, per cogliere il vero messaggio di La Rochefoucauld, non ci si deve solo soffermare sul
suo «augustinisme» 102. Egli non sarebbe infatti l’uomo di una sola idea, un melanconico che non esce dal suo
monoteismo 103. Le Maximes dedicate all’ amour-propre sono importanti, ma devono essere accostate ad altre.
Solo così il mosaico riesce a ricomporsi.
Le Maxime s che non vanno certo trascurate sono quelle che descrivono l’amour-propre nelle sue prodigiose
messe in scena e nei suoi travestimenti, o come il «corruttore della ragione», tale la massima numero 7: «Le grandi
e sfolgoranti azioni che abbagliano la vista sono rappresentate dai politici come risultati di grandi progetti, mentre
solitamente sono effetti del temperamento e delle passioni. La guerra tra Augusto e Antonio, per esempio, che si fa
risalire alla loro ambizione di impadronirsi del mondo, forse non era altro che una conseguenza de l a gelosia».
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O la prima massima: «Ciò che noi scambiamo per virtù spesso non è altro che un insieme di azioni e di
interessi diversi che la fortuna oppure la nostra abilità sanno conciliare; non è sempre per valore e per castità che
gli uomini sono valorosi e le donne caste».
È con la massima 247 che vediamo l’ amour-propre camuffarsi e prendere le forme più varie: «La fedeltà che la
maggior parte degli uomini dimostra non è altro che un’invenzione dell’egoismo per attirare la fiducia. È un
mezzo per elevarci al di sopra degli altri e renderci depositari delle cose più importanti».
È soprattutto la parola déguisement che ricorre a partire dall’epigrafe: «Il più delle volte, le nostre virtù sono
soltanto dei vizi mascherati».
Ma per cogliere il vero essere dietro l’ apparenza , non basta mostrare che l’ amour-propre prende la maschera
della virtù per raggiungere più facilmente i suoi scopi e quindi affermare che l’amicizia, la modestia e la
generosità non sono altro che sue invenzioni.
Non si tratta solo di smascherare l’ amour-propre , ma anche di ricercare le altre molteplici cause dell’agire.
Da qui il titolo di questo fondamentale articolo di Starobinski. Infatti in questo senso egli ci indica la massima
16, in cui si legge: «La clemenza che si considera una virtù, si pratica a volte per vanità, a volte per pigrizia,
spesso per timore, e quasi sempre per tutti e tre questi motivi insieme».
La Rochefoucauld mostra infatti non solo che il vizio è la vera realtà che si nasconde dietro l’apparente virtù,
ma che il vizio non è che una delle molteplici motivazioni. Nella massima 11 afferma: «Le passioni ne generano
spesso altre opposte. A volte l’avarizia produce la prodigalità e la prodigalità l’avarizia; spesso si è risoluti per
debolezza e temerari per timidezza».
L’azione umana si rivela essere il risultato di motivazioni completamente opposte a quelle che le avevamo
attribuito a prima vista. E così: «la forza d’animo dei saggi non è altro che l’arte di tener chiuso nel cuore il
proprio turbamento».
Il vizio diventa così una delle cause tra le tante. E dunque si può affermare che l’uomo non è tirannizzato solo
da un potere assoluto, ma che è sottoposto ad un’anarchia senza fine.
9. Il reale come ‘rovesciamento’ dell’apparenza
Starobinski mette in evidenza che le Maximes hanno il potere di mostrare il reale come un ‘rovesciamento’
dell’apparenza («de faire voir le réel comme un renversement de l’apparence»). «Nous sommes constamment
soumis à des effets de surprise et le plaisir de la surprise compense notre déconvenue» 104. A questo proposito il
critico cita la massima 175: «La constance en amour est une inconstance perpétuelle, qui fait que notre coeur
s’attache successivament à toutes les qualités de la personne que nous aimons, donnant tantôt à l’autre: de sorte
que cette constance n’est qu’une inconstance arrêtée et renfermée dans un même sujet». Subito dopo egli
introduce la figura del ‘rovesciamento’: «Le renversement, malgré une symétrie parfois un peu trop regulière et
séche, provoque un vertige. L’espace pivote, la lumière change, les plans s’inversent. La croyance vulgaire est
supplantée par un savoir qui permute les signes plus et les signes moins : nous étions bien sots de ne pas voir que la
constance est inconstance et que la réalité méconnue, telle qu’elle s’éclaire brusquement, est affectée d’un préfixe
de négation» 105. Il ‘gioco del rovesciamento’ attua una ‘vertigine controllata’, una catastrofe ben regolata, di
modo che «le pour devient le contre, le oui réfléchit dans le non» e gli opposti alla fine si identificano. La massima
citata è la 78: «[…] L’amour de la justice n’est, en la plupart des hommes, que la crainte de subir l’injustice» 106.
41
Starobinski quindi sottolinea che l’uomo per La Rochefoucauld diventa non solo un luogo di contraddizioni,
ma anche, come abbiamo visto, un luogo di passività: «Amour-propre, humeurs, fortune: ce sont là trois façons
différentes d’affirmer que l’homme est déterminé, qu’il est irrévocablement soumis à des ‘conditions’ qui le
contraignent. La fortune dispose de lui du dehors, les humeurs et l’amour-propre le commandent du dedans» 107.
La Rochefoucauld crede quindi in un determinismo, un condizionamento dell’uomo, per cui ciò che nella sua
condotta sembra libero e spontaneo è in realtà condizionato dall’esterno. L’uomo risulta così ignorare ciò che lo
muove e non coglie le vere cause delle sue azioni e dei suoi sentimenti.
Ecco perché il critico francese intitola il saggio: Complexité de La Rochefoucauld, e afferma che non si tratta di
trovare il vero essere che ci manovra, ma di scoprire le varie cause del nostro agire. Si scopre così che siamo
«agiti», siamo alla mercé di forze estranee, quali gli umori e l’ amour-propre . Non esiste una volontà libera, ma
solo condizionata: «Au mouvement imperceptible des humeurs correspondent les ‘mille insensibles tours et
retours’ de l’amour-propre».
Un critico francese nella Introduzione all’edizione delle Maximes afferma a proposito del Duca che non ci si
può oggi accontentare di vedere nei suoi scritti lo sviluppo di una sola idea, ma «l’on y trouve bien autre chose»
108. Il problema non è quindi tanto di capire quale sia il ‘vero’ La Rochefoucauld (anche perché egli aveva il
diritto di essere eclettico proprio perché non era un filosofo di professione), quanto di comprendere le motivazioni
profonde che spingono l’amor proprio e l’interesse al travestimento 109.
L’interpretazione che fornisce Starobinski risulta, a nostro avviso, essere assolutamente chiarificatrice per
capire il ruolo giocato dall’ amour - propre nell’opera di La Rochefoucauld. E così Starobinski conclude il saggio,
affermando che La Rochefoucauld ha voluto mostrarci in mille modi diversi che ciò che appare libero è in realtà
condizionato dall’esterno e «engendré par son contraire» 110. («L’homme ignore ce qui le meut, il est incapable
de percevoir ou de sentir ce qu’il lui importerait tellement de connaître: les vraies causes de ses actions et de ses
sentiments» 111).
Tema ricorrente quello del ‘rovesciamento’ sia in questi, sia in altri saggi di Starobinski (come quello dedicato
alla malinconia in Robert Burton).
Egli poteva limitarsi a dire che la natura umana è il ‘luogo delle contraddizioni’. Invece è andato oltre e ha
mostrato, con un sapiente gioco di specchi, sia l’essere vero, sia l’apparenza illusoria: l’esatto contrario del primo
che è poi anche la sua immagine speculare.
È attraverso il ‘giuoco del rovesciamento’ che Starobinski ha evidenziato in maniera impeccabile quello che
può considerarsi il fondamento della condizione umana nell’età moderna 112.
1 Ringrazio il Sig. Massimo Giacci per aver realizzato in questo volume l’idea grafica proposta nel pieghevole.
2 Nella Quarta Promenade in realtà Rousseau disquisisce sul tema della verità e della menzogna. È rispetto a questo tema
che egli riferisce del torto fatto a Marion. Cfr. Les rêveries du promeneur solitaire, tr. it., in J.-J. R OUSSEAU , Opere , a cura
di P. Rossi, Firenze, Sansoni, 1973, pp. 1337-1347.
3 J. S TAROBINSKI , La devise de Rousseau , in questo volume, p. 14.
4 Ivi , p. 15.
5 Mi riferisco a J. S TAROBINSKI , Complexité de La Rochefoucauld , in «Preuves», maggio 1962, pp. 33-40, che verrà
preso in esame più avanti.
6 J. S TAROBINSKI , La devise de Rousseau , cit., p. 17.
7 Ivi , p. 19. In riferimento all’importante differenza tra ‘amour-propre’ e ‘amour de soi’ in Rousseau, Starobinski cita
anche il Discours sur l’Inégalité e l’ Emile .
8 J. S TAROBINSKI , La devise de Rousseau , cit., p. 22.
9 Ivi , pp. 22-23.
10 «Rousseau a certes menti en prétendant avoir reçu le ruban, mais à la verité, prétend-t-il, il voulait le donner», ivi , p.
42
29.
11 Ivi , p. 32. Il critico francese nel saggio Être riche au siècle de Voltaire (a cura di J. Berchtold e M. Porret), Librairie
Droz, Genève, 1996, p. 283, ripropone il tema del rovesciamento nel presentare ‘les soupers de Voltaire: plaisir et embarras’.
«Au reste, les renversements sont toujours possible chez Voltaire. Son goût, son amusement consis- tent à offrir des pis-aller
consolants, des arrangements boiteux qui atténuent les malheurs. A la fin de Candide , le petit groupe de rescapés établis sur
les bords du Bosphore n’en mène pas large. Pangloss est défiguré, Candide n’a plus le sou, Cunégonde est devenue très laide
et très acariâtre, mais elle est une excellente pâtissière».
12 J. S TAROBINSKI , La devise de Rousseau , cit., p. 34.
13 J.-J. R OUSSEAU , Confessions , tr. cit., in J.-J. R OUSSEAU , Opere , cit., p. 793.
14 J. S TAROBINSKI , La devise de Rousseau , cit., p. 36; cfr. Confessions , cit., p. 793.
15 Starobinski nota che i termini usati: expiation , souffrances subies ‘en ce monde ’, ‘ coulpe ’ si iscrivono nel registro del
linguaggio religioso ( ivi , p. 38).
16 Così afferma J. Starobinski, ivi , p. 41.
17 Starobinski individua tra le fonti di Rousseau, riguardo al tema della menzogna, Agostino, Pufendorf, Grozio ( ivi , pp.
41 sgg.).
18 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries , in tr. cit., p. 1340.
19 Ibidem .
20 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries , in tr. cit, p. 1344.
21 Ivi , p. 1346.
22«Poiché trascorro la mia vita con me, debbo conoscermi» afferma infatti il Ginevrino nel primo libro delle
Confessions . Questa affermazione fa affermare a Starobinski: «Senza dubbio, l’atto del sentimento che fonda la conoscenza
di sé non ha mai lo stesso contenuto: in ogni nuova circostanza è inconfutabile, è l’evidenza stessa. La conoscenza di sé è
ogni volta al suo inizio, si assiste all’emergere primordiale della verità. L’atto del sentimento è rinnovabile all’infinito, ma
sul momento possiede un’autorità assoluta e acquista un valore inaugurale. L’io si scopre e si possiede in una sola volta.
Nell’istante in cui si impadronisce di sé, rimette in discussione tutto ciò che sapeva o credeva di sapere al proprio riguardo:
l’immagine precedente alla scoperta della sua verità era incerta, incompleta, ingenua; solo ora la luce avanza, o sta per
avanzare […]». La massima del conosci te stesso non è così facile da seguire come aveva creduto nelle Confessions . Cfr. J.
S TAROBINSKI , Jean-Jacques Rousseau. La transparence et l’obstacle , Paris, Gallimard, 1971; tr. it., Bologna, Il Mulino,
1982, p. 283. La citazione di Rousseau si trova nelle Confessions , libro I.
23 J.-J. R OUSSEAU , Rêveries , I, in Opere , tr. cit., p. 1321. Per la citazione di Starobinski nel testo, Jean-Jacques
Rousseau , tr. cit., pp. 283-84.
24 J. S TAROBINSKI , Jean-Jacques Roussean , cit., pp. 284-85.
25 Ivi , p. 285.
26 Ivi , p. 286.
27 Ibidem .
28 Ivi , p. 287.
29 Ivi , p. 293.
30 Ibidem. Cfr. J.-J. R OUSSEAU , Confessions , tr. cit., libro I, 747. Queste sono le parole che aprono le Confessions .
31 J. S TAROBINSKI , Jean-Jacques Rousseau , tr. cit., p. 294.
32 Ivi , p. 296.
33 Ivi , p. 297.
34 Ivi , p. 300.
35 Ivi , p. 301.
36 Ivi , p. 303.
37 Ivi , p. 304.
38 Ivi , p. 305.
39 Ibidem.
40 Ivi , p. 306.
41 Ivi , p. 307.
42 Ivi , p. 309.
43 Ivi , pp. 311-312.
44 Ivi , p. 312.
45 Ivi , pp. 310-11. Starobinski cita nel saggio dedicato al ‘ruban volé’ a proposito della Quatrième Promenade il libro di
B. A NGLANI , Le maschere dell’io , Fasano, Schena, 1995, pp. 317-332.
46 Il giudizio su Starobinski è contenuto in La reinvenzione dei Lumi. Percorsi storiografici del Novecento , a cura di G.
R ICUPERATI , Firenze, Olschki, 2000, p. 219. Il libro di Baczko è stato pubblicato nel 1978 (Paris, Payot) e in italiano nel
1979 (Torino, Einaudi).
43
47 M. DE M ONTAIGNE , De la solitude in Les Essais de Michel Seigneur de Montaigne , édition nouvelle, Paris, chez
Michel Blageart, 1940, pp. 136-37; tr. it., in Saggi , a cura di F. Garavini, Milano, Adelphi, 1966, p. 313.
48 Ivi , p. 314.
49 Ibidem.
50 Ivi , p. 315.
51 Ivi , p. 319.
52 Ivi , pp. 322-23.
53 Ivi, p. 325.
54 Cfr. J. S TAROBINSKI , Montaigne en mouvement , Paris, Gallimard, 1982, tr. it., Montaigne. Il paradosso
dell’apparenza , Bologna, Il Mulino, 1984, p. 23.
55 J. S TAROBINSKI , Montaigne en mouvement , tr. cit., pp. 23-24.
56 Ivi , p. 24.
57 Ivi , p. 25.
58 Ibidem.
59 J. S TAROBINSKI , Montaigne en mouvement , tr. cit., pp. 26-28.
60 Cfr. M. DE M ONTAIGNE , De l’institution des enfants in Saggi , cit., p. 213.
61 Ivi , p. 218.
62 Cfr. J. S TAROBINSKI , Montaigne en mouvement , tr. cit., p. 37.
63 Ivi , p. 36.
64 Cfr. il saggio De l’Oysiueté in Saggi , cit., pp. 39-40.
65 J. S TAROBINSKI , Montaigne , cit., p. 36.
66 J. S TAROBINSKI , Montaigne , cit., p. 40.
67 Ibidem.
68 Cfr. M. DE M ONTAIGNE , De l’institution des enfants in Saggi , cit., vol. I, p. 495.
69 Cfr. M. DE M ONTAIGNE , De l’Oysiueté in Saggi , cit., p. 39.
70 Sul tema della malattia Starobinski ritorna anche in Jean-Jacques Rousseau , tr. cit., pp. 313 sgg.
71 Sul tema della melanconia Starobinski ritorna più volte. Si veda almeno il suo fondamentale saggio, Histoire du
traitement de la mélancolie des origines à 1900 , Genève, J. R. Geigy, 1960. In quella collana erano già apparsi gli studi P.B.
S CHNEIDER , G. G ENEVARD , Introduction à la tendence psychosomatique de la médecine (1957); J. W YRSCH , Etats
dépressifs (1958); P. K IELHOLZ , Clinique, diagnostic différentiel et traitement des états dépressifs ( 1958 ); M. B OSS , Petite
psychothérapie et grande psychothérapie des hypertendus essentiels (1959).
72 Così afferma E. A UERBACH , in Der Schriftsteller Montaigne , pubblicazione originale su «Germanisch-romanische
Monatsschrift», 20, 1932; ora in E. A UERBACH , Gesammelte Aufsätze zur romanischen Philosophie , Bern-München, 1967
(Si cita da E. A UERBACH , Da Montaigne a Proust , Milano, Garzanti, 1973, p. 10).
73 Ivi , p. 12.
74 Ivi , p. 21.
75 J. S TAROBINSKI , Montaigne , tr. cit., p. 19.
76 Ivi, p. 44.
77 F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Portrait de M.R.D. par lui-même , in I D ., Massime. Riflessioni varie e autoritratto ,
introduzione di G. Macchia, tr., note, premessa al testo e indice tematico di G. Bogliolo, testo francese a fronte, Milano,
Rizzoli, 1985, p. 444. La Rochefoucauld, si ricorda, è ancora oggi visto come un giansenista o come un cripto-epicureo, cfr.
J. L AFOND , La Rochefoucauld. Augustinisme et littérature , Paris 1977.
78 F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Massime , cit., p. 440.
79 Così si esprime Domenico Taranto. A questo riguardo si veda il capitolo dedicato a «L’analisi agostiniana delle
passioni: intêret e amour propre in La Rochefoucauld e Nicole» in D. T ARANTO , Studi sulla protostoria del concetto di
interesse , Napoli, Liguori, 1992.
80 Cfr. F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Massime , cit., massima 83.
81 Ivi , massima 202.
82 Questo è il parere espresso da Antoine Adam in Histoire de la littérature française au XVII siècle. IV. L’apogée du
siècle , Paris 1954.
83 Questo appellativo è stato attribuito da C.-A. Sainte-Beuve a La Rochefoucauld.
84 F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Riflessioni varie , in I D ., Massime , cit., p. 335.
85 Ibidem .
86 Ivi , massima 43.
87 J. S TAROBINSKI , Complexité , cit., pp. 37-38.
88 «Nous n’avons pas assez de force pour suivre toute notre raison» (massima 42).
89 J. S TAROBINSKI , Complexité , cit., p. 39.
44
90 «On ne souhaite jamais ardemment ce qu’on ne souhaite que par raison» (massima 469).
91Starobinski commenta questo aspetto di La Rochefoucauld per molte pagine nel suo saggio Complexité de La
Rochefoucauld , cit.
92 Cfr. massima 45.
93 P. B ÉNICHOU , Morali del «Grand Siècle» , Bologna, Il Mulino, 1990, pp. 102-103.
94 Ivi , p. 105.
95 F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Avviso al lettore in Massime , cit., p. 74.
96 Ivi, p. 75, nota 2.
97 J. S TAROBINSKI , Complexité de La Rochefoucauld , cit., p. 33.
98 Cfr. F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Massime , cit., p. 258 (Massime espunte dopo la prima edizione).
99 Ivi , pp. 259-263, passim.
100 Ibidem .
101 J. S TAROBINSKI , Complexité , cit., pp. 33 e sgg. Il fine commentatore francese mette in evidenza a questo proposito
che nel Traité de la concupiscence , Bossuet introduce un tema che non esiste né in La Rochefoucauld né nei giansenisti:
l’ amour-propre diventa «coupable réflexion sur soi-même»; è un sonno, una specie di letargo, mentre in La Rochefoucauld
si tratta di una forza che fa stare sempre in allerta.
102 Si pensi, ad esempio, al libro di Jean Lafond dal titolo La Rochefoucauld. Augustinisme et littérature , cit.
103 P. B ENICHOU , Morali del «Grand Siècle» , cit., p. 105.
104 J. S TAROBINSKI , Complexité , cit., p. 38.
105 Ibidem.
106 Ibidem . Anche nella Préface alle Lettres persanes di Montes- quieu Starobinski si serve del gioco del ‘renversement’
(Cfr. M ONTES - QUIEU , Lettres persanes , Gallimard, Paris 1973). Afferma infatti Starobinski: «[…] Dans ses registres si
variés, ses lettres discontinues, ses renversements, le livre de Montesquieu n’a finalement qu’un seul thème et ne développe
qu’une interrogation unique: si l’homme ne veut imposer ni souffrir nulle séparation, et si, tout en refusant le désordre et la
violence qui suivent nécessairement l’émancipation de l’appétit individuel, il regrette également un ordre oppressif qui
s’établi au prix d’une amputation de sa chair et de son intelligence, quelle organisation doit-il donner à sa vie et à ses
institutions» (p. 39). E ancora, in un altro passo, Starobinski aveva affermato: «Tout se renverse dans les Lettres persanes . Le
renversement et le style à renversement est l’image de prédilection de Montesquieu, lorsque il évoque la tyrannie et ses
consequences» (p. 33).
107 J. S TAROBINSKI , Complexité , cit., p. 39.
108 Cfr. F. DE L A R OCHEFOUCAULD , Les maximes , a c. di J. Truchet, Paris, Garnier, 1968, p. LVIII. Questo riferimento
si trova in D. Taranto, Studi sulla protostoria del concetto di interesse , cit., p. 197 nota.
109 D. T ARANTO , Studi sulla protostoria del concetto di interesse , cit., p. 199.
110 J. S TAROBINSKI , Complexité , cit., p. 40.
111 Ibidem . Ci siamo limitati qui a considerara il gioco del rovesciamento nei saggi di Starobinski dedicati alla cultura
francese tra Cinquecento e Settecento. Tale immagine ricorre anche in altri contesti come nella Prefazione all’ Anatomy of
Melancholy di Robert Burton che qui non abbiamo analizzato.
112 Quando questo volume era terminato ho ricevuto un bel libro, dedicato di recente al critico e che porta il suggestivo
titolo di Starobinski en mouvement , sous la direction de Murielle Gagnebin et Christine Savinel, suivi de La perfection, le
chemin, l’origine par Jean Starobinski, Champ Vallon, L’Or d’Atalante, 2001.
45
INDICE DEI NOMI
Adam Antoine, 96.
Agostino d’Ippona, santo, 16, 16 n., 18, 33, 41, 44 n., 48, 48 n., 49, 50, 50 n., 51, 50, 50 n., 51, 56, 67, 68, 72 n., 86, 105.
Ambrogio, santo, 44 n.
Amyot Jacques, 32 n.
Anglani Bartolo, 41 n., 80 n.
Antonio Marco, 106.
Aschheim Steven E., 7 n.
Auerbach Erich, 91 n., 92 n.
Augusto Gaio Giulio Cesare Ottaviano, 106.
Baczko Bronislaw, 81, 81 n.
Barbeyrac Jean, 47 n.
Bénichou Paul, 100, 100 n., 105 n.
Berchtold Jacques, 70 n.
Boccara Nadia, 7.
Bogliolo Giovanni, 94 n., 102.
Bonaventura da Bagnoregio, santo, 51 n.
Boss Medard, 91 n.
Bossuet Jacques-Bénigne, 105 n.
Burton Robert, 110 n., 111.
Charron Pierre, 96.
Cicerone Marco Tullio, 83.
Corneille Pierre, 100.
Deprun Jean, 43 n.
Diderot Denis, 12.
Dupriez Bernard, 28 n.
Epicuro, 84, 94.
Epinay, Louise-Pétronille Tardieu d'Esclavelles Lalive d’, 13 n.
Esprit Jacques, 100.
Ferrari Zumbini Massimo, 7 n.
Fontenelle Bernard Le Bovier de, 43, 43 n., 44 n.
Freud Sigmund, 39 n.
Gagnebin Murielle, 111 n.
Garavini Fausta, 82 n.
Genevard G., 91 n.
Giacci Massimo, 64 n.
Giovanni, evangelista e santo, 18 n.
Giovenale Decimo Giunio, 11 n.
Gouhier Henri, 20, 20 n.
Grosrichard Alain, 33 n.
Grozio Ugo (Huigh van Grooth), 41, 44, 44 n., 46, 46 n., 47 n., 53, 72 n.
Helvétius Claude-Adrien, 43, 43 n., 44 n.
Hobbes Thomas, 94.
Kielholz Paul, 91 n.
Lafond Jean, 94 n., 105 n.
La Fontaine Jean de, 94.
Lambercier Gabrielle, 21 n.
Lambercier Jean-Jacques, 21 n.
La Rochefoucauld François, duca di, 17, 18, 67, 94-110.
La Roque (Cacherano Osasco della Rocca D'Arazzo) Carlo Emanuele, 28 n., 36, 70.
Lausberg Heinrich, 23 n.
Lavasseur Thérèse, 40.
Leigh Ralph Alexander, 13 n.
Lorenzy, chevalier de, 32.
Mably Gabriel Bonnot de, 25 n.
Macchia Giovanni, 94 n.
46
Man Paul de, 27 n., 28, 28 n., 29 n.
Mancini Marco, 7, 7 n.
Marion, cameriera, 21, 21 n., 22, 26-30, 37, 38, 40, 41, 42, 50 n., 65 n., 66, 69, 71, 72.
Mathieu-Castellani Gisèle, 22 n.
Montaigne Michel de, 33 n., 52 n., 63, 76, 81, 82 n., 83, 84, 85, 86, 87, 87 n., 88, 89, 90, 91 n., 93, 94.
Montesquieu Charles-Louis Secondat barone di La Brède e di, 53, 108 n., 109 n.
Nicole Pierre, 33, 33 n., 48, 70, 95 n.
Pascal Blaise, 17, 18 n., 67.
Petrarca Francesco, 83.
Platania Gaetano, 7.
Plutarco, 32, 32 n., 33 n., 34, 44 n., 69, 70.
Pontal Marie, 20, 31, 65.
Pontas Jean, 51 n.
Porret Michel, 70 n.
Proust Marcel, 74.
Pufendorf Samuel, 41, 44, 45, 45 n., 46 n., 47, 49, 53, 72 n.
Quintiliano Marco Fabio, 25, 25 n., 35 n., 69.
Raymond Marcel, 15, 15 n.
Ricuperati Giuseppe, 80, 81 n.
Rollin Charles, 25 n.
Rossi Paolo, 65 n.
Sainte-Beuve Charles-Augustin de, 97 n.
Sainte-Marie Émile, 46 n.
Savinel Christine, 111 n.
Schneider Pierre Bernard, 91 n.
Seneca Lucio Anneo, 94.
Starobinski Jacqueline, 63.
Starobinski Jean, 7, 22 n., 37 n., 63, 64, 65, 66, 66 n., 67, 67 n., 68, 68 n., 69, 70 n., 71 n., 72, 72 n., 73, 74 n., 75 n., 76 n., 77, 79, 80, 80
n., 81, 81 n., 84, 84 n., 85 n., 87, 87 n., 88 n., 90 n., 91 n., 92, 93, 93 n., 94, 98, 98 n., 99 n., 101, 102, 102 n., 105, 105 n., 107, 107 n.,
108 n., 109, 109 n., 110, 110 n., 111, 111 n.
Tacito Publio Cornelio, 44 n., 95.
Taranto Domenico, 95 n., 110 n.
Tasso Torquato, 55, 55 n.
Tommaso d’Aquino, santo, 35 n., 50, 50 n., 51, 51 n., 52 n., 53.
Truchet Jacques, 109, 110 n.
Vercellis, comtesse de, née Thérèse de Chabod Saint-Maurice, 20, 32, 65.
Voltaire, François-Marie Arouet, detto, 70 n.
Wyrsch Jakob, 91 n.
Finito di stampare nel mese di Novembre 2001
a cura della G RAFICA R OMANA srl
00133 Roma - Via F. Bartolozzi, 13
Tel. 06.2017711/724 - Fax 06.2017710
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