Rousseau et les hippies

 

   Le mouvement hippie n’a guère été pris en considération. À la fin des années soixante, quand il voit le jour, l’opinion publique lui est généralement défavorable et ne voit, les médias aidant, que les aspects les plus spectaculaires : les hippies ne sont qu’une bande de jeunes naïfs, refusant le travail, se droguant et vivant une sexualité débridée. L’image qu’on en a ensuite, et jusqu’à aujourd’hui, n’est guère plus nuancée, même si elle est moins réprobatrice : le hippy n’effraie plus et il est pratiquement devenu un déguisement de carnaval ou un thème pour vendre vêtements et autres colifichets. Il peut même détenir une dose de nostalgie quand on parle de la libération sexuelle des sixties avec laquelle on l’identifie, selon la formule : c’était le bon temps. Peu de personnes se rappellent les mots d’Herbert Marcuse :

 

« Il me semble que le mouvement hippie, comme tout mouvement anti-conformiste de gauche, est divisé. Il y a deux tendances. Pour une grande part, il s’agit de mascarade et clownerie, et par conséquent c’est un mouvement totalement inapte, bien que très charmant et sympathique. Mais ce n’est pas toute l’histoire. Il y a chez les hippies et notamment dans certaines branches des hippies comme les Diggers ou les Provos, un élément politique inhérent – et peut-être plus aux États-Unis qu’en Europe. C’est l’apparition de nouveaux besoins instinctifs et de nouvelles valeurs. Il existe une nouvelle sensibilité contre l’efficiente et maladive sagesse. Il existe un refus de jouer selon les règles d’un jeu rigide, un jeu dont tout le monde sait qu’il est rigide depuis le début, et une révolte contre la propreté convulsive de la moralité puritaine et de l’agression engendrée par cette morale puritaine comme nous le voyons aujourd’hui au Vietnam, entre autres. Au moins, cette part des hippies, pour laquelle les révolutions sexuelles, morales et politiques sont unies, est vraiment une forme de vie non agressive : une manifestation d’une agressive non-agressivité qui parvient, au moins potentiellement, à une démonstration de valeurs qualitativement différentes, à une transvaluation des valeurs »[1].

 

C’est l’étude de ces nouvelles valeurs et de leurs rapports avec Rousseau que je vais examiner ici, car comme le note Marcuse, le mouvement hippie a été aussi un creuset où des idées différentes et révolutionnaires ont apparu et un terrain d’expérience où, une fois encore, l’utopie et le réel ont fait bon ménage. Il a place dans cette contre-culture que Theodore Roszak théorisa en 1969 et comme tel, il a ses références culturelles dont Rousseau fait partie. Il est temps de prendre la culture des hippies au sérieux.

   Avant de commencer cet examen, il convient d’abord de préciser le sujet et de recourir à l’histoire. L’incompréhension, la haine, la récupération et la sottise sont tellement prégnantes dans l’image que nous avons des hippies qu’il est nécessaire de sortir de cette confusion qui profite surtout aux discoureurs et aux vendeurs de tout poil dans les sociétés de conformisme libéral comme les nôtres.

   Le mouvement hippie est d’abord localisé et daté. Il commence à faire parler de lui en 1966, avec l’arrivée sans cesse croissante de jeunes adolescents à San Francisco, dans le quartier de Haight-Ashbury. Il est probable que cette migration a commencé dès 1965, avant que les médias ne la remarquent[2]. Le point de départ est donc assez flou et on va rattacher le courant à quelques précurseurs comme les beatniks, au mouvement de renaissance poétique de San Francisco ou à la contestation étudiante de l’Université de Berkeley qui commence à prendre forme. En 1962 déjà, Michel Mohrt employait une formule bien rousseauiste pour désigner Jack Kerouac dont Gallimard venait de faire paraître Docteur Sax ; il parlait du « paria américain qui veut retourner à la nature » dans un billet consacré aux « manières d’être révolté » qui apparaissaient dans la littérature anglo-saxonne. Curieusement, il évoquait aussi les « jeunes hommes en colère » (the Angry Young Men) et particulièrement Colin Wilson qui venait de se faire connaître avec ses considérations sur l’homme en dehors, l’Outsider[3]. J’écris « curieusement » car Colin Wilson évoque Rousseau dans plusieurs de ses romans et essais, notamment dans Soho à la dérive (Adrift in Soho) où son héros songe à écrire un livre sur le thème de la liberté dans lequel la seconde partie « serait centrée sur l’étude de la pensée de Rousseau : L’homme est né libre »[4]. Le personnage de Wilson, dans sa dérive et sa quête d’une vie plus intense, évoque déjà le détachement hippie à l’égard du monde conformiste et bourgeois de la génération précédente. Mohrt peut bien l’associer à Kerouac et à ses romans qui apparaîtront bientôt comme inspirateurs des Flower Chidren, surtout quand un des personnages de Soho déclare qu’il faut « détruire les villes […], les raser, et revenir à l’idée de Babeuf, celle des petites communautés rurales. Former une société dont le but est d’encourager la naissance du génie… » (p. 69). Un autre fait l’éloge du clochard et s’oppose à ces types qui appartiennent au grand engrenage :

 

« Aucun d’eux ne savaient ce que c’est que de vivre, d’être libre. Et depuis leur naissance, ils n’avaient jamais eu la possibilité de l’apprendre. De l’instruction, ça oui, ils en ont eu. C’est là le malheur. On leur a appris qu’il fallait servir la communauté, travailler pour la société, et autres balivernes. On leur a imprimé ça dans la cervelle à jamais, il n’y a aucune chance qu’ils voient clair un jour. Et d’ailleurs pourquoi le souhaiter, pourquoi aller leur expliquer qu’on les a déformés, réduits en esclavage ? Je ne tiens pas à ce que tout le monde me ressemble, ça n’avancerait à rien. Des braves idiots, il en faut, tout comme on a besoin de moutons à manger. Seulement qu’on ne compte pas sur James pour se joindre à la ronde. Moi, je reste en dehors.

   ─ L’homme, né libre, est partout enchaîné, déclamai-je.

   ─ Exactement, dit James. Décidément, quelquefois tu piges. L’homme, né libre, est partout enchaîné… C’est rudement bien dit » (p. 149).

 

   Kerouac mettra en scène plusieurs de ses réfractaires dans ses romans. La dimension autobiographique de ces derniers, le rêve et la poésie qui les habitent, l’aspiration mystique peuvent aussi expliquer que Michel Mohrt les rapproche de Rousseau. Docteur Sax évoque déjà Thoreau et Gérard, ce frère perdu qui hante l’auteur, et ces deux figures se retrouvent dans Visions de Gérard où Kerouac affirme sa foi en une réalité supérieure parce que décidément le monde « ne peut pas être comme c’est »[5], foi assez proche de celle de Rousseau lui-même. Comme lui, Kerouac se sent pris au piège de l’écriture qui s’oppose à la vie, et il manifeste le même rejet des livres : « Les livres, pouah ! ce cauchemar me fait dire que, si je réussis un jour à me tirer de là, c’est avec grand plaisir que je me ferai ouvrier d’usine et que je fermerai ma grande gueule »[6]. À la différence de Rousseau, la sagesse ne consiste pas seulement chez Kerouac en un retrait de la société, même si on trouve dans ses romans, mêlés aux exemples laissés par Thoreau, les patriarches du zen, les swamis de l’Inde et les ermites bouddhistes de la Chine et du Japon, et à sa propre expérience en tant qu’employé du service de surveillance des forêts, un goût très fort pour la retraite au sein de la nature. Chez Kerouac, la route de la sagesse passe aussi par l’excès et la rencontre avec les fous et les marginaux qui hantent les villes, à travers des figures et des pages qui influenceront la jeunesse des sixties. Han Shan et Ikkyu sont plus proches de lui que Jean-Jacques et tous les philosophes reconnus. Le vagabond solitaire, pour reprendre le titre d’un de ses romans, a succédé au promeneur solitaire et son rejet de la société a pris un ton plus âpre : « Je veux leur expliquer que nous ne tenons pas tous à devenir des fourmis qui, par leur labeur, contribuent à la prospérité du corps social, mais des individualistes, chacun d’entre nous comptant un par un »[7]. Le ton peut devenir prophétique quand il décrit en 1965, cette « révolution en sac à dos avec des millions de paumés Dharma » à travers l’Amérique grimpant dans les montagnes pour méditer et ignorer la société »[8]. C’est sans doute Les Clochards célestes (The Dharma Bums), en 1958, qui donnent la meilleure expression de ces temps qui changent et de la vie de la nouvelle bohême beat. Kerouac y met en scène son ami Gary Snyder, sous le nom de Japhy. Celui-ci qui a obtenu depuis le prix Pulitzer et qui est devenu un des grands poètes américains de notre temps, a été aussi un universitaire et Kerouac écrit non sans acuité :

 

« Japhy et moi avions l’air d’étrangers venus de loin, parmi les universitaires. D’ailleurs, Japhy passait, à leurs yeux, pour un excentrique. C’est en effet ce que la gent de Faculté pense généralement des hommes quelque peu authentiques qui font parfois irruption dans les amphithéâtres (les universités n’étant pas autre chose que des écoles de dressage pour les représentants de la classe moyenne, dépourvus de personnalité, comme ceux qui peuplent les rangées de bungalows cossus, alignés, aux abords de la cité universitaire, avec pelouse, télévision et living-room où tout le monde regarde en même temps la même chose, tandis que les Japhy du monde entier rôdent dans le désert pour entendre les voix qui y crient, connaître l’extase étoilée de la nuit, découvrir le mystérieux secret originel de notre civilisation sans visage, sans beauté et sans scrupules). « Tous ces gens, dit Japhy, ont des cabinets de céramique blanche, où ils chient aussi salement que les ours dans la montagne. Mais comme toute leur merde est emportée dans des égouts dûment contrôlés, personne n’y pense plus ou se rappelle que le fait de chier ait quelque rapport avec la merde et la puanteur et toute la dégueulasserie du monde. Ils passent leur temps à se laver les mains avec des savons crémeux qu’ils rêvent de dévorer en secret dans leur salle de bains. » Il avait un million d’idées. Il avait toutes les idées à lui seul »[9].

 

Le propos n’est pas sans rappeler la critique des collèges faite par Rousseau. Si Les Clochards célestes décrivent la bibliothèque de Snyder, « un tas de caisses à oranges, pleines de beaux livres de références, certains écrits dans des langues orientales (notamment tous les sutras et leurs commentaires, les œuvres complètes de D.T. Suzuki et une belle collection en quatre volumes de haïkaïs japonais) », Rousseau n’est pas nommé et il ne l’est pas plus quand, plus loin, Kerouac décrit les écrivains favoris de son ami : John Muir, Han Shan, Li Po ou Kropotkine. Comme les préoccupations de Gary Snyder envers la nature et la sauvagerie apparaissent dans nombre de ses écrits, ainsi que dans sa vie, je lui ai écrit en 1985 pour connaître plus précisément l’influence que Rousseau avait pu exercer sur lui. Il me répondit :

 

« Le curieux de l’affaire est que je n’ai jamais lu Rousseau jusqu’à ma vingtième année et alors seulement brièvement. Ma vision du monde s’est développée tout à fait indépendamment d’une influence directe de Rousseau. Pour avoir grandi dans une ferme, au sein de la nature (État de Washington), passant beaucoup de temps dehors, je pense que la nature fut ce qui m’influença le plus directement. J’ai aussi grandi dans les milieux radicaux – les membres d’I.W.W. – et les anarchistes. J’ai lu Kropotkine à une date plus avancée que Rousseau, je crois, et Lao-tseu et Tchouang-tseu même plus tôt, à l’âge de 19 ans. Tout jeune je fus profondément touché par les écrits de John Muir sur la Sierra Nevada. J’ai lu le Walden de Thoreau quand j’avais 23 ans et que je travaillais comme surveillant d’incendie au service des forêts »[10].

 

On le voit, l’influence de Rousseau se fond avec celle d’autres auteurs qui ont aussi été sensibles à la nature. Elle est diffuse et plus complexe qu’on pourrait le croire.

   J’ai interrogé deux autres écrivains beats qui, avec Snyder, se retrouveront lors de la grande fête hippie du Golden Gate Park de San Francisco, le Human Be In du 14 janvier 1967. G. Snyder, Allen Ginsberg et le poète Michael McClure voisinèrent avec le pape du LSD Timothy Leary et la poétesse Lenore Kandel, auteure scandaleuse du Love Book, pour lire leurs poèmes et apporter leur soutien aux Enfants-fleurs. Si McClure me répondit en éludant la question – ce qui est aussi une réponse –, Ginsberg fut plus précis :

 

« J’ai lu les Confessions de Rousseau en 1944-45 au Collège et j’ai été impressionné par la notion de franchise ou « candeur », telle que Walt Whitman développera plus tard dans des anecdotes autobiographiques, ses journaux et sa correspondance. Cette impression générale, j’ai voulu la réaliser dans mes propres écrits en tentant d’être précis dans ma vie intérieure, ma sexualité et mes fantaisies, aussi bien qu’en étant candide dans la conversation publique »[11].

 

On ne trouve cependant pas manifestation de cette lecture dans le journal que tenait Ginsberg à Columbia College à cette époque, mais l’intérêt qu’il manifeste pour ce qui a trait à la sexualité et qui le pousse, par exemple, à établir une liste des mots concernant ce sujet ou à lire Havelock Ellis, indique peut-être que la découverte de Rousseau se fait dans ce cadre-là[12]. Il emploie le même mot de frankness  pour parler de Neal Cassady quand il devient son amant, et le rapprochement avec Rousseau n’est peut-être pas si hasardeux qu’on peut le penser quand on sait l’impact que cette figure eut sur les mouvements beat et hippie[13]. Cassady est non seulement le Dean Moriarty de Sur la route, il fait également partie de l’épopée en bus de Ken Kesey et des Merry Pranksters en 1964 : Tom Wolfe qui en fait le récit dans Acid Test insiste justement sur son côté primitif, « homme de la nature »[14]. Cassady constitue un autre de ces liens forts entre la génération beat et la génération hip et un avatar du rousseauisme moderne.

   Si le mouvement hippie commence en 1966, il prend fin officiellement le 21 septembre 1967, avec une manifestation marquant à San Francisco « la mort de hippy » et celle du Summer of Love commencé le 21 juin. C’est par contre le moment où l’Europe découvre ce courant. Un article de Patrick Thévenon, dans L’Express du 16 octobre, en fait l’historique, parle de cette cérémonie et désigne « Rousseau, Thoreau, Fourier » comme « les philosophes favoris des hippies ». Il note que si le mouvement a tant tardé à apparaître en France et a peu de chances de se développer, c’est que le niveau de vie des Français est loin d’être celui des Américains et que le rejet de la société de consommation manifesté par les hippies a peu de chance de concerner les premiers : la France est un pays sous-développé qui « garde la bonne santé des sociétés paysannes » et le mouvement ne sera, selon lui, qu’un phénomène de mode dont quelques photos illustrant le texte et montrant Johnny Hallyday, France Gall et quelques noctambules parisiens vêtus de colliers de fleurs, donnent un bon exemple[15]. Même commentaire dans l’Écho de la mode du 5 novembre, où Jacques Szeranovicz voit dans Aguigui Mouna, figure folklorique du Quartier Latin, un des représentants français des hippies et évoque également l’auteur du Discours sur l’inégalité :

 

« Ennemi de l’esprit de sérieux, il l’est et vous couvre de ses fleurs. « Je préfère être un homme à paradoxes qu’un homme à préjugés », redit Mouna derrière Jean-Jacques Rousseau. Mouna le hippy dénonce l’homme aveugle, privé de sensibilité et de regard humain, l’homme robot traqué par la peur, seul au milieu et avec les autres, ses semblables. Il veut « changer l’homme intérieurement pour le reconstruire, lui redonner une morale » »[16].

 

   Les événements de mai-68 en France et en Europe vont inclure la contestation hippie dans un cadre plus général et lui donner un essor nouveau, mais en même temps, la rendre plus confuse. La culture hippie qui touche à tous les domaines, a une volonté de réinterpréter la pensée, de réécrire l’histoire et de remplacer radicalement la culture traditionnelle. Les barrières élevées par les disciplines ne la concernent pas et John Sinclair pouvait parler d’un assaut total contre la culture[17]. Des livres comme Orejona, Tout. Le livre des possibles, le Catalogue des ressources, le Répertoire québécois des outils planétaires ou Survival into the 21st-Century témoignent de la volonté encyclopédiste de ce qui deviendra sous une forme bien plus simple le New Age. Les écrivains beatniks annonçaient déjà des rencontres inattendues et peu orthodoxes comme l’article « Anarchisme bouddhiste » de Gary Snyder, paru en 1961 et repris dans Le retour des tribus. Diane Di Prima donne dans ses Mémoires d’une beatnik, l’image d’un ami dont la philosophie est un mélange de Marx et d’Aleister Crowley[18]. L’influence d’un auteur n’est pas toujours directe et Gilbert Shelton, auteur de la célèbre bande dessinée underground des Freak Brothers, m’a dit qu’il était influencé par Rousseau à travers Marx.

   Cette richesse et cette diversité de la pensée hippie allaient permettre les confusions les plus fantaisistes ou entraîner des rejets radicaux dans les médias chargés de l’information ou parmi les gardiens de la culture traditionnelle, peu enclins à voir mises en cause toutes les hiérarchies qu’ils avaient établies ni bouleverser ce qu’il avait si péniblement posé comme les fondements du monde philosophique.

   Rousseau allait être irrémédiablement associé aux hippies en France dans les années qui suivirent mai-68, mais plutôt à une image fantasmée de ceux-ci puisque le mouvement est historiquement terminé. Dès janvier 1968, Paris-Match parle de « retour à la nature » dans un cahier sur « le phénomène hippie » figurant dans le numéro 980. Le 5 décembre 1969, une émission culturelle radiophonique d’Inter V est consacrée à « Rousseau, le hippy » et Gérard Deville qui l’anime, présente le rapport du philosophe avec le mouvement américain sur les questions de la société, de la religion, du mariage, de la rêverie ou de la musique. Quand Edgar Morin publie l’année suivante son Journal de Californie, il utilise l’expression de néo-rousseauisme pour qualifier ce qu’il a vu en Amérique et parle d’une « culture néo-tribale » qui serait une addition de néo-rousseauisme, de néo-archaïsme et de macluhanisme[19]. Il se demande si « le néo-naturisme, le néo-rousseauisme ne sont […] pas le produit du développement technologique » et affirme que

 

« le néo-rousseauisme qui disposait déjà d’une forte tradition culturelle aux États-Unis, est un contre-courant que suscite le développement des contraintes de la vie moderne. Ce néo-rousseauisme porte en lui la quête de la vie libre et épanouie du corps, du repos de l’âme, de la communion avec la nature, de l’ARKHE sous toutes ses formes. Mais il est vécu en alternance dans la société adulte. La révolution culturelle est la transformation de l’alternance en alternative : ou bien la vie fausse, artificielle, raréfiée, ou bien la vie selon la nature de l’homme et l’homme de la nature (cf. l’éco-mouvement) » (p. 133).

 

La sortie d’Easy Rider sur les écrans, en 1969, déclenche dans les médias une comparaison immédiate avec Rousseau et un téléfilm sur la jeunesse de celui-ci, en septembre 1972, le présente comme quelqu’un « qui aurait aujourd’hui déambulé sur les routes, la  guitare sur le dos, sans doute, et cherchant à faire de l’auto-stop »[20]. Roger-Gérard Schwartzenberg, qui sera par la suite président du Mouvement des radicaux de gauche et secrétaire d’État aux universités, publie dans L’Express, en 1972, un article au titre provocateur : « Jean-Jacques superstar » qui résume l’étonnante préface qu’il vient de faire à une nouvelle édition du Contrat social. Il y présente un Jean-Jacques « qui surgit de l’Underground. Qui déboule parmi l’acier, le plastique et le bêton. Poussé par tous les marginaux d’Amérique et d’ailleurs » et qui appartient à « la Beat Generation de 1730 », sa jeunesse vagabonde annonçant celle de Kerouac et des hippies modernes[21]. Schwartzenberg reprend l’expression de « néo-rousseauisme » employée par Morin et écrit que ce courant est la dominante thématique de la contre-culture. Il en donne les principales formes :

 

« Contestation des valeurs établies. Refus de s’intégrer à une culture technologique, qui enferme l’homme dans le cycle production-consommation et réprime ses instincts naturels. Goût de la rupture et du vagabondage, réincarné par Kerouac et la beat generation. Fascination du « voyage ». Fuite devant la ville et la révolution industrielle. Protestation écologique contre la dégradation du milieu par la mégatechnique. Nostalgie des Indiens et de la pureté primitive. Rêve d’une société non violente et non compétitive. Idéal de pauvreté et de fraternité des communes hippies. Libération des sentiments et explosion romantique. Mysticisme syncrétique »[22].

 

   Ce rapport de Rousseau et des hippies que notent les médias et les penseurs bourgeois est d’ailleurs confirmé par les hippies français eux-mêmes. Le mensuel underground Actuel lui donne sa consécration en avril 1973 :

 

« France 1762 : publication de l’Émile de Jean-Jacques. Rousseau veut amener les enfants dans les bois pour qu’ils apprennent eux-mêmes ce qu’est la vie. Il demande qu’on démaillote les bébés pour en faire des êtres libres. Névrosé et associable, Rousseau fait la route et s’arrête parfois près des femmes aimantes pour se ravitailler. On le ramasse un jour près de Lyon alors qu’il dort à la belle étoile. C’est un suspect : il dénonce les pollutions de la société, attaque la science officielle et fait l’éloge de la paresse. C’est, pour l’instant, le seul hippie à être enterré au Panthéon »[23].

 

   L’éducation est par excellence, avec le retour à la nature et la contestation écologique, le thème rousseauiste du temps. En 1974, Bernard Thésée publie un livre qui rend compte des nouvelles communautés rurales et qui se veut aussi, un manuel d’économie familiale. Y est exposée l’attitude nouvelle à l’égard des enfants :

 

« Dans les communautés, les enfants sont souvent les bienvenus. Leur éducation exige comme première attitude de suivre la nature, d’abord en supprimant la torture de l’EMMAILLOTAGE et en faisant allaiter l’enfant par sa mère, ensuite en isolant l’enfant de la société capitaliste, en le soustrayant même à l’Éducation nationale. Aucun contact avec les produits les plus pernicieux de la vie civilisée : les lectures de toute sorte sont supprimées, pas de livres d’histoire, pas de fables avant le terme de l’éducation. Seules quelques bandes dessinées underground et le Robinson Crusoé seront autorisés, parce qu’ils font vivre en « homme naturel », tandis que les parents se repaissent de pédagogies parallèles, Célestin Freinet et l’exemplaire Summerhill.

   Nos modernes communes veulent obliger l’enfant à réfléchir par lui-même : les notions morales, les connaissances scientifiques seront acquises au moyen de causeries, de leçons de choses, de l’expérience sous toutes ses formes et même de celles machinées comme des expérimentations. Exemple : afin d’empêcher l’enfant de s’habituer à sortir seul dans la rue, les communautaires s’entendent avec les voisins pour qu’ils le criblent de quolibets sur son passage. Pour montrer à l’enfant avec évidence l’égale longueur des rayons d’un cercle, les communautaires lui en feront tracer un, avec une brindille au bout d’une faveur tournant sur un pivot. Un jour, on se perdra longuement dans la forêt pour que l’enfant apprenne à s’orienter d’après le soleil et à se rendre compte de l’utilité de cette connaissance, etc. En outre, l’enfant doit faire l’apprentissage d’un MÉTIER MANUEL, pour parer aux revers de fortune et pour vaincre les préjugés qui méprisent le travail des mains. On voit à ce simple énoncé toutes les difficultés de l’entreprise »[24].

 

Le lecteur d’Émile aura reconnu dans ces exemples maints passages du traité d’éducation. Les hippies voient dans l’éducation une affaire trop sérieuse pour qu’elle soit confiée à l’État : l’époque est à la déscolarisation et à une nouvelle relation des adultes avec l’enfant. Rousseau est avec Neill ou Ivan Illich une référence en ce domaine et l’essor des écoles parallèles est frappant, tant en Europe qu’aux États-Unis[25]. Rainer Langhans qui était une des principales figures de Kommune 1 à Berlin, commune fréquentée par Andreas Baader et Gudrun Ensslin, m’a dit que si Rousseau n’a pas influencé celle-ci, il a certainement eu sa part dans les écoles alternatives et libertaires allemandes[26]. La lutte pour l’enfant comme la lutte pour les femmes ou pour une vie plus humaine, fait partie de la lutte contre toute oppression sociale. Alain Tanner le montre bien à la fin de Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000, un film qui associe explicitement la génération d’alors à Rousseau.

   Les hippies ne se sont donc pas perdus dans les fumées hallucinogènes ou les orgies communautaires comme on veut nous le faire croire. Près de 1200 communes rurales existent aux États-Unis en 1970 et le mouvement se développe en Europe. Faisant le bilan de cette époque pour l’Allemagne, Wolfgang Kraushaar écrit que le retour à la nature de Rousseau a compté plus qu’on ne croit[27]. Nombreux sont les journalistes qui font le lien et les hippies eux-mêmes reconnaissent la filiation. Ainsi, dans un article d’Actuel, en février 1972, on peut lire « qu’une communauté rurale est quelque chose de très artificiel, de difficile à vivre. On part avec des idées rousseauistes, fourniéristes (Fournier : l’anti-pollution de service à Charlie-Hebdo) – on ressent vite son isolement »[28]. Cela n’empêche pas les hippies d’affirmer que l’utopie est réalisable : « Pour nous, c’est commencé ! », titre la couverture du numéro 46 du mensuel canadien Mainmise en 1974. Les hippies ont publié les journaux de leur aventure, contant les difficultés rencontrées, l’hostilité des voisins ou des polices, mais aussi leur volonté de vivre selon d’autres principes que ceux de la famille traditionnelle et de la société bourgeoise. Il s’agit bien d’une révolution par l’affirmation d’une vie autre[29]. Stephen Gaskin qui est à l’origine d’une des plus grandes communes de l’époque, The Farm, groupant plusieurs centaines de membres, et qui existe encore aujourd’hui, m’a répondu quand je l’ai interrogé sur sa vision de Rousseau :

 

« Je considère Rousseau comme étant un des premiers hippies, mais je fus inspiré davantage par Aldous Huxley, Mark Twain, Emerson et Thoreau. Je vois l’origine des hippies dans les beatniks et les « bohémiens » et l'influence kropotkinienne des nihilistes à partir de Voltaire et jusqu’à Socrate ».

 

   L’Indien est alors une référence qui n’est pas sans évoquer le sauvage de Rousseau. On le trouve dans maintes pages de la revue hippie de San Francisco The Oracle, sur l’affiche du Human Be In ou la couverture de la revue Woodstock Aquarian (II, 1), en 1971. Il véhicule une certaine sagesse et une authenticité qui sont opposées à la folie de l’homme moderne. Dans le numéro 7 de The Oracle, Gary Snyder incite les hippies à quitter les villes et à aller vers une existence simple et pastorale, en retrouvant le modèle de vie de ceux qui étaient là avant.

   Un universitaire et un marxiste comme Jean-Louis Lecercle s’inquiète en 1973, dans un livre qu’il publie sur Rousseau de cette mode hippie du retour à la nature, de ces « aspirations confuses qui se réclament parfois de Rousseau et qui poussent la jeunesse vers des voies sans issue »[30]. Il rappelle que Rousseau n’a jamais prôné ce retour et déplore que ces jeunes n’aient pas plus d’intérêt pour la politique et la Cité, oubliant là que nous sommes dans le monde du faux contrat social où il n’y a ni citoyen ni gouvernement légitimement possibles. Les hippies ne sont d’ailleurs pas en dehors du monde. Le journal que tient alors Arthur Kopecky à la commune de New Buffalo, témoigne de son intérêt pour les événements politiques et la guerre du Viêt Nam[31]. Seulement la manière de changer la vie et de transformer le monde ne passe pas chez lui par les urnes et l’action politique soi-disant démocratique des systèmes politiques en place. Les hippies fondent une autre société à côté de celle de leurs parents où d’autres valeurs et méthodes ont cours. On publie alors des manuels de la « vie pauvre » pour lutter contre l’aliénation et prôner une vie plus équilibrée.

   Dès 1966 était apparu à San Francisco un groupe d’activistes qui allait avoir une part importante au Summer of Love en créant notamment une chaîne distribuant gratuitement nourriture et vêtement et fournissant assistance médicale et aide aux Enfants-fleurs : les Diggers. Dans le numéro 2 de The Oracle, une annonce des Diggers invite à une distribution de « free food » : elle est suivie de cette phrase qui marque toute la différence d’avec des actions caritatives ordinaires : « It’s free because it’s yours » - C’est gratuit parce que c’est à vous ». Et non parce que cela vous est donné par d’autres dont vous dépendez alors. Alice Gaillard a parfaitement montré le sens révolutionnaire de cette formule qui met en cause la propriété dans ses fondements au même titre que le passage du second Discours selon lequel les fruits sont à tous et la terre à personne[32]. Les Diggers dont Emmett Grogan a conté l’aventure dans Ringolevio, prônaient une société sans argent et dénonçaient déjà la récupération du mouvement hippie par les marchands, l’industrie pornographique et les trafiquants de drogue. À un congrès de la New Left, Grogan prenait à partie les participants et déclarait :

 

 « La propriété c’est l’ennemi, et ses valeurs matérielles privées d’âme doivent être attaquées et détruites, vaille que vaille et par tous les moyens. Ce qui signifie qu’il faut s’en prendre à soi-même – attaquer dans nos propres têtes tous les préjugés et conceptions erronés qui y ont été implantés par le conditionnement – avant de s’attaquer aux divers rouages du système. Syndiquez d’abord vos putains de caboches ! Unité mentale ! Et cessez une bonne fois pour toutes de faire semblant ! Arrêtez vos conneries, arrêtez d’organiser les profs, les ouvriers, untel ou unetelle, machin ou machine ! Cessez d’essayer de réformer ou de replâtrer ces putains de facs ! Brûlez-les, plutôt ! Ou bien tirez-vous, fichez-leur la paix, et elles pourriront sur pied ! Larguez le système, sautez en marche, parce que, sinon, c’est vous-mêmes et vous seuls que vous abuserez, vos propres enfants le savent et c’est bien pour ça qu’ils vous quittent, qu’ils fuguent et qu’ils se tirent à toutes jambes pour échapper à ce mensonge qu’est votre vie ! »[33].

 

   Les grandes personnes – dont Roger Nimier a montré qu’elles ne comprendront jamais rien aux enfants, fussent-ils Enfants-fleurs – habituées à les gronder et à leur faire la leçon, froncent ici les sourcils et rappellent que Rousseau a toujours été respectueux de la propriété, des lois, des autorités, de la hiérarchie, qu’il n’a jamais prôné le retour à la nature, qu’il a toujours traversé dans les clous et dit bonjour à la dame. On peut le passer à l’épreuve des siècles comme à la machine à laver, il en sort plus blanc et de plus en plus inodore. Saez nous a appris que l’homme ne descend pas du singe : il descend du mouton. Et devant le monde qu’il a fabriqué, nous ne pouvons que conclure à la manière de Calvin et Hobbes : on est fait comme des rats ![34] Une façon d’actualiser le « Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme » de Rousseau.

 

                                    Tanguy L’Aminot

                                   CNRS – Paris-Sorbonne

 

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[1] H. Marcuse, « Liberation from the Affluent Society », discours tenu  lors d’un colloque sur les dialectiques de la libération, à Londres, en 1967, paru dans David Cooper (ed.), The Dialectics of Liberation, Harmondsworth, Baltimore, Penguin, 1968, 175-192. Voir aussi James Spates et Jack Levin, « Les beatniks, les hippies, la hip generation et la classe moyenne américaine : une analyse de valeurs », Revue internationale des sciences sociales, 24, n° 2, 1972, p. 346-375.

[2] Charles Perry commence en 1965 sa chronologie du Haight dans son livre, The Haight-Ashbury. A history, New York, Vintage Books, 1985, avec notamment la découverte du LSD et l’arrestation de Augustus Owley Stanley III par la brigade des stupéfiants.

[3] M. Mohrt, « Deux manières d’être révolté : l’esthète anglais qui tue les femmes et le paria américain qui veut retourner à la nature », Le Nouveau Candide, 20-27 décembre 1962

[4] Colin Wilson, Soho à la dérive. Traduit par Odile de Lalain, Paris, Gallimard, 1964, p. 180. Wilson évoque aussi Rousseau dans plusieurs pages du Dieu du  labyrinthe (The God of  the Labyrinth), Paris, Belles Lettres, 2003.

[5] Kerouac, Visions de Gérard. Traduit par Jean Autret, Paris, Gallimard, 1972, p. 72.

[6] Kerouac, Big Sur. Traduit par Jean Autret, Paris, Gallimard, 1973, p. 248.

[7] Kerouac, Satori à Paris. Traduit par Jean Autret, Paris, Gallimard, 1971, p. 60.

[8] Kerouac, Anges de la désolation (Desolation Angels), Paris, Denoël, 1998, p. 92.

[9] Kerouac, Les Clochards célestes. Traduit par Marc Saporta, Paris, Gallimard, Folio, 1974, p. 64-65.

[10] G. Snyder, « Lettre à T. L’Aminot, 2 janvier 1985 », Études J.-J. Rousseau, n° 1, 1987, p. 202-203.

[11] A. Ginsberg, Lettre à T. L’Aminot, 8 décembre 1991. J’ai donné le texte en anglais dans Images de J.-J. Rousseau de 1912 à 1978, Oxford, Voltaire Foundation, 1992, p. 425 note 49.

[12] Voir A. Ginsberg, The Book of Martyrdom and Artifice. First Journals and Poems, 1937-1952, ed. by Juanita Lieberman-Plimpton and Bill Morgan,  Cambridge, Da Capo Press, 2006, p. 30-32 et 34.

[13] Ibid., p. 216.

[14] T. Wolfe, Acid Test, Paris, Points Seuil, 1980, p. 66.

[15] P. Thévenon, « Les hippies à Paris », L’Express, 16-22 octobre 1967, p. 132-134.

[16] J. Szeranovicz, « De San Francisco à Paris…, les hippies », Écho de la mode, 5-11 novembre 1967, p. 11.

[17] J. Sinclair, « Total Assault on the Culture ! »  dans  Guitar Army. Street Writings/Prison Writings, New York, Douglas Book Corporation, 1972, p. 67-71.

[18] G. Snyder, « Buddhist Anarchism », Journal for the Protection of All Beings, n° 1, 1961, p. 10-12. Traduit dans Le retour des tribus sous le titre « Le bouddhisme et la révolution montante », Paris, Bourgois, 1972, p. 143-148 ; D. Di Prima, Mémoires d’une beatnik, Paris, Ramsay, 2004, p. 109.

[19] E. Morin, Journal de Californie, Paris, Seuil, 1970, p. 111. Voir aussi p. 130, 133, 198, 205.

[20] Émile Cadeau, « J.-J. Rousseau », Télérama, 23-30 septembre 1972, p. 18.

[21] R.-G. Schwartzenberg, « Jean-Jacques superstar », L’Express, 3-10 janvier 1972, p. 73.

[22] R.-G. Schwartzenberg, Introduction à J.-J. Rousseau, Du Contrat social et autres écrits politiques, Paris, Seghers, 1971, p. 64. Le lecteur trouvera dans mon livre Images de J.-J. Rousseau de 1912 à 1978, p. 420 et suivantes, encore d’autres références qui accréditent l’image d’un Rousseau hippy à cette époque, et verra comment elle coexiste avec d’autres tendances du moment.

[23] Actuel, n° 30, avril 1973, p. 9.

[24] B. Thésée, Les aventures communautaires de Wao Le Laid, Paris, Belfond, 1974, p. 52-53. Les majuscules et italiques sont dans le texte.

[25] Voir Maxine Swann, Flower Children, Rivershead,  Penguin, 2008. Chelsea Cain, éd., Wild Child. Girlhoods in the Counterculture, Seal Press, 1999. Luc Bernard, Les écoles sauvages, Paris, Stock, 1977. Ingolf Diener, Eckhard Supp, Ils vivent autrement. L’Allemagne alternative, Paris, Stock, 1982, etc.

[26] R. Langhans, « Lettre à T. L’Aminot » dans Rousseau et l’Allemagne à l’époque contemporaine éd. par R. Bach, T. L’Aminot et C. Labro, Montmorency, Siam-JJR, 2010, p. 196-197.

[27] W. Kraushaar, Acht und sechzig. Eine Bilanz, Berlin, Propyläen, 2008, p. 253-257.

[28] Jules, « Les communautés ont la vie dure », Actuel, 17, février 1972, p. 5.

[29] Sur ces témoignages, voir « Journal d’une communauté », Actuel, 1ère série, n° 13, 1970. B.K. Couseault, « Les communautés contre la famille », Actuel, 2e. série, n°1, octobre 1970. Roberta Price, Huerfano, a memoir of life in the Counterculture, Amherst & Boston, University of Massachusetts Press, 2004. Iris Keltz, Scrapbook of a Taos Hippie. Tribal Tales from the heart of a Cultural Revolution, El Paso, Cinco Puntos Press, 2000.

[30] J.-L. Lecercle, J.-J. Rousseau. Modernité d’un classique, Paris, Larousse, 1973, p. 241

[31] Arthur Kopecky, New Buffalo. Journal from a Taos Commune, Albuquerque, University of New Mexico Press, 2004. p. 8, 26, 36, 160, 241.

[32] A. Gaillard, Les Diggers. Révolution et contre-culture à San Francisco (1966-1968), Montreuil, L’Échappée, 2009, p. 56-60.

[33] E. Grogan, Ringolevio. Traduction de Frank Reichert, Paris, Gallimard, 1998, p. 549-550.

[34] Je fais bien entendu allusion ici aux héros de Bill Watterson dont le troisième album porte ce titre et non pas aux deux figures recommandées aux étudiants sérieux.

*Cet article a paru : Tanguy L’Aminot, « Rousseau et les hippies », La Pensée, n° 370, avril-juin 2012 : Rousseau à l’épreuve des siècles, p. 141-152.