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Christiane CHAULET ACHOUR
REPRÉSENTATION FICTIONNELLE
DE L’ESCLAVAGE CHEZ ROUSSEAU
1




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A 206 – « Représentation fictionnelle de l’esclavage chez Rousseau », dans
Esclavage, esclavages, Lucia Dumont et Marie Frémin (coord.), CRTF-Université
de Cergy-Pontoise et Encrage édition Amiens, diffusion Les Belles Lettres,
décembre 2008, pp. 197 à 211.
REPRÉSENTATION FICTIONNELLE
DE L’ESCLAVAGE CHEZ ROUSSEAU
Christiane Chaulet Achour
Le roman inachevé de Rousseau,
Emile et Sophie ou les Solitaires
,
n’est pas inconnu mais ce n’est pas l’œuvre la plus étudiée de l’écrivain. Ecrit
autour de 1768
1
, il figure dans le Tome IV des
Œuvres complètes
de Jean-
Jacques Rousseau dans la Bibliothèque de la Pléiade
2
. Il a été repris par
Michel Launay dans l’ouvrage qu’il titre,
Une grève d’esclaves à Alger au
XVIII
e
siècle
, en 1998. Il avait été antérieurement réédité, en 1994, dans la
collection de poche Rivages
3
des éditions Payot avec une préface de Michel
Feher.
Chez l’éditeur Jean-Paul Rocher, il prenait la suite de l’édition
critique,
Les Captifs d’Alger, d’Emanuel d’Aranda
4
, établie par Latifa Z’Rari,
en 1997.
C’est un roman par lettres (deux lettres), écrit après
Emile ou de
l’éducation
. Rousseau imagine Emile et Sophie mariés et vivant une union
qui tourne à la catastrophe. Installés à Paris, ils se gâtent comme les fruits
sortis de leur milieu de protection ! Quand Sophie apprend à Emile qu’elle
est enceinte d’un autre, celui-ci la quitte, quitte Paris pour la… banlieue puis,
pour mettre encore plus de distance entre eux, décide même de quitter la
France et de faire le tour du monde. Tout au long de son itinéraire en
1
- Michel Launay,
Une grève d’esclaves à Alger au XVIII
e
siècle
, Jean-Paul Rocher éditeur, 1998, p. 29 :
« en 1767-1768, c’est-à-dire au moment où Rousseau parla à des visiteurs et amis de la suite d’
Emile
et
de la grève imaginaire des esclaves d’Alger ». Son étude explique le titre choisi puisqu’elle est
entièrement consacrée à un moment de l’histoire de la grève et de la notion de révolution.
2
-
Œuvres complètes
de Jean-Jacques Rousseau, Tome IV, CLXVII-CLXVII, La Pléiade, 1969.
3
- Jean-Jacques Rousseau,
Emile et Sophie
, préface de Michel Feher, Rivages poche/ Petite Bibliothèque,
n°127, 1994, éditions Payot & Rivages. Sous le titre, « Les charmes d’une passion condamnée », le
préfacier s’intéresse exclusivement au sujet majeur du récit inachevé : la représentation de la passion
amoureuse chez Rousseau. L’épisode d’Alger est simplement mentionné dans le résumé donné p. 9 et 10
de cette préface et il n’en est fait aucune mention ou analyse dans la suite de la préface.
4
- La première édition de l’ouvrage date de 1656 à Bruxelles.
2
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France, il s’adapte à toutes les situations professionnelles grâce à son
excellente éducation.
Il embarque à Marseille à bord d’un bateau au capitaine douteux.
L’inévitable, en ces temps où les Barbaresques écument, dit-on, la
Méditerranée, se produit : le navire est capturé par les fameux corsaires
algéro-turcs. Après un acte de justice, Emile, comme ses compagnons, est
emmené à Alger, au bagne des captifs : Emile est esclave, comme son illustre
devancier, Cervantès, esclave à Alger de 1571 à 1580, année où il est racheté
et rendu à la liberté. On sait que Rousseau a lu Cervantès dont les six
volumes d’œuvres ont été publiées en français de 1614 à 1618.
Emile, esclave à Alger ! ce sont ces quelques huit pages, dans
l’édition Launay, sur lesquelles je me propose de travailler dans cette
contribution, quasiment, à deux pages près, tout le texte de la seconde lettre
inachevée du roman.
A l’époque de Rousseau, l’Algérie sous ce vocable n’existe pas. On
employait parfois mais rarement le mot « Algérien ». En réalité, Alger,
comme le montrent les articles de Diderot dans
L’Encyclopédie
, désigne à la
fois la ville, la capitale et le Régence, commandées par un « dey » tenant son
pouvoir du Sultan turc de Constantinople
5
.
5
- De 1671 à 1830, 28 deys se succédèrent à Alger. Le « Assem Oglou » de Rousseau n’est pas identifié :
le prénom peut être une déformation de Hacem, Hassan, Hussein. Si on trouvait exactement qui est
désigné ainsi, on pourrait avoir la clef de la documentation utilisée par Rousseau pour cet épisode sur la
Régence d’Alger.
3
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L’épisode d’Alger : Rousseau évocateur de l’esclavage
Le texte qui nous retient commence par l’embarquement d’Emile à
Marseille, avec un portrait particulièrement appuyé du capitaine – d’autant
plus appuyé qu’Emile raconte après coup et qu’il veut donc orienter
immédiatement le regard de son interlocuteur dans la bonne direction : « Le
capitaine du bâtiment, espèce de patron renforcé, était un renégat qui s’était
rapatrié. Il avait été pris depuis lors par les corsaires, et disait s’être échappé
de leurs mains sans avoir été reconnu » (p.77)
Le portrait-charge se poursuit, dans ce premier paragraphe,
préparant le lecteur à l’inévitable. Comme dans toute situation, Emile
s’adapte à l’événement et ne s’arrête jamais d’apprendre et d’adapter ses
connaissances à son nouveau métier : en conséquence, il se sent très vite à
l’aise dans toutes les manœuvres des marins au point de comprendre que
quelque chose ne va pas du côté du compas qui donne une direction
fausse ; mais Emile ne pense pas encore que ce soit volontaire.
Au moment où il aurait pu trouver preuves à ses doutes, la tempête
se déchaîne, avec dérive du bâtiment et toute une scène « classique » de
naufrage attendu de la part du capitaine pour livrer son navire aux corsaires :
fausses informations, fausse défense mais vrai abordage sans grande
résistance. Emile a tout compris et se fait déjà le bras vengeur de ses
« compagnons d’infortune » en décapitant le patron et en s’exposant au
même sort face aux corsaires. Mais son geste provoque la considération du
« chef des Barbaresques » qui ne l’enchaîne pas contrairement aux autres
captifs. Ils échangent, brièvement, en langue franque
6
:
« Il sourit, et, me tendant la main, il défendit qu’on me mît aux fers
avec les autres, mais il ne me parla point de l’expédition qu’il m’avait vu
6
- Tous ces échanges sont signalés par le narrateur, Emile mais, contrairement à Emanuel d’Aranda,
cette langue ne figure pas en tant que telle dans les répliques. Elle fut « un vecteur fort de communication
à l’époque moderne surtout -c’est-à-dire du XVI
e
jusqu’au début du XIX
e
siècle. Elle a été l’emblème
d’un entre-deux de la communication et du brassage, du mélange, que l’on a effectivement perdu de vue
aujourd’hui […] La
lingua franca
est, dans l’histoire de la Méditerranée, un mixte de langues, un pidgin
servant à la communication entre musulmans et chrétiens, mais aussi -c’est important- entre chrétiens,
entre européens d’origines différentes, entre flamands et italiens par exemple ou entre grecs et latins. Ce
n’est donc pas un mince objet d’histoire et pourtant on s’aperçoit que, dans l’historiographie de la
Méditerranée, cet usage linguistique a été perçu comme une sorte d’évidence, comme une sorte d’élément
d’arrière-plan à l’histoire du commerce, à l’histoire de la circulation des hommes et des marchandises » in
« La
lingua franca
méditerranéenne : langue de contact ou langue de creuset ? » par Jocelyne Dakhlia,
Troisième réunion du Consortium STRABON (Kairouan, Tunisie, du 16 au 20 juin 2004) –
www.strabon.org/edito/article12.html
4
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faire ; ce qui confirma qu’il en savait assez la raison. Cette distinction, au
reste, ne dura que jusqu’au port d’Alger, et nous fûmes envoyés au bagne en
débarquant, couplés comme des chiens de chasse. » (p.78)
On pourrait s’attendre alors à une description du bagne, de ses
compagnons, de la maltraitance et de la vente et à quelques mots sur le
moyen linguistique de communication dont ils usent les uns et les autres. Il
n’en est rien car ce n’est pas un tableau de l’esclavage que veut peindre
Rousseau et, sans doute aussi, parce que les modalités de cet esclavage-là
sont bien connues du lecteur. Il semble ne céder qu’à la vraisemblance et à
ses souvenirs de lecture : s’embarquer en Méditerranée, c’est prendre le
risque d’être captif. C’est cette situation de captivité qui l’intéresse pour
placer Emile dans une position où il pourra révéler ses qualités mises à mal
en amour et illustrer les convictions éducatives de son créateur. On peut se
rappeler quelques énoncés connus du
Contrat social
: « L’homme est né
libre, et partout il est dans les fers ». (chapitre 1). La vie en société oblige à
une certaine association qui repose sur un contrat entre l’homme et sa
communauté. Rien ne justifie l’esclavage car il établit un rapport de force et
le contrat disparaît alors :
« Aristote avant eux tous avait dit aussi que les hommes ne sont point
naturellement égaux, mais que les uns naissent pour l’esclavage et les autres
pour la domination.
Aristote avait raison, mais il prenait l’effet pour la cause. Tout
homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage, rien n’est plus certain. Les
esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu’au désir d’en sortir ; ils aiment
leur servitude comme les compagnons d’Ulysse aimaient leur abrutissement.
S’il y a donc des esclaves par nature, c’est parce qu’il y a eu des esclaves
contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a
perpétués ».
7
Dans le chapitre 4 intitulé « De l’esclavage », Rousseau a condamné
cette pratique, de façon générale et ferme, au non du bon sens – et non dans
les occurrences de l’esclavage en son temps et tout particulièrement
l’esclavage transatlantique dont il ne parle pas - :
« Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux
droits de l’humanité, même à ses devoirs ; il n’y a nul dédommagement
possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est
incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité à ses
7
-
Du contrat social
, I, 2 (1762).
5
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actions que d’ôter toute liberté à sa volonté […] Car quel droit mon esclave
aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient, et que son droit
étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n’a aucun
sens ?
[…] Ainsi, de quelque sens qu’on envisage les choses, le droit
d’esclave est nul, non seulement parce qu’il est illégitime, mais parce qu’il est
absurde et ne signifie rien. Ces mots, esclavage et droit, sont contradictoires ;
ils s’excluent mutuellement. Soit d’un homme à un homme, soit d’un
homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : Je fais
avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que
j’observerai tant qu’il me plaira, et que tu observeras tant qu’il me plaira ».
On peut penser qu’ici Rousseau attaque
Le Code noir
en tant que
texte « de contrat » absurde. Mais ce n’est pas clairement explicité et illustré
par des exemples de situations qui lui sont contemporaines. Cela rend les
pages sur lesquelles nous nous arrêtons aujourd’hui, particulièrement
intéressantes parce que, même si c’est secondaire dans le projet de fond de
cette narration, Rousseau y représente fictionnellement une situation
d’esclavage. Il met à l’épreuve Emile et le rédacteur du
Contrat social
. Aussi,
après la capture, ce qui suit est un grand morceau de rousseauisme : Emile
médite sur son nouvel état, sur la différence à établir entre liberté et
esclavage, insistant ainsi sur la relativité de celui-ci, au regard de la nécessité
qui limite la liberté de l’être humain en société :
« La première agitation cessée me laissa réfléchir sur mon
changement d’état, et le sentiment qui m’occupait encore dans toute sa force
me fit dire en moi-même avec une sorte de satisfaction : que m’ôtera cet
événement ? Le pouvoir de faire une sottise. Je suis plus libre qu’auparavant.
Emile esclave ! reprenais-je. Eh ! dans quel sens ? Qu’ai-je perdu de ma
liberté primitive ? Ne naquis-je pas esclave de la nécessité ? Quel nouveau
joug peuvent m’imposer les hommes ? Le travail ? Ne travaillais-je pas
quand j’étais libre ? La faim ? Combien de fois je l’ai soufferte
volontairement ! La douleur ? Toutes les forces humaines ne m’en
donneront pas plus que ne m’en fit sentir un grain de sable. La contrainte ?
Sera-t-elle plus rude que celle de mes premiers fers, et je n’en voulais pas
sortir. Soumis par ma naissance aux passions humaines, que leur joug me
soit imposé par un autre ou par moi, ne faut-il pas toujours le porter, et qui
sait de quelle part il me sera plus supportable ? J’aurais du moins toute ma
raison pour les modérer dans un autre : combien de fois m’a-t-elle
abandonné dans les miennes ? Qui pourra me faire porter deux chaînes ?
N’en portais-je pas une auparavant ? Il n’y a de servitude réelle que celle de
la nature. Les hommes n’en sont que les instruments. Qu’un maître
6
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m’assomme ou qu’un rocher m’écrase, c’est le même événement à mes
yeux, et tout ce qui peut m’arriver de pis dans l’esclavage est de ne pas plus
fléchir un tyran qu’un caillou. Enfin si j’avais ma liberté, qu’en ferais-je ?
Dans l’état où je suis que puis-je vouloir ? Eh ! pour ne pas tomber dans
l’anéantissement j’ai besoin d’être animé par la volonté d’un autre au défaut
de la mienne.
Je tirai de ces réflexions la conséquence que mon changement d’état
était plus apparent que réel ; que, si la liberté consistait à faire ce qu’on veut,
nul homme ne serait libre ; que tous sont faibles, dépendants des choses, de
la dure nécessité ; que celui qui sait le mieux vouloir tout ce qu’elle ordonne
est le plus libre, puisqu’il n’est jamais forcé de faire ce qu’il ne veut pas.
Oui, mon père, je puis le dire : le temps de ma servitude fut celui de
mon règne, et jamais je n’eus tant d’autorité sur moi que quand je portai les
fers des barbares. Soumis à leurs passions sans les partager, j’appris à mieux
connaître les miennes. Leurs écarts furent pour moi des instructions plus
vives que n’avaient été vos leçons, et je fis sous ces rudes maîtres un cours de
Philosophie encore plus utile que celui que j’avais fait près de vous ». (p.79)
On le voit, ce long passage est essentiel pour saisir la représentation
littéraire de l’esclavage chez Rousseau. Il glisse du sens propre au sens figuré
lorsqu’il utilise les mots d’esclavage, de fers, de passions, de liberté et de
nécessité. Face à ce qu’il a vécu auparavant, face à l’immense déception que
fut la trahison de Sophie, Emile se découvre plus libre que jamais car il n’est
plus, dans cette situation-là, esclave de ses passions et aliéné à un autre être.
L’aliénation à un maître barbare ne lui supprime pas sa raison, lui laisse son
libre-arbitre. Il enchaîne alors en relativisant la cruauté de l’esclavage dans
cette terre d’islam des barbaresques se faisant l’écho de Laugier de Tassy et
du Chevalier d’Arvieux, comme nous allons le voir :
« Je n’éprouvai pas pourtant dans leur servitude toutes les rigueurs
que j’en attendais. J’essuyai de mauvais traitements, mais moins, peut-être,
qu’ils n’en eussent essuyé parmi nous, et je connus que ces noms de Maures
et de pirates portaient avec eux des préjugés dont je ne m’étais pas assez
défendu. Ils ne sont pas pitoyables mais ils sont justes, et s’il faut n’attendre
d’eux ni douceur ni clémence on n’en doit craindre non plus ni caprice ni
méchanceté. Ils veulent qu’on fasse ce qu’on peut faire, mais ils n’exigent
rien de plus, et dans leurs châtiments ils ne punissent jamais l’impuissance,
mais seulement la mauvaise volonté. Les Nègres seraient trop heureux en
Amérique si l’Européen les traitait avec la même équité ; mais comme ils ne
voient dans ces malheureux que des instruments de travail, sa conduite
envers eux dépend uniquement de l’utilité qu’il en tire ; il mesure sa justice
pour son profit. » (p.79-80)
7
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Echo d’écrits antérieurs, me semble-t-il, dont je donnerai deux
citations. On peut penser, sans en avoir la certitude, que Rousseau a lu
l’ouvrage de Laugier de Tassy,
Histoire du Royaume d’Alger
, publié à
Amsterdam en 1725
8
, cité dans l’édition de la Pléiade :
« Les esclaves [à Alger] ne sont maltraités ni châtiés, que lorsqu’ils
manquent gravement à leur devoir. On ne les fait point travailler au-dessus
de leurs forces, et même on les ménage de peur de les rendre malades et de
les perdre […] La Justice se rend aussi promptement qu’il se puisse sans
écritures, sans frais et sans appel »
9
.
Un autre ouvrage peut avoir été lu par Rousseau, les
Mémoires du
Chevalier d’Arvieux, envoyé extraordinaire du roi à la Porte, consul d’Alep,
d’Alger et d’ailleurs
, édité en 1735. On y trouve un passage qui ressemble
fort aux réflexions d’Emile :
« On s’imagine que les chrétiens qui ont le malheur d’être esclaves
en Barbarie y sont tourmentés d’une manière la plus cruelle et la plus
inhumaine […] J’ai été dans cette erreur comme bien d’autres, et j’y serais
peut-être encore, malgré ce que j’avais remarquée dans d’autres parties de
l’empire ottoman où je me suis trouvé ; mais ce que j’ai vu à Tunis m’a
détrompé. Il est vrai qu’il y a des patrons de mauvaise humeur, durs,
fâcheux, et même cruels. Nous voyons des maîtres en Europe qui ne sont
pas plus raisonnables et qui seraient peut-être plus barbares que ceux de
Tunis s’ils avaient des esclaves […] Les Turcs ont intérêt à ménager les
esclaves […] C’est chez eux une marchandise »
10
.
Echos aussi, dans cette simple incise de Rousseau, « Les Nègres
seraient trop heureux en Amérique si l’Européen les traitait avec la même
équité », sur la comparaison avec l’esclavage des nègres, témoignant du débat
très vivace au XVIII
e
siècle dont on rappellera des textes de base, postérieurs
à la fiction que nous étudions mais qui prouvent bien son importance et ses
enjeux. En 1781, Condorcet publie ses
Réflexions sur l’esclavage des nègres
qu’il réédite en 1788 à la veille de la Révolution ; et l’abbé Grégoire,
De la
traite et de l’esclavage des nègres
élaboré dans les années 1790 quand
8
- Et peut-être aussi, celui du siècle précédent du Père François Dan,
Histoire de la Barbarie et de ses
Corsaires
, publié à Paris en 1637.
9
- Edition de la Pléiade, p.1727.
10
- Cité par M. Launay, p. 44 de son ouvrage.
8
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l’assemblée française ne parvient pas à imposer la fin de la traitre et, en
conséquence, de l’esclavage
11
et qui est publié en 1815 seulement.
Après ces réflexions sur l’état de servitude et sa relativisation, Emile
reprend le fil de son récit pour évoquer ses différents maîtres, toujours avec
la même volonté de récuser la possibilité même de vendre un être humain :
« On vendait le travail de mes mains ; mais ma volonté, mon entendement,
mon être, tout ce par quoi j’étais moi et non pas un autre ne se vendait
assurément pas » (p.80).
Pour montrer la vérité de sa perception, il met en pratique son
affirmation précédente : « tout ce qui peut m’arriver de pis dans l’esclavage
est de ne pas plus fléchir un tyran qu’un caillou ». S’adaptant bien au travail,
Emile passe d’un patron à l’autre et, au passage, évoque le sort des esclaves
des Barbaresques : « Ceux qui pouvaient être rachetés l’avaient été. Ceux qui
ne pouvaient l’être avaient eu le même sort que moi, mais tous n’y avaient
pas trouvé le même adoucissement » (p.80) Et lorsqu’il tombe sur l’injustice,
il sait organiser la résistance, obtenir la solidarité de ses compagnons et
déclencher une « grève » dont il sort victorieux :
« Nous fûmes vendus à un entrepreneur d’ouvrages publics et
condamnés à travailler sous les ordres d’un surveillant barbare, esclave
comme nous, mais qui pour se faire valoir à son maître nous accablait de
plus de travaux que la force humaine n’en pouvait porter » (p.81).
Emile s’adresse à ses compatriotes dans sa langue et prononce tout
un discours que Rousseau prend la peine de transcrire. Puis, la cessation de
travail réussie, il prononce un autre discours quand le patron vient voir ce
qui se passe, lui expliquant que si on les force à travailler de façon
inhumaine, ce sera lui le perdant. Il s’adresse à lui « en langue franque ».
Vérifiant ce qu’il a affirmé plus haut sur le bon sens des
Barbaresques, Emile se voit promu surveillant à la place du « barbare » et fait
merveille dans la fonction, grâce aux leçons reçues :
« Je n’ai pas besoin de vous dire comment je me conduisis dans ce
nouveau poste et ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici. Mon aventure fit du
bruit, le soin qu’il prit de la répandre m’attira l’estime de tout Alger. Le Dey
même entendit parler de moi et voulut me voir. Mon patron m’ayant
11
- Deux textes majeurs car, contrairement aux textes de compassion de Montesquieu ou de Voltaire, ils
prennent une position sans ambiguïté de condamnation de cet esclavage, sur lequel Rousseau lui-même
ne se prononcera jamais clairement. Pour l’abbé Grégoire, réédition, chez Arléa, en mai 2007 avec une
présentation d’Aimé Césaire. Pour Condorcet aux éd. Mille et une nuits, n°351, en 2007 également.
9
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conduit à lui et croyant que je lui plaisais lui fit présent de ma personne.
Voilà votre Emile esclave du Dey d’Alger » (p.84).
Et la seconde lettre reste en suspens sur le portrait qu’il esquisse de
ce Dey d’Alger…
Bernardin de Saint-Pierre, ami de Rousseau, a laissé une longue note
sur le dénouement que Rousseau aurait voulu à ce récit : « Le Bey ou Dey
d’Alger a donné à Emile sa liberté, il voyage à pied à travers l’Afrique, pour
aboutir dans une île déserte… pas tout à fait déserte… » Pour le sujet qui
nous retient la fin de cette continuation ne nous intéresse pas
12
. Elle nous
montre seulement que l’épisode de l’esclavage barbaresque, l’esclavage
méditerranéen n’est qu’accessoire par rapport au sujet qui est central, celui
de l’impossibilité du couple.
Définitions et Désignations
Mais, justement, il est intéressant de tirer quelques remarques de cet
« accident » narratif, de ce tableau d’époque puisque n’y investissant pas son
objectif essentiel, Rousseau y déploie les différents degrés de l’idéologie en
texte, tels que Pierre Barbéris les a cernés dans
Le Prince et le marchand
13
.
Un bref rappel est nécessaire. Pour le critique, « l’idéologie du, dans ou par
le Texte » désigne « trois choses à la fois cousines et différentes » : tout
d’abord ce qu’il nomme l’idéologie recopiée qui désigne « les signes, plus
ou moins figés, des idéologies contemporaines que le texte entend comme
transcender, signes présents, nommés ou signalés dans le texte comme des
éléments du décor contemporain […] Le texte, ici,
fait allusion
[…]
consciemment, en vue d’effets calculés à des idéologies refroidies, dépassées,
tyranniques parfois, et qui ont cessé réellement d’inventer et de parler”. (p.
41) La seconde intervention est l’idéologie diffusée, c’est-à-dire, « les signes
de l’idéologie englobante que le texte, à son insu, hors de son total contrôle
en tout cas, véhicule, reproduit, manifeste, éventuellement s’intériorise et
s’approprie ». (p. 42) La dernière, la moins contrôlée et la plus innovante, est
celle de l’idéologie forgée : « les signes enfin de l’idéologie qu’élabore et
produit le texte dans son « traitement » du réel, c’est-à-dire aussi bien le réel
référentiel que le projet de l’auteur. Cette idéologie-là, dont la signification et
la dimension politiques sont rarement claires sur le moment, et même
longtemps après, fait que la littérature ne peut plus recouvrir exactement les
12
- Cf. l’édition de M. Launay, p.87 et sq.
13
- Ouvrage publié chez Fayard en 1980.
10
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idéologies établies ou repérées. Elle est ce qui fait le texte riche et efficient,
utilisable, prolongeable”. (p. 43-43)
On peut voir mêlées dans ces quelques pages idéologie recopiée,
idéologie diffusée et idéologie forgée. Prenons d’abord quelques définitions
de dictionnaires donnant la « doxa » de l’époque en la matière. Ainsi dans le
Dictionnaire
de Furetière, en 1690, on peut lire à l’entrée « esclave »:
« F.m, Captif qui est réduit sous la puissance d’un maître, soit par la
naissance, soit par la fortune de guerre. Les esclaves d’Alger sont des captifs
pris par les corsaires. On fait dans l’Amérique un grand trafic d’esclaves
nègres. Dès qu’un esclave peut aborder en France, il est libre. Quelques-uns
ont dérivé ce mot de
includo
, ou du Grec
eskleis
, parce que les esclaves
sont enfermés en prison. Ménage le dérive de
sclavus
, dont les italiens ont
fait
sclirvo
, qui a été fait de l’allemand
slave
, que Vossius croit avoir été dit
des peuples esclavons.
Esclave, se dit aussi de celuy qui est attaché volontairement à un
employ qui rend fort sujet. Un advocat employé est un esclave dans la
profession.
Esclave : se dit figurément en Morale, de celuy qui est soumis à
l’empire de ses passions. Cet homme est esclave de la fortune, de la faveur.
Il a une âme vile, une âme d’esclave, qui flatte les vices de son maître.
Celuy-là est la passion de sa maîtresse, il est esclave de la passion
déréglée. »
14
On peut constater, sans qu’il soit utile d’insister, la proximité entre le
texte du dictionnaire et le canevas suivi par Rousseau. L’entrée esclavage
insiste particulièrement sur cet esclavage méditerranéen : « Esclavage.
Servitude, prison chez les ennemis, chez les Barbares. L’esclavage est fort
rude chez les Mahométans. Il est tombé dans l’esclavage par fortune de
mer » en une définition qui peut s’appliquer entièrement au sort que connaît
Emile.
En 1694, la première édition du
Dictionnaire de l’Académie
propose, « état, condition d’un esclave. "Rude, dur, perpétuel esclavage, il
estoit en esclavage en Turquie, il aima mieux mourir que de tomber en
esclavage" »
Vers 1750, dans
L’Encyclopédie
enfin, on trouve ces précisions :
14
Furetière Antoine,
Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que
modernes et les termes de toute les sciences et des arts
, La Haye & Rotterdam : Arnout & Reinier Leers,
1690,
http://gallica.bnf.fr/], p. 755.
11
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« Dans tous les états mahométans, la servitude est récompensée par
la paresse dont on fait jouir les esclaves qui servent à la volupté. C'est cette
paresse qui rend les serails d'Orient des lieux de délices pour ceux mêmes
contre qui ils sont faits. Des gens qui ne craignent que le travail, peuvent
trouver leur bonheur dans ces lieux tranquilles; mais on voit que par - là on
choque même le but de l'établissement de l'
esclavage
. Ces dernières
réflexions sont de l'
Esprit des lois
.
Concluons que l'
esclavage
fondé par la force, par la violence, & dans
certains climats par excès de la servitude, ne peut se perpétuer dans l'univers
que par les mêmes moyens.
Article de M. le Chevalier
de Jaucourt
.
»
En regard de cette pratique définitionnelle, regardons par exemple
comment Emile désigne ces « Mahométans » (terme dont n’use pas
Rousseau) esclavagistes.
Le terme « corsaires » revient à deux reprises, la seconde utilisation
renvoyant dos à dos corsaires musulmans et corsaires chrétiens. C’est à
propos des Chevaliers de Malte
15
: « Car parmi les corsaires un corsaire
ennemi fait esclave est fort au-dessous du néant » (p. 81). Celui de
barbaresque intervient pour désigner la voile du bateau qui les capture et « le
chef des barbaresques ». Il est question de barbares dans les méditations
d’Emile lorsqu’il emploie l’expression « les fers des barbares » mais aussi,
dans un sens figuré lorsqu’il désigne le « piqueur », esclave comme eux mais
« barbare », dans le sens de très cruel. On ne trouve qu’une occurrence pour
« Maures », « pirates » et « bourreaux ».
Les termes qui reviennent le plus fréquemment sont ceux du
domaine du travail : ce sont « patron » (7 fois) et « maître » (7 fois) avec une
fois le terme pris dans son sens figuré : « Je trouvai le moyen d’entrer dans
un atelier dont le maître ne tarda pas à comprendre que j’étais le sien dans
son métier », en un renversement intéressant. On peut donc constater une
certaine sobriété dans les désignations utilisées par Rousseau et une
neutralisation du lexique habituel puisqu’on sait qu’au XVIII
e
siècle,
Barbares et Barbaresques étaient utilisés comme des équivalents d’Arabe, de
Turc, de Musulman, de non-Européen, de non-chrétien ou de non-juif. Je
renvoie pour tous ces termes au lexique raisonné de Michel Launay,
autrement spécialiste de Rousseau que je ne le suis
16
. On passe ainsi de
l’idéologie recopiée à l’idéologie diffusée.
15
- Après la bataille navale de Lépante, en 1571, la flotte turque ayant été totalement détruite, les
Chevaliers de Malte se consacrèrent à la protection des « bâtiments chrétiens contre la course
barbaresque, soit en attaquant les navires barbaresques, soit en menant des razzias avec enlèvement
d’Arabes et de Berbères qui servaient de monnaie d’échange ou devenaient esclaves à Malte »,
Encyclopaedia Universalis
, Tome 10, p.393-394, cité par M. Launay, op. cit., p.118.
16
- M. Launay, op. cit., p. 116 à 129.
12
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On peut constater aussi que les pages sur lesquelles nous avons
travaillé sont une représentation littéraire où « le réel référentiel » et le
« projet de l’auteur » esquisse une image de l’esclavage beaucoup plus
modérée que celle de bien des textes sur la course en Méditerranée. Si
Rousseau laisse bien sous-entendre que deux civilisations sont en conflit, ce
n’est pas nécessairement pour donner le beau rôle aux Chrétiens contre les
Musulmans. C’est d’autant plus intéressant, pour nous aujourd’hui, que cet
esclavage
17
est beaucoup moins étudié que l’esclavage transatlantique pour
bien des raisons que nous voudrions cerner, en partie, dans notre
conclusion.
Rousseau traite d’un sujet bien connu et utilise le savoir de l’époque
sur cette question mais sans forcer le trait. Car le tableau qu’il donne oblige à
réfléchir entre « esclavage » et « servitude ». La néantisation de l’humain n’est
pas aussi radicale que dans l’esclavage transatlantique : on sait le risque que
l’on prend et les hommes qui se font capturer sont des marins, des
marchands ou autres qui espèrent échapper au mauvais sort et, par
l’information qui circule, connaissent, en partie, le danger qui les guette. La
Course est une sorte de gestion « économique » tant chez les uns que chez
les autres, même si sa forme est une épreuve dont certains ne réchappent
pas. Le nombre de captifs est relativement restreint et existe toujours la
possibilité de rachat et de retour chez soi.
Cette course qui a duré trois siècles a imprimé durablement une
image du « musulman » sanguinaire et fanatique, cupide et sans pitié. Nous
avons vu que ce n’est pas exactement l’image qu’en donne Rousseau. Et
lorsque la Monarchie de juillet entreprendra l’expédition d’Alger en juillet
1830, un des arguments avancé sera le nettoyage de la Méditerranée : la
France et les puissances d’Europe se féliciteront de cette victoire mettant un
terme aux agissements de ces Barbares. C’est pour cela qu’il est pertinent,
comme le propose dans ses écrits Edward W. Said, de tenter, comme nous
17
- Cf. Charles-André Julien,
Histoire de l’Afrique du Nord : Tunisie-Algérie-Maroc
, Tome II, 2è édition
de 1952, le chapitre, « La domination turque en Algérie et en Tunisie (1516-1830) » aux p.251-295.
L’ouvrage de Guy Turbet-Delof,
L’Afrique barbaresque dans la littérature française aux XVIe et XVIIe
sicles
, Lille puis Genève, 1973. Cf. Alain Blondy, « Le discours sur l’esclavage en Méditerranée : une
réalité occultée » dans
Cahiers de la Méditerranée
, vol. 65-2002, « L’Esclavage en Méditerranée à
l’époque moderne ».
http://cdlm.revues.org/document37.html
.
« Sur une centaine d’ouvrages et d’articles
qui, depuis le XVII
e
siècle, traitent de l’esclavage dans le monde méditerranéen à l’époque moderne, 30
se sont intéressés à la captivité de chrétiens en pays musulmans, 22 à l’esclavage de musulmans en
chrétienté et 37 au rachat des esclaves par les missions. Sur ces derniers, un seul traite du rachat des
esclaves musulmans, tous les autres du rachat des esclaves chrétiens. Ainsi l’intérêt pour la servitude
chrétienne est trois fois plus important ». Concernant le lieu de répartition des chrétiens en esclavage,
Alger arrive avec 33 %, Tunis, 27%, le reste se répartissant entre la Barbarie, la Turquie, le Maroc et
Tripoli. L’origine des esclaves chrétiens est 15% de France, 8% d’Espagne et 77 % d’Italie. L’esclavage
porte donc surtout sur le bassin occidental de la Méditerranée.
13
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avons essayé de le faire, une lecture contrapuntique, une lecture en
contrepoint :
« Nous devons donc lire les grands chefs-d’œuvre littéraires, et peut-
être aussi l’ensemble de la culture européenne et américaine moderne et
pré-moderne, en nous efforçant de mettre au jour, d’élargir, de faire parler
ce qui dans ces œuvres est muet, marginal, ou représenté de façon
idéologique […]
Concrètement, « lire en contrepoint », c’est lire en comprenant bien
ce qui est en cause quand une romancière signale l’importance d’une
plantation coloniale de canne à sucre pour le maintien d’un style de vie bien
précis en Angleterre […] il faut élargir notre lecture des textes pour y inclure
ce qui en a été autrefois exclu par la force […] »
18
En ce qui concerne les pages choisies, tenter cette lecture en
contrepoint, c’est lire ce que Rousseau inscrit en texte quand il place son
héros dans des situations exceptionnelles pour le mettre à l’épreuve. La
capture par les Barbaresques et la servitude qui suit font partie des attendus
d’une époque et les rendre visibles permet de comprendre un recours à son
référentiel.
Rousseau écrit au carrefour de lectures qui de Cervantès, aux
« turqueries » du XVII
e
, - Molière et
La Gazette de France
qui elle, au milieu
du siècle donnait d’amples informations sur les efforts des Lazaristes pour
libérer les esclaves chrétiens auprès du Dey d’Alger -, jusqu’à Laugier de
Tassy et aux
Mille et une nuits
, ont inscrit la réalité de l’esclavage en terre
d’islam, en en forgeant une image tenace et hostile mais en ne le récusant
pas avec les mêmes armes que celui né de la traite, sans doute à cause de la
réciprocité des captures et de l’inversion des statuts que la pratique
connaissait.
Aux côtés de ses contemporains, Rousseau esquive et esquisse un
tableau de l’esclavage qui fait écho à
L’Esprit des lois
de Montesquieu (1748,
précédé des
Lettres persanes
en 1721), à
Zadig
(1747)
et
Candide
(1759) de
Voltaire, à l’
Encyclopédie
de Diderot et d’Alembert, en des traits peu
chargés. Il ne s’égare pas très loin sur cette pente mais, néanmoins, cette
seconde lettre du roman inachevé montre que les échanges Nord/Sud ont
bien droit de cité dans sa prose. Différemment de celui de ses
contemporains, exprimé d’abord dans ses essais politiques, son
antiesclavagisme est plus réformiste que radical. Les années 1750 à 1789,
écrit Michèle Duchet ont eu une attention particulière à l’esclavage :
« Jusqu’à la veille de la Révolution, la condamnation portée par Montesquieu
18
-
Culture et Impérialisme
, Fayard, Le Monde diplomatique, 2000, pp.118-119.
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contre le système esclavagiste, sur le plan juridique et sur le plan humain, se
trouve répercutée et amplifiée par d’innombrables voix qui font écho à la
sienne, et finissent sans rien ajouter à ses arguments, par créer un courant
d’opinion en faveur de l’affranchissement des esclaves, que Montesquieu
n’avait ni prévu ni souhaité »
19
.
19
- Michèle Duchet,
Anthropologie et Histoire au Siècle des Lumière
s, Paris, 1971, p. 138. Cf. p.137 à
226, chapitre trois, « L’idéologie coloniale » dont le premier sous-titre est « la critique du système
esclavagiste » où il n’est jamais question des Barbaresques.
15