Livre d'or des Charmettes, 31 mai 1861 - George Sand aux Charmettes - Voyages en Savoie, Chamonix 1836, chez Buloz en 1861 - Un air de famille : la famille Dupin, le père de Musset - Histoire de ma vie, confessions - La Cause du peuple - L' éducation - L'amour de la nature, des arts et du savoir
Livre d'or des Charmettes, 31 mai 1861
Le 31 mai George Sand fait un pélérinage
aux Charmettes, pour rendre visite à Jean-Jacques Rousseau. Dans le
livre d'or où les visiteurs inscrivent leurs impressions, elle écrit
:
" Renié, maudit, toujours victime, sois
béni quand même, mon pauvre divin maître "
Puis elle raye son texte, réinscrit en dessous par Alexandre Manceau,
son secrétaire et amant. Dans son article " A propos des Charmettes
", publié dans la Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1863, elle
explique :
" Ces pages sont lui dis-je pleines d'insultes
grossières ou de blâmes stupides contre Rousseau. Je les ai parcourues
avec dégoût après avoir écrit moi-même quelques
lignes sur la dernière page, et vous pouvez voir que j'ai effacé
ces lignes, trouvant que mon hommage était sali par le contact de ces
écritures. J'aurais dû même effacer mon nom : ce n'est
point sur ce carnet malpropre qu'il faut s'inscrire dans la demeure de Rousseau
"
George Sand aux Charmettes
Dans son article " A propos des Charmettes "
publié dans la Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1863, George Sand
écrit :
"J'ai voulu, moi aussi, voir les Charmettes.
Entre plusieurs raisons qui de Toulon me faisaient revenir à Nohant
par Chambéry, le désir de faire mon pèlerinage à
cette illustre maisonnette avait pesé pour beaucoup dans ma résolution,
et pourtant j'approchai du sanctuaire avec un peu de souci. Je ne savais pas
si je trouverais là ce que j'y venais chercher, et si la vue des choses
ne trahirait pas l'idée que je m'en étais faite mais cette crainte
se dissipa pendant que la voiture montait au pas ce ravissant chemin ombragé
si bien décrit par Jean-Jacques, et semblable à ce qu'il était
de son temps
Cet ermitage a été souvent décrit
depuis Jean-Jacques, et pourtant je tenais à me le décrire à
moi-même, car je voulais emporter des moindres détails un de
ces souvenirs précis et complets qui nous permettent de posséder
certaines localités comme nous possédons notre propre demeure.
N'est-il pas agréable de retourner de temps en temps faire certaines
promenades imaginaires, et, quand on se sent mal quelque part, de pouvoir
aller par exemple passer en rêve quelques heures aux Charmettes ?...
Qu'est-ce donc que le passé, si nous pouvons le reconstituer avec une
précision si entière et ressaisir avec son image les sensations
de froid, de chaud, de plaisir, d'effroi ou de surprise que nous y avons subies
? Nous pouvons presque nous vanter d'emporter avec nous un site que nous traversons,
où nos pas ne nous ramènent jamais, mais qui nous plaît
et dont nous avons résolu de ne jamais nous dessaisir. Si nous ramassons
là une fleur, un caillou, un brin de toison pris au buisson du chemin,
cet objet insignifiant aura la magie d'évoquer le tableau qui nous
a charmé, une magie plus forte que notre mémoire, car il nous
retrace instantanément, et à de grandes distances de temps,
un monde redevenu vague dans nos souvenirs... Les Charmettes sont donc bien
à moi à présent"
Dans son Carnet de voyage George Sand écrit
le 31 mai 1861 :
" Je ne pensais pas à grand-chose en
entrant, je croyais connaître les Charmettes par les descriptions nombreuses
que j'en avais lues... Mais j'ai été émue en mettant
le pied dans la salle à manger et pour la première fois de ma
vie j'ai éprouvé le phénomène de la réminiscence.
Il m'a semblé quoique je m'en fusse fait une tout autre idée
que je revoyais un endroit oublié mais pourtant connu "
Voyages en Savoie, Chamonix 1836, chez Buloz en 1861
Le premier voyage en Savoie de George Sand, date de
1836, où elle fait avec Liszt et Marie d'Agoult une escapade à
Chamonix, qu'elle racontera dans la 10ème Lettre d'un voyageur
:
" Moi qui me pique de cette science des voyages ; mais combien à
mes dépens je l'ai acquise ! Je ne souhaite à personne d'y arriver
au même prix, et j'en puis dire autant de tout ce qui constitue ma somme
d'idées faites et d'habitudes volontaires
Au dessus des feux,
au-dessus de la fumée et de la brume, la chaîne du Mont-Blanc
montrait une de ses dernières ceintures granitiques, noire comme de
l'encre et couronnée de neige
Ce que j'ai vu de plus beau à
Chamonix, c'est ma fille. Tu peux tu figurer l'aplomb et la fierté
de cette beauté de huit ans, en liberté dans les montagnes.
"
Son voyage de 1861 qui la conduit aux Charmettes a
pour but une visite à François Buloz, son éditeur, et
directeur de la célèbre Revue des Deux Mondes, la plus importante
revue du XIXe siècle, et qui parait encore aujourd'hui. Buloz possède
une propriété à Ronjoux, près de La Motte-Servolex,
George Sand visite alors le château de Bourdeau, qui sera le cadre de
son roman Mademoiselle La Quintinie. Dans son carnet de voyage, le 30 mai
1861, elle note :
" Le lac du Bourget est un adorable miroir encadré de montagnes
assez élevées et d'un aspect à la fois sauvage et doux
Cette verdure dorée par le soleil couchant était fantastiquement
belle
A Aix et à Chambéry, les clochers, les encadrements
des fenêtres, les arêtes des toits sont en étain brillant
comme de l'argent, les toitures en ardoise, les murs un peu sombres
Ici la vigne monte sur les arbres et croise ses berceaux comme en Toscane
Le chemin de fer qui côtoie le lac entre plusieurs fois dans la montagne.
Ces tunnels ont pour entrée et sortie des portes crénelées
avec des tours. C'est moderne, mais pas poncif et loin de gâter ce délicieux
paysage, ça y introduit un détail élégant. C'est
beau les chemins de fer, il n'y a pas de paradoxe "
Marie-Louise Pailleron, dans Cent ans de vie française
à la Revue des Deux Mondes, publié en 1929 pour le centenaire
de la revue, écrit à propos de François Buloz :
" Son cabinet de travail austère ne contient que peu de meubles
: un bureau, une table, trois chaises, au mur des casiers pour les manuscrits
et les épreuves, le tout en bois blanc. Devant ce bureau bientôt,
tous les auteurs dignes de ce nom (les autres aussi) défileront. François
Buloz les considèrera de son bon il, les soupèsera. La
plupart sont inconnus ou presque, et, sauf Vigny, ils ont tous moins de trente
ans. Cette jeunesse leur sera-t-elle un écueil ? Au contraire, - tant
mieux pour la jeunesse ! Si les auteurs sont inconnus, on les fera connaître.
Musset a vingt-deux ans quand il collabore à la Revue, il n'est pas
le plus jeune ; Sainte-Beuve en a vingt-sept, George Sand vingt-huit. "
Un air de famille : la famille Dupin, le père de Musset
Dans Histoire de ma vie, publiée en 1854, George
Sand, née Dupin, raconte les liens de sa famille avec Rousseau :
" On sait comment Jean-Jacques Rousseau devint secrétaire de Monsieur
Dupin, et habita Chenonceaux avec eux
Madame Dupin cultivait les lettres
et la philosophie avec ostentation et sans attacher son nom aux ouvrages de
son mari
Monsieur et Madame Dupin travaillaient à un ouvrage
sur le mérite des femmes, lorsque Jean-Jacques vécu auprès
d'eux. Il les aidait à prendre des notes et à faire des recherches
"
Plus loin,
" Puisque j'ai parlé de Jean-Jacques Rousseau et de mon grand-père,
je placerai ici une anecdote gracieuse que je trouve dans les papiers de ma
grand-mère Aurore Dupin de Francueil. " Je ne l'ai vu qu'une seule
fois (elle parle de Jean-Jacques), et je n'ai garde de l'oublier jamais
Avant que je visse Rousseau, je venais de lire tout d'une haleine la Nouvelle
Héloïse, et, aux dernières pages, je me sentis si bouleversée
que je pleurais à sanglots
Enfin ma toilette finie, et mes yeux
toujours rouges et gonflés, je vais au salon
Je le regarde et
je devine ; je crie, je veux parler, je fonds en larmes. Jean-Jacques étourdi
de cet accueil veut me remercier et fond en larmes
Neuf mois après son mariage avec Monsieur Dupin, jour pour jour, elle
accoucha d'un fils qui fut son unique enfant, et qui reçut le nom de
Maurice en mémoire du maréchal de Saxe. Elle voulut le nourrir
elle-même, bien entendu ; c'était encore un peu excentrique,
mais elle était de celles qui ont lu l'Emile avec religion "
Toujours à propos de sa grand-mère,
qui l'a élevée, et qu'elle vénérait, George Sand
écrit, mais ces mots ne pourraient-ils pas aussi s'appliquer à
elle-même ?
" Elle avait adopté la croyance dans l'égalité autant
qu'il était possible dans sa situation. Elle était à
la hauteur de toutes les idées avancées de son temps. Elle acceptait
le contrat social avec Rousseau ; elle haïssait la superstition avec
Voltaire ; elle aimait même les utopies généreuses ; le
mot république ne la fâchait point. Par nature elle était
aimante, secourable, affable, et voyait volontiers son égal dans tout
homme obscur et malheureux. Que la révolution pu se faire sans violence
et sans égarement, elle l'eût suivie jusqu'au bout sans regret
et sans peur ; c'était une très-grande âme, et toute sa
vie, elle avait aimé et cherché la vérité "
Un autre lien familial existe, cette fois avec Alfred
de Musset, qui fut l'amant de George Sand et qui a plusieurs fois dessiné
son portrait, notamment le dessin qui figure sur l'affiche de cette exposition.
Le père d'Alfred de Musset a été le principal biographe
de Rousseau au XIXe siècle et a fait une édition de ses uvres
complètes. Dans son article "A propos des Charmettes ", Georges
Sand encourage son lecteur à lire cette biographie :
" Qu'on relise sur tout cela non pas le mieux écrit, mais le mieux
étudié et le plus substantiel des commentaires sur la vie, les
écrits et la mort de Rousseau, dans l'édition de M. Musset-Pathay.
C'est encore le travail le plus complet, le plus fervent pour guider l'opinion
et rassurer le cur sur le compte de l'immortel auteur des Confessions
"
Histoire de ma vie, confessions
George Sand, comme Rousseau écrit une autobiographie
intitulée Histoire de ma vie, publiée en 1854, elle se situe
ainsi dans la tradition des Confessions de Rousseau :
" Je ne pense pas qu'il y ait de l'orgueil et de l'impertinence à
écrire l'histoire de sa propre vie, encore moins à choisir,
dans les souvenirs que cette vie a laissés en nous, ceux qui nous paraissent
valoir la peine d'être conservés. Pour ma part je crois accomplir
un devoir, assez pénible même, car je ne connais rien de plus
malaisé que de se définir et de se résumer en personne
".
Charles Baudelaire, dans une lettre à Fraisse,
associe dans sa répugnance pour l'autobiographie George Sand et Rousseau
:
" J'ai une profonde horreur de la candeur dans l'exercice du métier
littéraire, parce que le genre humain n'est pas un confesseur et qu'infailliblement
l'homme de lettres candide sera dupe, à moins qu'il ne soit un charlatan
obscène comme J.-J. Rousseau ou George Sand "
La Cause du peuple
George Sand adopte la cause du peuple, notamment lors
de la révolution de 1848, où elle écrit des articles,
par exemple pour le Bulletin de la République, mais aussi dans ses
romans, qu'elle veut populaires ou paysans. Il est probable que l'influence
de Rousseau, " père " des droits de l'homme et des grands
hommes de la Révolution française, notamment Robespierre, avec
son Contrat social, se fait là encore sentir. Voici comme elle raconte
ses premières lectures de Rousseau dans Histoire de ma vie :
" Voilà dans quelle situation j'étais quand je lus l'Emile,
la profession de foi du Vicaire savoyard, les Lettres de la montagne, le Contrat
social et les Discours. La langue de Jean-Jacques et la forme de ses déductions
s'emparèrent de moi comme une musique superbe éclairée
d'un grand soleil. Je le comparais à Mozart ; je comprenais tout !
Quelle jouissance pour un écolier malhabile et tenace d'arriver enfin
à ouvrir les yeux tout à fait et ne plus trouver de nuages devant
lui ! Je devins en politique, le disciple ardent de ce maître, et je
le fus longtemps sans restrictions. Quant à la religion, il me parut
le plus chrétien de tous les écrivains de son temps, et, faisant
la part du siècle de croisade où il a vécu
"
Dans son article " A propos des Charmettes ",
publié dans la Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1863, elle prend
la défense de son " maître " :
" Rousseau, plus logicien et plus idéaliste que les autres, comprit
alors que la liberté n'est pas tout, et que la philosophie devait être
une vertu, une religion, une loi sociale. Qu'il se soit trompé souvent
dans ses déductions, il importe peu aujourd'hui. Son socialisme n'est
pas plus coupable des excès révolutionnaires que la doctrine
évangélique n'est coupable de la Saint-Barthélémy.
Son but est immense, son vouloir est sublime, sa sincérité frappante
"
L' éducation
George Sand se démarque de son " maître
" Rousseau sur certains points, en ce sens on peut considérer
qu'elle apporte à la littérature un point de vue de femme, et
celui d'une mère et d'une grand-mère attentive, qui manque à
Rousseau. Elle écrit plusieurs livres pour les enfants : l'Histoire
du véritable gribouille, les Contes d'une grand-mère. Dans Histoire
de ma vie, elle écrit à propos du rejet par Rousseau des Fables
de La Fontaine :
" Je n'approuve pas du tout Rousseau de vouloir supprimer le merveilleux,
sous prétexte de mensonge
Retrancher le merveilleux de la vie
de l'enfant, c'est procéder contre les lois mêmes de la nature.
L'enfance n'est-elle pas chez l'homme un état mystérieux et
plein de prodiges inexpliqués ? "
Dès 1841 dans sa préface à l'édition
des Confessions de Rousseau chez Charpentier, reprise dans son article "
Quelques réflexions sur Jean-Jacques Rousseau " de la Revue des
Deux Mondes du 1er juin 1841, elle condamne l'abandon par Rousseau de ses
enfants
" Acceptons donc les erreurs de Rousseau, nous qui l'aimons : acceptons
même ses crimes, car c'en fut un que l'abandon de ses devoirs de père.
"
Mais dans une lettre à George Sand du 9 juin
1863, Sainte Beuve écrit :
" Jean-Jacques est vraiment un père plein d'entrailles
pour la société moderne ; il mérite sympathie malgré
ses fautes et ses folies. Nous sommes après tout ses enfants et nous,
il ne nous a pas rejetés ; il nous a faits. On lui est bien injuste
depuis quelque temps ; même les hommes nés de lui le renient.
"
Dans Mauprat, publié en 1837, qui traite précisément
de l'éducation, tout comme l'Emile de Rousseau, mais sous une forme
romancée, George Sand écrit :
" L'homme ne naît pas méchant, il ne naît pas bon
non plus comme l'entend Jean-Jacques Rousseau, le vieux maître de ma
chère Edmée. L'homme naît avec plus ou moins de passions,
avec plus ou moins de vigueur pour en tirer parti dans la société.
Mais l'éducation peut et doit trouver un remède à tout
; là est le plus grand problème à résoudre, c'est
de trouver l'éducation qui convient à chaque être en particulier
"
En 1762, dans Émile ou de l'Éducation,
Jean-Jacques Rousseau avait écrit :
"
il suffit pour que le projet soit admissible et praticable en
lui-même, que ce qu'il a de bon soit dans la nature de la chose ; ici,
par exemple, que l'éducation soit convenable à l'homme, et bien
adaptée au cur humain".
Le point de vue de femme de George Sand sur Madame
de Warens lui rend la place qu'elle mérite dans l'éducation
de Rousseau, et que l'on oublie trop souvent :
" Madame de Warens se confessait si facilement, qu'elle a disposé
sans doute le génie de Jean-Jacques Rousseau à écrire
l'impérissable livre des Confessions. Elle lui a révélé
le culte de la nature ; elle l'a fait poète, comme elle l'a fait artiste
et savant. Sachant tout et comprenant tout, elle ne mettait pas l'orthographe
; elle en est d'autant plus la femme de son siècle. Assez belle encore
pour spéculer sur ses charmes comme tant de dames de la cour, elle
se donnait pour rien à des gens de rien. Parmi ces gens de rien, il
y avait l'humble Claude Anet, un homme de cur et de mérite, et
le petit Rousseau, qui fut un des deux premiers hommes de son temps "
L'amour de la nature, des arts et du savoir
George Sand, comme Rousseau, s'intéressent aussi bien aux sciences, la botanique notamment, qu'aux arts (elle peint des aquarelles, fréquente le peintre Delacroix, son fils Maurice illustre ses livres), qu'à la musique (on connaît sa liaison avec Chopin, mais on ignore souvent qu'elle s'intéresse à la musique populaire, notamment les cornemuses, dans son roman Les Maîtres sonneurs), Rousseau a publié un Dictionnaire de musique, a écrit des opéras. Est-ce l'effet d'une éducation ? Ou encore d'une démarche " humaniste " ?
Dans son article A propos des Charmettes de 1863,
elle résume bien tout ce qu'elle doit à Rousseau, que l'on a
baptisé dès le XVIIIe siècle " l'homme de la Nature
et de la Vérité " :
"Oui ! Quant à moi, je lui reste fidèle ; et j'aurais pu
ajouter, fidèle comme au père qui m'a engendrée ; car,
s'il ne m'a pas légué son génie, il m'a transmis comme
à tous les artistes de mon temps, l'amour de la nature, l'enthousiasme
du vrai, le mépris de la vie factice et le dégoût des
vanités du monde. N'est-ce pas là le seul bonheur que l'homme
puisse réaliser du seul fait de sa volonté, et n'est-ce pas
là le bienfait inappréciable que nous devons à Rousseau
? Que d'autres après lui, soient venus chanter magnifiquement les charmes
de la campagne, les beautés de la création et les délices
de la rêverie, il n'en est pas moins vrai que le premier, après
des siècles d'oubli et d'ingratitude, il ramena l'homme au culte du
vrai et au culte de la simplicité. La littérature, qui est l'expression
de la vie intellectuelle des masses, était devenue pompeuse et maniérée
; il la fit sincère et sublime. Les plus vigoureux génies comme
les plus doux talents de notre époque auraient beau le nier, ils lui
doivent leur principale initiation
Rousseau étendra à
jamais son influence, puisque tout ce qui a été écrit
après lui sur la nature n'est qu'un reflet plus ou moins modifié
de son rayonnement
Mais ce que Rousseau eût gardé jusque
sur l'échafaud et ce qu'il nous a laissé pour toujours c'est
la haine de l'intolérance et de l'hypocrisie
"
Dans ce même article, elle écrit encore,
à propos des Charmettes et de Rousseau :
" C'était vivre un moment de la vie dont il avait vécu
et boire à cette source de poésie que la nature tient toujours
pleine et limpide pour qui la cherche sans désir impie de la troubler
en y jetant des pierres "
Plus loin :
" Il m'a fait tant de bien, il m'a ouvert tant d'horizons, il m'a si
bien détaché des sottes distinctions sociales et des mille choses
vaines à la possession desquelles j'ai vu autour de moi sacrifier le
vrai bonheur et la vraie dignité, que je ne me reconnais pas le droit
de lui demander compte de ses erreurs."
Dans sa préface des Confessions de Rousseau,
publiées chez Charpentier en 1841, texte repris dans la Revue des Deux
Mondes du 1er juin 1841, George Sand nous interpelle sur la censure du savoir,
qui peut à notre époque revêtir bien des aspects :
"Le temps n'est plus on l'on se tirait d'affaire en cachant les clés
de la bibliothèque, tandis que le bourreau lacérait solennellement
de sa main souillée les protestations de la liberté morale,
et qu'un mot de Mme de Pompadour étouffait la voix des philosophes.
Les modernes arrêts de l'intolérance administrative frappent
aujourd'hui plus vainement encore, et nos enfants lisent, malgré les
cuistres de tout genre qui aspirent à la direction des idées.
Les uvres de Voltaire et de Jean-Jacques sont dans les poches des étudiants,
tout aussi bien que sur le bureau des gardiens de la morale publique
Si Jean-Jacques vivait, il irait en prison ou en exil."
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