Commémorations de Rousseau (et variations) : une exposition-promenade de deux siècles - Jean-Jacques Rousseau
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Commémorations de Rousseau (et variations) : une exposition-promenade de deux
siècles
Comment (des)honorer Rousseau ?
Air : Des Marseillais
Déjà, le temple de mémoire
Ouvre son portique sacré ;
Déjà le burin de la gloire
Y grave son nom révéré.
A l’immortel auteur d’Emile,
La France élève des autels ;
Par des hommages solennels,
Il faut honorer son asile.
Rousseau fut le flambeau de son siècle enchanté ;
Son nom, son nom est garanti pour l’immortalité.
La Fête de J.-J. Rousseau, intermède en prose mêlée de chants, représentée sur le théâtre des Amis de la patrie, rue de Louvois…le
jour fixé par la Convention nationale, pour la translation des cendres de Jean-Jacques Rousseau, au Panthéon, par le citoyen
Dusausoir, Paris, Dufart, an III, scène 4, acte I
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Pierre Nora indique que nous vivons une « ère de la commémoration ». Le XVIIIe
siècle célébrait Rousseau en tant que réformateur, révolutionnaire, et auteur de
l’Emile. Aujourd’hui, certains voient en lui, par exemple, le précurseur de l’écologie.
Ne prend-on pas le risque pour les célébrations du Tricentenaire de sa naissance et
le 250e anniversaire de la parution Du Contrat social et de l’Emile ou de l’Education
d’amalgamer certaines de ses idées aux nôtres ? Commémorer à l’échelle nationale,
voire internationale, n’engendre-t-il pas des lectures de ses oeuvres qui pourraient
se révéler anachroniques ?
Avant propos
Les différentes commémorations de Jean-Jacques Rousseau mettent très fortement
en lumière l’évolution de l’image du philosophe à travers les siècles. Image qui varie
considérablement des premières célébrations de la fin du XVIIIe siècle à 2012. Les
éloges dédiés au philosophe étant fort nombreux – fêtes anniversaires, centenaires
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de sa mort et de sa naissance, 150e anniversaire de sa mort, 250e anniversaire de
sa naissance, bicentenaire du Contrat social, etc.), en France, en Suisse mais aussi
en Allemagne, il a fallu faire des choix, parfois ardus. La promenade privilégie donc
la France et débute par une présentation rapide de quelques fêtes organisées en
l’honneur de Jean-Jacques Rousseau à la fin du XVIIIe siècle et se concentre plus
précisément sur trois anniversaires : 1878, premier centenaire de sa mort, 1912,
bicentenaire de sa naissance, et 1978, bicentenaire de sa mort. En conséquence,
cette exposition virtuelle, chronologique, oriente le lecteur et le spectateur qui
souhaiterait aller plus loin vers des documents iconographiques et textuels.
Tombe de Jean-Jacques Rousseau au Panthéon
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Tombe de Jean-Jacques Rousseau au Panthéon
A partir de 1889 « et jusqu’au bicentenaire, les partisans de Rousseau vont agir et
multiplier les hommages à cet auteur en France. Chaque ville qui a connu le séjour
du philosophe fournit l’occasion d’inaugurer une statue, et chacune de ces
inaugurations est comme un prélude à 1912, puisqu’y participent les plus hautes
autorités radicales-socialistes et même, comme à Chambéry, en 1910, le président
de la République Armand Fallières. Un monument à Jean-Jacques Rousseau est ainsi
inauguré en 1907, à Ermenonville en 1908, à Chambéry en 1910 et à Trie-Château
en 1911. A quoi il faut ajouter le monument d’Asnières inauguré en 1886. »,
L’Aminot Tanguy, Images de Jean-Jacques Rousseau de 1912 à 1978, Svec, Oxford,
1992, p. 11
Jean-Jacques Rousseau décède le 2 juillet 1778 à Ermenonville.
L’arrivée de Jean-Jacques Rousseau aux Champs Elysées, Dessin de Moreau le Jeune, gravé par C.F. Macret (1782)
Les artistes qui s’inspirent souvent de la tradition mythologique, très prégnante au
XVIIIe siècle, pour rendre hommage aux grands hommes ou aux héros, dépeignent
ici Rousseau arrivant aux Champs Elysées, royaume des morts où le séjour est
agréable et le soleil brille toujours. Le dessin de Moreau le Jeune gravé par C.F.
Macret (1782) et dédié « aux bonnes mères », le montre débarquant aux Champs
Elysées. Il y est accueilli par Socrate, Platon, Plutarque et Montaigne qui s’avancent
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sur le bord du Léthé pour le recevoir. Des génies sortent de la barque de Caron les
ouvrages du philosophe. Au premier plan, on remarque Diogène qui a enfin trouvé
« l’homme » et souffle sa lanterne, puis le Tasse, Sapho, Homère, Voltaire.
De quelques fêtes et commémorations
Dans L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers
de Diderot et d’Alembert, le terme de « Commémoration » reste encore associé à
l’histoire ecclésiastique et à la théologie. C’est à la Révolution française que se met
en place une politique française de commémoration officielle autre que celle basée
sur la longue tradition nationale de cérémonie du souvenir des martyrs.
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Dès 1758, le prix d’éloquence de l’Académie française est consacré à « l’éloge des
hommes célèbres de la nation » et laïcise donc le genre. On distingue entre le
« grand homme » qui se caractérise par l’utilité historique et « l’homme illustre »
qui se définit par le succès. Parallèlement, la célébration s’accomplit dans la
statuaire, les représentations théâtrales et musicales, ainsi que les projets de
galeries des grands hommes.
Les commémorations de J.-J. Rousseau se déroulent selon ce schéma pendant
plusieurs décennies. Cependant, en 2012, à l’ère du numérique, les nouvelles
modalités de communication invitent à repenser la médiation de l’écrit et la
patrimonialisation de la littérature. En quoi peut-on alors parler d’une
réactualisation de la commémoration qui en modifierait le sens ?
Jean-Jacques Rousseau est célébré dès la fin du XVIIIe siècle comme réformateur et
révolutionnaire.
« Hâtez-vous donc, citoyens, d’arracher ce grand homme à sa tombe solitaire, pour
lui décerner les honneurs du Panthéon, et le couronner de l’immortalité. Honorez en
lui le génie bienfaiteur de l’humanité ; honorez l’ami, le défenseur, l’apôtre de la
liberté et des mœurs, le promoteur des droits de l’homme, l’éloquent précurseur de
cette révolution que vous êtes appelés à terminer pour le bonheur des peuples
(…) ». J. Lakanal, Rapport sur J.-J. Rousseau, fait au nom du Comité d’instruction
publique, … suivi des détails sur la translation des cendres de J.-J . Rousseau au
Panthéon français, P., Imprimerie nationale, an III, p.9
De nombreux hommages à sa mémoire ont alors lieu en Suisse comme en France.
En témoigne, par exemple, la fête organisée à Montmorency le 23 septembre 1791 :
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« La fête d’inauguration eut lieu le 23 septembre 1791. La garde nationale, le maire,
la municipalité, des députations des électeurs de 1789, des Amis de la Constitution,
de la Société fraternelle, de la Société d’Histoire naturelle, formaient le cortège. Des
citoyens, portaient une grosse pierre extraite des cachots de la Bastille et ayant en
creux le portrait du dieu de la fête. Le buste était soutenu par des mères de famille
entourées d’enfants ; des jeunes filles en robes blanches, avec ceintures tricolores,
marchaient au son d’une musique militaire. Parmi les assistants, on remarquait un
neveu de Rousseau, des membres de l’Assemblée nationale, des écrivains, des
poètes, Fabre d’Eglantine, Bernardin de Saint Pierre, Ducis, le naturaliste Bosc. Le
buste est déposé à sa place, chacun le couronne de fleurs et l’entoure de feuillage,
des discours sont prononcés. Le soir, seize cents lampions (encore dus après
cinquante-deux ans, dit Quesné), éclairent les bosquets ; les danses se prolongent
jusqu’au soir, l’enthousiasme est général ; enfin l’empressement à l’inauguration de
la sainte image contraste heureusement suivant certaines gens, avec l’isolement où
on laisse Louis XVI et Marie-Antoinette dans leurs Tuileries. Peu d’années après, le
monument disparut et les pierres furent dispersées. » H.Baudouin, « Jean-Jacques
Rousseau et le centenaire de 1789 », ds Revue du monde catholique, p. 260.
Élément du monument élevé en l’honneur de J.-J. Rousseau à Montmorency lors de la fête d’inauguration de 1791
Pierre de la Bastille
Hauteur : 82,5 cm, Largeur : 48,5 cm, Epaisseur : 5,5 cm
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D’autres fêtes ont lieu à Genève dès 1793. On érigea même un monument en
l’honneur de J.-J. Rousseau qui fut détruit 16 ans plus tard :
« On lui éleva une colonne de 40 pieds de haut, surmontée de son buste : la
cérémonie d’inauguration fut ce que sont toutes ces fêtes : musique, comités
populaires, officiers municipaux et représentants de la nation, chœurs de jeunes
garçons et de jeunes filles, portant la statue de la liberté, groupe des mères de
famille, à la tête desquelles était la sœur de lait de Rousseau ; fleurs et couronnes,
chants et discours, repas patriotiques et danses. La fête, commencée en 1793, le
jour anniversaire de la naissance de Rousseau, se continua à la même époque
pendant cinq années ». Revue du monde catholique, p. 260.
« Son monument était placé dans le Bastion Bourgeois, de grands marronniers
entouraient la colonne et laissaient apercevoir le buste par-dessus leurs cimes.
L’effet de cette tête de bronze s’élevant isolée au milieu des touffes vertes, n’était
que ridicule, il devint intolérable lorsqu’on abattit les arbres pour faire le Jardin
botanique. On vit alors une mince colonne portant un énorme buste, et cette
stupide conception des artistes de 93 rappelait, à s’y méprendre, « une tête au bout
d’une pique... » Aussi personne ne réclama contre la destruction de ce chef-
d’oeuvre, et les citoyens momentanément froissés dans leurs sympathies, reçurent
l’assurance que plus tard un monument, digne du grand philosophe, ornerait une
des places de Genève ». J. Gaberel, Rousseau et les Genevois, Chez Joël Cherbuliez,
Genève / Meme Maison, Paris, 1858, p. 97.
La translation des cendres de J.-J. Rousseau
Le 14 avril 1794, la Convention nationale prend un décret ordonnant la translation
des restes de Rousseau au Panthéon. Robespierre, disciple fidèle du Genevois,
présente à la Convention le décret qui doit asseoir la Révolution sur une base
spirituelle et offrir au pays des cérémonies civiques où seront célébrés les dogmes
de la morale nouvelle, pour remplacer les fêtes chrétiennes désormais interdites.
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Le Panthéon perd ses fonctions religieuses en 1791. Il est aménagé par De Quincy
afin de devenir un « temple de mémoire » comme l’on disait alors. Les descriptions
des cérémonies de l’entrée de Rousseau au Panthéon (ci-dessous) dévoilent des
stratégies de théâtralisation très élaborées. Ces cérémonies accompagnées de fêtes
respectaient les conventions culturelles de l’époque et répondaient à des enjeux de
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respectaient les conventions culturelles de l’époque et répondaient à des enjeux de
pouvoir. Qu’en est-il pour les commémorations du Tricentenaire ?
La translation des restes de J.-J. Rousseau au Panthéon fut l’occasion d’organiser
des cérémonies qui se déroulent sur trois jours : les 9, le 10 et le 11 octobre 1794.
Elles marquent les différentes étapes qui précèdent l’entrée du philosophe au
Panthéon et font l’objet de rites correspondant à la représentation mentale que l’on
se fait de Jean-Jacques Rousseau. Joseph Lakanal relate dans son rapport le
protocole de la cérémonie :
« Un char léger, et déjà tout préparé, ira chercher à Ermenonville le corps du
philosophe genevois. Un détachement de gendarmerie à cheval, et plusieurs
citoyens nommés à cet effet, accompagneront le char dans lequel le cercueil
renfermant les restes de Rousseau sera placé aux pieds d’une figure représentant la
liberté. Ce char et son escorte partiront d’Ermenonville le 18 vendémiaire et se
rendront à Emile (ci-devant Montmorency). Le 19 vendémiaire au matin, le char sera
déposé dans un lieu préparé pour le recevoir et dans lequel il passera la nuit exposé
aux regards des habitants de cette commune. Le char entrera dans Paris par la
Chapelle ; il suivra le faubourg Denis, le boulevard du nord, la rue et la place de la
Révolution ; et il entrera dans le jardin national par le pont Tournant. Le corps de
Jean-Jacques Rousseau sera reçu à l’entrée du jardin national par une députation de
la Convention, et l’institut national exécutera plusieurs morceaux de musique. Le
cercueil sera posé sur un gradin élevé au milieu du bassin qui est en face du
pavillon de l’unité, et il y restera exposé pendant le reste de la journée du 19 ; dans
la nuit du 19 au 20, il sera déposé dans le sarcophage destiné à le recevoir. », op.
cit., p. 14-15.
Ses restes sont ainsi entreposés pour une nuit sur une île de la Seine, ainsi que
l’avait demandé le Marquis de Girardin qui tenait à honorer les derniers vœux de
son ami : « Je demande seulement, pour me conformer aux dernières volontés de
Rousseau, qu’il soit transféré en face des Champs-Elysées, dans une île de la Seine,
plantée de peupliers ; (…) ». Un mausolée provisoire est alors construit aux Tuileries
immortalisé par le célèbre peintre des ruines, Hubert Robert, qui en donne une
représentation la nuit, à la lueur des flambeaux :
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"L’air étoit calme, et le ciel pur ; un long rideau de pourpre voiloit à l’horizon les
rayons du soleil couchant. Un vent frais agitoit doucement les dernières feuilles."
La cérémonie nocturne, illuminée de flambeaux et de lumignons autour du bassin
("mille flambeaux éclairoient cette touchante cérémonie") voit les habitants
d’Ermenonville accompagnant le char funèbre, portant le sarcophage surmonté
d’une urne, et une veillée funèbre, musicale, animée d’airs de musique, autour d’un
tempietto à l’antique encadré de peupliers d’Italie, évoquant ceux de l’île
d’Ermenonville, site premier de l’inhumation. Bien entendu le cérémonial
processionnaire cher à la Révolution était maintenu intact : après les musiciens, les
naturalistes tenant fleurs et fruits, les artistes avec pinceaux et burins, les artisans
brandissant scies et rabots, les mères de famille avec leurs enfants précèdent les
habitants de Saint-Denis, de Groslay, d’Emile, d’Ermenonville et de Genève, ainsi
que l’indispensable délégation de la Convention ceinte du ruban tricolore. [...]",
Louis Sébastien Mercier dans Les Tuileries au XVIIIe siècle, Catalogue d’exposition,
1990.
Le 11 octobre (20 vendémiaire) 1794, un imposant cortège se met en marche vers le
Panthéon afin d’y déposer les restes de J.-J. Rousseau :
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« Le 20 vendémiaire, jour de la translation, l’institut national de musique, pour
annoncer l’arrivée de la convention nationale sur la tribune élevée dans le jardin,
exécutera une marche de la composition de Xavier Lefevre, suivie de l’air de
Rousseau, « j’ai perdu tout mon bonheur ». Après la lecture faite par le Président de
la Convention nationale des décrets rendus pour honorer la mémoire de J.-J.
Rousseau, l’institut exécutera une hymne, paroles de Charles Desorgues, musique
de L. Jadin. Cette hymne sera suivie de l’air de Rousseau « Dans ma cabane
obscure ». », op. cit., p. 18.
Le centenaire de la mort de Jean-Jacques Rousseau : 1878
Le contexte politique qui accompagne les célébrations du premier centenaire de la
naissance de Jean-Jacques Rousseau est tendu. janjacquards et antijanjacquards
s’affrontent à Genève sur l’Emile, traité de l’éducation très controversé, tandis qu’en
France les rousseauphiles souhaitent profiter de la commémoration pour asseoir la
république sur les idées de Rousseau.
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Centenaire de la mort de Rousseau (1878) : cortège de jeunes filles, sur la plaine de Plainpalais - Bibliothèque de Genève, Département
ge.ch/culture/rousseau/historique_commemorations.html]
" dans la section "2012 Rousseau pour tous" sur le site de la ville de
Genève.
Le journal républicain Le Bien public lance en 1876 l’idée de célébrer conjointement
le centenaire de Voltaire et de Rousseau. Mais c’est Voltaire qui remporte la palme
dans un premier temps. Louis Blanc, journaliste et historien français, qui fut
membre du gouvernement provisoire de 1848 et député sous la Troisième
République, décide alors en 1878 de former un comité pour la célébration du
Centenaire de Rousseau. Il y est acté qu’elle aurait lieu le 14 juillet afin de célébrer
le double anniversaire de la Fête de la Fédération et de la prise de la Bastille.
présidence de Louis Blanc
Le bicentenaire de la naissance de Jean-Jacques : 1912
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Bicentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1912), affiche - Bibliothèque de Genève, Département des affiches ; voir la
"2012 Rousseau pour tous" sur le site de la ville de Genève.
Sur cette affiche parisienne caractéristique de la « Belle époque », on distingue Rousseau dans un médaillon en haut à gauche.
Les célébrations du bicentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau n’ont
pas fait l’unanimité en France. Elles provoquent même, à Chambéry par exemple, ce
qu’on a appelé la « guerre des statues » :
« La date d’inauguration de la statue de Rousseau, le 4 septembre 1910, fait de
Rousseau un symbole fort de la République (la IIIe république est née un 4
septembre) et de l’attachement de la Savoie à la France (cinquantenaire de
l’annexion). L’emplacement a été choisi pour des motifs politiques, le nouveau parc
symbolise la ville neuve, par rapport à la ville ancienne, la statue domine en altitude
celle des frères de Maistre inaugurée en 1899 au pied du château. Enfin, à quelques
années à peine de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, la statue est
implantée dans un terrain qui appartenait autrefois au clergé »… Dossier de presse
de l’exposition « La guerre des statues », Les Charmettes, maison de Jean-Jacques
Rousseau à Chambéry, 15 mai-31 décembre 2010, p.3.
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Rousseau à Chambéry, 15 mai-31 décembre 2010, p.3.
Chambéry : attentat sur la statue de J. J. Rousseau en 1913
A Paris, la polémique fait rage autour de Rousseau :
« La première époque, celle de 1912, est caractérisée par le conflit et connaît des
affrontements physiques violents. L’enjeu qui se joue alors de part et d’autre est
celui de la démocratie : d’un côté, maurassiens et réactionnaires, conscients de
l’attention que leur porte l’opinion, profitent du bicentenaire de Rousseau pour
attaquer à travers lui le régime républicain ; de l’autre, les radicaux essaient de
s’auréoler du prestige du citoyen de Genève et de la Révolution. », L’Aminot,
Tanguy, op. cit., p.x.
Le 11 juin 1912, à la Chambre des députés, Maurice Barrès fait un discours dans
lequel il déclare refuser de voter les crédits que le gouvernement radical-socialiste
d’Armand Fallières souhaite allouer à la célébration nationale du bicentenaire de la
naissance de Rousseau. Quel bienfait, dit-il, la société peut-elle tirer d’un tel
hommage qui n’est à ses yeux, de la part d’hommes de gouvernement, qu’« un
geste machinal », « une manifestation sans vérité profonde ». Puis il associe
Rousseau à la bande à Bonnot :
« À l’heure où nous sommes, avez-vous vraiment l’idée qu’il est utile et fécond
d’exalter solennellement, au nom de l’État, l’homme qui a inventé le paradoxe
détestable de mettre la société en dehors de la nature et de dresser l’individu contre
la société au nom de la nature ? Ce n’est pas au moment où vous abattez comme
des chiens ceux qui s’insurgent contre la société en lui disant qu’elle est injuste et
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mauvaise et qu’ils lui déclarent une guerre à mort, qu’il faut glorifier celui dont
peuvent se réclamer, à juste titre, tous les théoriciens de l’anarchie. Entre
Kropotkine ou Jean Grave et Rousseau, il n’y a rien, et ni Jean Grave, ni Kropotkine
ne peuvent intellectuellement désavouer Garnier et Bonnot. », M. Barrès, Le Bi-
centenaire de Jean-Jacques Rousseau, P., Editions de « l’Indépendance », 1912.
Les deux documents ci-dessous, relevant du pamphlet, témoignent de la virulence
avec laquelle Rousseau a pu être attaqué.
juin 2012
-
source sur gallica.bnf
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Au nom de quelles valeurs les nationalistes, partisans de l’Ancien Régime à
l’époque, accusent-ils l’œuvre de Rousseau de menacer l’ordre social ?
métèque Rousseau", placardée par les royalistes de l’Action française sur les
murs du Quartier Latin le 28 juin 2012, soit deux jours avant la célébration
officielle du Panthéon.
-
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Quelle est la représentation de l’Autre dans le texte de l’affiche ci-dessus ? A
quels clichés et à quels stéréotypes les auteurs ont-ils eu recours pour
construire leur argumentaire ?
Les journaux L’Attaque, L’Idée libre, La Vie naturelle s’insurgent contre ces attaques
et font l’éloge de Rousseau :
« Dans cette lutte, la gauche n’est pas moins bien représentée que la droite, mais
elle ne se lance pas dans la bataille de bonne heure : elle s’occupe de l’événement
aux alentours du 30 juin et ne lui consacre pas autant d’articles. Il faut dire que la
situation sociale ne lui laisse guère de répit et qu’elle a d’autres soucis que de
s’occuper du monument de Bartholomé. Pour elle, Rousseau n’est pas un prétexte à
polémiquer, même si elle le reconnaît comme un précurseur du socialisme »,
L’Aminot, Tanguy, op. cit., p. 30.
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28/06/1912 : on voit ici la foule entrant dans la Sorbonne pour assister à une séance solennelle dans le grand amphithéâtre de la
Sorbonne.
Le 29 juin, au Trocadéro, une soirée de gala a lieu où sont représentés Le Devin du
village par l’Opéra-Comique et Pygmalion par le Théâtre Français, ainsi que Les
Charmettes de L. Larguier et L’Homme de la nature de J. Princet. Louis Payen y lut
son poème Les deux Muses. Le même soir, un bal animait le Quartier latin.
« La cérémonie officielle du Panthéon, le 30 juin, qui clôturait ces fêtes parisiennes,
était attendue de tout le monde. La police était sur les dents, car le Président de la
République Fallières devait la présider en personne (…). Les personnalités qui
purent entrer dans l’ancienne église, avaient reçu une invitation personnelle du
gouvernement. Aucune femme, si ce n’est madame Bartholomé et deux parentes de
Rousseau, ne fut admise : P.H. Loyson parlera dans Les Droits de l’homme d’un
« Rousseau pour hommes seuls ». (…)
La sortie de cette « messe » perdit cependant un peu de sa solennité. Si l’arrivée de
Fallières, dans une voiture banalisée et sans escorte, était passée inaperçue, sa
sortie déchaîna les huées des Camelots du Roi, venus en nombre. Des sifflets et des
cris de « Vive le Roi ! A bas les métèques ! » fusèrent ; des bousculades se
produisirent et des horions furent échangés entre partisans et adversaires de
Rousseau, et à cette confusion s’ajoutait l’action de la police. », Tanguy L’Aminot,
op.cit., p. 50-51.
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Monument Jean-Jacques Rousseau réalisé par le sculpteur Bartholomé, inauguré le 30 juin 1920 [photographie de presse / Agence Rol]
Trois photographies extraites du journal L’illustration (n° 3619 du 6 juillet 1912)
« Le tombeau a été installé au pied du pilier sud-ouest du Panthéon. Il est formé
d’un large motif central où l’on voit, assises et appuyées contre un fronton où court
une guirlande de laurier, trois figures de femmes. Au milieu, la Philosophie rêve,
une main levée, l’autre tenant un livre ; à ses côtés, ses deux compagnes, la Nature
portant des fruits et des fleurs, la Vérité devant un Miroir. Ce sont les muses de
Rousseau. Sur le plan incliné du tombeau, encastré dans la pierre, Bartholomé a
modelé le profil de Rousseau. (…) Deux femmes debout complètent le monument :
elles se dressent, de chaque côté de la pierre tombale. Celle de gauche représente
la Musique. Appuyée au balustre circulaire, elle chante et tient dans ses mains un
rouleau de musique. En face d’elle la Gloire littéraire, élevant un laurier, couronne
d’un grand geste la pensée ardente et toujours vivante de Rousseau ». J. Benrubi, Le
Deuxième centenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau en France, « Revue
de synthèse historique », juin 1912, T. XXIV-3 (n° 72), p. 340.
Des romanciers et des hommes de théâtre s’emparent de la polémique et en font le
Centenaire de Jean-Jacques
adapté pour le théâtre par Monique Lachère. Sa pièce
sera créée au théâtre de Carouges-Atelier à Genève le 24 avril 1990.
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Le bicentenaire de la mort de Jean-Jacques Rousseau : 1978
Les études critiques que publie E. Faguet sur le philosophe à la fin du XIXe siècle -
Etudes littéraires sur le XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau -, sinspirent des thèses
de J. Lemaître, de la critique royaliste de Mauras, et de Léon Daudet. En effet,
Rousseau reste pour eux le responsable de la Terreur et le père de la Révolution, et
comme le souligne Tanguy L’Aminot « il est le peuple, il est le barbare, le
dangereux anarchiste ».
Il faut attendre la seconde guerre mondiale, le 250e anniversaire de la naissance de
Rousseau et le bicentenaire du Contrat social, pour que cette perception commence
à s’inverser ; l’œuvre et l’homme sont alors progressivement réhabilités.
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Faire entrer Rousseau dans le Panthéon littéraire rend-il sa personnalité, ses œuvres
et sa pensée moins sujettes à polémiques pour la critique ?
En 1978, on remarque une propension certaine de la critique à louer l’auteur du
Contrat social, à polir son oeuvre, à en effacer autant que possible les rugosités
pour qu’elle ne dérange pas trop. L’ouvrage de Jean Starobinski J.-J. Rousseau. La
transparence et l’obstacle en donne une belle démonstration. Le processus de
« récupération » se cristallise, et avec lui, la manière de le commémorer. Comme
d’un commun accord, on tâche alors d’effacer les antagonismes qui ont opposé
Voltaire à Rousseau. René Pomeau indique dans une conférence qu’il donne à
Genève en février 1978 que « la courbe de l’histoire qui les a entraînés solidaires
l’un de l’autre, les éloigne maintenant du champ des passions politiques et
idéologiques ». Les timbres édités à l’occasion de la commémoration de 1978
scellent entre les deux philosophes une réconciliation qui n’eut jamais lieu. Réunis
sur une même image, leurs têtes sont imbriquées l’une dans l’autre et l’anniversaire
de leur mort est célébré conjointement ; démarche qui s’était avérée impossible
pour leur entrée au Panthéon.
Victor Hugo avait déjà réuni les deux penseurs dans de bien troubles circonstances :
« On approcha l’orifice du sac de l’ouverture du trou, et l’on jeta ces os dans cette
ombre. Les deux crânes se heurtèrent ; un étincelle, point faite pour être vue par
ces hommes, s’échangea sans doute de la tête qui avait fait Le Dictionnaire
philosophique à la tête qui avait fait Le Contrat social, et les réconcilia ». Le poète
raconte ici comment le "parti prêtre" se serait débarrassé de leurs restes, hypothèse
La mise en scène ou mise en image de Voltaire trouvant refuge dans le cou de
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Rousseau contraste fortement avec le pamphlet qu’il écrit en réponse aux
Lettres
dans le Sentiment des citoyens qui paraît en 1764. Il suggère même la peine
capitale pour ce "vil séditieux".
Enveloppe et timbre-poste émis pour le bicentenaire de la mort de Rousseau et de Voltaire, premier jour d’émission, 1er juillet 1978.
Le cachet indique : 01 Ferney Voltaire - 95 Montmorency.
Collection particulière
Photographie : © Antony Divonne
Carte postale philatélique éditée pour le bicentenaire de la mort des deux écrivains.
Timbre et cachet Voltaire-J.J. Rousseau, premier jour, 1er juillet 1978, 01 Ferney-Voltaire - 95 Montmorency.
Collection particulière.
© Empire philatélique, documents collection Viollet.
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Autre objet postal, tiré de
http://www.philateliefree.fr [http://www.philateliefree.fr]
Suggestion pour une exploitation pédagogique :
Les trois enveloppes ainsi que les timbres édités en 1978 réunissent Rousseau et
Voltaire, décédés - rappelons-le - à quelques jours d’intervalle. Cette double
célébration a pour effet indirect de lisser leurs deux conceptions de bonheur et de
progrès. En quoi pourtant s’opposent-elles ? Qu’est-ce qui a pu, dès lors, justifier
leur rapprochement ?
A la fin des années 70, les médias ont tendance à simplifier l’image de Rousseau et
à réduire sa pensée. Il est associé au thème du retour à la nature, qu’il faut
entendre comme un retour à la campagne et à une vie plus « naturelle ». Marcel
Schneider voit dans le philosophe l’inventeur de l’écologie et de son état d’esprit.
Associé aux mouvements de contre culture de l’époque, des rapprochements entre
Rousseau et les hippies et les beatniks sont même esquissés. Certains n’hésitent
pas à vulgariser sa pensée par le biais de leur idéologie : « Il est cependant
incontestable que certains thèmes de la pensée beatnik rejoignaient ceux de
Rousseau : le refus de l’aliénation sociale, le goût d’une vie simple, solitaire et
indépendante passée au sein de la nature, la quête d’une certaine spiritualité
permettaient leur rapprochement, mais ces thèmes trouvaient plus leur origine chez
Henry David Thoreau et quelques anarchistes, et chez les ermites chinois et
japonais du taoïsme et du bouddhisme », Tanguy L’Aminot, op. cit., p. 425.
Au même moment, les anthropologues s’emparent de la pensée rousseauiste pour
comprendre le fonctionnement des sociétés primitives. Le mythe du bon sauvage
connaît alors un essor considérable dans les sciences humaines.
Et en 2012 ?
Au 24 janvier, 6 900 000 pages répondent sur google à la recherche « Jean-Jacques
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Au 24 janvier, 6 900 000 pages répondent sur google à la recherche « Jean-Jacques
Rousseau » entre guillemets. Ce chiffre, probablement voué à croître cette année,
témoigne de l’intérêt, de l’engouement, de la passion que le philosophe suscite au
XXIème siècle. Parallèlement aux manifestations culturelles, universitaires ou
citoyennes, organisées dans le monde entier, les sites, blogs, forums consacrés à JJR
se multiplient.
Nous sommes heureux de contribuer à ce mouvement par cette page.
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