[texte
annoté par Françoise Bocquentin]
Il s’est glissé dans la république des lettres une peste
cent fois plus dangereuse ; c’est la calomnie, qui va effrontément, sous le nom
de justice et de religion, soulever les puissances et le public contre des philosophes, contre les plus
paisibles des hommes, incapables de jamais nuire, par cela même qu’ils sont
philosophes
Mémoire
sur la satire
Des
calomnies contre les écrivains de réputation
Voltaire
JEAN LOUIS ROUSSEAU, FILS NATUREL de JEAN
JACQUES ROUSSEAU, PAR MONSIEUR VINCENT, Avocat, A AMSTERDAM, AUX DEPENS DE
L’AUTEUR, MDCCLXII
JEAN LOUIS ROUSSEAU, FILS NATUREL DE JEAN
JACQUES ROUSSEAU
Vous exigez de moi,
Madame, que je vous envoye la relation des mes voyages & vous me promettez
de la lire entièrement. Avez vous bien songé à l’engagement que vous voulez
contracter ? vous ignorez peut être, qu’un philosophe ne parcourt pas le monde
comme nos jolis seigneurs ; qui de retour chez eux, savent seulement qu’en
Angleterre les femmes font belles, fades en Hollande, fières en Espagne,
simples & toutes rondes en Allemagne ; emportées en Italie, sottes à
Moscou, esclaves en Turquie.
Un philosophe voyage bien autrement
; souvent il quitte une ville, pour aller au milieu des précipices étudier la
nature. Son unique occupation est de chercher à connaître les usages, les
caractères & les loix des différentes nations chez lesquelles il se trouve.
Par exemple si je fesois mention des Russes je vous dirois qu’ils ne sont point
aussi braves que nos historiens les représentent ; que malgré les siences
qu’ils paraissent cultiver ils font toujours superstitieux & grossiers ;
que le Czar dont on fait un Marc Aurèle ressemble tout au plus aux premiers
legislateurs, c’est à dire, qu’il ne fut qu’un barbare qui en polissa d’autres.
Si je vous parlois des Turcs, je vous dirois que ce peuple n’est plus que l’ombre
de ce qu’il étoit autrefois. Je chercherois la cause des sanglantes révolutions
qui arrivent souvent dans cet Empire ; je comparerois leur gouvernement, leur
politique, leurs moeurs à celles de leurs ancêtres : si je disois quelque chose
des femmes, ce ne seroit que pour vous les representer rampantes devant des
monstres & uniquement faites pour les plaisirs de l’homme.
Ce que je vous raconterois de
l’Egypte ne vous plairoit pas davantage. Des deserts autrefois habités, des
villages où jadis il y avoit des villes, des pyramides dont le sommet se perd
dans les cieux, un lac capable de contenir l’Océan dans son sein : voilà,
Madame, les choses dont je vous entretiendrois. Avouez qu’une jolie femme
s’ennuiroit en lisant un pareil ouvrage.
Je pense donc que l’histoire d’un
jeune homme que je rencontrai en Egipte, vous convient mieux que les reves d’un
philosophe ; elle contient des faits singuliers & extraordinaires ;
d’ailleurs le nom seul du héros est capable de vous intéresser.
Je viens de vous dire, Madame, qu’il
se trouve en Egipte un lac capable de contenir l’Océan. Cet ouvrage immense na
(sic) point jusqu’a présent excité la curiosité de nos voyageurs, soit qu’ils
se figurassent que les merveilles qu’on débitoit touchant ce lac, ne fussent
que des fables ; ou plutôt comme il y a lieu de croire parceque les dangers
auxquels il falloit s’exposer les effrayoit. Plus hardi qu’eux je formai le
dessein de pénétrer jusques-là, & même de découvrir (si la chose était
possible) ces douze palais dont parle, ouvrage qui étonne par sa grandeur.
Comme il y auroit eu de la témérité,
à entreprendre seul un pareil voyage, je fus trouver le gouverneur du Caire,
pour lequel notre ambassadeur à la Porte m’avoit donné des lettres de
recommandation. J’en fus fort bien reçu, & il me promit une escorte, pour
m’accompagner dans les déserts qu’il me falloit traverser.
Ce bacha ayant remarqué que j’étois
François, me parla du Comte de Bonneval auquel il avait succédé. Il me dit
qu’il avait été son ami & me raconta plusieurs traits, qui caractérisent le
génie & la fermeté de ce grand homme.
Après avoir séjourné quelques jours
au Caire, j’en partis avec vingts Jannissaires commandés par un Aga. A quelques
distances de la ville, je passai ma petite troupe en revue. J’apperçus un jeune
homme, dont les façons peu turques me frapèrent. Il paraissoit confus lorsque
que je le regardois & ma préfence sembloit l’importuner. Surpris de son
embarras, je l’examinai avec plus d’attention & et je crus reconnoître dans
ses gestes & ses manières quelque chose
Etant (sic) qui approchoit nos moeurs.
Etant arrivés au lieu ou nous
devions coucher, je le fis venir dans ma chambre ; il parut devant moi
tout interdit & je vis des larmes couler de ses yeux. Qui peut occassionner
la douleur où je vous vois, lui demendai-je, en langue Arabe ? je m’interesse à
votre sort, parlez, vous me voyez prêt à vous obliger. Cet infortuné jeune
homme n’osa d’abord me répondre. Il craignoit de rencontrer mes yeux ; mais
ayant redoublé mes instances, il se jetta à mes genoux & me dit en fort bon
François, qu’il étoit suisse. Vous suisse par quel hazard vous trouvez vous dans ces lieux, quel est votre nom,
quelle est votre famille? Jean Jacques
ma (sic) donné l’être, me répondit il. Rousseau ce fameux Citoyen de Généve est votre pere ! lui même
n’a donc pas pris soin de votre éducation ; ses mains paternelles n’ont
surement point dirigé les premiers pas de votre enfance. Il a fait plus,
Monsieur, me répondit il encore ; j’ai toujours été sous ses yeux jusqu’a ce que
jaye (sic) été marié. Tout ce qu’il disoit augmentoit ma surprise. Curieux de
savoir, comment un enfant élevé par Jean Jacques, étoit devenu Mahométan ; je
le priai de me raconter ses avantures. Il ne se fit pas presser & me parla
ainsi.
Monsieur si vous avez lu la nouvelle
Héloise vous devez vous resouvenir de St.Preux, le héros de ce livre, Rousseau
sous ce nom a Décrit une partie de ses avantures. Vous vous r’appellez sans
doute aussi que julie accoucha d’un faux germe, Rousseau ne trouva pas toujours
des femmes aussi mal constituées. Obligé de s’éloigner d’auprès de sa maîtresse
il se retira dans un village du canton de Berne ; ou il y avoit une jeune fille
qui ne vouloit cesser d’être vierge que dans les bras d’un sage ; Rousseau fut
l’heureux sage sur qui elle jetta les yeux & je suis le malheureux fruit
qui provint de leurs amours.
Mon père fut si content d’avoir fait
son semblable, qu’il s’attacha tout à fait a ma mère ; il oublia sa julie &
donna tous ses soins à mon éducation. Il ne suivit point en cela la coutume de
ses ancêtres, il se forma un plan lui même & semblable a ces médecins, qui
ne rougissent point de sacrifier des malheureux, pour faire l’épreuve d’un
remède inconnu ; il fit sur moi l’essai de la nouvelle méthode dont il vouloit
que les hommes se servissent pour élever leurs enfans. Il obligea ma mère qui
étoit d’un tempérament foible & délicat à me nourrir. Qu’arriva-t-il ? Sa
santé s’affoiblit peu à peu, bientôt elle devint languissante & et mon père
la vit mourir, sans vouloir permettre que je fus allaité, par d’autres que par
elle.
Resté seul, il ne fut point chercher
sa voisine pour prendre foin de moi. Il me sévra lui même & fit une espèce
de pâte avec la qu’elle il me nourissoit. Qu’il faisoit beau le voir !
lorsqu’au sortir de ses occupations, il venoit me trouver, pour me bercer, me
changer, me laver enfin faire tout ce que les nourrices font aux enfans.
Lorsque j’eus six mois il me
conduisit dans une prairie, qui étoit à l’extrémité de son jardin. C’étoit la
qu’il me portoit tous les jours, pour me faire faire, disoit il, mes premières
éxercices. Abandonné à moi même, sans guide, sans soutien, je me roulois fur
l’herbe & marchant sur les jambes et les mains, j’allois me mêler parmi des
agneaux, qui paissoient à côté de moi.
Si dans cette âge, j’avois été
capable de réflexion, qu’aurois-je pensé de l’humanité de mon père. Puisque tu
m’élève (sic), lui auroi-je dit, comme les animaux ; viens donc avec moi te
rouler fur l’herbe & marcher à quatre pattes. Ces foibles brebis n’accompagnent
elles toujours leurs petits, ne vont elles pas au devant de leurs besoins ? que
dis-je peux tu leur être comparé ? bien loins de degrader leur espèce, elles
l’éléveroient, si la chose était en leur pouvoir.
Dans le commencement, j’en fus quitte
pour me casser le nez & me meurtrir le corps ; mais ayant placé à faux une
de mes mains, je me démis l’épaule gauche. Aux cris que je jettois, mon père
accourrut & s’appercervant (sic) de l’accident qui m’étoit arrivé, me
transporta à la maison.
Il eut pu me faire guérir aisément,
s’il eut envoyé chercher le chirurgien du village ; mais par malheur pour moi,
le chirurgien étoit aussi médecin. Mon père qui avoit ces derniers en horreur,
on ne seait (sic) pourquoi, aima mieux que je devinsse bossu plutôt que de
permettre à un pareil homme de me traiter.
Pour m’apprendre à lire, il n’eut
pas recours aux moyens que le sage Loke (sic) à enseigné, ils étoient trop
simples ; d’ailleurs un homme aussi singulier que lui, n’aime point à marcher
dans un sentier battu : de concert avec ma maraine, il me fit tenir un billet,
par lequel on m’invitoit a colationer ; n’ayant pu le lire, je fus privé du
plaisir d’aller chez la personne ou j’étais attendu.
Peu de jours après je reçus un
billet semblable. Après m’être bien fatigué, pour pouvoir le déchifrer, je
m’avisai de compter les mots. Si ce billet, dis-je en moi même, m’invite encor
a colationer ; ceux qu’on m’envesra (sic) dans la fuite lui ressembleront,
ainsi en comptant comme je viens de faire & trouvant la même quantité de
mots, je ne manquerai pas de me rendre dans le lieu ou l’on m’attend. Je n’eus
pas plutôt fait cette petite combinaison, que je fus le rendre à mon père, en
lui disant que je ne pouvois le lire. Tant pis pour vous, me répondit il, car
vous étiez invité à manger de la crème. Je parus fâché, mais dans le fond du
coeur je me réjouissois du tour que je me préparois à joüer.
Le lendemain mon pere ne manqua pas
de me faire tenir un billet. Je comptai les mots, mais le nombre n’y étoit pas.
Quelques jours après j’en reçus un autre je comptai encor, & je trouvai ce
que je cherchois. Joyeux de cette découverte, je sortis de la maison sans être
vu & me rendis dans l’endroit où j’étois invité. Mon père surpris de ne
plus me voir, fut me chercher dans le village. En passant devant la maison de
fa commère, il m’y apperçut mangant (sic) du gateau. Il crut pour lors que
j’étois venu à bout de lire le billet, il s’avanca avec précipitation vers moi
& me serrant dans ses bras, il m’appella son fils, & prédit que je
serois quelque jour un grand homme.
De retour au logis, il voulut savoir
de quelle façon je m’y étois pris pour lire le billet. Je lui dis tout
simplement ce que javois (sic) fait. Il parut piqué de ce que je l’avois trompé
& pour me joüer à son tour, il changa les billets & me les fit tenir
par differentes personnes.
Avec toutes ces précautions, mon
père ne put jamais m’apprendre à lire, la chose étoit au dessus de ma portée.
Effectivement, comment vouloit il que sans le secours de personne, je vins à
bout de distinguer les lettres, d’en composer des mots, & de leur trouver
un sens ! n’étoit-il pas plus difficile d’apprendre tout cela, que de
comprendre les fables de la fontaine, qu’il regardoit cependant comme une étude
trop pénible, pour des enfans encor plus âgés que moi ?
Vous imagineriez vous quel fut le
livre qu’il me remit entre les mains, lorsque la raison eut commencé a
m’éclairer ? ce ne fut ni Buffon, ni Aristote, ni les moeurs ; pas même
l’Evangile, mais Robinson Crusoe. Il fit exprès le voyage de Généve pour
acheter ce precieux livre. Je pris tant de gout à le lire que je m’imaginai
bientôt être un petit Robinson. Je me figurai que le jardin de mon père étoit
une isle, j’y bâtis une cabanne, je l’entourai de Roseaux & je m’habillai a
la Robinson. Mon père en me voyant faire toutes ces choses s’extasioit. A
travers la peau qui me couvroit, il appercevoit le grand homme. Il étoit
cependant faché de ce que je m’étois fait un parasol.
Deux troupes de païsans jouërent un
jour aux barres dans la campagne. Le parti victorieux ayant fait un prisonnier,
vint l’enfermer dans ma cabanne. Pendant ce temps - là je lisois à l’autre bout
du jardin Robinson. J’en étois précisément à cet endroit où Vendredi fut
délivré. Je n’eus pas plutôt appercu les paisans que je les pris pour des
Sauvages & leur captif pour Vendredi. Furieux je saisis mon petit fusil
& lache le coup fur toute la troupe, qui effrayée se sauve à travers les
champs & abandonne le prisonnier. Aussitôt je cours à lui & coupant ses
liens je le prens par la main & l’amène à mon père, qui me blama fort de
l’action que je venois de Commettre. Cela me surprit, puisque je n’avois fait
que ce que j’avois lu dans Robinson, qu’il m’avoit donné pour modèle.
Je ne finirois pas, Monsieur, si je
vous racontois les moyens dont il se servit pour m’apprendre a marcher & me
rendre plus leste qu’un sauvage. Vous croieriez qu’il avoit envie de faire de
moi un animal extraordinaire, pour me montrer dans toutes les cours de l’Europe.
Je passe sous silence plusieurs
années peu interessantes, pour venir a cet age, ou il devoit me reveler de
grands mystères. Il me fit venir dans son cabinet, lieu qui jusqu’alors m’avoit
été interdit comme à un profane. En entrant je le trouvai assis sur une chaise
de paille. Trois livres composoient sa bibliothèque. Au dessus de la porte
étoient gravés ces mots. Les savans ont soutenu que les sciences augmentent le
bonheur de l’homme. Moi je soutiens qu’elles ont causé tous les maux qui sont
repandus fur la terre. Jusqu’a présent l’on a cru que l’être suprême avoit créé
l’homme à son image & que la raison lui fut donnée par cet être, comme un
flambeau propre a lui faire connoitre le prix de son existence & la
différence qu’il avoit mis entre lui & les autres animaux. Moi j’ai placé
l’homme sur la terre sans aucunne (sic) marque distinctive, je l’ai fait
marcher dans les forets au milieu des ours : d’abord je l’ai fait plus bête
qu’eux ; mais j’ai trouvé le moyen de lui faire dérober l’instinct des autres animaux,
dont j’ai composé ce que nous appellons aujourd’hui raison. Après avoir fait
l’homme, il étoit juste de lui enseigner comment il faut vivre ; c’est à quoi
je travaille maintenant.
Vis-à-vis de l’endroit ou ces mots
étoient gravés, l’on voyoit le portrait de mon père : à sa droite étoit Diogène
dans son tonneau. L’on appercevoit cet insensé, qui souflant dans ses doigts,
s’efforçoit de persuader au peuple qu’il avoit chaud.
A sa gauche étoit hipparquia, mon
pere ne pouvoit se lasser de l’admirer, il l’élevoit au dessus des Cornelies ;
parcequ’elle avoit eu le courage d’abandonner tous ses biens, pour s’attacher
au gentil & charmant Cratès.
Mon père après m’avoir fait éxaminer
ces tableaux, me fit asseoir sur un modeste tabouret, & me raconta l’histoire
de sa vie. Je fus fort étonné d’apprendre, que dans sa jeunesse il n’avoit pas
vallu grand-chose. Ce seroit bien l’a (sic) le moment de badiner sur son compte
: mais je respecte trop la vertu pour la tourner en ridicule & c’en est une
sans doute que d’avouer ses fautes.
A peine eut il cessé de parler de
lui, que sa chaise trembla ; je crus voir dans sa personne quelque chose de
divin. Ses yeux étoient sans cesse fixés sur les miens : il me regardoit avec
un air de complaisance ; enfin après avoir gardé quelque tems le silence, il le
rompit & parla de la sorte. Jean Louis mon fils bien aimé tu entre
maintenant dans ta dix-huitièmme année. Le tems est venu ou tu dois être
instruit de tes devoirs envers ton créateur, c’est ce que je vais t’enseigner,
quoique je ne le sache pas trop bien moi même.
A cet endroit j’interrompis mon
père. Quoi ! lui dis-je, dois-je quelque chose au créateur ? pour quoi avoir
attendu si longtems pour me l’apprendre ? que va-t-il dire, que pensera-t-il de
mon ignorance ? jeune téméraire, me répondit-il, sachez que Dieu s’embarrasse
fort peu des hommages de vos pareils. Comme il ne songe guerres aux enfans, il
ne veut pas non plus qu’ils s’occupent de lui ; d’ailleurs je me charge de
tout, ainsi laissez moi faire, ne craignez rien & restez tranquile. Il
prononca ces mots avec tant de fermeté, que je n’osai répliquer, je baissai
humblement la tête & sans l’interrompre, j’écoutai attentivement ce qu’il
avoit à me dire.
Il parla avec enthousiasme des
différentes religions, mais il m’en fit un portrait si affreux, qu’il ne
m’inspira que du mépris pour elles & bien loin d’éclairer mon âme, il fit
naître dans mon coeur, un doute pis cent fois que l’ignorance dans la qu’elle
(sic) j’avois veçu.
Je ne pouvois concilier la liberté
qu’il me laissoit de choisir une religion, avec les avis qu’il donnoit aux
hommes de suivre celle de leurs peres & de la pratiquer de bonne foi ; car,
disoi-je en moi-même, ou il croit que c’est un bien de suivre la religion de
son pays, ou il pense que c’est un mal. Si c’est un bien, pourquoi me laisser
la liberté du choix, pourquoi ne pas me dire ! Jean Louis, prie Dieu comme tes
pères, ils sont dans la bonne voie : si au contraire c’est un mal pourquoi
engager les autres à le faire ?
Je n’étois pas moins surpris de voir
l’idée qu’il s’étoit formé de la vertu, elle ressembloit presque au fanatisme.
On dit que Newton ne prononçoit le nom de Dieu qu’avec respect &
recueillement ; mon père ne pouvoit parler de Brutus fans entrer dans
l’enthousiasme. Je l’ai vu quelque fois s’écrier comme s’il eut été au milieu
des sénateurs qui poignardèrent César. Courage ! Brutus, ne crains point de
percer ce monstre : tu hésite, la nature ta parle, lache : ose tu bien
l’écouter ? n’entends tu pas la patrie qui t’ordonne de frapper ? mais que
vois-je ! tu devance les conjurés. César qui te reconnoit te nomme envain son
fils, il tombe a tes pieds : il expire. O patrie ! quel est ton pouvoir sur un
coeur vertueux ?
Quoique fils de Rousseau, je ne
pouvois regarder ce Brutus comme un grand homme ; au contraire je l’avois en
horreur & j’osai même dire ce que j’en pensois, qu’a fait Brutus, lui
demandai-je pour mériter votre admiration ? je ne vois en lui qu’un lache, un
parricide, un homme faux & sans vertu. Mon père ne me laissa point achever,
je crus qu’il m’alloit immoler aux manes de son Brutus, mais en me sauvant je
lui épargnai un crime.
il regardoit la
philosophie comme quelque chose de pernicieux : accoutumé à prendre tout du
mauvais côté il jugeoit d’elle, par la conduite de quelques malheureux qui
avoient usurpés le nom de philosophes[2],
pour donner plus de poids à leurs pernicieuses maximes. Devoit-il la chercher
chez des hommes de cette trempe ? Helvétius, & vous Dalembert, &
Diderot, vous, dont les écrits ne respirent qu’humanité, qui déclamez sans
cesse contre les célibat (sic), qui non seulement aimez votre patrie, mais
encor tous les hommes, Rousseau ne vous à donc pas fréquenté, où s’il à véçu
(sic) avec vous pourquoi décrie-t-il la philosophie ? La raison en est bien simple,
c’est que Rousseau n’est pas philosophe.
Un homme du caractère de mon père
devoit se méfier de l’amour. Cependant il regardoit cette passion comme la
seule qui convient à un honnête homme. Lorsque mon tempérament fut tout à fait
formé, il fut le premier à la faire naître dans mon coeur, & pour couronner
son ouvrage, il se donna la peine de me chercher une femme ; soin vraiment
digne d’un père, & qui feroit honneur à Rousseau, si dans cet occasion il
eut cessé pour un instant d’être singulier.
Dans un hameau voisin de nôtre
village, vivoit en paix avec sa femme un honnête suisse : Depuis trente ans, il
cultivoit un petit jardin qu’il avoit hérité de ses pères ; bien différent en
cela de se (sic) compatriostes (sic) qui parcourent le monde pour aller tuer
des hommes avec lesquels leur pays n’a jamais eu aucun démêlé. Une jeune fille
faisoit leur unique amusement, elle étoit si belle que tous les jeunes gens du
village s’empressoient à lui plaire ; mais par malheur la petite cruelle
s’étoit gâté l’esprit en lisant des romans, elle vouloit un homme qui ressembla
pour le moins aux Héros de Clélie : jugez à près cela, si des suisses de
village pouvoient faire quelque impression sur son coeur.
Ce fut sur cette jeune fille que mon
père jetta les yeux pour en faire ma femme. Il trouva le moyen de me la faire
aimer, en me parlant sans cesse de la félicité que goutent deux coeurs bien
unis. O ! mon fils, me disoit-il, est-il rien de comparable au bonheur d’un
homme, possédant une femme, qui n’aime que lui seul. Leurs ames confondues
semblent n’en faire qu’une, rien ne peut les séparer, la misère ne fait que
serrer les liens qui les attachant, & s’il en étoit besoin on les veroit
traverser les mers pour aller dans quelque isle déserte se cacher aux yeux des autres
hommes [3].
Après qu’il eut disposé mon esprit
en sa faveur, il me conduisit chez elle. Je fus réellement frappé de la beauté
de cette jeune fille, sa figure étoit si touchante qu’on ne pouvoit la regarder
sans s’attendrir. Son maintien étoit sage, ses yeux languissants annonçoient la
situation de son ame ; cependant lorsqu’on l’examinoit attentivement l’on
appercevoit quelque chose de sinistre repandu sur tout son visage.
Je ne vous ennuirai point, Monsieur,
en vous racontant ce que je fis pour lui plaire. Je vous dirai simplement
qu’après bien des façons elle m’avoua que j’étois l’heureux mortel que son
coeur cherchoit depuis longtems. Je voulus tirer parti de cet aveu, mais il
fallu me contenter de baiser sa robe & sa main.
Mon amour tout grand qu’il étoit, ne
me fit point oublier ce que je devois a mes semblables. Mon père (je le dis a
sa louange) m’avoit appris à les aimer ; & si quelquefois j’ai repandu mes
bien faits (sic) dans le sein des malheureux, c’est par ce que lui même m’en
avoit montré l’exemple.
En passant devant la cabanne d’un
berger pour me rendre chez ma maîtresse qui nous attendoit, nous entendimes des
cris aigus ; nous nous arrêttames (sic) pour voir ce que ce pouvoit être, nous
apperçumes sur un monceau de paille un viellard (sic) prêt à expirer ; à ses
côtes étoit une jeune fille qui s’efforçoit de lui donner tous les secours
possibles : d’une main elle soulevoit sa tête : de l’autre elle tenoit une
j’atte (sic) de bois remplie d’eau qu’elle vouloit lui faire boire. Le Viellard
étoit sensible aux peines qu’elle se donnoit ; il paroissoit n’être occupé que
de l’état ou cette jeune fille alloit être réduite, & avant d’expirer, sa
voix presque éteinte, ne se fit entendre que pour prier le ciel qu’il
recompensa sa pitié.
Touché de ce que je voyois, je
m’avançai vers eux & tirant de ma poche un flacon de Liqueur, je
l’approchai de la bouche du Viellard. Ma présence le surprit un peu, il me
regarda, puis regarda la fille, & rendit les derniers soupirs dans nos
bras.
Dans ce moment la jeune fille ne fit
point retentir l’air de ses cris, ses mains n’arracherent point ses cheveux. La
vraye douleur est muète (sic), & réside dans le coeur. Un soin plus pieux,
plus important l’occupe ; elle ne songe qu’a rendre les derniers devoirs à son
père ; elle lui ferme les yeux, elle ôte le mouchoir qui couvroit sa gorge,
seul linge qui se trouva dans la maison, & le pose sur la tête du Viellard.
Puis se retirant aux pieds du cadavre elle s’aseoit & se couvre les yeux
avec ses mains. Mes expressions ne peuvent suffire pour bien rendre l’attitude
de cette jeune fille. Figurez vous pour un moment ces tombeaux, sur lesquels on
a représenté l’humanité versant des pleurs, & vous n’aurez encor qu’une
foible idée d’un tableau aussi touchant.
Les secours que nous fumes obligés
de donner à cette infortunée nous conduisirent bien avant dans la nuit. Nous ne
pumes nous rendre chez ma maîtresse que le lendemain. Qu’elle fut ma surprise,
lorsque je vis qu’elle me recevoit froidement ! je pensai me désesperer, mais m’armant
de fierté je lui dis cavalièrement ; n’attendez pas, Mademoselle (sic), de
trouver en moi un homme assez épris de vos charmes pour oublier ses devoirs,
ces paroles prononcées d’un ton de Héros m’attirerent ses regards ; elle
s’imagine entendre parler Orondate. Je profite alors de cet heureux moment pour
lui raconter ce qui nous étoit arrivé la veille. Je rendis l’histoire encor
plus touchante ; elle s’attendrit : ses idées romanesques se reveillerent,
& elle ne vit plus en moi qu’un homme digne de son attachement.
Quelque tems a près (sic), l’on nous
Maria ensemble, ma chere femme fit la sotte la premiere nuit ; mais mon père
l’ayant instruite de ce qu’elle devoit faire, je la trouvai plus raisonnable le
lendemain. J’avourai que je passai des momens délicieux, Silvie[4]
se comporta en vrai Héroine de Roman, qui après bien des traverses oublie tous
ses malheurs dans les bras de son amant. Sans cesse elle me pressoit dans les
siens je ne pouvois suffire a toutes ses caresses, le sommeil fut seul capable de
les interrompre ; mais non pas pour longtems.
A peine le soleil commençoit il à
paroître que je m’éveillai. La chaleur du jour jointe à celle de nos corps,
nous avoit fait mettre à l’écart nos convertures (sic). Silvie toute nüe offrit
à mes regards jusqu’a ses appas les plus cachés, je les considerai les uns
après les autres. Echauffé par tout ce que je voyois je ne pus m’empêcher de
lui donner un baiser, elle se reveilla & son revoit (sic) r’amena (sic) nos
plaisirs. Tel dans cet âge d’or (s’il à jamais existé) l’on nous represente nos
premiers pères, qui éveillés par le chant des oiseaux, donnoient leur premiers
soins à l’amour.
J’aurois sans doute été le plus
heureux des hommes, si ma femme fut toujours resté la même ; mais comme j’ai
déjà eu l’honneur de vous le dire les romans lui avoient gâté l’esprit. Elle
vouloit qu’un mari fut sans cesse à ses côtés, & qu’il n’eut des yeux que
pour elle. Quoique je l’aimasse beaucoup je ne jugai (sic) pas à propos de me
conformer à ses caprices, elle crut pour lors que je la méprisois : bientôt la
jalousie s’empara de son coeur, enfin la tête lui tourna au point que ses
parens furent obligés de l’enfermer.
L’accident arrivé à ma femme pensa me
desesperer peut être s’écrois-je (sic) devenu fol, si je n’avois pris le parti
de voyager. Je me r’appellai (sic) dans ce moment ce que mon père m’avoit dit
des differentes Religions, & sur le champ je formai le dessein de les
connoître par moi même. J’ai visité les differentes sectes qui se trouvent dans
le christianisme ; j’ai aussi conversé avec des juifs, mais j’ai trouvé dans
ces deux Religions des mystères que je ne pouvois comprendre : enfin après
avoir par couru toute l’asie, & examiné le culte des Mahométans je l’ai
trouvé plus conforme à ma façon de penser, & à la manière avec laquelle
j’avais été élevé. Une Religion, ais-je dit en moi même, qui ne m’offre que des
plaisirs, approche plus de la nature, que celle qui ne n’ordonne (sic) que des
souffrances : Or mon père ma toujours dit qu’il falloit se r’approcher de la na
nature (sic) ; je ferai donc bien en me fesant (sic) Mahométan[5].
Voilà, Monsieur, le motif qui ma (sic) déterminé à embrasser cette Religion ;
si j’ai péché, ce n’est point ma faute ; mais celle de celui qui a pris soin de
mon éducation.
Pour faire revenir ce jeune homme de
son erreur, je n’eus point recours aux raisonnements dont se servent nos
théologiens, je ne parlai même pas de nos miracles. J’employai un moyen plus
simple. Vous aimez sans doute votre patrie lui demendai-je ? vous savez que je
suis suisse me repondit-il avec vivacité & vous me faite une pareille
demande. De grace repri-je, ne vous mettez point en colère, puisque vous aimez
votre patrie, vous devez savoir en quoi consiste cet amour. Il consiste si je
ne me trompe à repandre son sang pour elle si elle le requiert, a maintenir ses
loix & à rester attaché aux usages & aux coutumes de ses peres. Tels
étoient les romains, tant que cette vertu fut gravée dans leur coeur. Mais vous
qui avez foulé aux pieds toutes les loix de votre pais, comment osez vous dire
que vous l’aimez. Je n’eus pas dit ces mots, que le jeune homme se jetta à mes
genoux. Vous venez de m’éclairer me dit-il, rendez moi Monsieur, à ma patrie,
je veux devenir son plus fidet (sic) sujet & lui faire oublier mes fautes
en versant mon sang pour elle. Je lui promis de faire ce qu’il exigeoit de moi,
j’ai tenu ma parole, Madame & j’ai été assez heureux pour avoir obligé un
hon-te (sic) homme.
FIN
Voici donc le texte que nous avons
découvert à la BHVP[6] et que nous
reproduisons tel qu’il est imprimé avec ses notes, ayant seulement remplacé les
« f » par les « s » pour en faciliter la lecture,
respectant par ailleurs scrupuleusement l’orthographe, et mettant seulement
quelques « sic » dans les endroits où l’on pourrait penser qu’il
s’agit d’erreur de transcription.
Il
s’agit du premier texte faisant partie d’un ensemble relié in 8°, suivi
d’autres textes dont voici les intitulés :
- Deuxième texte : Requête adressée à Messieurs les Parisiens par B. Jérôme Carré, natif
de Montauban, traducteur de la comédie intitulée Le Caffé ou l’Ecossaise pour
servir de Post Préface à la dite Comédie, 1760 (écrit au crayon) in 8°, 8
pages[7]
- Troisième texte : Le Codicille de Mr de Voltaire trouvé dans ses papiers après son décès,
à Genève, 1762, in 8°, 13 pages
- Quatrième texte : Le Docteur Pansophe ou Lettres de Mr de Voltaire, composé de deux parties : la première allant
de la page 1 à la page 18 s’intitule : Lettre
de Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume (lettre écrite le 24 octobre
1766) ; la seconde allant de la page 19 à la page 44 s’intitule : Lettre de Monsieur de Voltaire au Docteur
Jean Jacques Pansophe, Londres, 1766, in 8°, 44 pages[8]
Mis à part le Codicille, toujours considéré comme une œuvre apocryphe[9],
les autres textes sont maintenant reconnus comme étant de la plume de Voltaire.
Ce qui pourrait faire présumer que le texte intitulé : Jean Louis, fils naturel ....est également de lui. Mais nous avons
également retrouvé ce même texte dans un contexte fort différent à la
Médiathèque de Nantes[10]
puisque le recueil où il se trouve contient
diverses productions qui ne sont
pas de Voltaire. Le recueil in 12° de Nantes se présente, en effet,
comme suit :
- Premier texte : Exposé succinct de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. Rousseau
avec les pièces justificatives, in 12°, Londres 1766, pages 1 à 127
- Deuxième texte : Précis pour M. J. J. Rousseau en réponse à l’exposé
succinct suivi d’une lettre de Madame D…à
l’auteur de la justification de M. Rousseau, texte qui se compose de deux parties : la
première, allant de la page 1 à la page 88 s’intitule : Justification de J. J. Rousseau dans la contestation qui lui est
survenue avec M. Hume à Londres, 1766 ;
la seconde, allant de la page 1 à la page 31 s’intitule : Lettre à l’Auteur de la Justification de J. J. Rousseau dans la
contestation qui lui est survenue avec M. Hume (par Marianne de La Tour
Franqueville)[11]
- Troisième texte : Notes sur la lettre de M. de Voltaire à M. Hume par M. L***, in
12°, sans date, 18 pages
- Quatrième texte : Réflexions posthumes sur le grand procès de Jean Jacques avec David,
in 12°, 21 pages, slnd
- Cinquième texte : Jean Louis Rousseau, fils naturel de Jean Jacques Rousseau, in 8°,
1762, 31 pages
- Sixième texte : Lettre de J. J. Rousseau de Genève, in 12, 1762, attribué à Pierre
Firmin de La Croix.
Nous nous trouvons cette fois en
présence d’un recueil de textes assez disparates de format in 12° où seules les
Notes sur la Lettre de Voltaire à
Monsieur Hume sont de Voltaire. Même si le nom de Pierre Firmin de la Croix
peut en cacher un autre (nous songeons à Voltaire en particulier)[12]
il n’en reste pas moins que l’Exposé
succinct de M. Hume, la Justification
et la Lettre de Marianne de La Tour
Franqueville à l’auteur de cette justification ne sont pas de Voltaire. Le
texte que nous étudions est donc inclus ici dans un ensemble d’œuvres diverses
datées de l’année 1760 à l’année 1766. Quant au texte intitulé : « Jean Louis, fils naturel... » il
est, à Nantes, absolument identique à
celui qui est conservé à la BHVP, excepté le format en in 8° à la BHVP, format
qui est en in 12° à Nantes. Tous deux ont
trente et une pages chacun, tous deux sont datés de 1762, tous deux sont
attribués à M. Vincent, avocat[13].
Qui donc fut ce Monsieur Vincent, de Rouen, avocat à Paris ?
Alexandre
Cioranescu, dans sa bibliographie de la littérature française du
dix-huitième siècle, le désigne comme
auteur non seulement de ce libelle mais aussi d’ouvrages beaucoup plus sérieux
tels que les Lettres de Miss Elizabeth
Auréli, petite nièce du célèbre Dr Swift (1765), les Lettres Ecossaises (1777) et
les Lettres d’un membre du Congrès
américain (1779)[14].
Voyons d’abord ce qu’il en est des Lettres de Miss Elizabeth Auréli.
Attribuées par Quérard[15]
à Vincent, de Rouen, on apprend par K. G. Saur, dans son index biographique
français[16],
que les Lettres de Miss Elizabeth Auréli ont
pris ultérieurement le titre de Lettres Ecossaises, ouvrage qui contient les dix-huit premières lettres augmentées de
quarante huit autres. Cette fois l’ouvrage n’est plus imprimé « à Amsterdam, aux dépens de la
Compagnie » mais « à Amsterdam et à Paris » chez la veuve Duchesne. Cioranescu
précise, ensuite, qu’il en attribue la traduction à M. Vincent. D’auteur,
Vincent devient donc traducteur. Quant aux Lettres d’un membre du Congrès américain à divers membres du parlement
d’Angleterre, il en existe deux versions : celle de 1779 attribuée par
Barbier[17]
à Vincent, de Rouen, et celle de 1791 (sans errata) attribuée à Paul Ulrich
Dubuisson[18]. Si ce
dernier auteur semble - en effet - pouvoir être l’auteur d’un tel ouvrage[19]
on voit mal comment deux ans auparavant Vincent, de Rouen le serait également.
De plus aucune date, ni de naissance ni de décès, n’est attribuée à cet homme
qui est nommé de façon variable : Vincent. N, M. Vincent, ou Vincent, de Rouen, avocat à Paris. Seules sont
mentionnées les dates de publication de façon d’ailleurs assez vague :
1765…1775, dit en effet K. S. Saur dans son Index biographique français[20].
Il n’est donc pas certain qu’il soit l’auteur des œuvres qui lui sont
attribuées. Serait-il éditeur, traducteur, libraire voir simplement prête-nom?[21]
Dans ces conditions faut-il croire qu’il est bien l’auteur du libelle : Jean Louis fils naturel de J. J.
Rousseau ? libelle que Quérard, Cioranescu, et Saur datent d’ailleurs
de 1765 alors qu’il existe trois exemplaires datant de 1762 ?[22]
C’est également la date de 1765 que retiennent
N. N. Oursel dans la Nouvelle biographie normande[23],
Nicolas Toussaint Le Moyne dit Des Essarts[24]
dans les Siècles littéraires de la France et Edouard Benjamin Frère dans
son Manuel du Bibliographe normand[25].
C’est aussi à cette même date que Grimm en parle dans sa Correspondance
Littéraire, datée du premier octobre 1765, disant ceci : « Il
paraît une foule d’écrits contre ce pauvre Jean Jacques ; mais ils ne lui
feront pas autant de mal que les pierres de Motiers (…) Il paraît aussi un Anti
Contrat social et une Lettre de Jean Louis Rousseau fils naturel, de Monsieur
Vincent avocat, brochure de trente pages. Cette lettre est une froide et
insipide plaisanterie »[26].
Sans doute y eut-il une réédition de l’ouvrage en 1765 lors de la parution des
Lettres de Miss Auréli, les deux ouvrages étant alors imputés à Vincent, de
Rouen. Nous n’avons pas cependant retrouvé d’édition contenant les deux
ouvrages groupés, ni vu mentionner une telle édition nulle part.
Nous
avons lu les œuvres qui sont imputées à ce Mr Vincent pour tenter de voir s’ils
pouvaient émaner d’une même plume. Mettons à part ces Lettres d’un membre du
congrès américain d’un style assez sévère et traitant uniquement de
politique pour nous attacher aux écrits plus légers que constituent les Lettres
de Miss Auréli et les Lettres écossaises. Les dix-huit Lettres de
Miss Auréli sont censées raconter son amour pour un certain Walter. Mais au
sein de ce récit assez fade s’intercalent quelques lettres polémiques
concernant J. J. Rousseau et Voltaire. Dans l’Avant propos et dans les Lettres
onzième et douzième il est question de J. J. Rousseau que l’auteur
critique sévèrement, alors qu’il
critique encore plus sévèrement Voltaire dans la Lettre seizième : « Partout
on ne trouve que pensées hasardées, que faits falsifiés (…) On voit un écrivain
qui est de mauvaise humeur contre sa patrie, qui, pour se venger d’elle cherche
à l’humilier et à la dégrader ». Quant à la Lettre treizième
elle pourrait être de la même plume que le texte de Jean Louis, fils naturel…,
dans la mesure où, jugeant mauvaise la vie d’un solitaire : « J’aime mieux un méchant qui vit au
milieu de ses semblables qu’un prétendu sage qui regardant le reste des hommes
en pitié ne vit que pour lui seul » l’auteur convainc un jeune comte retiré dans une cabane au fond
des bois de renoncer à sa solitude : « Vous ne vous êtes égaré
jusqu’à présent que faute d’un bon guide pour diriger vos premiers pas (…) si
vous voulez me suivre je vous ferai voir que le sage a des devoirs à remplir
dans la société (…) cette idée m’accabla tellement que je restai muet et
immobile » dit le solitaire qui, suivant ce guide providentiel, va vivre une nouvelle vie plus digne d’un
citoyen. Serait-il possible d’imaginer que ces Lettres sont une
compilation d’auteurs différents ?[27]
D’un tout autre ton sont les Lettres écossaises qui, elles, portent le
nom de Vincent, avocat, désigné comme
traducteur. Si elles reprennent ces
dix-huit premières Lettres, les critiques envers Voltaire et J. J. Rousseau
y sont très estompées et les nouvelles Lettres ne s’occupent que des
préoccupations sentimentales de Miss Auréli et d’une de ses amies,
préoccupations au sein desquelles se glissent quelques réflexions sur les pays
visités. Elles sont suivies d’un Dialogue
entre un anglais et un chinois où l’on retrouve le style de Voltaire. Que peut-on conclure de la lecture des trois ouvrages attribués à ce
Vincent, avocat ? Que le style en est hétérogène, les idées disparates, la
critique semblant viser aussi bien Voltaire que J. J. Rousseau. Il nous semble
donc difficile d’attribuer ces Lettres à Voltaire mis à part cette Lettre
treizième qui pourrait, éventuellement, être de sa plume.
Dans
la mesure où la paternité de Vincent, de Rouen, avocat, est loin d’être
prouvée, pas plus, d’ailleurs, que
n’est prouvée l’existence d’un avocat portant ce nom et exerçant à Paris à
cette époque[28] il nous
semble possible d’invoquer une autre plume. S’agirait-il de celle de
Voltaire ? Sans pouvoir apporter de preuves déterminantes en faveur de
cette hypothèse nous aimerions exposer les raisons qui nous ont conduit à
évoquer son nom en lisant ce texte.
Les textes polémiques écrits par Voltaire contre J. J.
Rousseau jusqu’à la parution de l’Emile
C’est
bien avant le Sentiment des citoyens
que Voltaire déchaîna sa verve polémique contre J. J. Rousseau. Même si le nombre des libelles écrits
par Voltaire nous est inconnu (puisque Voltaire ne les signait jamais et
n’hésitait pas à emprunter un pseudonyme, voir même le nom d’un autre auteur
pour mieux se protéger) il nous reste les rares écrits que Voltaire a bien
voulu reconnaître ou ceux que la postérité a réussi à lui imputer malgré ses
propres dénégations. C’est dès la parution du deuxième Discours de J. J. Rousseau que Voltaire exprime son agacement vis à
vis de ce jeune auteur si singulier, lui reprochant de ravaler l’homme au rang
de l’animal sous le prétexte fallacieux de retour à la nature : « J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre
contre le genre humain (...) Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on
lit votre ouvrage (...) Il faudrait la venir rétablir [votre santé] dans l’air
natal, jouir de la liberté, boire avec moi du lait de nos vaches, et brouter
nos herbes » (Lettre du 30 août 1755, D 6451). Cette Lettre va
vite courir dans tous les salons parisiens et Voltaire l’adjoindra à sa
pièce : L’orphelin de la Chine qui sera représentée à Paris à
l’automne 1755. Dans la très courte lettre qu’il lui adresse le 12 septembre
1756 (D 6993) Voltaire dira plus aimablement à J. J. Rousseau qui vient de lui
envoyer sa très longue lettre sur le désastre de Lisbonne : « Comptez que, de tous ceux qui vous ont lu,
personne ne vous estime plus que moi malgré mes mauvaises plaisanteries ».
Pour lors, en effet, il ne s’agit que de plaisanteries, même si elle ne sont
pas de très bon goût. Ce «quatre pattes » va en effet devenir une
moquerie facile qui mise à toutes les sauces deviendra une des armes préférées
des anti-rousseauistes[29].
Viendra ensuite Timon, en 1756, intitulé également Sur le paradoxe
que les sciences ont nui aux mœurs, qui commence ainsi : « Dieu
merci ! J’ai brûlé tous mes livres me dit hier Timon (…) J’ai tout brûlé
(…) Ce sont les corrupteurs du genre humain »[30].
Puis viendra : l’Entretien d’un sauvage et d’un bachelier,
que l’on présume de 1757, visant également le deuxième Discours de J. J.
Rousseau.
Mais, bonhomme jusqu’alors, le ton
va vite s’encanailler et passer au burlesque et à la dérision[31]. Le
Plaidoyé de Ramponneau, honnête
cabaretier de la Courtille prononcé par lui-même devant ses juges, que
Voltaire, sous le pseudonyme de Ramponneau, écrit en 1760[32]
a pour fonction de ridiculiser la Lettre
à d’Alembert parue en mars 1758. On y retrouve ce thème de la marche à
quatre pattes qui est devenu un lieu commun à l’égard de J. J. Rousseau auquel
s’ajoute désormais son penchant pour le vin : « Maître Beaumont prétend que si Jean Jacques Rousseau, Cytoyen de
Genève, s’est fait voir marchant à quatre pattes sur le théatre des Fossés St
Germain[33],
Genest de Ramponneau ne doit point rougir de se montrer sur ses deux pieds.
Mais la cour verra aisément le faux de ce sophisme. Jean Jacques est un
hérétique et je suis catholique (...) Si la Cour avait pu lire un petit livre
que Jean Jacques Rousseau indigné de sa propre gloire et honteux d’avoir
travaillé pour les Spectacles a lâché contre les Spectacles mêmes, elle verrait
que ce Rousseau préfère hautement les Marchands de vin aux Historiens: il ne veut pas que dans sa Patrie il y ait
de Comédie. Mais il y veut des Cabarets ; il regrette ce beau jour où il vit
dans son enfance tous les Genevois yvres ; il souhaite que les filles dansent
toutes nues au cabaret ». C’est résumer de façon bien étrange la Lettre à d’Alembert. C’est traiter de
façon fort ludique un thème sérieux pour mieux le dégrader et gagner ainsi la
sympathie d’un public peu désireux de connaître la vérité[34].
« Les comédies de boulevard, Jean Jacques mangeant sa laitue à quatre
pattes l’emporteront toujours sur les recherches philosophiques » (D
9126) écrivait en effet Voltaire le 9 août 1760.
Le ton satirique de Voltaire va
encore se durcir lorsqu’il va parler de la Nouvelle
Héloïse qui commence à paraître début 1761[35].
Il va écrire à son sujet quatre lettres féroces qu’il attribuera (et cette fois avec l’accord de son prête
nom ) au marquis de Ximenès[36].
Poursuivant son œuvre de désinformation systématique Voltaire y décrit St Preux comme un ivrogne : « Mon
doux ami, grand philosophe, qui connaît la nature et qui d’ailleurs est assez
ivrogne, s’avisa, étant ivre, de dire beaucoup d’ordures à sa respectable
maîtresse »[37].
Le roman tout entier sera ridiculisé par de petites phrases ou de petits mots
comme « poulet » ou « faux germe » ayant fonction
d’ôter toute portée spirituelle voire même intellectuelle au récit de J. J.
Rousseau. Ce « faux germe »
(par lequel J. J. Rousseau désigne l’avortement de Julie ) met
véritablement Voltaire en verve. Il le reprendra trois fois dans la seconde
lettre de l’Aloisia, ainsi que dans
le pamphlet intitulé : Rescrit de
l’empereur de la Chine sur la Paix
perpétuelle[38], pamphlet
où il critique le travail de J. J. Rousseau sur les Ecrits de l’abbé de St Pierre, travail divulgué début 1761, en
même temps que la Nouvelle Héloïse.
Il écrit à ce sujet à Cideville le 26 mars 1761 : « Voici un Rescrit de l’Empereur de la Chine sur la Paix perpétuelle que
ce Jean Jacques va nous procurer. Amusez vous de cela en attendant la diète
Européenne » (D 9698). Voltaire enverra également le Rescrit à Madame d’Epinay le 25 mars
1761, en se moquant ouvertement de J. J. Rousseau : « C’est un fou, vous dis-je, avec sa paix perpétuelle ; il s’est brouillé
avec tous ses amis. C’est un petit Diogène qui ne mérite pas la pitié des Aristippes »
(D 9697). La quatrième lettre de l’Aloisia
va plus loin encore, ridiculisant J. J. Rousseau lui-même dont le nez fut
cassé, dit Voltaire, par un des violons de l’orchestre de Paris que J. J.
Rousseau avait insulté dans sa Lettre
d’un symphoniste de l’académie royale de Musique écrite en 1753. Mais déjà à la fin de la seconde
lettre, après nous avoir parlé de l’infidélité de St Preux envers Julie,
Voltaire nous affirmait que J. J. Rousseau avait la petite vérole : « Quelque temps après cet évènement Jean
Jacques eut la petite vérole ; mais il ne nous dit pas tout », ce qui
sous entend qu’il avait probablement la grande comme le suggère le titre d’Aloisia
qu’il donne à ses Lettres, faisant ainsi référence à un ouvrage
pornographique de l’époque[39].
Voltaire reprendra encore plus ouvertement cette accusation de débauche à
l’égard de J. J. Rousseau dans le Sentiment
des citoyens, accusation qui transparaissait
déjà dans les Notes marginales de Voltaire relatives au deuxième Discours de J. J. Rousseau. Comme le dit fort justement Sylvain Menant[40],
Voltaire utilise « le sexe et l’ordure » pour rendre complice
de ses propos un lecteur plus enclin à s’encanailler qu’à recevoir les sévères
conseils du vertueux Genevois. Cette pratique désinvolte de Voltaire va prendre
de l’ampleur, s’exprimant non seulement dans le Sentiment des
citoyens paru en décembre 1764 mais aussi dans ces libelles très orduriers
que sont les Notes sur la Lettre de
Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume par M. L*** de 1766, les Honnêtetés
littéraires de 1767, dont la quatorzième, dédiée à J. J. Rousseau, est fort
malhonnête, la Guerre civile de Genève de 1767 ou Les deux siècles
de 1770, libelles que l’auteur va, naturellement, récuser, avec son aplomb ordinaire[41].
Loin de constituer des réactions épidermiques ponctuelles, les libelles que
Voltaire écrivit contre J. J. Rousseau
forment un véritable corpus, un
iceberg de sarcasmes et d’injures dont
nous ne connaissons encore que le sommet.
Doit-on
lui imputer d’autres libelles concernant la Nouvelle Héloïse, notamment
cette Lettre de ML*** à MMD*** sur La Nouvelle Héloïse de J. J.
Rousseau sachant que ce ML*** est l’un des pseudonymes de Voltaire,
pseudonyme qu’il utilise pour se désigner dans les Notes ?[42].
Doit-on songer à lui à propos des « Amours suisses du Pont aux choux »,
écrit anonyme dont le titre burlesque possède une consonance très
voltairienne ? Doit-on aussi le soupçonner d’avoir écrit cet Osaureus
censé avoir été traduit de l’allemand, censé aussi avoir été écrit par Isaac
Rabener « parent du célèbre Rabener » comme le dit
la Préface de l’ouvrage ? Cette formule rappelle curieusement les
procédés de Voltaire qui attribuait sa pièce « l’Ecossaise » à
un cousin de Hume et la disait traduite de l’anglais alors qu’il prétendait que
son Candide avait été traduit de l’allemand par le Dr Ralph, ce Candide
au sujet duquel il écrivait à Cramer le vingt-cinq février 1759 :
«Qu’est ce que c’est que cette brochure intitulée Candide qu’on débite, dit-on,
avec scandale et qu’on dit venir de Lyon ? Je voudrais bien la voir »
(D, 8141). C’est un procédé identique qui sera utilisé pour les Lettres
de Miss Auréli, censées avoir été traduites elles aussi de l’anglais et attribuées à la
«petite nièce du célèbre docteur Swift ». Certes
le procédé était courant à l’époque pour déjouer la censure mais ces
traductions invoquées, ces cousins et ces nièces, n’en ont pas moins un petit air voltairien qu’il convient de
souligner.
Nous
voyons donc comment, année après année, Voltaire passe de la plaisanterie à la
satire la plus cruelle à l’égard de J. J. Rousseau. Mais loin de le regretter ou du moins de l’admettre, Voltaire
inversera toujours la situation, proclamant qu’il est, lui, le persécuté et que
le persécuteur est J. J. Rousseau. C’est ainsi qu’il dira le 29 juin et le 21 juillet 1764 à Damilaville :
« Que dites vous de ce fou de Jean
Jacques qui prétend que je suis son persécuteur ? Ce misérable, parce qu’il m’a
offensé, ainsi que tous ces amis, s’imagine
que je me suis vengé (...) Moi, persécuter l’auteur du Vicaire Savoyard ! Moi,
persécuter quelqu’un ! J’ai toujours sur le cœur cette étrange calomnie »
(D 11955 et 12001). Qui peut le pousser
à poursuivre ainsi J. J. Rousseau de sa haine ? Il le dira à d’Alembert
dans la lettre qu’il lui adresse le 20 avril 1761, lettre où il exhale toute sa
rancœur vis-à-vis d’un homme qui s’est dressé contre l’implantation d’un
théâtre à Genève, c’est-à- dire, en fait - du moins c’est ainsi que le voit
Voltaire - contre lui-même : « Qu’il ait ajouté à l’impertinence
de sa lettre l’infamie de caballer avec des pédants sociniens pour m’empêcher
d’avoir un théâtre à Tourney (…) c’est l’action d’un coquin et je ne lui
pardonnerai jamais » (D 9743). C’est qu’il s’est cru visé
personnellement, lui qui se glorifiait si hautement de faire jouer et de jouer
lui-même ses pièces à Tourney, faute de pouvoir les représenter aux
Délices ! Jusqu’ici J. J. Rousseau l’amusait : c’était un fou mais un
fou presque sympathique. Dès lors ce sera un ennemi et il n’aura de cesse de le
harceler par des libelles anonymes dont se plaint déjà J. J. Rousseau le 29
novembre 1760 dans la lettre qu’il adresse à Jacob Vernet (CC, 1176). Depuis
le dix-sept juin 1760 c’est d’ailleurs,
entre eux, la rupture officielle
exprimée dans ce « Je vous hais enfin » (CC, 1019) que
J. J. Rousseau lance à Voltaire ajoutant aussitôt ce « puisque vous l’avez
voulu » qui a fonction de l’absoudre de cette haine qu’il est
contraint de lui porter.
Dès
lors Voltaire va multiplier les libelles contre son ennemi attitré. Les Mémoires de Bachaumont parlent d’un
Voltaire qui ne cesse d’envoyer des libelles anonymes qui inondent
l’Europe : « Les rédacteurs des
Mémoires secrests annoncent les brochures, opuscules, dictionnaires et autres
dialogues voltairiens qui déferlent littéralement sur l’Europe dans les années
soixante et septante (...) véritable protée littéraire qui se plait aujourd’hui
a prendre tant de formes diverses »[43].
Aurait-il épargné J. J. Rousseau dont il guettait avidement les moindres
mouvements et critiquait les moindres pensées ? Il semble, cependant, que le Contrat social, n’ait guère retenu
l’attention de Voltaire, plus en chasse d’anecdotes croustillantes que de
théories politiques. On ne retrouve, dans sa Correspondance, que de rares allusions à ce texte : « Voici donc Jean Jacques politique ; nous
verrons s’il gouvernera l’Europe comme il a gouverné la maison de madame de
Wolmar (...) Il m’a offensé de gaieté de cœur moi qui lui avait offert non
pas un asile mais ma maison où il aurait vécu comme mon frère (...) Il ne
mérite pas bien le mépris dont M. de Ximénès daigne l’accabler »
écrit-il à Damilaville le 19
mars 1761 (D 9684). Nous voyons poindre ici ce reproche que Voltaire fera à J.
J. Rousseau, notamment dans la lettre qu’il adressera à Hume, de n’avoir pas honoré son invitation,
invitation qui se réduit à la formule insolente que nous avons vue : « Il
faudrait (...) boire avec moi le lait de nos vaches et brouter nos herbes »
(D 6451). Au sujet du Contrat social,
on peut noter aussi le libelle intitulé Idées républicaines par un
membre d’un corps[44]
écrit en 1762 dans lequel Voltaire critique sans nuance les propositions de J.
J. Rousseau : « Il n’y a pas une page où l’on ne trouvat des
erreurs et des contradictions ».
Les réactions de Voltaire dans sa correspondance après la
parution de l’Emile
Puis paraît l’Emile. On voit Voltaire très excité, impatient de lire ce Traité
d’éducation qu’il nommera un « roman » : « Mon cher frère, je n’ai point encore cette
éducation de l’homme le plus mal élevé qui soit au monde. Je l’aurai
incessamment. Je sais en attendant que l’auteur est un monstre d’insolence et
d’ingratitude. Le chien qui suivait Diogène était moins méprisable que lui »
dit-il à Damilaville le 4 juin 1762 (D 10484). Sa correspondance est, à cet
égard, très significative. D’abord qualifié pendant quelques années de
Diogène : « ce fou de Diogène
Rousseau », disait encore Voltaire à J. R. Tronchin le 19 mars 1761
(No 532)[45]
J. J. Rousseau va devenir très vite le chien de Diogène : «Je ne le regarde personnellement que comme le chien de Diogène »
dit Voltaire à son ami d’Argental le 14 juin 1762 (D 10515). Mais c’est encore lui faire trop d’honneur
et très vite J. J. Rousseau va cesser d’être le chien de Diogène pour ne plus
être qu’un bâtard né du chien de Diogène et de la chienne d’Erostrate : « Je crois que la chienne d’Erostrate ayant
rencontré le chien de Diogène fit des petits dont Jean Jacques est descendu en
droite ligne » écrit-il le 21 juillet à ses amis Cideville et Ruffey
(D 10598 et 10601). Mais que pense Voltaire de l’Emile ? Manifeste-t-il quelque
intérêt pour les principes pédagogiques
qu’y exprime J. J. Rousseau ? Il va parler des « fatras d’une sotte nourrice » (D 10507 du 14 juin 1762), du
« fade roman d’Emile » (D
10527 du 25 juin 1762) enfin du « plat
Emile » (D 10598 du 21 juillet
1762) reprenant d’ailleurs les termes que J. J. Rousseau utilise lorsqu’il
parle de son roman.[46]
Que
lui reproche donc Voltaire ? D’écrire sur l’éducation alors que lui-même n’est pas
éduqué : « Ce polisson s’est avisé
d’écrire sur l’éducation mais auparavant il eut fallu qu’il eut de l’éducation
lui-même » dit Voltaire à Ruffey le 27 juin 1762 (D 10533). « Ce monstre ose parler d’éducation »
dit-il encore plus ouvertement à d’Alembert le 17 juin 1762 (D 10515). Et c’est
du même argument qu’il va se servir lorsqu’il déconseillera à la princesse de
Saxe Gotha de faire élever ses enfants par J. J. Rousseau (D 10655 du 2 août
1762). Le retour à la nature que préconise (ou du moins semble préconiser) J.
J. Rousseau n’est en effet pas recevable pour Voltaire qui va penser - ou
feindre de penser - que J. J. Rousseau
est fou. « Il faut pardonner à
un pauvre homme qui a le cerveau blessé » disait déjà Voltaire dans
la quatrième lettre de l’Aloisia.
Il poursuivra sur ce ton, utilisant ainsi un procédé qui lui permet tout à la
fois de déconsidérer totalement l’homme et l’œuvre, tout en gardant pour ce
premier un vague sentiment de pitié qui fait honneur aux nobles sentiments de
Voltaire : « La folie est trop
forte pour qu’on s’en fâche » (No 682 du 19 juin 1766) dit-il au Dr
Tronchin feignant ainsi de s’attendrir sur celui qu’il vient de flétrir sans
aucune pitié dans les Notes sur la Lettre
de Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume par M. L***.
Face au déchaînement épistolaire de Voltaire
qui persiste pendant tout le mois de juin 1762, on observe un silence complet
au niveau des libelles. Car tous les libelles qui fleurissent alors - et ils
sont fort nombreux[47]-
ne sont pas, semble-t-il, de la plume
de Voltaire et il faudra attendre décembre 1764 pour que le Sentiment des
citoyens vienne à nouveau prouver que la haine de Voltaire à l’égard de J.
J. Rousseau ne s’est point éteinte. Pour quelles raisons Voltaire serait-il
resté alors silencieux, lui si prolixe d’habitude ? N’aurait-il pas réagi
contre ce livre qui l’avait exaspéré ? : « Tout ce qu’on vous écrit de Berne que Monsieur de V. a fait à Genève et
là contre moi pour le crédit du jongleur n’est ignoré de personne dans le
pays (...) Non content de cela il
m’écrit des lettres anonymes qu’il voudrait rendre gayes et qui ne sont que
folles. Il a constamment la bonté de s’inquiéter de moi » écrit J. J.
Rousseau à G. Keith le dix-huit août 1762 (CC 2086). Il écrira aussi à Rey le 8
janvier 1763 : « Cependant cette séquelle Voltairienne s’est tellement
emparé de tous les journaux, de toutes les gazettes, mercures et autres papiers
publics qu’il n’y a de place que pour leurs insultes et calomnies et que la
voix de l’opprimé ne serait y pénétrer»
(CC, 2427). Sans aucun doute Voltaire lui a fait parvenir des lettres anonymes
à Motiers, lettres que J. J. Rousseau identifie sans difficulté connaissant les
dons de caméléon de son ennemi
lorsqu’il s’agit d’écrire des pamphlets : « Cet habile comédien sait changer de ton selon les gens à qui il a
affaire » dira-t-il à Moultou le 21 mars 1763 (CC, 1734). Il est vrai
que tous les textes de Voltaire n’étaient pas si féroces tel ce Catéchisme de l’honnête homme ou Dialogue
entre un Caloyer ou un homme de bien, traduit du grec vulgaire par
DJJRCDCDG (Dom Jean Jacques
Rousseau ci devant citoyen de Genève) qui parut en 1763, édité par Cramer, et
qui prolonge quelque peu la pensée de tolérance religieuse que J. J. Rousseau
exprime dans le Vicaire, ce Vicaire dont Voltaire disait le plus grand bien : « Je me suis moqué de son Emile qui est
assurément un plat personnage ; son livre m’a ennuyé, mais il y a cinquante
pages que je veux faire relier en maroquin » écrivait-il en effet à
d’Alembert le 15 septembre 1762 (D 10705).
Retour au texte : Jean Louis, fils naturel....
Etant à cette époque en étroite
correspondance avec Cramer, qu’il tient très au courant des faits et gestes de
J. J. Rousseau, Voltaire lui écrit courant juin (mais la lettre par prudence n’est
pas datée et simplement présumée par Besterman) de faire imprimer un libelle en
trois exemplaires : « Mr Cramer est supplié de bien vouloir faire
imprimer trois exemplaires de ce feuillet. On lui sera très obligé »
(D 10549 c 1762, lettre insérée entre la Correspondance
de juin et une lettre du 2 juillet). S’agirait-il justement de ce libelle que
l’on possède encore à trois exemplaires : celui de Nantes, celui de Paris et
celui de Leyde et qui aurait été rédigé fin juin ? C’est en effet le 30 juin 1762
que Voltaire écrit ceci à Cramer à propos de J. J. Rousseau : « Il faut que Tronchin le purge, que Cabanis
le taille, mais qui le corrigera ?» (D 10543). N’allait-il pas se réserver
ce rôle en rabattant le caquet de J. J. Rousseau avec ce libelle qu’il avait ou
allait envoyer à Cramer afin de le faire imprimer en trois exemplaires ?
Quoiqu’il en soit le contenu mystérieux de la lettre, son absence de datation,
l’emploi de l’indéfini montrent que
Voltaire commande ici à Cramer l’impression d’un libelle qui doit rester
secret. Peut-on en induire que Jean Louis
fils naturel … soit de la main de Voltaire ? Ce libelle
reflète-t-il les idées de Voltaire à
l’égard de J. J. Rousseau ?
C’est l’histoire d’un total échec pédagogique que
nous raconte l’auteur du libelle : J. J. Rousseau désire que son enfant soit
allaité ; sa mère en meurt et l’enfant est nourri par son père de la plus
étrange façon qui soit. J. J. Rousseau
veut lui apprendre à marcher selon ses principes ; l’enfant se casse
l’épaule et devient, en outre, bossu, son père refusant d’aller chercher un
médecin pour le soigner. J. J. Rousseau
veut lui apprendre à lire : l’enfant n’apprendra jamais et à travers le système absurde que son père utilise apprend - en
outre - à lui mentir. J. J. Rousseau lui parle enfin de Dieu à l’âge de
dix-huit ans, le pressant de faire un choix. Mais de quel choix peut-il s’agir
puisque, J. J. Rousseau l’affirme, un enfant doit avoir la religion de son père
? Arrive Silvie[48], sa
bien-aimée, qui va lui montrer une excessive passion charnelle. Ses parents la
feront enfermer. Alors comme Emile, Jean Louis va quitter son pays et devenir
Mahométan, ayant perdu toutes les valeurs d’une patrie qu’il voulait cependant
honorer. Toute sa vie a donc été gâchée par ce père inconséquent, illogique, ridicule et criminel
(n’oublions pas qu’il est responsable de la mort de la mère de Jean Louis).
Survient l’auteur du récit : voici le sage que cherchait vainement le fils
de J. J. Rousseau et qu’il n’avait pas trouvé dans son père. Jean Louis se
jette à ses genoux et lui promet fidélité pour servir sa patrie. J. J. Rousseau
a donc échoué sur toute la ligne. Mais l’échec narré dépasse de beaucoup
l’échec pédagogique, car ce n’est pas n’importe quel Emile que J. J. Rousseau
tente ainsi d’éduquer mais bien son propre fils, son fils naturel. Féroce
critique d’un livre, le libelle est aussi
la féroce critique d’une vie, l’auteur y portant contre J. J. Rousseau
une attaque personnelle visant sa vie privée. J. J. Rousseau aurait-il donc un
fils naturel que personne ne connaîtrait
encore ?
Qui savait, à l’époque, que J. J.
Rousseau avait abandonné ses enfants ? Ce n’est qu’à travers le Sentiment du citoyen, semble-t-il, que
l’affaire fut rendue publique par Voltaire. Le Docteur Théodore Tronchin,
cependant, le savait bien avant puisqu’il écrivait à Moultou le 17 juin 1762 :
« Si je n’étais pas aussi sur de ce
que je vous ai dit que de mon existence, vous l’aurai-je dit. Oui, j’en suis
aussi sûr que de mon existence & il faloit que j’en fusse aussi sur que de
mon existence pour vous le dire (...) Je respecte si fort la paternité, le lien
m’en parait si sacré, que qui le rompt blesse à mes yeux le premier des
sentiments naturels, celui auquel tiennent tous les autres » (CC,
1886)[49].
Est-ce lui qui l’apprit à Voltaire ? Car Voltaire le savait aussi, pour preuve cette lettre qu’il envoie à
d’Alembert ce même 17 juin 1762 : « Ce
monstre ose parler d’éducation luy qui n’a voulu élever aucun de ses fils, et
qui les a mis tous aux enfans trouvez. Il a abandonné ses enfants et la gueuse
à qui il les avait faits » (D 10515)[50].
Il n’est donc pas matériellement inconcevable de penser que Voltaire peut être
l’auteur du libelle puisque à cette époque il clame à ses amis son mépris pour
J. J. Rousseau, le mépris où il tient son livre et pousse la cruauté jusqu’à
reprocher à J. J. Rousseau l'abandon de son fils premier né. Si l’auteur du
libelle a pris le pseudonyme de Vincent, n’est-ce pas pour faire allusion à ce
Vincent de Paul qui créa l’institution des Enfants-Trouvés ? Et s’il nomme
le fils de J. J. Rousseau Jean-Louis, n’est-ce pas en référence au secrétaire
de Voltaire Jean Louis Wagnière, rappelant ainsi fort perfidement les origines
modestes de J. J. Rousseau ? Et n’est-ce pas Voltaire qui contesta à J. J.
Rousseau le titre de secrétaire d’ambassade qu’il estimait pour lui bien trop
honorifique ?
Les thèmes du libelle
Nous retrouvons dans ce libelle les
thèmes que Voltaire prête à J. J. Rousseau : le retour à la nature et
la confusion des hommes avec les animaux
: « J’allais me mêler parmi
des agneaux qui paissaient à coté de moi » fait-il dire à Jean
Louis. « Moi j’ai placé l’homme sur la terre sans aucune marque distinctive, je
l’ai fait marcher dans les forets au milieu des ours, d’abord je l’ai fait plus
bête qu’eux » fait-il dire à J. J. Rousseau. Ceci rappelle cette Lettre
de J. J. Rousseau de Genève qui contient sa renonciation à la société
civile et ses derniers adieux aux hommes, adressée au seul ami qui lui reste au
monde», lettre datée de 1762 et attribuée à Pierre Firmin de Lacroix,
lettre dans laquelle J. J. Rousseau est censé dire en se retirant dans les
bois : « Je m’entretiendrai souvent, non pas avec des êtres vils,
orgueilleux et pervers, mais avec les ours, les tigres, les panthères (…) ô
chers habitants des bois, mes compatriotes futurs ! ». L’autre thème
que souligne l’auteur du libelle est le mépris qu’affiche J. J. Rousseau vis à
vis des médecins : « Il eut pu me
faire guérir aisément, s’il eut envoyé chercher le chirurgien du village ; mais
par malheur pour moi, le chirurgien était aussi médecin. Mon père qui avait ces
derniers en horreur, on ne sait pourquoi, aima mieux que je devinsse bossu
plutôt que de permettre à un pareil homme de me traiter ». Voltaire n’aura
de cesse de rappeler ce mépris (ou prétendu mépris, car en 1762 J. J. Rousseau
avait encore beaucoup d’amis médecins dont le plus proche était Thyerri) de J.
J. Rousseau vis à vis du corps médical, notamment dans les lettres qu’il
adresse au Dr Tronchin : « Mandez moi je vous en prie comment on prend
à Genève le petit accident arrivé à Jean Jacques, ce cruel ami de la médecine »
écrit Voltaire au Dr Tronchin le 18 juin 1762 (No 591) parlant de la
condamnation de l’Emile. C’est ainsi
qu’il poussera Tronchin à agir, par l’intermédiaire de François Tronchin, contre J. J. Rousseau et à intervenir auprès
du conseil de Berne, quoiqu’il s’en défende par la suite[51].
En fait c’est là pur désir de polémiquer de la part de Voltaire dont les idées,
à cet égard, sont très voisines de celles de J. J. Rousseau , comme en
atteste la citation suivante : « On appelle un autre médecin ;
celui ci, au lieu d’aider la nature, ne fut occupé que de contredire son
confrère : la maladie devint mortelle en deux jours »[52].
Un autre reproche de Voltaire à l’égard de J. J. Rousseau est son attitude
vis-à-vis des livres. Ce reproche on le retrouve ici : seul, dit l’auteur du libelle, est accepté le livre
Robinson Crusoe, les fables de La Fontaine étant jugées trop
difficiles à interpréter. Puis vient l’éloge des philosophes dont Voltaire est
(ou plus exactement se dit) l’ami et avec lesquels J. J. Rousseau est en
désaccord : Helvetius, d’Alembert, Diderot. Quant à la religion, on l’a vu, mis
à part le délai avec lequel J. J.
Rousseau parle de Dieu à Emile, l’auteur du libelle se borne à dénoncer
l’apparente contradiction d’un choix libre qui doit cependant respecter la
religion de ses pères. Voltaire, sur le plan religieux, n’était pas en
désaccord avec J. J. Rousseau et tiendra toujours le Vicaire en grande estime : « Sans doute il faut se réjouir que Jean Jacques ait osé dire ce que tous
les honnêtes gens pensent et ce qu’ils devraient dire tous les jours »
avoue Voltaire à d’Alembert le 12 juillet 1762 (D 10581).
Outre ces idées générales, nous
retrouvons dans ce libelle des expressions que Voltaire aime à utiliser, comme
ce « faux germe » déjà cité:
«Vous vous rappellez sans doute
aussi que Julie accoucha d’un faux germe » et cette marche « à quatre pattes », volontiers associée
à cette herbe qu’il tient pour la nourriture favorite de J. J. Rousseau :
« Viens donc avec moi te rouler sur
l’herbe et marcher à quatre pattes ». Nous retrouvons aussi le nez
cassé, évoqué dans la quatrième lettre de l’Aloisia : « J’en fus quitte pour me casser le nez ». Nous retrouvons
également l’entorse dont il avait affublé Bomson dans le même libelle et dont
il affuble maintenant le pauvre Jean Louis: « Je me démis l’épaule gauche ».[53]
Nous retrouvons surtout l’indispensable Diogène, sans lequel Voltaire ne
pourrait penser J. J. Rousseau. Le
voici accroché en effigie dans le bureau de J. J. Rousseau : « vis à vis de l’endroit où ces mots étaient
gravé, l’on voyait le portrait de mon père : à sa droite était Diogène dans son
tonneau ». Nous retrouvons donc ici les traits habituels de la
critique voltairienne à l’égard de J. J. Rousseau, traits qui, d’ailleurs, ne
lui sont pas propres, mais qui sont dans toutes les bouches anti-rousseauistes
de l’époque[54]. Il semble
cependant que Voltaire ait été un des premiers à les lancer, suscitant ainsi
une mode très largement suivie.
Certes
le libelle : Jean Louis, fils naturel… pourrait être un pastiche de Voltaire écrit par un de ses propres
imitateurs. Peut-on penser qu’il
pourrait être, par exemple, de la plume de ce Pierre Firmin de la Croix,
cet auteur auquel on attribue la paternité de la Lettre de J. J. Rousseau
qui contient sa renonciation…ainsi que de la Lettre de J. J. Rousseau à Monsieur de Montillet archevêque d’Auch ?[55]
Ou bien peut-on imaginer que, sans être de la plume de Voltaire, le libelle ait
été conçu sur sa demande ? Car il
arrivait à Voltaire de faire écrire ses
amis à sa place. C’est ainsi qu’il va pousser Madame d’Epinay à rédiger un
libelle visant le jésuite Bertier, directeur du Journal de Trévoux :
«Mettez vite le vénérable Cramer en
besogne (…) Petit caractère et net afin de tenir peu de place (…) pourvu qu’il
n’y ait point de nom d’auteur tout va
bien, tout est bon » lui écrit-il en septembre ou octobre 1759 (D
8511), poursuivant le vingt-six novembre 1759 lorsqu’il reçoit le texte de
Madame d’Epinay : « Il m’a paru
pourtant qu’il y a un peu de gros sel dans la première partie ; mais tout
est bon pour les Jésuites et on peut leur jeter tout à la tête jusqu’à des
oranges du Portugal » (D 8616). Mais s’il est concevable qu’il fasse
écrire par d’autres un libelle contre les Jésuites l’est-il autant lorsqu’il
s’agit d’un libelle dirigé contre son ennemi préféré ? Va-t-il se priver
du plaisir de décocher lui-même la flèche empoisonnée qu’il réserve à son
ennemi préféré ? Affirmer que Voltaire
est l’auteur de ces textes ne sera sans doute jamais possible. Mais il est
possible de nous demander dès maintenant si Vincent, de Rouen, est vraiment l’auteur de ce libelle où la plume de Voltaire est si bien imitée.
-
[1] Les cinq premières notes font partie du texte retranscrit et sont marquées d’un astérisque comme elles le sont dans le texte original
[2]
*Quoique ce nom ait été prodigué de nos jours a des hommes qui ne le meritoient
pas, la philosophie n’en est pas moins respectable. Ce n’est point à elle qu’il
faut attribuer les abus qui se sont introduits dans nos moeurs. Elle a toujours
enseigne (sic) a reverer les dieux & les loix. Jamais un homme sensé,
n’accordera le non (sic) de philosophe à Aristote, au cinique Diogene a
l’infame Crates, enfin à tous ces beaux esprits, qui croyant prendre la nature
pour guide, s’en écartent sans cesse ; mais Socrate buvant la cigna (sic),
Platon instruisant les rois, Epicure pratiquant la vertu, Décarte (sic)
continuant d’éclairer le monde au milieu des persécutions, corneille content de
sa propre grandeur, méprisant l’envie & dedaignant la faveur des grands,
enfin Newton après avoir donné une nouvelle forme à l’univers, toujours simples
dans ses moeurs, toujours aimant les hommes, toujours aimant son Dieu, voila
les vrais sages, voila ceux qu’il faut appeller philosophe.
[3]
*Ce n’est point la de l’amour c’est une maladie qu’il faut guerir avec de
l’elle bore (sic)
[4]
* Nom de la femme de Jean Louis
[5]
* Il faut faire attention que (sic) c’est le fils de Rousseau qui raisonne
[6]
Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, cote 935494
[7]
Voltaire utilisera pendant longtemps ce pseudonyme de J. B. Carré, avocat à
Montauban. Il se disait traducteur de cette pièce qu’il imputait à Hume, cousin
ou frère de David Hume. Cette pièce fut représentée pour la première fois au
Français le 26-7-60 et au moins jusqu’en 1785 on la publia sous le titre
suivant : Le Café ou l’Ecossaise, comédie en 5 actes et en prose,
par M. Hume, traduite en français par Jérome Carré.
[8]
C’est dans cette Lettre de Monsieur de
Voltaire à M. Hume que Voltaire affirmait solennellement ne pas être
l’auteur de la Lettre au Docteur Pansophe : « Je
vous jure que si j’avais fait quelque mauvaise plaisanterie sur M. J. J.
Rousseau je ne la désavouerais pas ». Et c’est dans le deuxième texte
qu’est insérée une Déclaration de
l’éditeur où il est dit ceci : « Les
remarques sont d’un magistrat. La Lettre au Docteur Pansophe n’est point de Monsieur
de Voltaire. Voici son désaveu : « Je n’ai jamais écrit la Lettre au
Docteur Pansophe. Je m’en ferais honneur si elle était de moi. J’ai du écrire
celle que j’ai adressée à M. Hume comme M. Whalpole et M. d’Alembert ont du
écrire de leur côté. Je méprise comme eux Rousseau ( ...) Fait au Chateau de
Ferney en Bourgogne le 1er décembre 1766 ». Voltaire va désavouer
cette Lettre au Docteur Pansophe pas
moins de douze fois pendant l’année 1766 (le 7 juillet, le 28 octobre, les 3,
20, 21, 21, 26, 29 novembre, les 15, 17, 20, 29 décembre). C’est de cette Lettre au Docteur Pansophe qu’il avait
dit également le 21 novembre 1766 à Madame du Deffand : « La Lettre au Dr Pansophe, madame, est de
l’abbé Coyer, j’en suis très certain (...) Je connais d’ailleurs son style ; en
un mot je suis sur de mon fait ». J. J. Rousseau s’inspira-t-il de
cette lettre pour imputer à Vernes le Sentiment
des citoyens se disant certain de reconnaître son style pastoral ?
[9]
Voir le Catalogue général des livres
imprimés de la bibliothèque nationale, Paris, 1978 : Apocryphes et ouvrages
dont l’attribution à Voltaire est contestée, vol 2, 5419-5618. Nous avons
retrouvé par deux fois ce codicille datant de la même année 1762 : une fois à
la BHVP sous la cote 935 494 et une autre fois à la BNF (8° Ln 27, 20757),
codicille parfois accompagné du Testament
politique de M. de V***, à Genève
1771 (cote 935505 à la BHVP) lui-même
considéré comme apocryphe et attribué à l’avocat Jean Henri Marchand.
[10]
Cote 57276
[11]
Georges May dans son livre : Jean Jacques
Rousseau - Madame de la Tour, Correspondance, Actes Sud, 1998, 349 pages,
en donne quelques extraits provenant de la Collection
complète des œuvres de J. J. Rousseau
de Genève, 1782.
[12]
Cette lettre contient en effet tous les fantasmes de Voltaire à l’égard de J.
J. Rousseau lorsqu’il imagine l’homme à l’état sauvage. J. J. Rousseau, censé
faire ses adieux au monde, se retire aux fonds des bois avec ses amis les
animaux. La lettre est signée : « J.
J. Rousseau jusqu’à ce jour homme civilisé et citoyen de Genève mais à présent
ORANG-OUTANG, donné la ....année de mon âge à l’entrée de la Forêt Noire qui
est au pied du Mont Jura près des Alpes ».
[13]
Pierre Conlon signale un troisième exemplaire à Leiden qui serait incomplet et
n’aurait que seize pages. Nous ne l’avons pas consulté. Conlon Pierre M. : Le siècle des lumières, bibliographie
chronologique, Tome XIII, 1761-1763, Droz, Genève, 1994
[14]
Cette piste de recherche nous a été obligeamment communiquée par le Pr Sylvain
Menant
[15]
Quérard, Joseph Marie : La France littéraire, Paris, 1964, en 12
volumes, volume 8, 216
[16]
K.G. Saur : Index biographique français, 2ème édition,
1998, volume Ri-Z,
[17]
Barbier A. A. 1765-1825 : Dictionnaire des ouvrages anonymes en 4
volumes, reprints Zurich, New York, 1986
[18]
Cotes 8 BP 205 et 8 PB 210 de la Réserve de la BNF
[19]
Paul Ulrich Dubuisson (1746-1794) suivit son père dans les colonies et écrivit
un Abrégé de la révolution de l’Amérique
anglaise en 1778, des Lettres à ML***en
1780 et de Nouvelles considérations sur
St Domingue en 1780. Sa vie est bien connue des biographes et son identité
ne fait l’objet d’aucun doute.
[20]
K. S. Saur : idem
[21]
Nous avons vérifié qu’il ne figurait pas dans les très nombreux pseudonymes
utilisés par Voltaire : Index des pseudonymes, Œuvres complètes de
Voltaire, Catalogue de la Bibliothèque nationale de France : volume
1, p 162-166
[22]
Il existait un libraire nommé Vincent à Paris rue St Séverin où parut,
notamment, en 1762 l’Egypte ancienne, livre qui connut un très grand succès. Ce
Vincent de Rouen ne doit pas être confondu avec Jacques Vincent Delacroix,
avocat, qui fit l’éloge funèbre de J. J. Rousseau en 1778. Rousseauiste
convaincu cet avocat brillant défendit jusqu’à sa mort des causes humanitaires
et n’hésita pas, dans son éloge, à vanter la courageuse patience de J. J.
Rousseau face aux libelles que lui adressait Voltaire : « Les ennemis de Rousseau se servirent du
ridicule (excitant) à la vengeance un vieillard irascible (Voltaire) ; on sait
combien elle a été cruelle ; on se rapelle aussi avec quelle patience et quelle
noble modération le sage Rousseau se vit en lutte aux traits multipliés du
poète ». Une autre erreur possible est de confondre ce Vincent, de Rouen,
avec Vincent de Rouen, religieux du tiers ordre de St François de Rouen,
vivant, lui, au dix-septième siècle et auteur, notamment, du Discours
funèbre sur la mort de l’éminentissime cardinal Louys de la Valete, publié
en 1643.
[23]
Oursel N. N. : Nouvelle
biographie normande, 2ème supplément, Paris, 1912
[24]
Le Moyne Nicolas Toussaint dit Des Essarts : Les siècles littéraires de
la France, ou Nouveau Dictionnaire historique, critique et bibliographique de
tous les écrivains français, morts et vivants jusqu’à la fin du XVIII ème
siècle, Paris, 1800-1803
[25]
Edouard Benjamin Frère : Manuel du bibliographe normand, tome 2,
G-Z, Rouen, 1860, New York
[26]
Trousson, Raymond : Jean Jacques Rousseau jugé par ses contemporains,
Paris, 2000, 621 pages
[27]
Le Journal encyclopédique ou universel de 1777 fait un compte rendu de
ces lettres et sans dire quel en est l’auteur doute, évidemment,
qu’elles soient vraiment de cette Miss Auréli qui n’est qu’un prête nom :
« En supposant que les Lettres écossaises aient réellement été traduites
de l’anglais et qu’elles soient de Miss Auréli » : p 102.
[28]
Le nom de Vincent n’est pas mentionné dans la liste des 570 avocats exerçant au
Parlement de Paris dans l’année 1770 : Tableau des avocats au parlement
de Paris pour l’année 1770, par David A. Bell, Johns Hopkins University,
site internet http://jhunix.hcf.jhu.edu/-dabell/tableau.html
[29]
Voir, à ce propos, l’énumération qu’en fait Raymond Trousson dans son
livre : J. J. Rousseau jugé par
ses contemporains, p 114 -118
[30]
Œuvres complètes de Voltaire, Garnier, Paris, 1889
en 52 volumes
[31]
Voir, à ce sujet, le livre de Sylvain Menant : L’esthétique de Voltaire,
1995, Paris, 169 pages
[32]
Plaidoyer pour Genest Ramponneau par M.
V*** à Genève, les frères Cramer, 1760, in 8°, 14 pages. Voir aussi
Mélanges, Bibliothèque de la Pléiade,
vol 152, pages 379, 380.
[33]
Cette phrase fait allusion à la comédie de Palissot : Les philosophes qui tournait gravement en dérision certains
philosophes dont J. J. Rousseau, représenté à quatre pattes chevauché par
Crispin. J. J. Rousseau nous entretient longuement de cette affaire et des
suites quelle eut dans le livre dixième des Confessions
(OCI, 538-542), dans la mesure où il prit la défense de l’abbé Morellet et
le fit sortir de la Bastille où il était enfermé pour avoir rédigé, à la
demande de Diderot, un contre libelle qu’il avait intitulé la Vision. Voltaire, loin de se
désintéresser de l’affaire, est comme toujours aux aguets des nouvelles qu’il
peut recueillir. Il écrit le 19 mai 1760 à Madame d’Epinay (D 8918) : « La comédie contre les philosophes a donc
réussi ». Il était donc au courant de sa préparation et peut-être de
sa rédaction. Le 20 mai il écrit à Thibauville : « La guerre des auteurs est celle des rats et des grenouilles ; cela ne
fait de mal à personne. Jansénistes, molinistes, convulsionnaires. Jean Jacques
voulant qu’on mange du gland, Palissot monté sur Jean Jacques allant à quatre
pattes » (D 8922). S’il reproche à Palissot, qui lui a envoyé sa
pièce, de flétrir injustement Diderot et quelques autres, il l’applaudit, par
contre, de s’être moqué de J. J. Rousseau et commence sa lettre ainsi : « Je commence par vous dire que je tiens votre
pièce pour bien écrite ; je conçois même que Crispin philosophe, marchant à
quatre pattes, a du faire beaucoup rire et je crois que mon ami Jean Jacques en
rira tout le premier. Cela est gai, cela n’est point méchant ; et d’ailleurs le
citoyen de Genève, étant coupable de lèse-comédie, il est tout naturel que la
comédie le lui rende » (lettre du 4 juin 1760, D 8958).
[34]
Jean Sareil : Voltaire polémiste ou l’art de la mauvaise foi, 18 ème
siècle, No 15, 1983, 343-356
[35]
Nous tenons l’aveu de Voltaire lui-même dans une lettre qu’il écrivit le 18
février 1761 à son ami d’Argental (D 9634)
[36]
Il ne va pas manquer de diffuser ces lettres assassines, notamment au Dr
Tronchin qui s’en régale, feignant toutefois de lui avoir envoyées par erreur :
«A propos de Jean Jacques j’ai bien
grondé le petit Jean Louis Wagnière d’avoir eu l’impertinence de vous adresser
un paquet de Lettres sur le roman de Rousseau » No 537 du 22 avril
1761 des Lettres de Voltaire aux
Tronchin, Droz, Genève, 1950
[37]
Mélanges, Pléiade, pages 396-397
[38]
Mélanges, Pléiade, page 411-414
[39]
Voir Tanguy l’Aminot : Julie Libertine, La Nouvelle Héloïse aujourd’hui, Etudes
J. J. Rousseau, 1991, 258 pages, pp 99-126.
[40]
Sylvain Menant : Littérature par alphabet, Le dictionnaire
philosophique portatif de Voltaire, Paris, 1994, 172 pages
[41]
«Quelle horreur ! Quelle abomination ! Mon cher frère, il y a donc
en effet des diables ! Vraiment je ne le croyais pas. Comment peut-on
imaginer une telle absurdité ? » dira, en effet, Voltaire à son ami
Damilaville à propos du Sentiment des citoyens le 18 janvier 1765.
[42]
Catalogue de la BNF, pseudonymes de Voltaire
[43]
Mat-Hasquin Michèle : L’image de Voltaire dans les Mémoires secrets de
Bachaumont, Studies on Voltaire and the
eighteenth century, vol 182, p 319-330, The Voltaire Foudation, Oxford,
1979
[44]
Mélanges, Pléiade : pages 503-524
[45]
Lettres inédites aux Tronchin, en 3 volumes,
Genève, Lille, 1950, 799 pages
[46]
Notamment dans la lettre citée précédemment où il parle à Jacob Vernet de son
« fade et plat roman » (CC, 1176)
[47]
Voir à ce sujet :R. Trousson, J. J. Rousseau jugé par ses contemporains,
pages 285-299
[48]
Référence probable à l’Allée de Silvie
[49]
Cette phrase un peu étrange : « aussi
sûr que de mon existence » que le Dr Tronchin répète trois fois sera
reprise par J. J. Rousseau lorsqu’il affirmera que Vernes est l’auteur du Sentiment des citoyens : « Je reste intérieurement persuadé, convaincu, comme de
ma propre existence, qu’il est l’auteur du libelle » déclarait-il à
dans les Confessions (OCI, 634). Qu’est ce à dire ? Que les enfants ne
sont pas plus de lui que Vernes n’est l’auteur du libelle ? Il y a dans cette
affaire Vernes un mystère que, seule, une connaissance plus approfondie des
sentiments de J. J. Rousseau à l’égard de Voltaire permettrait de lever.
[50]
Thérèse, en effet, n’est pas directement partie avec lui en Suisse, ayant à
s’occuper de ses bagages et de ses papiers, mais elle le rejoindra vite à
Motiers
[51]
Lettres No 644, 649, 671, 675: Lettres de
Voltaire aux Tronchin, Droz, Genève, 1950
54 Extrait de l’Ingénu,
cité par Jacques Bréhart et Raphael Roche : L’envers du roi Voltaire ou
quatre vingts ans de la vie d’un mourant,
Paris, 1989, 244 pages
55 C’est Jolivet
qui dans le Journal de Trévoux se gaussait aussi de cette initiation à
la marche proposée par J. J. Rousseau. Il y voyait une pratique dangereuse où
le nourrisson pouvait « se casser un bras ou la tête »
et ajoutait, non sans humour : «C’est fort bien dit mais tout le monde
n’a pas un pré à sa disposition » : Le Journal de Trévoux, A
149, 62-136-2617-2656, reprints Genève, 1968 en 67 volumes
56 Raymond
Trousson : J. J. Rousseau jugé par ses contemporains
57 Voltaire se
serait-il caché sous ce nom pour écrire cette dernière lettre dont J. J.
Rousseau n’hésite pas à dire qu’elle est de Voltaire ? Voltaire ulcéré par l’Instruction
pastorale de J. F. de Montillet,
dans laquelle il était traité de « vagabond » et de « mercenaire »
réagit en effet violemment, à la fois dans la lettre qu’il écrivit le 29 mai
1764 à l’archevêque d’Auch, se faisant passer pour le fils adoptif de Voltaire
(CC, 11898) et dans la vingt troisième Honnêteté littéraire, où
il feint de croire que l’Instruction
n’est pas de l’évêque afin de
pouvoir l’insulter à sa guise, procédé qu’il reprend dans la Lettre pastorale qu’il lui écrit aussi en 1766, Lettre pastorale où il dit
ceci : « Si c’est un
jésuite qui est l’auteur de votre brochure, comme on le croit, vous êtes bien à
plaindre de l’avoir signée ; si c’est vous qui l’avez faite, ce qu’on ne
croit pas, vous êtes plus à plaindre encore » : Garnier, vol 25, p 469. Voir aussi à propos de cette Lettre : Eigeldinger S. F. : Un apocryphe inquiétant : la Lettre de
Rousseau à l’archevêque d’Auch, Bulletin
de l’Association Jean Jacques Rousseau, 51, 1998, pp 1-20
Ouvrages consultés :
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111pages
Bachaumont, Louis
Petit de : Choix de mémoires secrets pour servir à l’histoire de la république des
Lettres / l’auteur, continué par M. F. Pidansat de Mairobert et B. F. J.
Moufle d’Angerville , édité par
Chopin de Versey ou C. M. de Villette, 1788
Barbier A. A. : Dictionnaire
des ouvrages anonymes avec un supplément par G. Bornet, G. Ohms, 1986, 4
volumes
Bréhart Jacques et
Roche Raphael : L’envers du roi Voltaire ou quatre vingts ans de la vie
d’un mourant, Paris, 1989, 244 pages
Choisy, Albert : Les libelles de Voltaire contre
Rousseau, Annales J. J. Rousseau, Annexe
1 et 2, 1765, tome XXV, page 251-266, Genève, 1936
Cioranescu Alexandre : Bibliographie de la
littérature Française du 18 ème siècle, Ed du CNRS, Paris, 1969
Conlon Pierre M. : Le
siècle des lumières, bibliographie chronologique, Tome XIII, 1761-1763, Droz, Genève, 1994
Correspondance
littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal,
Meister etc, publiée par M. Tourneux, Paris, 1877-1882, 16 volumes
Delacroix Jacques
Vincent : Eloge de J. J. Rousseau par MDLC avocat à Amsterdam,
Paris, 1778, 42 pages
Delacroix Jacques
Vincent : Lettres d’Affi à Zurac, La Haye, Paris, 1767, 237 pages
Delacroix Jacques
Vincent : Lettres d’un
philosophe sensible, La Haye, Paris, 1769, 276 pages
Dubuisson, Paul
Ulrich : Lettres d’un membre du congrès américain à divers membres du
Parlement d’Angleterre, à Philadelphie et Paris, 2ème édition,
1791
Eigeldinger S.
F. : Un apocryphe inquiétant : la Lettre de Rousseau à l’archevêque
d’Auch, Bulletin de l’Association Jean Jacques Rousseau, 51, 1998, pp
1-20
Fréron , Elie : Année
Littéraire, volume IX, année 1762, Slatkine Reprints, Genève, 1966
Gouhier Henri : Rousseau et Voltaire, portraits dans un
miroir, Paris, 1983, 480 pages
Journal (le) de
Trévoux : reprints, Genève, 1968, 67 volumes
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ou universel, 1777, première partie du 5 ème tome, p 102
Lacroix, Pierre Firmin
de (attribué à, par Quérard ) : Lettre de J. J. Rousseau de Genève qui
contient sa renonciation à la société civile et ses derniers adieux aux hommes,
adressée au seul ami qui lui reste au monde, 1762
Lacroix, Pierre Firmin
de (attribué à, par Quérard ) : J. J. Rousseau, citoyen de Genève à J.
F. Montillet, archevêque et seigneur d’Auch, Neuchatel, le 15 mars 1764
L’Aminot Tanguy et Kisaki Kiyoji : Bibliographie mondiale des écrits relatifs
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Lemoyne Nicolas Toussaint dit Des Essarts : Les siècles littéraires de la France ou Nouveau
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Voltaire : Mélanges, Bibliothèque de la Pléiade, vol 152