[texte annoté par Françoise Bocquentin]

 

[1]

Il s’est glissé dans la république des lettres une peste cent fois plus dangereuse ; c’est la calomnie, qui va effrontément, sous le nom de justice et de religion, soulever les puissances et le public  contre des philosophes, contre les plus paisibles des hommes, incapables de jamais nuire, par cela même qu’ils sont philosophes

 

                                                Mémoire sur la satire

                                                Des calomnies contre les écrivains de réputation

                                                Voltaire

 

 

JEAN LOUIS ROUSSEAU, FILS NATUREL de JEAN JACQUES ROUSSEAU, PAR MONSIEUR VINCENT, Avocat, A AMSTERDAM, AUX DEPENS DE L’AUTEUR, MDCCLXII

JEAN LOUIS ROUSSEAU, FILS NATUREL DE JEAN JACQUES ROUSSEAU

 

Vous exigez de moi, Madame, que je vous envoye la relation des mes voyages & vous me promettez de la lire entièrement. Avez vous bien songé à l’engagement que vous voulez contracter ? vous ignorez peut être, qu’un philosophe ne parcourt pas le monde comme nos jolis seigneurs ; qui de retour chez eux, savent seulement qu’en Angleterre les femmes font belles, fades en Hollande, fières en Espagne, simples & toutes rondes en Allemagne ; emportées en Italie, sottes à Moscou, esclaves en Turquie.

            Un philosophe voyage bien autrement ; souvent il quitte une ville, pour aller au milieu des précipices étudier la nature. Son unique occupation est de chercher à connaître les usages, les caractères & les loix des différentes nations chez lesquelles il se trouve. Par exemple si je fesois mention des Russes je vous dirois qu’ils ne sont point aussi braves que nos historiens les représentent ; que malgré les siences qu’ils paraissent cultiver ils font toujours superstitieux & grossiers ; que le Czar dont on fait un Marc Aurèle ressemble tout au plus aux premiers legislateurs, c’est à dire, qu’il ne fut qu’un barbare qui en polissa d’autres. Si je vous parlois des Turcs, je vous dirois que ce peuple n’est plus que l’ombre de ce qu’il étoit autrefois. Je chercherois la cause des sanglantes révolutions qui arrivent souvent dans cet Empire ; je comparerois leur gouvernement, leur politique, leurs moeurs à celles de leurs ancêtres : si je disois quelque chose des femmes, ce ne seroit que pour vous les representer rampantes devant des monstres & uniquement faites pour les plaisirs de l’homme.

            Ce que je vous raconterois de l’Egypte ne vous plairoit pas davantage. Des deserts autrefois habités, des villages où jadis il y avoit des villes, des pyramides dont le sommet se perd dans les cieux, un lac capable de contenir l’Océan dans son sein : voilà, Madame, les choses dont je vous entretiendrois. Avouez qu’une jolie femme s’ennuiroit en lisant un pareil ouvrage.

            Je pense donc que l’histoire d’un jeune homme que je rencontrai en Egipte, vous convient mieux que les reves d’un philosophe ; elle contient des faits singuliers & extraordinaires ; d’ailleurs le nom seul du héros est capable de vous intéresser.

            Je viens de vous dire, Madame, qu’il se trouve en Egipte un lac capable de contenir l’Océan. Cet ouvrage immense na (sic) point jusqu’a présent excité la curiosité de nos voyageurs, soit qu’ils se figurassent que les merveilles qu’on débitoit touchant ce lac, ne fussent que des fables ; ou plutôt comme il y a lieu de croire parceque les dangers auxquels il falloit s’exposer les effrayoit. Plus hardi qu’eux je formai le dessein de pénétrer jusques-là, & même de découvrir (si la chose était possible) ces douze palais dont parle, ouvrage qui étonne par sa grandeur.

            Comme il y auroit eu de la témérité, à entreprendre seul un pareil voyage, je fus trouver le gouverneur du Caire, pour lequel notre ambassadeur à la Porte m’avoit donné des lettres de recommandation. J’en fus fort bien reçu, & il me promit une escorte, pour m’accompagner dans les déserts qu’il me falloit traverser.

            Ce bacha ayant remarqué que j’étois François, me parla du Comte de Bonneval auquel il avait succédé. Il me dit qu’il avait été son ami & me raconta plusieurs traits, qui caractérisent le génie & la fermeté de ce grand homme.

            Après avoir séjourné quelques jours au Caire, j’en partis avec vingts Jannissaires commandés par un Aga. A quelques distances de la ville, je passai ma petite troupe en revue. J’apperçus un jeune homme, dont les façons peu turques me frapèrent. Il paraissoit confus lorsque que je le regardois & ma préfence sembloit l’importuner. Surpris de son embarras, je l’examinai avec plus d’attention & et je crus reconnoître dans ses gestes & ses manières quelque chose  Etant (sic) qui approchoit nos moeurs.

            Etant arrivés au lieu ou nous devions coucher, je le fis venir dans ma chambre ; il parut devant moi tout interdit & je vis des larmes couler de ses yeux. Qui peut occassionner la douleur où je vous vois, lui demendai-je, en langue Arabe ? je m’interesse à votre sort, parlez, vous me voyez prêt à vous obliger. Cet infortuné jeune homme n’osa d’abord me répondre. Il craignoit de rencontrer mes yeux ; mais ayant redoublé mes instances, il se jetta à mes genoux & me dit en fort bon François, qu’il étoit suisse. Vous suisse par quel  hazard vous trouvez vous dans ces lieux, quel est votre nom, quelle est votre famille? Jean Jacques  ma (sic) donné l’être, me répondit il. Rousseau ce fameux  Citoyen de Généve est votre pere ! lui même n’a donc pas pris soin de votre éducation ; ses mains paternelles n’ont surement point dirigé les premiers pas de votre enfance. Il a fait plus, Monsieur, me répondit il encore ; j’ai toujours été sous ses yeux jusqu’a ce que jaye (sic) été marié. Tout ce qu’il disoit augmentoit ma surprise. Curieux de savoir, comment un enfant élevé par Jean Jacques, étoit devenu Mahométan ; je le priai de me raconter ses avantures. Il ne se fit pas presser & me parla ainsi.

            Monsieur si vous avez lu la nouvelle Héloise vous devez vous resouvenir de St.Preux, le héros de ce livre, Rousseau sous ce nom a Décrit une partie de ses avantures. Vous vous r’appellez sans doute aussi que julie accoucha d’un faux germe, Rousseau ne trouva pas toujours des femmes aussi mal constituées. Obligé de s’éloigner d’auprès de sa maîtresse il se retira dans un village du canton de Berne ; ou il y avoit une jeune fille qui ne vouloit cesser d’être vierge que dans les bras d’un sage ; Rousseau fut l’heureux sage sur qui elle jetta les yeux & je suis le malheureux fruit qui provint de leurs amours.

            Mon père fut si content d’avoir fait son semblable, qu’il s’attacha tout à fait a ma mère ; il oublia sa julie & donna tous ses soins à mon éducation. Il ne suivit point en cela la coutume de ses ancêtres, il se forma un plan lui même & semblable a ces médecins, qui ne rougissent point de sacrifier des malheureux, pour faire l’épreuve d’un remède inconnu ; il fit sur moi l’essai de la nouvelle méthode dont il vouloit que les hommes se servissent pour élever leurs enfans. Il obligea ma mère qui étoit d’un tempérament foible & délicat à me nourrir. Qu’arriva-t-il ? Sa santé s’affoiblit peu à peu, bientôt elle devint languissante & et mon père la vit mourir, sans vouloir permettre que je fus allaité, par d’autres que par elle.

            Resté seul, il ne fut point chercher sa voisine pour prendre foin de moi. Il me sévra lui même & fit une espèce de pâte avec la qu’elle il me nourissoit. Qu’il faisoit beau le voir ! lorsqu’au sortir de ses occupations, il venoit me trouver, pour me bercer, me changer, me laver enfin faire tout ce que les nourrices font aux enfans.

            Lorsque j’eus six mois il me conduisit dans une prairie, qui étoit à l’extrémité de son jardin. C’étoit la qu’il me portoit tous les jours, pour me faire faire, disoit il, mes premières éxercices. Abandonné à moi même, sans guide, sans soutien, je me roulois fur l’herbe & marchant sur les jambes et les mains, j’allois me mêler parmi des agneaux, qui paissoient à côté de moi.

            Si dans cette âge, j’avois été capable de réflexion, qu’aurois-je pensé de l’humanité de mon père. Puisque tu m’élève (sic), lui auroi-je dit, comme les animaux ; viens donc avec moi te rouler fur l’herbe & marcher à quatre pattes. Ces foibles brebis n’accompagnent elles toujours leurs petits, ne vont elles pas au devant de leurs besoins ? que dis-je peux tu leur être comparé ? bien loins de degrader leur espèce, elles l’éléveroient, si la chose était en leur pouvoir.

            Dans le commencement, j’en fus quitte pour me casser le nez & me meurtrir le corps ; mais ayant placé à faux une de mes mains, je me démis l’épaule gauche. Aux cris que je jettois, mon père accourrut & s’appercervant (sic) de l’accident qui m’étoit arrivé, me transporta à la maison.

            Il eut pu me faire guérir aisément, s’il eut envoyé chercher le chirurgien du village ; mais par malheur pour moi, le chirurgien étoit aussi médecin. Mon père qui avoit ces derniers en horreur, on ne seait (sic) pourquoi, aima mieux que je devinsse bossu plutôt que de permettre à un pareil homme de me traiter.

            Pour m’apprendre à lire, il n’eut pas recours aux moyens que le sage Loke (sic) à enseigné, ils étoient trop simples ; d’ailleurs un homme aussi singulier que lui, n’aime point à marcher dans un sentier battu : de concert avec ma maraine, il me fit tenir un billet, par lequel on m’invitoit a colationer ; n’ayant pu le lire, je fus privé du plaisir d’aller chez la personne ou j’étais attendu.

            Peu de jours après je reçus un billet semblable. Après m’être bien fatigué, pour pouvoir le déchifrer, je m’avisai de compter les mots. Si ce billet, dis-je en moi même, m’invite encor a colationer ; ceux qu’on m’envesra (sic) dans la fuite lui ressembleront, ainsi en comptant comme je viens de faire & trouvant la même quantité de mots, je ne manquerai pas de me rendre dans le lieu ou l’on m’attend. Je n’eus pas plutôt fait cette petite combinaison, que je fus le rendre à mon père, en lui disant que je ne pouvois le lire. Tant pis pour vous, me répondit il, car vous étiez invité à manger de la crème. Je parus fâché, mais dans le fond du coeur je me réjouissois du tour que je me préparois à joüer.

            Le lendemain mon pere ne manqua pas de me faire tenir un billet. Je comptai les mots, mais le nombre n’y étoit pas. Quelques jours après j’en reçus un autre je comptai encor, & je trouvai ce que je cherchois. Joyeux de cette découverte, je sortis de la maison sans être vu & me rendis dans l’endroit où j’étois invité. Mon père surpris de ne plus me voir, fut me chercher dans le village. En passant devant la maison de fa commère, il m’y apperçut mangant (sic) du gateau. Il crut pour lors que j’étois venu à bout de lire le billet, il s’avanca avec précipitation vers moi & me serrant dans ses bras, il m’appella son fils, & prédit que je serois quelque jour un grand homme.

            De retour au logis, il voulut savoir de quelle façon je m’y étois pris pour lire le billet. Je lui dis tout simplement ce que javois (sic) fait. Il parut piqué de ce que je l’avois trompé & pour me joüer à son tour, il changa les billets & me les fit tenir par differentes personnes.

            Avec toutes ces précautions, mon père ne put jamais m’apprendre à lire, la chose étoit au dessus de ma portée. Effectivement, comment vouloit il que sans le secours de personne, je vins à bout de distinguer les lettres, d’en composer des mots, & de leur trouver un sens ! n’étoit-il pas plus difficile d’apprendre tout cela, que de comprendre les fables de la fontaine, qu’il regardoit cependant comme une étude trop pénible, pour des enfans encor plus âgés que moi ?

            Vous imagineriez vous quel fut le livre qu’il me remit entre les mains, lorsque la raison eut commencé a m’éclairer ? ce ne fut ni Buffon, ni Aristote, ni les moeurs ; pas même l’Evangile, mais Robinson Crusoe. Il fit exprès le voyage de Généve pour acheter ce precieux livre. Je pris tant de gout à le lire que je m’imaginai bientôt être un petit Robinson. Je me figurai que le jardin de mon père étoit une isle, j’y bâtis une cabanne, je l’entourai de Roseaux & je m’habillai a la Robinson. Mon père en me voyant faire toutes ces choses s’extasioit. A travers la peau qui me couvroit, il appercevoit le grand homme. Il étoit cependant faché de ce que je m’étois fait un parasol.

            Deux troupes de païsans jouërent un jour aux barres dans la campagne. Le parti victorieux ayant fait un prisonnier, vint l’enfermer dans ma cabanne. Pendant ce temps - là je lisois à l’autre bout du jardin Robinson. J’en étois précisément à cet endroit où Vendredi fut délivré. Je n’eus pas plutôt appercu les paisans que je les pris pour des Sauvages & leur captif pour Vendredi. Furieux je saisis mon petit fusil & lache le coup fur toute la troupe, qui effrayée se sauve à travers les champs & abandonne le prisonnier. Aussitôt je cours à lui & coupant ses liens je le prens par la main & l’amène à mon père, qui me blama fort de l’action que je venois de Commettre. Cela me surprit, puisque je n’avois fait que ce que j’avois lu dans Robinson, qu’il m’avoit donné pour modèle.

            Je ne finirois pas, Monsieur, si je vous racontois les moyens dont il se servit pour m’apprendre a marcher & me rendre plus leste qu’un sauvage. Vous croieriez qu’il avoit envie de faire de moi un animal extraordinaire, pour me montrer dans toutes les cours de l’Europe.

            Je passe sous silence plusieurs années peu interessantes, pour venir a cet age, ou il devoit me reveler de grands mystères. Il me fit venir dans son cabinet, lieu qui jusqu’alors m’avoit été interdit comme à un profane. En entrant je le trouvai assis sur une chaise de paille. Trois livres composoient sa bibliothèque. Au dessus de la porte étoient gravés ces mots. Les savans ont soutenu que les sciences augmentent le bonheur de l’homme. Moi je soutiens qu’elles ont causé tous les maux qui sont repandus fur la terre. Jusqu’a présent l’on a cru que l’être suprême avoit créé l’homme à son image & que la raison lui fut donnée par cet être, comme un flambeau propre a lui faire connoitre le prix de son existence & la différence qu’il avoit mis entre lui & les autres animaux. Moi j’ai placé l’homme sur la terre sans aucunne (sic) marque distinctive, je l’ai fait marcher dans les forets au milieu des ours : d’abord je l’ai fait plus bête qu’eux ; mais j’ai trouvé le moyen de lui faire dérober l’instinct des autres animaux, dont j’ai composé ce que nous appellons aujourd’hui raison. Après avoir fait l’homme, il étoit juste de lui enseigner comment il faut vivre ; c’est à quoi je travaille maintenant.

            Vis-à-vis de l’endroit ou ces mots étoient gravés, l’on voyoit le portrait de mon père : à sa droite étoit Diogène dans son tonneau. L’on appercevoit cet insensé, qui souflant dans ses doigts, s’efforçoit de persuader au peuple qu’il avoit chaud.

            A sa gauche étoit hipparquia, mon pere ne pouvoit se lasser de l’admirer, il l’élevoit au dessus des Cornelies ; parcequ’elle avoit eu le courage d’abandonner tous ses biens, pour s’attacher au gentil & charmant Cratès.

            Mon père après m’avoir fait éxaminer ces tableaux, me fit asseoir sur un modeste tabouret, & me raconta l’histoire de sa vie. Je fus fort étonné d’apprendre, que dans sa jeunesse il n’avoit pas vallu grand-chose. Ce seroit bien l’a (sic) le moment de badiner sur son compte : mais je respecte trop la vertu pour la tourner en ridicule & c’en est une sans doute que d’avouer ses fautes.

            A peine eut il cessé de parler de lui, que sa chaise trembla ; je crus voir dans sa personne quelque chose de divin. Ses yeux étoient sans cesse fixés sur les miens : il me regardoit avec un air de complaisance ; enfin après avoir gardé quelque tems le silence, il le rompit & parla de la sorte. Jean Louis mon fils bien aimé tu entre maintenant dans ta dix-huitièmme année. Le tems est venu ou tu dois être instruit de tes devoirs envers ton créateur, c’est ce que je vais t’enseigner, quoique je ne le sache pas trop bien moi même.

            A cet endroit j’interrompis mon père. Quoi ! lui dis-je, dois-je quelque chose au créateur ? pour quoi avoir attendu si longtems pour me l’apprendre ? que va-t-il dire, que pensera-t-il de mon ignorance ? jeune téméraire, me répondit-il, sachez que Dieu s’embarrasse fort peu des hommages de vos pareils. Comme il ne songe guerres aux enfans, il ne veut pas non plus qu’ils s’occupent de lui ; d’ailleurs je me charge de tout, ainsi laissez moi faire, ne craignez rien & restez tranquile. Il prononca ces mots avec tant de fermeté, que je n’osai répliquer, je baissai humblement la tête & sans l’interrompre, j’écoutai attentivement ce qu’il avoit à me dire.

            Il parla avec enthousiasme des différentes religions, mais il m’en fit un portrait si affreux, qu’il ne m’inspira que du mépris pour elles & bien loin d’éclairer mon âme, il fit naître dans mon coeur, un doute pis cent fois que l’ignorance dans la qu’elle (sic) j’avois veçu.

            Je ne pouvois concilier la liberté qu’il me laissoit de choisir une religion, avec les avis qu’il donnoit aux hommes de suivre celle de leurs peres & de la pratiquer de bonne foi ; car, disoi-je en moi-même, ou il croit que c’est un bien de suivre la religion de son pays, ou il pense que c’est un mal. Si c’est un bien, pourquoi me laisser la liberté du choix, pourquoi ne pas me dire ! Jean Louis, prie Dieu comme tes pères, ils sont dans la bonne voie : si au contraire c’est un mal pourquoi engager les autres à le faire ?

            Je n’étois pas moins surpris de voir l’idée qu’il s’étoit formé de la vertu, elle ressembloit presque au fanatisme. On dit que Newton ne prononçoit le nom de Dieu qu’avec respect & recueillement ; mon père ne pouvoit parler de Brutus fans entrer dans l’enthousiasme. Je l’ai vu quelque fois s’écrier comme s’il eut été au milieu des sénateurs qui poignardèrent César. Courage ! Brutus, ne crains point de percer ce monstre : tu hésite, la nature ta parle, lache : ose tu bien l’écouter ? n’entends tu pas la patrie qui t’ordonne de frapper ? mais que vois-je ! tu devance les conjurés. César qui te reconnoit te nomme envain son fils, il tombe a tes pieds : il expire. O patrie ! quel est ton pouvoir sur un coeur vertueux ?

            Quoique fils de Rousseau, je ne pouvois regarder ce Brutus comme un grand homme ; au contraire je l’avois en horreur & j’osai même dire ce que j’en pensois, qu’a fait Brutus, lui demandai-je pour mériter votre admiration ? je ne vois en lui qu’un lache, un parricide, un homme faux & sans vertu. Mon père ne me laissa point achever, je crus qu’il m’alloit immoler aux manes de son Brutus, mais en me sauvant je lui épargnai un crime.

il regardoit la philosophie comme quelque chose de pernicieux : accoutumé à prendre tout du mauvais côté il jugeoit d’elle, par la conduite de quelques malheureux qui avoient usurpés le nom de philosophes[2], pour donner plus de poids à leurs pernicieuses maximes. Devoit-il la chercher chez des hommes de cette trempe ? Helvétius, & vous Dalembert, & Diderot, vous, dont les écrits ne respirent qu’humanité, qui déclamez sans cesse contre les célibat (sic), qui non seulement aimez votre patrie, mais encor tous les hommes, Rousseau ne vous à donc pas fréquenté, où s’il à véçu (sic) avec vous pourquoi décrie-t-il la philosophie ? La raison en est bien simple, c’est que Rousseau n’est pas philosophe.

            Un homme du caractère de mon père devoit se méfier de l’amour. Cependant il regardoit cette passion comme la seule qui convient à un honnête homme. Lorsque mon tempérament fut tout à fait formé, il fut le premier à la faire naître dans mon coeur, & pour couronner son ouvrage, il se donna la peine de me chercher une femme ; soin vraiment digne d’un père, & qui feroit honneur à Rousseau, si dans cet occasion il eut cessé pour un instant d’être singulier.

            Dans un hameau voisin de nôtre village, vivoit en paix avec sa femme un honnête suisse : Depuis trente ans, il cultivoit un petit jardin qu’il avoit hérité de ses pères ; bien différent en cela de se (sic) compatriostes (sic) qui parcourent le monde pour aller tuer des hommes avec lesquels leur pays n’a jamais eu aucun démêlé. Une jeune fille faisoit leur unique amusement, elle étoit si belle que tous les jeunes gens du village s’empressoient à lui plaire ; mais par malheur la petite cruelle s’étoit gâté l’esprit en lisant des romans, elle vouloit un homme qui ressembla pour le moins aux Héros de Clélie : jugez à près cela, si des suisses de village pouvoient faire quelque impression sur son coeur.

            Ce fut sur cette jeune fille que mon père jetta les yeux pour en faire ma femme. Il trouva le moyen de me la faire aimer, en me parlant sans cesse de la félicité que goutent deux coeurs bien unis. O ! mon fils, me disoit-il, est-il rien de comparable au bonheur d’un homme, possédant une femme, qui n’aime que lui seul. Leurs ames confondues semblent n’en faire qu’une, rien ne peut les séparer, la misère ne fait que serrer les liens qui les attachant, & s’il en étoit besoin on les veroit traverser les mers pour aller dans quelque isle déserte se cacher aux yeux des autres hommes [3].

            Après qu’il eut disposé mon esprit en sa faveur, il me conduisit chez elle. Je fus réellement frappé de la beauté de cette jeune fille, sa figure étoit si touchante qu’on ne pouvoit la regarder sans s’attendrir. Son maintien étoit sage, ses yeux languissants annonçoient la situation de son ame ; cependant lorsqu’on l’examinoit attentivement l’on appercevoit quelque chose de sinistre repandu sur tout son visage.

            Je ne vous ennuirai point, Monsieur, en vous racontant ce que je fis pour lui plaire. Je vous dirai simplement qu’après bien des façons elle m’avoua que j’étois l’heureux mortel que son coeur cherchoit depuis longtems. Je voulus tirer parti de cet aveu, mais il fallu me contenter de baiser sa robe & sa main.

            Mon amour tout grand qu’il étoit, ne me fit point oublier ce que je devois a mes semblables. Mon père (je le dis a sa louange) m’avoit appris à les aimer ; & si quelquefois j’ai repandu mes bien faits (sic) dans le sein des malheureux, c’est par ce que lui même m’en avoit montré l’exemple.

            En passant devant la cabanne d’un berger pour me rendre chez ma maîtresse qui nous attendoit, nous entendimes des cris aigus ; nous nous arrêttames (sic) pour voir ce que ce pouvoit être, nous apperçumes sur un monceau de paille un viellard (sic) prêt à expirer ; à ses côtes étoit une jeune fille qui s’efforçoit de lui donner tous les secours possibles : d’une main elle soulevoit sa tête : de l’autre elle tenoit une j’atte (sic) de bois remplie d’eau qu’elle vouloit lui faire boire. Le Viellard étoit sensible aux peines qu’elle se donnoit ; il paroissoit n’être occupé que de l’état ou cette jeune fille alloit être réduite, & avant d’expirer, sa voix presque éteinte, ne se fit entendre que pour prier le ciel qu’il recompensa sa pitié.

            Touché de ce que je voyois, je m’avançai vers eux & tirant de ma poche un flacon de Liqueur, je l’approchai de la bouche du Viellard. Ma présence le surprit un peu, il me regarda, puis regarda la fille, & rendit les derniers soupirs dans nos bras.

            Dans ce moment la jeune fille ne fit point retentir l’air de ses cris, ses mains n’arracherent point ses cheveux. La vraye douleur est muète (sic), & réside dans le coeur. Un soin plus pieux, plus important l’occupe ; elle ne songe qu’a rendre les derniers devoirs à son père ; elle lui ferme les yeux, elle ôte le mouchoir qui couvroit sa gorge, seul linge qui se trouva dans la maison, & le pose sur la tête du Viellard. Puis se retirant aux pieds du cadavre elle s’aseoit & se couvre les yeux avec ses mains. Mes expressions ne peuvent suffire pour bien rendre l’attitude de cette jeune fille. Figurez vous pour un moment ces tombeaux, sur lesquels on a représenté l’humanité versant des pleurs, & vous n’aurez encor qu’une foible idée d’un tableau aussi touchant.

            Les secours que nous fumes obligés de donner à cette infortunée nous conduisirent bien avant dans la nuit. Nous ne pumes nous rendre chez ma maîtresse que le lendemain. Qu’elle fut ma surprise, lorsque je vis qu’elle me recevoit froidement ! je pensai me désesperer, mais m’armant de fierté je lui dis cavalièrement ; n’attendez pas, Mademoselle (sic), de trouver en moi un homme assez épris de vos charmes pour oublier ses devoirs, ces paroles prononcées d’un ton de Héros m’attirerent ses regards ; elle s’imagine entendre parler Orondate. Je profite alors de cet heureux moment pour lui raconter ce qui nous étoit arrivé la veille. Je rendis l’histoire encor plus touchante ; elle s’attendrit : ses idées romanesques se reveillerent, & elle ne vit plus en moi qu’un homme digne de son attachement.

            Quelque tems a près (sic), l’on nous Maria ensemble, ma chere femme fit la sotte la premiere nuit ; mais mon père l’ayant instruite de ce qu’elle devoit faire, je la trouvai plus raisonnable le lendemain. J’avourai que je passai des momens délicieux, Silvie[4] se comporta en vrai Héroine de Roman, qui après bien des traverses oublie tous ses malheurs dans les bras de son amant. Sans cesse elle me pressoit dans les siens je ne pouvois suffire a toutes ses caresses, le sommeil fut seul capable de les interrompre ; mais non pas pour longtems.

            A peine le soleil commençoit il à paroître que je m’éveillai. La chaleur du jour jointe à celle de nos corps, nous avoit fait mettre à l’écart nos convertures (sic). Silvie toute nüe offrit à mes regards jusqu’a ses appas les plus cachés, je les considerai les uns après les autres. Echauffé par tout ce que je voyois je ne pus m’empêcher de lui donner un baiser, elle se reveilla & son revoit (sic) r’amena (sic) nos plaisirs. Tel dans cet âge d’or (s’il à jamais existé) l’on nous represente nos premiers pères, qui éveillés par le chant des oiseaux, donnoient leur premiers soins à l’amour.

            J’aurois sans doute été le plus heureux des hommes, si ma femme fut toujours resté la même ; mais comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire les romans lui avoient gâté l’esprit. Elle vouloit qu’un mari fut sans cesse à ses côtés, & qu’il n’eut des yeux que pour elle. Quoique je l’aimasse beaucoup je ne jugai (sic) pas à propos de me conformer à ses caprices, elle crut pour lors que je la méprisois : bientôt la jalousie s’empara de son coeur, enfin la tête lui tourna au point que ses parens furent obligés de l’enfermer.

            L’accident arrivé à ma femme pensa me desesperer peut être s’écrois-je (sic) devenu fol, si je n’avois pris le parti de voyager. Je me r’appellai (sic) dans ce moment ce que mon père m’avoit dit des differentes Religions, & sur le champ je formai le dessein de les connoître par moi même. J’ai visité les differentes sectes qui se trouvent dans le christianisme ; j’ai aussi conversé avec des juifs, mais j’ai trouvé dans ces deux Religions des mystères que je ne pouvois comprendre : enfin après avoir par couru toute l’asie, & examiné le culte des Mahométans je l’ai trouvé plus conforme à ma façon de penser, & à la manière avec laquelle j’avais été élevé. Une Religion, ais-je dit en moi même, qui ne m’offre que des plaisirs, approche plus de la nature, que celle qui ne n’ordonne (sic) que des souffrances : Or mon père ma toujours dit qu’il falloit se r’approcher de la na nature (sic) ; je ferai donc bien en me fesant (sic) Mahométan[5]. Voilà, Monsieur, le motif qui ma (sic) déterminé à embrasser cette Religion ; si j’ai péché, ce n’est point ma faute ; mais celle de celui qui a pris soin de mon éducation.

            Pour faire revenir ce jeune homme de son erreur, je n’eus point recours aux raisonnements dont se servent nos théologiens, je ne parlai même pas de nos miracles. J’employai un moyen plus simple. Vous aimez sans doute votre patrie lui demendai-je ? vous savez que je suis suisse me repondit-il avec vivacité & vous me faite une pareille demande. De grace repri-je, ne vous mettez point en colère, puisque vous aimez votre patrie, vous devez savoir en quoi consiste cet amour. Il consiste si je ne me trompe à repandre son sang pour elle si elle le requiert, a maintenir ses loix & à rester attaché aux usages & aux coutumes de ses peres. Tels étoient les romains, tant que cette vertu fut gravée dans leur coeur. Mais vous qui avez foulé aux pieds toutes les loix de votre pais, comment osez vous dire que vous l’aimez. Je n’eus pas dit ces mots, que le jeune homme se jetta à mes genoux. Vous venez de m’éclairer me dit-il, rendez moi Monsieur, à ma patrie, je veux devenir son plus fidet (sic) sujet & lui faire oublier mes fautes en versant mon sang pour elle. Je lui promis de faire ce qu’il exigeoit de moi, j’ai tenu ma parole, Madame & j’ai été assez heureux pour avoir obligé un hon-te (sic) homme.

 

                                                            FIN

 

            Voici donc le texte que nous avons découvert à la BHVP[6] et que nous reproduisons tel qu’il est imprimé avec ses notes, ayant seulement remplacé les « f » par les « s » pour en faciliter la lecture, respectant par ailleurs scrupuleusement l’orthographe, et mettant seulement quelques « sic » dans les endroits où l’on pourrait penser qu’il s’agit d’erreur de transcription.

 

Il s’agit du premier texte faisant partie d’un ensemble relié in 8°, suivi d’autres textes dont voici les intitulés :

-  Deuxième texte : Requête adressée à Messieurs les Parisiens par B. Jérôme Carré, natif de Montauban, traducteur de la comédie intitulée Le Caffé ou l’Ecossaise pour servir de Post Préface à la dite Comédie, 1760 (écrit au crayon) in 8°, 8 pages[7]

-  Troisième texte : Le Codicille de Mr de Voltaire trouvé dans ses papiers après son décès, à Genève, 1762, in 8°, 13 pages

-  Quatrième texte : Le Docteur Pansophe ou Lettres de Mr de Voltaire,  composé de deux parties : la première allant de la page 1 à la page 18 s’intitule : Lettre de Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume (lettre écrite le 24 octobre 1766) ; la seconde allant de la page 19 à la page 44 s’intitule : Lettre de Monsieur de Voltaire au Docteur Jean Jacques Pansophe, Londres, 1766, in 8°, 44  pages[8]

 

            Mis à part le Codicille, toujours considéré comme une œuvre apocryphe[9], les autres textes sont maintenant reconnus comme étant de la plume de Voltaire. Ce qui pourrait faire présumer que le texte intitulé : Jean Louis, fils naturel ....est également de lui. Mais nous avons également retrouvé ce même texte dans un contexte fort différent à la Médiathèque de Nantes[10] puisque le recueil où il se trouve contient  diverses productions qui ne sont  pas de Voltaire. Le recueil in 12° de Nantes se présente, en effet, comme suit :

- Premier texte : Exposé succinct  de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. Rousseau avec les pièces justificatives, in 12°, Londres 1766, pages 1 à 127

- Deuxième texte : Précis pour M. J. J. Rousseau en réponse à l’exposé succinct suivi d’une lettre de Madame D…à  l’auteur de la justification de M. Rousseau,  texte qui se compose de deux parties : la première, allant de la page 1 à la page 88 s’intitule : Justification de J. J. Rousseau dans la contestation qui lui est survenue avec  M. Hume à Londres, 1766 ; la seconde, allant de la page 1 à la page 31 s’intitule : Lettre à l’Auteur de la Justification de J. J. Rousseau dans la contestation qui lui est survenue avec M. Hume (par Marianne de La Tour Franqueville)[11]

-  Troisième texte : Notes sur la lettre de M. de Voltaire à M. Hume par M. L***, in 12°, sans date, 18 pages

-  Quatrième texte : Réflexions posthumes sur le grand procès de Jean Jacques avec David, in 12°, 21 pages, slnd

-  Cinquième texte : Jean Louis Rousseau, fils naturel de Jean Jacques Rousseau, in 8°, 1762, 31 pages

-  Sixième texte : Lettre de J. J. Rousseau de Genève, in 12, 1762, attribué à Pierre Firmin de La Croix.

 

            Nous nous trouvons cette fois en présence d’un recueil de textes assez disparates de format in 12° où seules les Notes sur la Lettre de Voltaire à Monsieur Hume sont de Voltaire. Même si le nom de Pierre Firmin de la Croix peut en cacher un autre (nous songeons à Voltaire en particulier)[12] il n’en reste pas moins que l’Exposé succinct de M. Hume, la Justification et la Lettre de Marianne de La Tour Franqueville à l’auteur de cette justification ne sont pas de Voltaire. Le texte que nous étudions est donc inclus ici dans un ensemble d’œuvres diverses datées de l’année 1760 à l’année 1766. Quant au texte intitulé : « Jean Louis, fils naturel... » il est, à Nantes,  absolument identique à celui qui est conservé à la BHVP, excepté le format en in 8° à la BHVP, format qui est en  in 12° à Nantes. Tous deux  ont  trente et une pages chacun, tous deux sont datés de 1762, tous deux sont attribués à M. Vincent, avocat[13]. Qui donc fut ce Monsieur Vincent, de Rouen, avocat à Paris ?

 

            Alexandre Cioranescu, dans sa bibliographie de la littérature française du dix-huitième  siècle, le désigne comme auteur non seulement de ce libelle mais aussi d’ouvrages beaucoup plus sérieux tels que les Lettres de Miss Elizabeth Auréli, petite nièce du célèbre Dr Swift (1765), les Lettres Ecossaises (1777) et les Lettres d’un membre du Congrès américain (1779)[14]. Voyons d’abord ce qu’il en est des Lettres de Miss Elizabeth Auréli. Attribuées par Quérard[15] à Vincent, de Rouen, on apprend par K. G. Saur, dans son index biographique français[16], que les Lettres de Miss Elizabeth Auréli ont pris ultérieurement le titre de Lettres Ecossaises, ouvrage qui contient  les dix-huit premières lettres augmentées de quarante huit autres. Cette fois l’ouvrage n’est plus imprimé « à Amsterdam, aux dépens de la Compagnie » mais « à Amsterdam et à Paris » chez la veuve Duchesne. Cioranescu précise, ensuite, qu’il en attribue la traduction à M. Vincent. D’auteur, Vincent devient donc traducteur. Quant aux Lettres d’un membre du Congrès américain à divers membres du parlement d’Angleterre, il en existe deux versions : celle de 1779 attribuée par Barbier[17] à Vincent, de Rouen, et celle de 1791 (sans errata) attribuée à Paul Ulrich Dubuisson[18]. Si ce dernier auteur semble - en effet - pouvoir être l’auteur d’un tel ouvrage[19] on voit mal comment deux ans auparavant Vincent, de Rouen le serait également. De plus aucune date, ni de naissance ni de décès, n’est attribuée à cet homme qui est nommé de façon variable : Vincent. N,  M. Vincent, ou Vincent, de Rouen, avocat à Paris. Seules sont mentionnées les dates de publication de façon d’ailleurs assez vague : 1765…1775, dit en effet K. S. Saur dans son Index biographique français[20]. Il n’est donc pas certain qu’il soit l’auteur des œuvres qui lui sont attribuées. Serait-il éditeur, traducteur, libraire voir simplement prête-nom?[21] Dans ces conditions faut-il croire qu’il est bien l’auteur du libelle : Jean Louis fils naturel de J. J. Rousseau ? libelle que Quérard, Cioranescu, et Saur datent d’ailleurs de 1765 alors qu’il existe trois exemplaires datant de 1762 ?[22] C’est également la date de 1765 que retiennent  N. N. Oursel dans la Nouvelle biographie normande[23], Nicolas Toussaint Le Moyne dit Des Essarts[24] dans les Siècles littéraires de la France et Edouard Benjamin Frère dans son Manuel du Bibliographe normand[25]. C’est aussi à cette même date que Grimm en parle dans sa Correspondance Littéraire, datée du premier octobre 1765, disant ceci : « Il paraît une foule d’écrits contre ce pauvre Jean Jacques ; mais ils ne lui feront pas autant de mal que les pierres de Motiers (…) Il paraît aussi un Anti Contrat social et une Lettre de Jean Louis Rousseau fils naturel, de Monsieur Vincent avocat, brochure de trente pages. Cette lettre est une froide et insipide plaisanterie »[26]. Sans doute y eut-il une réédition de l’ouvrage en 1765 lors de la parution des Lettres de Miss Auréli, les deux ouvrages étant alors imputés à Vincent, de Rouen. Nous n’avons pas cependant retrouvé d’édition contenant les deux ouvrages groupés, ni vu mentionner une telle édition nulle part.    

 

Nous avons lu les œuvres qui sont imputées à ce Mr Vincent pour tenter de voir s’ils pouvaient émaner d’une même plume. Mettons à part ces Lettres d’un membre du congrès américain d’un style assez sévère et traitant uniquement de politique pour nous attacher aux écrits plus légers que constituent les Lettres de Miss Auréli et les Lettres écossaises. Les dix-huit Lettres de Miss Auréli sont censées raconter son amour pour un certain Walter. Mais au sein de ce récit assez fade s’intercalent quelques lettres polémiques concernant J. J. Rousseau et Voltaire. Dans l’Avant propos et dans les Lettres onzième et douzième il est question de J. J. Rousseau que l’auteur critique sévèrement,  alors qu’il critique encore plus sévèrement Voltaire dans la Lettre seizième : « Partout on ne trouve que pensées hasardées, que faits falsifiés (…) On voit un écrivain qui est de mauvaise humeur contre sa patrie, qui, pour se venger d’elle cherche à l’humilier et à la dégrader ». Quant à la Lettre treizième elle pourrait être de la même plume que le texte de Jean Louis, fils naturel…, dans la mesure où, jugeant mauvaise la vie d’un solitaire :     « J’aime mieux un méchant qui vit au milieu de ses semblables qu’un prétendu sage qui regardant le reste des hommes en pitié ne vit que pour lui seul » l’auteur convainc un  jeune comte retiré dans une cabane au fond des bois de renoncer à sa solitude : « Vous ne vous êtes égaré jusqu’à présent que faute d’un bon guide pour diriger vos premiers pas (…) si vous voulez me suivre je vous ferai voir que le sage a des devoirs à remplir dans la société (…) cette idée m’accabla tellement que je restai muet et immobile » dit le solitaire qui, suivant ce guide providentiel,  va vivre une nouvelle vie plus digne d’un citoyen. Serait-il possible d’imaginer que ces Lettres sont une compilation d’auteurs différents ?[27] D’un tout autre ton sont les Lettres écossaises qui, elles, portent le nom de Vincent, avocat,  désigné comme traducteur.  Si elles reprennent ces dix-huit premières Lettres, les critiques envers Voltaire et J. J. Rousseau y sont très estompées et les nouvelles Lettres ne s’occupent que des préoccupations sentimentales de Miss Auréli et d’une de ses amies, préoccupations au sein desquelles se glissent quelques réflexions sur les pays visités.  Elles sont suivies d’un Dialogue entre un anglais et un chinois où l’on retrouve  le style de Voltaire. Que peut-on  conclure de la lecture des trois ouvrages attribués à ce Vincent, avocat ? Que le style en est hétérogène, les idées disparates, la critique semblant viser aussi bien Voltaire que J. J. Rousseau. Il nous semble donc difficile d’attribuer ces Lettres à Voltaire mis à part cette Lettre treizième qui pourrait, éventuellement, être de sa plume.

 

Dans la mesure où la paternité de Vincent, de Rouen, avocat, est loin d’être prouvée,  pas plus, d’ailleurs, que n’est prouvée l’existence d’un avocat portant ce nom et exerçant à Paris à cette époque[28] il nous semble possible d’invoquer une autre plume. S’agirait-il de celle de Voltaire ? Sans pouvoir apporter de preuves déterminantes en faveur de cette hypothèse nous aimerions exposer les raisons qui nous ont conduit à évoquer son nom en lisant ce texte.

 

 

 

 

 

 

 

Les textes polémiques écrits par Voltaire contre J. J. Rousseau jusqu’à la parution de l’Emile

 

            C’est bien avant le Sentiment des citoyens que Voltaire déchaîna sa verve polémique contre J. J. Rousseau. Même si le nombre des libelles écrits par Voltaire nous est inconnu (puisque Voltaire ne les signait jamais et n’hésitait pas à emprunter un pseudonyme, voir même le nom d’un autre auteur pour mieux se protéger) il nous reste les rares écrits que Voltaire a bien voulu reconnaître ou ceux que la postérité a réussi à lui imputer malgré ses propres dénégations. C’est dès la parution du deuxième Discours de J. J. Rousseau que Voltaire exprime son agacement vis à vis de ce jeune auteur si singulier, lui reprochant de ravaler l’homme au rang de l’animal sous le prétexte fallacieux de retour à la nature : « J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain (...) Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage (...) Il faudrait la venir rétablir [votre santé] dans l’air natal, jouir de la liberté, boire avec moi du lait de nos vaches, et brouter nos herbes » (Lettre du 30 août 1755, D 6451). Cette Lettre va vite courir dans tous les salons parisiens et Voltaire l’adjoindra à sa pièce : L’orphelin de la Chine qui sera représentée à Paris à l’automne 1755. Dans la très courte lettre qu’il lui adresse le 12 septembre 1756 (D 6993) Voltaire dira plus aimablement à J. J. Rousseau qui vient de lui envoyer sa très longue lettre sur le désastre de Lisbonne : « Comptez que, de tous ceux qui vous ont lu, personne ne vous estime plus que moi malgré mes mauvaises plaisanteries ». Pour lors, en effet, il ne s’agit que de plaisanteries, même si elle ne sont pas de très bon goût. Ce «quatre pattes » va en effet devenir une moquerie facile qui mise à toutes les sauces deviendra une des armes préférées des anti-rousseauistes[29]. Viendra ensuite Timon, en 1756, intitulé également Sur le paradoxe que les sciences ont nui aux mœurs, qui commence ainsi : « Dieu merci ! J’ai brûlé tous mes livres me dit hier Timon (…) J’ai tout brûlé (…) Ce sont les corrupteurs du genre humain »[30]. Puis viendra  : l’Entretien d’un sauvage et d’un bachelier, que l’on présume de 1757, visant également le deuxième Discours de J. J. Rousseau.

 

            Mais, bonhomme jusqu’alors, le ton va vite s’encanailler et passer au burlesque et à la dérision[31]. Le Plaidoyé de Ramponneau, honnête cabaretier de la Courtille prononcé par lui-même devant ses juges, que Voltaire, sous le pseudonyme de Ramponneau, écrit en 1760[32] a pour fonction de ridiculiser la Lettre à d’Alembert parue en mars 1758. On y retrouve ce thème de la marche à quatre pattes qui est devenu un lieu commun à l’égard de J. J. Rousseau auquel s’ajoute désormais son penchant pour le vin : « Maître Beaumont prétend que si Jean Jacques Rousseau, Cytoyen de Genève, s’est fait voir marchant à quatre pattes sur le théatre des Fossés St Germain[33], Genest de Ramponneau ne doit point rougir de se montrer sur ses deux pieds. Mais la cour verra aisément le faux de ce sophisme. Jean Jacques est un hérétique et je suis catholique (...) Si la Cour avait pu lire un petit livre que Jean Jacques Rousseau indigné de sa propre gloire et honteux d’avoir travaillé pour les Spectacles a lâché contre les Spectacles mêmes, elle verrait que ce Rousseau préfère hautement les Marchands de vin aux Historiens: il ne veut pas que dans sa Patrie il y ait de Comédie. Mais il y veut des Cabarets ; il regrette ce beau jour où il vit dans son enfance tous les Genevois yvres ; il souhaite que les filles dansent toutes nues au cabaret ». C’est résumer de façon bien étrange la Lettre à d’Alembert. C’est traiter de façon fort ludique un thème sérieux pour mieux le dégrader et gagner ainsi la sympathie d’un public peu désireux de connaître la vérité[34]. « Les comédies de boulevard, Jean Jacques mangeant sa laitue à quatre pattes l’emporteront toujours sur les recherches philosophiques » (D 9126) écrivait en effet Voltaire le 9 août 1760.

 

            Le ton satirique de Voltaire va encore se durcir lorsqu’il va parler de la Nouvelle Héloïse qui commence à paraître début 1761[35]. Il va écrire à son sujet quatre lettres féroces qu’il attribuera  (et cette fois avec l’accord de son prête nom ) au marquis de Ximenès[36]. Poursuivant son œuvre de désinformation systématique Voltaire y décrit  St Preux comme un ivrogne  : « Mon doux ami, grand philosophe, qui connaît la nature et qui d’ailleurs est assez ivrogne, s’avisa, étant ivre, de dire beaucoup d’ordures à sa respectable maîtresse »[37]. Le roman tout entier sera ridiculisé par de petites phrases ou de petits mots comme « poulet » ou « faux germe » ayant fonction d’ôter toute portée spirituelle voire même intellectuelle au récit de J. J. Rousseau. Ce « faux germe » (par lequel J. J. Rousseau désigne l’avortement de Julie ) met véritablement Voltaire en verve. Il le reprendra trois fois dans la seconde lettre de l’Aloisia, ainsi que dans le pamphlet intitulé : Rescrit de l’empereur de la Chine sur la Paix perpétuelle[38], pamphlet où il critique le travail de J. J. Rousseau sur les Ecrits de l’abbé de St Pierre, travail divulgué début 1761, en même temps que la Nouvelle Héloïse. Il écrit à ce sujet à Cideville le 26 mars 1761 : « Voici un Rescrit de l’Empereur de la Chine sur la Paix perpétuelle que ce Jean Jacques va nous procurer. Amusez vous de cela en attendant la diète Européenne » (D 9698). Voltaire enverra également le Rescrit à Madame d’Epinay le 25 mars 1761, en se moquant ouvertement de J. J. Rousseau : « C’est un fou, vous dis-je, avec sa paix perpétuelle ; il s’est brouillé avec tous ses amis. C’est un petit Diogène qui ne mérite pas la pitié des Aristippes » (D 9697). La quatrième lettre de l’Aloisia va plus loin encore, ridiculisant J. J. Rousseau lui-même dont le nez fut cassé, dit Voltaire, par un des violons de l’orchestre de Paris que J. J. Rousseau avait insulté dans sa Lettre d’un symphoniste de l’académie royale de Musique écrite en 1753. Mais déjà à la fin de la seconde lettre, après nous avoir parlé de l’infidélité de St Preux envers Julie, Voltaire nous affirmait que J. J. Rousseau avait la petite vérole : « Quelque temps après cet évènement Jean Jacques eut la petite vérole ; mais il ne nous dit pas tout », ce qui sous entend qu’il avait probablement la grande comme le suggère le titre d’Aloisia qu’il donne à ses Lettres, faisant ainsi référence à un ouvrage pornographique de l’époque[39]. Voltaire reprendra encore plus ouvertement cette accusation de débauche à l’égard de J. J. Rousseau dans le Sentiment des citoyens, accusation qui transparaissait déjà dans les Notes marginales de Voltaire relatives au deuxième Discours de J. J. Rousseau. Comme le dit fort justement Sylvain Menant[40], Voltaire utilise « le sexe et l’ordure » pour rendre complice de ses propos un lecteur plus enclin à s’encanailler qu’à recevoir les sévères conseils du vertueux Genevois. Cette pratique désinvolte de Voltaire va prendre de l’ampleur, s’exprimant non seulement dans le Sentiment des citoyens paru en décembre 1764 mais aussi dans ces libelles très orduriers que sont les Notes sur la Lettre de Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume par M. L*** de 1766, les Honnêtetés littéraires de 1767, dont la quatorzième, dédiée à J. J. Rousseau, est fort malhonnête, la Guerre civile de Genève de 1767 ou Les deux siècles de 1770, libelles que l’auteur va, naturellement, récuser, avec  son aplomb ordinaire[41]. Loin de constituer des réactions épidermiques ponctuelles, les libelles que Voltaire écrivit contre J. J. Rousseau  forment un  véritable corpus, un iceberg de sarcasmes et d’injures  dont nous ne connaissons encore que le sommet.

 

Doit-on lui imputer d’autres libelles concernant la Nouvelle Héloïse, notamment cette Lettre de ML*** à MMD*** sur La Nouvelle Héloïse de J. J. Rousseau sachant que ce ML*** est l’un des pseudonymes de Voltaire, pseudonyme qu’il utilise pour se désigner dans les Notes ?[42]. Doit-on songer à lui à propos des « Amours suisses du Pont aux choux », écrit anonyme dont le titre burlesque possède une consonance très voltairienne ? Doit-on aussi le soupçonner d’avoir écrit cet Osaureus censé avoir été traduit de l’allemand, censé aussi avoir été écrit par Isaac Rabener « parent du célèbre Rabener » comme le dit la Préface de l’ouvrage ? Cette formule rappelle curieusement les procédés de Voltaire qui attribuait sa pièce « l’Ecossaise » à un cousin de Hume et la disait traduite de l’anglais alors qu’il prétendait que son Candide avait été traduit de l’allemand par le Dr Ralph, ce Candide au sujet duquel il écrivait à Cramer le vingt-cinq février 1759 : «Qu’est ce que c’est que cette brochure intitulée Candide qu’on débite, dit-on, avec scandale et qu’on dit venir de Lyon ? Je voudrais bien la voir » (D, 8141). C’est un procédé identique qui sera utilisé pour les Lettres de Miss Auréli, censées avoir été  traduites elles aussi de l’anglais et attribuées à la  «petite nièce du célèbre docteur Swift ». Certes le procédé était courant à l’époque pour déjouer la censure mais ces traductions invoquées, ces cousins et ces nièces,  n’en ont pas moins un petit air voltairien qu’il convient de souligner.

 

Nous voyons donc comment, année après année, Voltaire passe de la plaisanterie à la satire la plus cruelle à l’égard de J. J. Rousseau.  Mais loin de le regretter ou du moins de l’admettre, Voltaire inversera toujours la situation, proclamant qu’il est, lui, le persécuté et que le persécuteur est J. J. Rousseau. C’est ainsi qu’il dira le 29 juin  et le 21 juillet 1764 à Damilaville : « Que dites vous de ce fou de Jean Jacques qui prétend que je suis son persécuteur ? Ce misérable, parce qu’il m’a offensé, ainsi que tous ces amis, s’imagine que je me suis vengé (...) Moi, persécuter l’auteur du Vicaire Savoyard ! Moi, persécuter quelqu’un ! J’ai toujours sur le cœur cette étrange calomnie » (D 11955 et 12001).  Qui peut le pousser à poursuivre ainsi J. J. Rousseau de sa haine ? Il le dira à d’Alembert dans la lettre qu’il lui adresse le 20 avril 1761, lettre où il exhale toute sa rancœur vis-à-vis d’un homme qui s’est dressé contre l’implantation d’un théâtre à Genève, c’est-à- dire, en fait - du moins c’est ainsi que le voit Voltaire - contre lui-même : « Qu’il ait ajouté à l’impertinence de sa lettre l’infamie de caballer avec des pédants sociniens pour m’empêcher d’avoir un théâtre à Tourney (…) c’est l’action d’un coquin et je ne lui pardonnerai jamais » (D 9743). C’est qu’il s’est cru visé personnellement, lui qui se glorifiait si hautement de faire jouer et de jouer lui-même ses pièces à Tourney, faute de pouvoir les représenter aux Délices ! Jusqu’ici J. J. Rousseau l’amusait : c’était un fou mais un fou presque sympathique. Dès lors ce sera un ennemi et il n’aura de cesse de le harceler par des libelles anonymes dont se plaint déjà J. J. Rousseau le 29 novembre 1760 dans la lettre qu’il adresse à Jacob Vernet (CC, 1176). Depuis le  dix-sept juin 1760 c’est d’ailleurs, entre eux,  la rupture officielle exprimée dans ce « Je vous hais enfin » (CC, 1019) que J. J. Rousseau lance à Voltaire ajoutant aussitôt ce « puisque vous l’avez voulu » qui a fonction de l’absoudre de cette haine qu’il est contraint de  lui porter.

 

            Dès lors Voltaire va multiplier les libelles contre son ennemi attitré. Les Mémoires de Bachaumont parlent d’un Voltaire qui ne cesse d’envoyer des libelles anonymes qui inondent l’Europe : « Les rédacteurs des Mémoires secrests annoncent les brochures, opuscules, dictionnaires et autres dialogues voltairiens qui déferlent littéralement sur l’Europe dans les années soixante et septante (...) véritable protée littéraire qui se plait aujourd’hui a prendre tant de formes diverses »[43]. Aurait-il épargné J. J. Rousseau dont il guettait avidement les moindres mouvements et critiquait les moindres pensées ? Il semble, cependant, que le Contrat social, n’ait guère retenu l’attention de Voltaire, plus en chasse d’anecdotes croustillantes que de théories politiques. On ne retrouve, dans sa Correspondance, que de rares allusions à ce texte : « Voici donc Jean Jacques politique ; nous verrons s’il gouvernera l’Europe comme il a gouverné la maison de madame de Wolmar (...) Il m’a offensé de gaieté de cœur moi qui lui avait offert non pas un asile mais ma maison où il aurait vécu comme mon frère (...) Il ne mérite pas bien le mépris dont M. de Ximénès daigne l’accabler »  écrit-il  à Damilaville le 19 mars 1761 (D 9684). Nous voyons poindre ici ce reproche que Voltaire fera à J. J. Rousseau, notamment dans la lettre qu’il adressera à Hume,  de n’avoir pas honoré son invitation, invitation qui se réduit à la formule insolente que nous avons vue :  « Il faudrait (...) boire avec moi le lait de nos vaches et brouter nos herbes » (D  6451). Au sujet du Contrat social, on peut noter aussi le libelle intitulé  Idées républicaines par un membre d’un corps[44] écrit en 1762 dans lequel Voltaire critique sans nuance les propositions de J. J. Rousseau : « Il n’y a pas une page où l’on ne trouvat des erreurs et des contradictions ».

 

 

Les réactions de Voltaire dans sa correspondance après la parution de l’Emile

 

            Puis paraît l’Emile. On voit Voltaire très excité, impatient de lire ce Traité d’éducation qu’il nommera un « roman » : « Mon cher frère, je n’ai point encore cette éducation de l’homme le plus mal élevé qui soit au monde. Je l’aurai incessamment. Je sais en attendant que l’auteur est un monstre d’insolence et d’ingratitude. Le chien qui suivait Diogène était moins méprisable que lui » dit-il à Damilaville le 4 juin 1762 (D 10484). Sa correspondance est, à cet égard, très significative. D’abord qualifié pendant quelques années de Diogène : « ce fou de Diogène Rousseau », disait encore Voltaire à J. R. Tronchin le 19 mars 1761 (No 532)[45] J. J. Rousseau va devenir très vite le chien de Diogène : «Je ne le regarde personnellement que comme le chien de Diogène » dit Voltaire à son ami d’Argental le 14 juin 1762 (D 10515).  Mais c’est encore lui faire trop d’honneur et très vite J. J. Rousseau va cesser d’être le chien de Diogène pour ne plus être qu’un bâtard né du chien de Diogène et de la chienne d’Erostrate : « Je crois que la chienne d’Erostrate ayant rencontré le chien de Diogène fit des petits dont Jean Jacques est descendu en droite ligne » écrit-il le 21 juillet à ses amis Cideville et Ruffey (D 10598 et 10601). Mais que pense Voltaire de l’Emile ? Manifeste-t-il quelque intérêt  pour les principes pédagogiques qu’y exprime J. J. Rousseau ? Il va parler des « fatras d’une sotte nourrice » (D 10507 du 14 juin 1762), du « fade roman d’Emile » (D 10527 du 25 juin 1762) enfin du « plat Emile »  (D 10598 du 21 juillet 1762) reprenant d’ailleurs les termes que J. J. Rousseau utilise lorsqu’il parle de son roman.[46]

 

Que lui reproche donc Voltaire ? D’écrire sur l’éducation alors que lui-même n’est pas éduqué : « Ce polisson s’est avisé d’écrire sur l’éducation mais auparavant il eut fallu qu’il eut de l’éducation lui-même » dit Voltaire à Ruffey le 27 juin 1762 (D 10533). « Ce monstre ose parler d’éducation » dit-il encore plus ouvertement à d’Alembert le 17 juin 1762 (D 10515). Et c’est du même argument qu’il va se servir lorsqu’il déconseillera à la princesse de Saxe Gotha de faire élever ses enfants par J. J. Rousseau (D 10655 du 2 août 1762). Le retour à la nature que préconise (ou du moins semble préconiser) J. J. Rousseau n’est en effet pas recevable pour Voltaire qui va penser - ou feindre de penser - que  J. J. Rousseau est fou. « Il faut pardonner à un pauvre homme qui a le cerveau blessé » disait déjà Voltaire dans la quatrième lettre de l’Aloisia. Il poursuivra sur ce ton, utilisant ainsi un procédé qui lui permet tout à la fois de déconsidérer totalement l’homme et l’œuvre, tout en gardant pour ce premier un vague sentiment de pitié qui fait honneur aux nobles sentiments de Voltaire : « La folie est trop forte pour qu’on s’en fâche » (No 682 du 19 juin 1766) dit-il au Dr Tronchin feignant ainsi de s’attendrir sur celui qu’il vient de flétrir sans aucune pitié dans les Notes sur la Lettre de Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume par M. L***.

 

 Face au déchaînement épistolaire de Voltaire qui persiste pendant tout le mois de juin 1762, on observe un silence complet au niveau des libelles. Car tous les libelles qui fleurissent alors - et ils sont fort nombreux[47]- ne sont pas,  semble-t-il, de la plume de Voltaire et il faudra attendre décembre 1764 pour que le Sentiment des citoyens vienne à nouveau prouver que la haine de Voltaire à l’égard de J. J. Rousseau ne s’est point éteinte. Pour quelles raisons Voltaire serait-il resté alors silencieux, lui si prolixe d’habitude ? N’aurait-il pas réagi contre ce livre qui l’avait exaspéré ? : « Tout ce qu’on vous écrit de Berne que Monsieur de V. a fait à Genève et là contre moi pour le crédit du jongleur n’est ignoré de personne dans le pays  (...) Non content de cela il m’écrit des lettres anonymes qu’il voudrait rendre gayes et qui ne sont que folles. Il a constamment la bonté de s’inquiéter de moi » écrit J. J. Rousseau à G. Keith le dix-huit août 1762 (CC 2086). Il écrira aussi à Rey le 8 janvier 1763 : « Cependant cette séquelle Voltairienne s’est tellement emparé de tous les journaux, de toutes les gazettes, mercures et autres papiers publics qu’il n’y a de place que pour leurs insultes et calomnies et que la voix de l’opprimé ne serait y  pénétrer» (CC, 2427). Sans aucun doute Voltaire lui a fait parvenir des lettres anonymes à Motiers, lettres que J. J. Rousseau identifie sans difficulté connaissant les dons de caméléon  de son ennemi lorsqu’il s’agit d’écrire des pamphlets : « Cet habile comédien sait changer de ton selon les gens à qui il a affaire » dira-t-il à Moultou le 21 mars 1763 (CC, 1734). Il est vrai que tous les textes de Voltaire n’étaient pas si féroces tel ce Catéchisme de l’honnête homme ou Dialogue entre un Caloyer ou un homme de bien, traduit du grec vulgaire par DJJRCDCDG  (Dom Jean Jacques Rousseau ci devant citoyen de Genève) qui parut en 1763, édité par Cramer, et qui prolonge quelque peu la pensée de tolérance religieuse que J. J. Rousseau exprime dans le Vicaire, ce Vicaire  dont  Voltaire disait le plus grand bien : « Je me suis moqué de son Emile qui est assurément un plat personnage ; son livre m’a ennuyé, mais il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin » écrivait-il en effet à d’Alembert le 15 septembre 1762 (D 10705).

 

 

Retour au texte : Jean Louis, fils naturel....

 

            Etant à cette époque en étroite correspondance avec Cramer, qu’il tient très au courant des faits et gestes de J. J. Rousseau, Voltaire lui écrit courant juin (mais la lettre par prudence n’est pas datée et simplement présumée par Besterman) de faire imprimer un libelle en trois  exemplaires : « Mr Cramer est supplié de bien vouloir faire imprimer trois exemplaires de ce feuillet. On lui sera très obligé » (D 10549 c 1762, lettre insérée entre la Correspondance de juin et une lettre du 2 juillet). S’agirait-il justement de ce libelle que l’on possède encore à trois exemplaires : celui de Nantes, celui de Paris et celui de Leyde et qui aurait été rédigé fin juin ? C’est en effet le 30 juin 1762 que Voltaire écrit ceci à Cramer à propos de J. J. Rousseau : « Il faut que Tronchin le purge, que Cabanis le taille, mais qui le corrigera ?» (D 10543). N’allait-il pas se réserver ce rôle en rabattant le caquet de J. J. Rousseau avec ce libelle qu’il avait ou allait  envoyer à Cramer afin  de le faire imprimer en trois exemplaires ? Quoiqu’il en soit le contenu mystérieux de la lettre, son absence de datation, l’emploi de l’indéfini  montrent que Voltaire commande ici à Cramer l’impression d’un libelle qui doit rester secret. Peut-on en induire que Jean Louis fils naturel … soit de la main de Voltaire ? Ce libelle reflète-t-il  les idées de Voltaire à l’égard  de J. J. Rousseau ?

 

C’est  l’histoire d’un total échec pédagogique que nous raconte l’auteur du libelle : J. J. Rousseau désire que son enfant soit allaité ; sa mère en meurt et l’enfant est nourri par son père de la plus étrange façon qui soit.  J. J. Rousseau veut lui apprendre à marcher selon ses principes ; l’enfant se casse l’épaule et devient, en outre, bossu, son père refusant d’aller chercher un médecin pour le soigner.  J. J. Rousseau veut lui apprendre à lire : l’enfant n’apprendra jamais et  à travers le système  absurde que son père utilise apprend - en outre - à lui mentir. J. J. Rousseau lui parle enfin de Dieu à l’âge de dix-huit ans, le pressant de faire un choix. Mais de quel choix peut-il s’agir puisque, J. J. Rousseau l’affirme, un enfant doit avoir la religion de son père ? Arrive Silvie[48], sa bien-aimée, qui va lui montrer une excessive passion charnelle. Ses parents la feront enfermer. Alors comme Emile, Jean Louis va quitter son pays et devenir Mahométan, ayant perdu toutes les valeurs d’une patrie qu’il voulait cependant honorer.  Toute sa  vie a donc été  gâchée par ce père inconséquent, illogique, ridicule et criminel (n’oublions pas qu’il est responsable de la mort de la mère de Jean Louis). Survient l’auteur du récit : voici le sage que cherchait vainement le fils de J. J. Rousseau et qu’il n’avait pas trouvé dans son père. Jean Louis se jette à ses genoux et lui promet fidélité pour servir sa patrie. J. J. Rousseau a donc échoué sur toute la ligne. Mais l’échec narré dépasse de beaucoup l’échec pédagogique, car ce n’est pas n’importe quel Emile que J. J. Rousseau tente ainsi d’éduquer mais bien son propre fils, son fils naturel. Féroce critique d’un livre, le libelle est aussi  la féroce critique d’une vie, l’auteur y portant contre J. J. Rousseau une attaque personnelle visant sa vie privée. J. J. Rousseau aurait-il donc un fils naturel que personne ne connaîtrait  encore ?

 

            Qui savait, à l’époque, que J. J. Rousseau avait abandonné ses enfants ? Ce n’est qu’à travers le Sentiment du citoyen, semble-t-il, que l’affaire fut rendue publique par Voltaire. Le Docteur Théodore Tronchin, cependant, le savait bien avant puisqu’il écrivait à Moultou le 17 juin 1762 : « Si je n’étais pas aussi sur de ce que je vous ai dit que de mon existence, vous l’aurai-je dit. Oui, j’en suis aussi sûr que de mon existence & il faloit que j’en fusse aussi sur que de mon existence pour vous le dire (...) Je respecte si fort la paternité, le lien m’en parait si sacré, que qui le rompt blesse à mes yeux le premier des sentiments naturels, celui auquel tiennent tous les autres » (CC, 1886)[49]. Est-ce lui qui l’apprit à Voltaire ? Car Voltaire le savait aussi, pour  preuve cette lettre qu’il envoie à d’Alembert ce même 17 juin 1762 : « Ce monstre ose parler d’éducation luy qui n’a voulu élever aucun de ses fils, et qui les a mis tous aux enfans trouvez. Il a abandonné ses enfants et la gueuse à qui il les avait faits » (D 10515)[50]. Il n’est donc pas matériellement inconcevable de penser que Voltaire peut être l’auteur du libelle puisque à cette époque il clame à ses amis son mépris pour J. J. Rousseau, le mépris où il tient son livre et pousse la cruauté jusqu’à reprocher à J. J. Rousseau l'abandon de son fils premier né. Si l’auteur du libelle a pris le pseudonyme de Vincent, n’est-ce pas pour faire allusion à ce Vincent de Paul qui créa l’institution des Enfants-Trouvés ? Et s’il nomme le fils de J. J. Rousseau Jean-Louis, n’est-ce pas en référence au secrétaire de Voltaire Jean Louis Wagnière, rappelant ainsi fort perfidement les origines modestes de J. J. Rousseau ? Et n’est-ce pas Voltaire qui contesta à J. J. Rousseau le titre de secrétaire d’ambassade qu’il estimait pour lui bien trop honorifique ?

 

Les thèmes du libelle

 

            Nous retrouvons dans ce libelle les thèmes que Voltaire prête à J. J. Rousseau :  le  retour à la nature et la confusion des hommes avec les animaux  : « J’allais me mêler parmi des agneaux qui paissaient à coté de moi » fait-il dire à Jean Louis.  « Moi j’ai placé l’homme sur la terre sans aucune marque distinctive, je l’ai fait marcher dans les forets au milieu des ours, d’abord je l’ai fait plus bête qu’eux » fait-il dire à J. J. Rousseau. Ceci rappelle cette Lettre de J. J. Rousseau de Genève qui contient sa renonciation à la société civile et ses derniers adieux aux hommes, adressée au seul ami qui lui reste au monde», lettre datée de 1762 et attribuée à Pierre Firmin de Lacroix, lettre dans laquelle J. J. Rousseau est censé dire en se retirant dans les bois : « Je m’entretiendrai souvent, non pas avec des êtres vils, orgueilleux et pervers, mais avec les ours, les tigres, les panthères (…) ô chers habitants des bois, mes compatriotes futurs ! ». L’autre thème que souligne l’auteur du libelle est le mépris qu’affiche J. J. Rousseau vis à vis des médecins : « Il eut pu me faire guérir aisément, s’il eut envoyé chercher le chirurgien du village ; mais par malheur pour moi, le chirurgien était aussi médecin. Mon père qui avait ces derniers en horreur, on ne sait pourquoi, aima mieux que je devinsse bossu plutôt que de permettre à un pareil homme de me traiter ». Voltaire n’aura de cesse de rappeler ce mépris (ou prétendu mépris, car en 1762 J. J. Rousseau avait encore beaucoup d’amis médecins dont le plus proche était Thyerri) de J. J. Rousseau vis à vis du corps médical, notamment dans les lettres qu’il adresse au Dr Tronchin :  « Mandez moi je vous en prie comment on prend à Genève le petit accident arrivé à Jean Jacques, ce cruel ami de la médecine » écrit Voltaire au Dr Tronchin le 18 juin 1762 (No 591) parlant de la condamnation de l’Emile. C’est ainsi qu’il poussera Tronchin à agir, par l’intermédiaire de François Tronchin,  contre J. J. Rousseau et à intervenir auprès du conseil de Berne, quoiqu’il s’en défende par la suite[51]. En fait c’est là pur désir de polémiquer de la part de Voltaire dont les idées, à cet égard, sont très voisines de celles de J. J. Rousseau , comme en atteste la citation suivante : « On appelle un autre médecin ; celui ci, au lieu d’aider la nature, ne fut occupé que de contredire son confrère : la maladie devint mortelle en deux jours »[52]. Un autre reproche de Voltaire à l’égard de J. J. Rousseau est son attitude vis-à-vis des livres. Ce reproche on le retrouve ici  : seul, dit l’auteur du libelle, est accepté  le livre  Robinson Crusoe, les fables de La Fontaine étant jugées trop difficiles à interpréter. Puis vient l’éloge des philosophes dont Voltaire est (ou plus exactement se dit) l’ami et avec lesquels J. J. Rousseau est en désaccord : Helvetius, d’Alembert, Diderot. Quant à la religion, on l’a vu, mis à part le délai avec lequel  J. J. Rousseau parle de Dieu à Emile, l’auteur du libelle se borne à dénoncer l’apparente contradiction d’un choix libre qui doit cependant respecter la religion de ses pères. Voltaire, sur le plan religieux, n’était pas en désaccord avec J. J. Rousseau et tiendra toujours le Vicaire en grande estime : « Sans doute il faut se réjouir que Jean Jacques ait osé dire ce que tous les honnêtes gens pensent et ce qu’ils devraient dire tous les jours » avoue Voltaire à d’Alembert le 12 juillet 1762 (D 10581). 

 

            Outre ces idées générales, nous retrouvons dans ce libelle des expressions que Voltaire aime à utiliser, comme ce «  faux germe » déjà cité:  «Vous vous rappellez sans doute aussi que Julie accoucha d’un faux germe » et cette marche « à quatre pattes », volontiers associée à cette herbe qu’il tient pour la nourriture favorite de J. J. Rousseau : « Viens donc avec moi te rouler sur l’herbe et marcher à quatre pattes ». Nous retrouvons aussi le nez cassé, évoqué dans la quatrième lettre de l’Aloisia : « J’en fus quitte pour me casser le nez ». Nous retrouvons également l’entorse dont il avait affublé Bomson dans le même libelle et dont il affuble maintenant le pauvre Jean Louis: « Je me démis l’épaule gauche ».[53] Nous retrouvons surtout l’indispensable Diogène, sans lequel Voltaire ne pourrait  penser J. J. Rousseau. Le voici accroché en effigie dans le bureau de J. J. Rousseau : « vis à vis de l’endroit où ces mots étaient gravé, l’on voyait le portrait de mon père : à sa droite était Diogène dans son tonneau ». Nous retrouvons donc ici les traits habituels de la critique voltairienne à l’égard de J. J. Rousseau, traits qui, d’ailleurs, ne lui sont pas propres, mais qui sont dans toutes les bouches anti-rousseauistes de l’époque[54]. Il semble cependant que Voltaire ait été un des premiers à les lancer, suscitant ainsi une mode très largement suivie.

 

Certes le libelle : Jean Louis, fils naturel…  pourrait être un pastiche de Voltaire écrit par un de ses propres imitateurs. Peut-on penser qu’il  pourrait être, par exemple, de la plume de ce Pierre Firmin de la Croix, cet auteur auquel on attribue la paternité de la Lettre de J. J. Rousseau qui contient sa renonciation…ainsi que de la Lettre de J. J. Rousseau à Monsieur de Montillet archevêque d’Auch ?[55] Ou bien peut-on imaginer que, sans être de la plume de Voltaire, le libelle ait été  conçu sur sa demande ? Car il arrivait  à Voltaire de faire écrire ses amis à sa place. C’est ainsi qu’il va pousser Madame d’Epinay à rédiger un libelle visant le jésuite Bertier, directeur du Journal de Trévoux : «Mettez vite le vénérable Cramer en besogne (…) Petit caractère et net afin de tenir peu de place (…) pourvu qu’il n’y ait  point de nom d’auteur tout va bien, tout est bon » lui écrit-il en septembre ou octobre 1759 (D 8511), poursuivant le vingt-six novembre 1759 lorsqu’il reçoit le texte de Madame d’Epinay : « Il m’a paru pourtant qu’il y a un peu de gros sel dans la première partie ; mais tout est bon pour les Jésuites et on peut leur jeter tout à la tête jusqu’à des oranges du Portugal » (D 8616). Mais s’il est concevable qu’il fasse écrire par d’autres un libelle contre les Jésuites l’est-il autant lorsqu’il s’agit d’un libelle dirigé contre son ennemi préféré ? Va-t-il se priver du plaisir de décocher lui-même la flèche empoisonnée qu’il réserve à son ennemi préféré ?  Affirmer que Voltaire est l’auteur de ces textes ne sera sans doute jamais possible. Mais il est possible de nous demander dès maintenant si Vincent, de Rouen, est  vraiment l’auteur de ce libelle où  la plume de Voltaire est si bien imitée.

 

 

 

 

 

 

 

 

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[1] Les cinq premières notes font partie du texte retranscrit et sont marquées d’un astérisque comme elles le sont dans le texte original

 

[2] *Quoique ce nom ait été prodigué de nos jours a des hommes qui ne le meritoient pas, la philosophie n’en est pas moins respectable. Ce n’est point à elle qu’il faut attribuer les abus qui se sont introduits dans nos moeurs. Elle a toujours enseigne (sic) a reverer les dieux & les loix. Jamais un homme sensé, n’accordera le non (sic) de philosophe à Aristote, au cinique Diogene a l’infame Crates, enfin à tous ces beaux esprits, qui croyant prendre la nature pour guide, s’en écartent sans cesse ; mais Socrate buvant la cigna (sic), Platon instruisant les rois, Epicure pratiquant la vertu, Décarte (sic) continuant d’éclairer le monde au milieu des persécutions, corneille content de sa propre grandeur, méprisant l’envie & dedaignant la faveur des grands, enfin Newton après avoir donné une nouvelle forme à l’univers, toujours simples dans ses moeurs, toujours aimant les hommes, toujours aimant son Dieu, voila les vrais sages, voila ceux qu’il faut appeller philosophe.

[3] *Ce n’est point la de l’amour c’est une maladie qu’il faut guerir avec de l’elle bore (sic)

[4] * Nom de la femme de Jean Louis

[5] * Il faut faire attention que (sic) c’est le fils de Rousseau qui raisonne

[6] Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, cote 935494

[7] Voltaire utilisera pendant longtemps ce pseudonyme de J. B. Carré, avocat à Montauban. Il se disait traducteur de cette pièce qu’il imputait à Hume, cousin ou frère de David Hume. Cette pièce fut représentée pour la première fois au Français le 26-7-60 et au moins jusqu’en 1785 on la publia sous le titre suivant : Le Café ou l’Ecossaise, comédie en 5 actes et en prose, par M. Hume, traduite en français par Jérome Carré.

[8] C’est dans cette Lettre de Monsieur de Voltaire à M. Hume que Voltaire affirmait solennellement ne pas être l’auteur de la Lettre au Docteur Pansophe :  « Je vous jure que si j’avais fait quelque mauvaise plaisanterie sur M. J. J. Rousseau je ne la désavouerais pas ». Et c’est dans le deuxième texte qu’est insérée une Déclaration de l’éditeur où il est dit ceci : « Les remarques sont d’un magistrat. La Lettre au Docteur Pansophe n’est point de Monsieur de Voltaire. Voici son désaveu : « Je n’ai jamais écrit la Lettre au Docteur Pansophe. Je m’en ferais honneur si elle était de moi. J’ai du écrire celle que j’ai adressée à M. Hume comme M. Whalpole et M. d’Alembert ont du écrire de leur côté. Je méprise comme eux Rousseau ( ...) Fait au Chateau de Ferney en Bourgogne le 1er décembre 1766 ». Voltaire va désavouer cette Lettre au Docteur Pansophe pas moins de douze fois pendant l’année 1766 (le 7 juillet, le 28 octobre, les 3, 20, 21, 21, 26, 29 novembre, les 15, 17, 20, 29 décembre). C’est de cette Lettre au Docteur Pansophe qu’il avait dit également le 21 novembre 1766 à Madame du Deffand : « La Lettre au Dr Pansophe, madame, est de l’abbé Coyer, j’en suis très certain (...) Je connais d’ailleurs son style ; en un mot je suis sur de mon fait ». J. J. Rousseau s’inspira-t-il de cette lettre pour imputer à Vernes le Sentiment des citoyens se disant certain de reconnaître son style pastoral ?

[9] Voir le Catalogue général des livres imprimés de la bibliothèque nationale, Paris, 1978 : Apocryphes et ouvrages dont l’attribution à Voltaire est contestée, vol 2, 5419-5618. Nous avons retrouvé par deux fois ce codicille datant de la même année 1762 : une fois à la BHVP sous la cote 935 494 et une autre fois à la BNF (8° Ln 27, 20757), codicille parfois accompagné du Testament politique de M. de V***, à Genève 1771 (cote 935505 à la BHVP) lui-même considéré comme apocryphe et attribué à l’avocat Jean Henri Marchand.

[10] Cote 57276

[11] Georges May dans son livre : Jean Jacques Rousseau - Madame de la Tour, Correspondance, Actes Sud, 1998, 349 pages, en donne quelques extraits provenant de la Collection complète des œuvres de J. J. Rousseau de Genève, 1782.

[12] Cette lettre contient en effet tous les fantasmes de Voltaire à l’égard de J. J. Rousseau lorsqu’il imagine l’homme à l’état sauvage. J. J. Rousseau, censé faire ses adieux au monde, se retire aux fonds des bois avec ses amis les animaux. La lettre est signée : « J. J. Rousseau jusqu’à ce jour homme civilisé et citoyen de Genève mais à présent ORANG-OUTANG, donné la ....année de mon âge à l’entrée de la Forêt Noire qui est au pied du Mont Jura près des Alpes ».

[13] Pierre Conlon signale un troisième exemplaire à Leiden qui serait incomplet et n’aurait que seize pages. Nous ne l’avons pas consulté. Conlon Pierre M. : Le siècle des lumières, bibliographie chronologique, Tome XIII, 1761-1763, Droz, Genève, 1994

[14] Cette piste de recherche nous a été obligeamment communiquée par le Pr Sylvain Menant

[15] Quérard, Joseph Marie : La France littéraire, Paris, 1964, en 12 volumes, volume 8, 216

[16] K.G. Saur : Index biographique français, 2ème édition, 1998, volume Ri-Z,

[17] Barbier A. A. 1765-1825 : Dictionnaire des ouvrages anonymes en 4 volumes, reprints Zurich, New York, 1986

[18] Cotes 8 BP 205 et 8 PB 210 de la Réserve de la BNF

[19] Paul Ulrich Dubuisson (1746-1794) suivit son père dans les colonies et écrivit un Abrégé de la révolution de l’Amérique anglaise en 1778, des Lettres à ML***en 1780 et de Nouvelles considérations sur St Domingue en 1780. Sa vie est bien connue des biographes et son identité ne fait l’objet d’aucun doute.

[20] K. S. Saur : idem

[21] Nous avons vérifié qu’il ne figurait pas dans les très nombreux pseudonymes utilisés par Voltaire : Index des pseudonymes, Œuvres complètes de Voltaire, Catalogue de la Bibliothèque nationale de France : volume 1, p 162-166

[22] Il existait un libraire nommé Vincent à Paris rue St Séverin où parut, notamment, en 1762 l’Egypte ancienne, livre qui connut un très grand succès. Ce Vincent de Rouen ne doit pas être confondu avec Jacques Vincent Delacroix, avocat, qui fit l’éloge funèbre de J. J. Rousseau en 1778. Rousseauiste convaincu cet avocat brillant défendit jusqu’à sa mort des causes humanitaires et n’hésita pas, dans son éloge, à vanter la courageuse patience de J. J. Rousseau face aux libelles que lui adressait Voltaire : « Les ennemis de Rousseau se servirent du ridicule (excitant) à la vengeance un vieillard irascible (Voltaire) ; on sait combien elle a été cruelle ; on se rapelle aussi avec quelle patience et quelle noble modération le sage Rousseau se vit en lutte aux traits multipliés du poète ». Une autre erreur possible est de confondre ce Vincent, de Rouen, avec Vincent de Rouen, religieux du tiers ordre de St François de Rouen, vivant, lui, au dix-septième siècle et auteur, notamment, du Discours funèbre sur la mort de l’éminentissime cardinal Louys de la Valete, publié en 1643.

[23] Oursel  N. N. : Nouvelle biographie normande, 2ème supplément, Paris, 1912

[24] Le Moyne Nicolas Toussaint dit Des Essarts : Les siècles littéraires de la France, ou Nouveau Dictionnaire historique, critique et bibliographique de tous les écrivains français, morts et vivants jusqu’à la fin du XVIII ème siècle, Paris, 1800-1803

[25] Edouard Benjamin Frère : Manuel du bibliographe normand, tome 2, G-Z, Rouen, 1860, New York

[26] Trousson, Raymond : Jean Jacques Rousseau jugé par ses contemporains, Paris, 2000, 621 pages

[27] Le Journal encyclopédique ou universel de 1777 fait un compte rendu de ces lettres et sans dire quel en est l’auteur doute, évidemment, qu’elles soient vraiment de cette Miss Auréli qui n’est qu’un prête nom : « En supposant que les Lettres écossaises aient réellement été traduites de l’anglais et qu’elles soient de Miss Auréli » : p 102.

[28] Le nom de Vincent n’est pas mentionné dans la liste des 570 avocats exerçant au Parlement de Paris dans l’année 1770 : Tableau des avocats au parlement de Paris pour l’année 1770, par David A. Bell, Johns Hopkins University, site internet http://jhunix.hcf.jhu.edu/-dabell/tableau.html

[29] Voir, à ce propos, l’énumération qu’en fait Raymond Trousson dans son livre :  J. J. Rousseau jugé par ses contemporains, p 114 -118

[30] Œuvres complètes de Voltaire, Garnier, Paris, 1889 en 52 volumes

[31] Voir, à ce sujet, le livre de Sylvain Menant : L’esthétique de Voltaire, 1995, Paris, 169 pages

[32] Plaidoyer pour Genest Ramponneau par M. V*** à Genève, les frères Cramer, 1760, in 8°, 14 pages. Voir aussi Mélanges, Bibliothèque de la Pléiade, vol 152, pages 379, 380.

[33] Cette phrase fait allusion à la comédie de Palissot : Les philosophes qui tournait gravement en dérision certains philosophes dont J. J. Rousseau, représenté à quatre pattes chevauché par Crispin. J. J. Rousseau nous entretient longuement de cette affaire et des suites quelle eut dans le livre dixième des Confessions (OCI, 538-542), dans la mesure où il prit la défense de l’abbé Morellet et le fit sortir de la Bastille où il était enfermé pour avoir rédigé, à la demande de Diderot, un contre libelle qu’il avait intitulé la Vision. Voltaire, loin de se désintéresser de l’affaire, est comme toujours aux aguets des nouvelles qu’il peut recueillir. Il écrit le 19 mai 1760 à Madame d’Epinay (D 8918) : « La comédie contre les philosophes a donc réussi ». Il était donc au courant de sa préparation et peut-être de sa rédaction. Le 20 mai il écrit à Thibauville : « La guerre des auteurs est celle des rats et des grenouilles ; cela ne fait de mal à personne. Jansénistes, molinistes, convulsionnaires. Jean Jacques voulant qu’on mange du gland, Palissot monté sur Jean Jacques allant à quatre pattes » (D 8922). S’il reproche à Palissot, qui lui a envoyé sa pièce, de flétrir injustement Diderot et quelques autres, il l’applaudit, par contre, de s’être moqué de J. J. Rousseau et commence sa lettre ainsi : « Je commence par vous dire que je tiens votre pièce pour bien écrite ; je conçois même que Crispin philosophe, marchant à quatre pattes, a du faire beaucoup rire et je crois que mon ami Jean Jacques en rira tout le premier. Cela est gai, cela n’est point méchant ; et d’ailleurs le citoyen de Genève, étant coupable de lèse-comédie, il est tout naturel que la comédie le lui rende » (lettre du 4 juin 1760, D 8958).

[34] Jean Sareil : Voltaire polémiste ou l’art de la mauvaise foi, 18 ème siècle, No 15, 1983, 343-356

[35] Nous tenons l’aveu de Voltaire lui-même dans une lettre qu’il écrivit le 18 février 1761 à son ami d’Argental (D 9634)

[36] Il ne va pas manquer de diffuser ces lettres assassines, notamment au Dr Tronchin qui s’en régale, feignant toutefois de lui avoir envoyées par erreur : «A propos de Jean Jacques j’ai bien grondé le petit Jean Louis Wagnière d’avoir eu l’impertinence de vous adresser un paquet de Lettres sur le roman de Rousseau » No 537 du 22 avril 1761 des Lettres de Voltaire aux Tronchin, Droz, Genève, 1950

[37] Mélanges, Pléiade, pages 396-397

[38] Mélanges, Pléiade, page 411-414

[39] Voir Tanguy l’Aminot : Julie Libertine, La Nouvelle Héloïse aujourd’hui, Etudes J. J. Rousseau, 1991, 258 pages, pp 99-126.

[40] Sylvain Menant : Littérature par alphabet, Le dictionnaire philosophique portatif de Voltaire, Paris, 1994, 172 pages

[41] «Quelle horreur ! Quelle abomination ! Mon cher frère, il y a donc en effet des diables ! Vraiment je ne le croyais pas. Comment peut-on imaginer une telle absurdité ? » dira, en effet, Voltaire à son ami Damilaville à propos du Sentiment des citoyens le 18 janvier 1765.

[42] Catalogue de la BNF, pseudonymes de Voltaire

[43] Mat-Hasquin Michèle : L’image de Voltaire dans les Mémoires secrets de Bachaumont, Studies on Voltaire and the eighteenth century, vol 182, p 319-330, The Voltaire Foudation, Oxford, 1979

[44] Mélanges, Pléiade : pages 503-524

[45] Lettres inédites aux Tronchin, en 3 volumes, Genève, Lille, 1950, 799 pages

[46] Notamment dans la lettre citée précédemment où il parle à Jacob Vernet de son « fade et plat roman » (CC, 1176)

[47] Voir à ce sujet :R. Trousson, J. J. Rousseau jugé par ses contemporains, pages 285-299

[48] Référence probable à l’Allée de Silvie

[49] Cette phrase un peu étrange : « aussi sûr que de mon existence » que le Dr Tronchin répète trois fois sera reprise par J. J. Rousseau lorsqu’il affirmera que Vernes est l’auteur du Sentiment des citoyens : « Je reste intérieurement persuadé, convaincu, comme de ma propre existence, qu’il est l’auteur du libelle » déclarait-il à dans les Confessions (OCI, 634). Qu’est ce à dire ? Que les enfants ne sont pas plus de lui que Vernes n’est l’auteur du libelle ? Il y a dans cette affaire Vernes un mystère que, seule, une connaissance plus approfondie des sentiments de J. J. Rousseau à l’égard de Voltaire permettrait de lever.

[50] Thérèse, en effet, n’est pas directement partie avec lui en Suisse, ayant à s’occuper de ses bagages et de ses papiers, mais elle le rejoindra vite à Motiers

[51] Lettres No 644, 649, 671, 675: Lettres de Voltaire aux Tronchin, Droz, Genève, 1950

54 Extrait de l’Ingénu, cité par Jacques Bréhart et Raphael Roche : L’envers du roi Voltaire ou quatre vingts  ans de la vie d’un mourant, Paris, 1989, 244 pages

55 C’est Jolivet qui dans le Journal de Trévoux se gaussait aussi de cette initiation à la marche proposée par J. J. Rousseau. Il y voyait une pratique dangereuse où le nourrisson pouvait « se casser un bras ou la tête » et ajoutait, non sans humour : «C’est fort bien dit mais tout le monde n’a pas un pré à sa disposition » : Le Journal de Trévoux, A 149, 62-136-2617-2656, reprints Genève, 1968 en 67 volumes

56 Raymond Trousson : J. J. Rousseau jugé par ses contemporains

57 Voltaire se serait-il caché sous ce nom pour écrire cette dernière lettre dont J. J. Rousseau n’hésite pas à dire qu’elle est de Voltaire ? Voltaire ulcéré par l’Instruction pastorale de J. F. de Montillet, dans laquelle il était traité de « vagabond » et de « mercenaire » réagit en effet violemment, à la fois dans la lettre qu’il écrivit le 29 mai 1764 à l’archevêque d’Auch, se faisant passer pour le fils adoptif de Voltaire (CC, 11898) et dans la vingt troisième Honnêteté littéraire, où il feint de croire que l’Instruction n’est pas de l’évêque afin de pouvoir l’insulter à sa guise, procédé qu’il reprend dans la Lettre pastorale qu’il lui écrit aussi en 1766, Lettre pastorale où il dit ceci : « Si c’est un jésuite qui est l’auteur de votre brochure, comme on le croit, vous êtes bien à plaindre de l’avoir signée ; si c’est vous qui l’avez faite, ce qu’on ne croit pas, vous êtes plus à plaindre encore » : Garnier, vol 25, p 469. Voir aussi à propos de cette Lettre : Eigeldinger S. F. : Un apocryphe inquiétant : la Lettre de Rousseau à l’archevêque d’Auch, Bulletin de l’Association Jean Jacques Rousseau, 51, 1998, pp 1-20

 

 

Ouvrages consultés :

 

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Delacroix Jacques Vincent : Eloge de J. J. Rousseau par MDLC avocat à Amsterdam, Paris, 1778, 42 pages

 

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 L’Aminot Tanguy et Kisaki Kiyoji : Bibliographie mondiale des écrits relatifs à Jean Jacques Rousseau, volume premier, Emile ou de l’éducation, Montmorency, Musée Jean Jacques Rousseau, 1989

 

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