ABREGE  HISTORIQUE DE  L’ETABLISSEMENT DE  L’HOPITAL

DES ENFANS-TROUVES A PARIS (Archives de l’Assistance publique de Paris, cote b 829 16)

écrit par Arrault et publié par le Mercure de France en 1746, précédé d’une introduction de Françoise Bocquentin

 

 

Cet Abrégé historique, rédigé en 1746 par Arrault, alors Directeur des Enfants-Trouvés, est important dans la mesure où il relate la création contemporaine d’un lieu d’accueil qui va devenir une  véritable institution d’Etat. Comme le dit fort bien Arrault, depuis la fondation des Enfants-Trouvés par Vincent de Paul en 1638, les enfants abandonnés étaient recueillis dans diverses maisons éparpillées dans Paris sans unité de lieu ni de soins et la mortalité y était fort élevée. Le 14 avril 1706 l’archevêque de Paris constate, en effet, l’état désastreux de la couche Notre-Dame (autre nom par lequel on désigne les Enfants-Trouvés) : « 14 poupards ont été apportés dans la nuit. La chambre des nourrice qui contient 4 lits en reçoit 30 ou 40. (Bordier et Briele, Les Archives hospitalières de Paris, Paris, 1877, p 138). C’est la prise de conscience de ce manque d’air et d’espace (alléguée en premier lieu par les médecins et les chirurgiens pour lesquels l’hygiène comptait beaucoup) qui fit, en 1746, regrouper les maisons d’accueil autour de la rue Neuve-Notre-Dame où, désormais, on admettait les enfants abandonnés, à moins que leur état de santé ne nécessite de les porter à Bicêtre, Hôpital général où l’on recevait les enfants considérés comme « gâtés », ou à l’Hôtel-Dieu, cette dernière pratique étant rapidement abandonnée en raison de la mortalité effrayante qui s’ensuivait. Désormais l’institution des Enfants-Rouges (située rue des Archives, rue du Temple) et celle des Enfants-Bleus (située rue St Denis, rue Greneta) et, plus particulièrement la maison du faubourg St Antoine, se borneront à recevoir les enfants vers l’âge de 5 ou 6 ans, à leur retour de la campagne où ils ont été mis en nourrice. On peut donc parler en effet, dès 1746, de l’avènement d’un établissement moderne qui possède espace et lumière et où viennent régulièrement des médecins et des chirurgiens inspecter les enfants qui ne sont pas partis en nourrice. Des règles s’instaurent, des règlements sont promulgués : face à l’anarchie des décennies passées se met en place une institution codifiée qui, pour l’époque, est un modèle en son genre. « J’ai changé de leur entretien l’établissement fait pour cela (…). Il y a des règles établies, informez-vous de ce qu’elles sont et vous saurez que les enfans ne sortent des mains de la sage-femme que pour passer dans celles d’une nourrice » dit J. J. Rousseau dans la lettre qu’il adresse à Madame de Francueil en 1751 (CC,157). En fait la réalité est toute autre, car, s’il existe bien une institution adaptée pour les recevoir, ces enfants passent, en réalité, des bras tièdes et doux de la sage-femme au pavé froid et dur rues parisiennes. Extrêmement rares sont, en effet, à cette époque, les enfants déposés d’emblée dans le bureau du commissaire pour y obtenir le procès-verbal qui les autorisera à franchir la porte des Enfants-Trouvés. La très grande majorité est, en effet, exposée (c’est à dire laissée dans une rue, devant une porte, voire, au mieux, dans une église) et ce n’est que plusieurs décennies après que l’enfant passera effectivement des bras de la sage-femme aux bras de la nourrice. Malgré cette incontestable modernisation de l’institution d’accueil, le mortalité va rester extrêmement lourde puisque seulement 10 o/o des enfants vont atteindre l’âge de 5 ans ; ils étaient alors élevés, en majorité, à la maison St Antoine où ils quêtaient aux messes, accompagnaient les convois mortuaires et ….tricotaient, ne recevant que rarement une éducation professionnelle qui les sauvait du vol ou de la mendicité. Ce n’est qu’en 1761 que plusieurs amendements virent le jour, humanisant quelque peu la vie terrible de ces enfants : une autre période arrivait pour les Enfants-Trouvés ; plus tard, au début du dix-neuvième siècle, l’innovation du tour, rendant l’abandon totalement anonyme et dépourvu de toute formalité, fera disparaître les expositions au profit, quasi exclusif, des dépôts, améliorant ainsi les chances de survie de l’enfant. Comme le souligne fort bien Arrault, les Enfants-Trouvés évitèrent de nombreux infanticides, très courants  aux époques antérieures. Le nouveau-né qui ne comptait guère (si ce n’est pour lui administrer un baptême ante-mortem) devint soudain, grâce à l’institution des Enfants-Trouvés, un enfant dont on devait éviter la mort, un enfant de l’Etat, un citoyen. Désormais, dès sa naissance, il avait une valeur qu’il importait de conserver et des droits qu’il convenait de respecter.           

 

 

ABREGE  HISTORIQUE

DE  L’ETABLISSEMENT

DE  L’HOPITAL

DES

ENFANS-TROUVES

A PARIS

CHEZ THIBOUST, IMPRIMEUR DU ROY

Place de Cambray

M. DCCXLVI

 

 

Dans tous les tems les Enfans exposés ont paru mériter l’attention de Messieurs les Magistrats ; le Parlement a rendu différens Arrêts pour pouvoir à la Subsistance des Enfans abandonnés ; leur nourriture & leur éducation étoient dans la Ville de Paris, comme dans tout le Royaume, une des charges de la haute Justice des Seigneurs. Le Parlement, toujours attentif à l’ordre public, a bien des fois étendu sa vigilance à la subsistance des Enfans exposés, & cette Auguste Compagnie a fait plusieurs Règlemens à ce sujet : mais nonobstant toutes ces sages précautions, il manquoit un lieu de retraite pour les Enfans exposés, & cet établissement d’un lieu pour les recevoir n’est pas fort ancien : il est dû aux soins charitables de Saint Vincent de Paul Instituteur de la Congrégation de Saint Lazare. Il fut touché en Homme Chrétien & en bon Citoyen, de l’abandon des Enfans exposés dont l’âme étoit en grand danger par le défaut du Baptême, & la vie naturelle par l’abandon des pères & mères, ou inhumains, ou dans l’impuissance de les nourrir, & de les élever. La perte de ces jeunes Sujets, pour la Religion et pour l’Etat, toucha le cœur de Saint Vincent, si disposé aux œuvres de la Charité.

                L’époque de ce germe de l’Hôpital des Entans-Trouvés est de l’année 1638 : une Dame veuve & charitable fut touchée de leur état ; elle voulut bien se charger de les recevoir, & Messieurs les Commissaires du Châtelet, après avoir fait leur Procès-Verbal de l’Enfant exposé, l’envoyoient chez cette veuve ; elle demeuroit près Saint Landry, & sa Maison fut nommée la Maison de la Couche, comme on nomme aujourd’hui la Maison des Enfans-Trouvés près de l’Eglise Notre-Dame.

                Ce premier établissement des Enfans-Trouvés ne dura pas long-tems. La charge devint trop forte pour la personne qui avoit bien voulu la prendre ; ses servantes ennuyées & fatiguées par les cris des Enfans, en firent un commerce scandaleux, dont la Religion & l’humanité furent également effrayées.

                Ces âmes viles & mercenaires vendoient ces jeunes Enfans à des Mendiantes qui s’en servoient pour exciter les charités du Public en le trompant.

                Des Nourrices, dont les Enfans étaient morts, achetoient de ceux-là pour se faire téter ; plusieurs d’entre elles leur donnoient un lait corrompu ; & au lieu de procurer la vie à ces jeunes Enfans, elles leur donnoient la mort par la maladie qu’elles leur communiquoient. On achetoit de ces Enfans pour en remplacer & pour en supposer (sic) dans les familles, & de-là on s’en servoit pour causer un grand trouble dans la société.

                On en achetoit aussi pour servir à des opérations magiques ; le prix de ces Enfans était fixé à vingt sols, & les personnes capables d’un si horrible commerce n’étoient pas fort attentives à faire donner le Baptême à ces Enfans nouveaux-nés ; ils étoient à la fois sacrifiés par rapport à la nature & par rapport à la Religion.

                Ces abus & ces désordres furent bien-tôt connus ; on cessa d’envoyer les Enfans dans un Hospice si dangereux pour eux.

                Dans la même année 1638, l’Hospice des ces Enfans fut changé, & il fut transporté près Saint Victor, sous la conduite d’une personne de piété. Les fonds destinés à la subsistance des ces Enfans, n’étoient pas suffisants, le nombre en étoit trop grand ; on tira au sort ceux qui seroient élevés, les autres étoient abandonnés ; si le sort prévenoit l’inconvénient de la prédilection, il remplissoit d’une manière bien imparfaite les devoirs de l’humanité ; il falloit un arrangement plus digne de la grandeur du ROY & du zèle de ses Sujets.

                En 1640, Saint Vincent de Paul convoqua une Assemblée des Dames de piété qui avoient bien voulu prendre le soin des Enfans-Trouvés. Le choix du sort des Enfans à élever fut aboli : la vie fut conservée à tous : le ROY entra dans ces vues charitables, & SA MAJESTE eut la bonté d’accorder le Château de Bicêtre pour retirer les Enfans abandonnés.

                Tous les grands établissements éprouvent des difficultés de différente nature ; la vivacité de l’air de Bicêtre s’opposa à la conservation des Enfans, on les ramena dans le Faux-bourg Saint Lazare, ils y furent nourris & élevés jusqu’en 1670, alors on les transfera dans la rue Neuve Notre-Dame.

                Ces premiers tems de l’établissement des Enfans-Trouvés doivent être regardés comme des tentatives pour parvenir à un établissement solide : jusques là il avait été errant en différens endroits.

                En 1670, il fut fixé où il subsiste encore aujourd’hui.

Aussi-tôt que ce nouvel établissement fut formé, on acheta une Maison destinée à recevoir les Enfans exposés.

                Le ROY mit ce nouvel Hôpital sous sa singulière protection, SA MAJESTE lui fit part de ses Aumônes, Elle lui accorda des Lettres-Patentes, & la Reine Marie-Thérèse d’Autriche, voulut bien poser la première Pierre de la Chapelle des Enfans-Trouvés.

                C’est à compter de ce tems-là qu’on peut voir l’utilité de cet Hôpital ; plus le nombre des Enfans exposés a augmenté, plus leur azile est devenu utile : on voit cette augmentation d’année en année par les Registres qui sont au dépôt des Enfans-Trouvés depuis 1670 jusqu’à présent : il suffit pour en donner l’idée d’en présenter le tableau de dix ans en dix ans pendant cet interval.

 

Années.                                                                         Nombre des Enfans Exposés                                                                                                       

 

1670…………………………………………………………………………………………312.

1680…………………………………………………………………………………………890.

1690………………………………………………………………………………………..1504.

1700………………………………………………………………………………………..1738.

1710………………………………………………………………………………………..1698.
1720………………………………………………………………………………………..1441.
1730………………………………………………………………………………………..2401.
1740………………………………………………………………………………………..3150.

_______                                                                                                                          _______

 

1741……………………………………………………………………………………..…3388.
1742………………………………………………………………………………………..3163.
1743………………………………………………………………………………………..3099.
1744………………………………………………………………………………………..3034.
1745………………………………………………………………………………………..3234.
1746………………………………………………………………………………………..3274.
1747………………………………………………………………………………………..3369.

 

Par l’Edit de 1670, portant Etablissement de l’Hôpital des Enfans-Trouvés, il a été arrêté un Etat des sommes qui lui seroient annuellement payées par les Seigneurs Hauts-Justiciers de la Ville de Paris, pour la nourriture des Enfans exposés, comme une charge de leurs Hautes-Justices, & on y a suivi les dispositions de l’Arrêt du Parlement de 1667 & de celui du Conseil de 1668.

En 1675, le ROY par ses Lettres-Patentes, ayant réuni au Châtelet de Paris toutes les Justices des Seigneurs, eut la bonté d’ordonner qu’il seroit pris tous les ans sur son Domaine une somme de vingt mille livres pour aider (à la décharge des Seigneurs) à la subsistance des Enfans-Trouvés. Le nombre des Habitans de la Ville de Paris s’étant multiplié, celui des Enfans-Trouvés a augmenté, & c’est une première cause de l’augmentation dont on vient de donner une idée, en rapportant de dix ans en dix ans le nombre des Enfans exposés, les Seigneurs Hauts-Justiciers n’étant plus obligés de s’en charger au moyen des sommes qu’ils payaient à l’Hôpital des Enfants-Trouvés ou de celle que le Roy payoit pour eux depuis la réunion de leurs Hautes-Justices.

La Justice a pendant long-tems regardé l’exposition des Enfans comme un crime, mais la rigueur de la Justice est toujours tempérée par la sagesse & par la prudence, & Messieurs les Magistrats ont bientôt reconnu que leur sévérité à cet égard étoit sujette à de grands inconvénients, & c’est une seconde cause de l’augmentation du nombre des Enfans-Trouvés.

Parmi ces malheureux Enfans, les uns victimes du faux honneur de leur père & de leur mère, étoient souvent sacrifiés à une honte juste à la vérité dans son origine, mais bien condamnable dans son effet ; à peine ces Enfans avoient-ils reçu la vie, qu’on leur donnoit la mort, ou parce que les pères & et les mères craignoient ces témoins innocens de leur mauvaise conduite, ou parce que l’état de leur fortune ne leur permettoit pas de les nourrir : les autres nés d’un mariage légitime, (& ceux là même n’étoient pas exempts de ces inconvénients : ) les cris de la nature ne pouvoient l’emporter sur la misère & sur l’indigence, quelquefois aussi sur une prédilection blamable, dont les effets funestes retomboient sur des Enfans, qui en naissant, n’ont pas encore eu ni l’avantage de plaire, ni le malheur d’avoir déplû. 

Cette condescendance de Messieurs les Magistrats pour fermer, en quelque façon, les yeux au genre de crime de l’exposition des Enfans, en a augmenté le nombre dans l’Hôpital des Enfans-Trouvés : les pères & les mères  n’ont plus eu de prétexte pour s’en défaire d’une manière inhumaine & cruelle. La nature a repris ses droits dans leur cœur, & ils ont porté toute leur attention à leur conserver la vie qu’ils leur avoient donné.

Les sentiments naturels, la Religion, l’Etat & la Société, tout s’est trouvé d’accord pour concourir à la conservation des Enfans. La nature répugne toujours à sa destruction, la Religion s’y oppose par des vues supérieures & par des motifs plus élevés, l’Etat ne peut avoir un trop grand nombre de Sujets, ils sont sa force et sa gloire, & la société demande, pour son intérêt propre, la conservation des Citoyens : c’est aussi l’objet principal de l’établissement des Enfans-Trouvés, & c’est à le remplir, que ceux qui sont chargés d’en prendre soin, portent leur singulière attention.

C’est pour parvenir à un objet si important, que dans les différens tems, à mesure que le nombre des Enfans-Trouvés a augmenté, il a fallu chercher des moyens pour augmenter le logement qui leur est destiné, en attendant l’arrivée des Nourrices de la Campagne qui se chargent de les nourrir& de les élever jusqu’à l’âge de cinq ans.

Ces Nourrices viennent des Provinces de Normandie & de Picardie, mais elles sont arrêtées par le tems & par les saisons. En Hyver la gelée & la pluye, en Eté la récolte, toutes ces causes retardent leur arrivée, & de jour à autre le nombre des Enfans augmente.

Il y a dans l’Hôpital des Enfans-Trouvésdes des Nourrices à gages pour alaiter les Enfans & pour suppléer au défaut de celles de la Campagne. Plus le nombre des Enfans est grand, plus il faut de Nourrices à gages & de celles de la Campagne ; mais plus il faut de place & pour les Enfans & pour les Nourrices, plus il faut de magazins pour les hardes des Enfans, plus il faut de personnes pour les servir, & plus il faut aussi de place pour les provisions.

Ces motifs déterminèrent Messieurs les Administrateurs de l’Hôtel-Dieu, qui connaissoient mieux que d’autres les devoirs de l’humanité & ceux de la société, à donner à loyer à l’Hôpital des Enfans-Trouvés trois petites maisons appartenantes à l’Hôtel-Dieu

Ces Maisons sont devenues insuffisantes par le nombre des Enfans-Trouvés qui, depuis 1739, passe trois mille par an.

On a vû avec une extrême douleur ces Enfans périr en très-grand nombre : en 1739 ils furent attaqués d’une maladie qu’ils se communiquoient & dont plusieurs mouroient après avoir languis pendant quelques jours.

Les Administrateurs de l’Hôpital des Enfans-Trouvés ont cherché tous les moyens de remédier à un aussi grand mal.

Ils firent de concert avec Messieurs leurs Chefs, Monsieur le Premier Président et Monsieur le Procureur Général une Délibération pour augmenter le salaire des Nourrices de la Campagne, afin de les engager par l’intérêt à venir prendre des Enfans-Trouvés.

Ils invitèrent plusieurs de Messieurs les Médecins & de Messieurs les Chirurgiens les plus versés dans la connoissance de l’état des Enfans, à venir visiter les Enfans-Trouvés, & à examiner la cause de leur maladie.                           

Ces Messieurs firent cet examen avec toute la charité & toute l’attention possible. Tous furent d’avis que la cause de la maladie des Enfans-Trouvés venoit du défaut d’air, & du défaut de place pour les loger, pendant leur séjour dans l’Hôpital.

Les Administrateurs de l’Hôpital des Enfans-Trouvés, munis de ces suffrages respectables, ont cherché tous les moyens de procurer aux Enfans-Trouvés de l’air & du logement.

L’Hôpital des Enfans-Trouvés est entouré de toutes parts de Maisons appartenantes à l’Hôtel-Dieu, & il en tenoit déjà plusieurs à Loyer : les Administrateurs de l’Hôpital des Enfans-Trouvés n’ont pû s’adresser qu’à Messieurs les Administrateurs de l’Hôtel-Dieu ; ils ont d’abord représenté que n’étant que simples Locataires des Maisons de l’Hôtel-Dieu, il ne leur étoit pas permis d’en changer la disposition, & que si l’Hôtel-Dieu vouloit bien vendre ces Maisons, on pourroit, par la distribution qui en seroit faite, procurer plus de logement.

Ils ont aussi représenté tous les motifs qui exigeoient plus d’air & plus de logement pour la conservation des Enfans-Trouvés, & ils ont demandé à Messieurs les Administrateurs de l’Hôtel-Dieu de vouloir bien concourir avec eux à la conservation de ces jeunes Citoyens, en leur vendant des Maisons voisines.

Messieurs les Administrateurs de l’Hôtel-Dieu sont entrés dans toutes ces considérations de l’intérêt public, & ils ont bien voulu vendre à l’Hôpital des Enfans-Trouvés, & les Maisons qu’il tenoit à loyer, & les Maisons voisines, pour augmenter leur logement.

Le prix de ces acquisitions n’est pas la seule dépense dans laquelle la conservation des Enfans-Trouvés oblige les Administrateurs d’entrer.

Ces maisons nouvellement acquises sont vieilles, & d’une construction qui ne peut convenir à un Hôpital, tel que celui des Enfans-Trouvés ; on ne peut se dispenser de rebâtir ces maisons, ce sera une seconde dépense aussi forte, & peut-être plus que celle de l’acquisition.

Les revenus ordinaires des Enfans-Trouvés, déjà insuffisans par eux-mêmes, sur-tout depuis l’augmentation du salaire des Nourrices, ne peuvent pas fournir à une dépense extraordinaire, & aussi considérable. L’emprunt est une ressource, mais en même tems il est une charge ; cependant il faut ou laisser périr les Enfans, ou leur procurer de l’air & du logement ; & on ne peut le faire sans grande dépense.

Les Administrateurs de l’Hôpital des Enfans-Trouvés sentent ces difficultés ; mais ils se flattent de n’être point traités de téméraires en les surmontant, ils sont trop accoutumés aux secours que la Providence leur envoye, & ils seroient des ingrats de s’en méfier : ils ont éprouvé dans toutes les occasions les effets de la charité du Public : que n’en doivent-ils pas espérer dans celle-ci qui est sans doute la plus grande & la plus importante depuis l’établissement des Enfans-Trouvés ?

Il s’agit de la conservation de ces Enfans de l’Etat ; ils sont d’autant plus au Public, qu’ils ne sont à personne en particulier : comme Enfans de l’Etat, il faut les conserver, c’est sa force et sa gloire ; l’Humanité le demande, la Religion l’exige, & la Société y trouve son avantage.

Il y a tout lieu d’espérer qu’en procurant de l’air et du logement aux Enfans-Trouvés , suivant l’avis des personnes de l’Art, qui regardent le défaut d’air & de logement, comme la cause de la maladie dont les Enfans sont attaqués, & celle de la mort de plusieurs, on conservera la vie à un plus grand nombre.