L’articulation du narratif dans la première promenade

des Rêveries de Jean Jacques Rousseau.

 

 

Nous nous proposons d’approcher dans ce modeste travail la première Promenade des « Rêveries du promeneur solitaire » de J.-J.Rousseau. Pour ce faire, nous avons adopté les outils d’analyse de la sémiotique greimassienne. Celle-ci se veut une lecture immanente approchant le texte dans son fonctionnement interne, et loin de toutes les considérations contextuelles (l’époque de l’auteur et sa biographie par exemple).

Ce travail est censé mettre en exergue l’articulation des séquences textuelles constitutives de la première Promenade.. Ceci passe obligatoirement par un découpage rigoureux des segments textuels afin d’expliciter leur organisation comme pratique signifiante et leur agencement structurel.

Sans chercher à nier le bien-fondé  des critiques  qui contestent  la pertinence de quelques concepts opératoires de la sémiotique, nous disons simplement que l’approche systémique nous permet d’expliciter l’organisation du texte loin des considérations idéologiques, sociologiques ou psychologiques.

Reprocher à la critique sémiotique qui s’attarde sur l’immanence du texte de s’intéresser principalement à sa signifiance, revient à  contester les modalités de la lecture voire de l’écriture, surtout que la sémiotique met l’accent essentiellement et avant tout sur le préalable dictionnairique comme condition première à l’intelligibilité des textes. Si on ne peut incontestablement nier cet aspect méthodologique et épistémologique, on ne peut toutefois nier la relativité consubstantielle à tout travail de recherche. Cela indique pertinemment que la méthode que nous avons élue peut donner lieu à un débat qui peut confronter le lexicographique au textuel.

Nous avons intitulé notre travail l’articulation du narratif et non l’articulation narrative pour contourner le systématique de la lecture  qui suit l’organisation hiérarchique du texte, en nous appuyant sur la conception que l’on a de l’axe génératif. Cette tentative de contournement provient de la stratégie adoptée lors de l ‘analyse, car nous avons  choisi de nous appuyer sur la linéarité des segments qui peut dévoiler la dynamique du texte dans sa syntagmatique, en plus de son arrangement inhérent à un élément élémentaire de la signification. Cette démarche qui a été appliquée par Greimas dans Maupassant et par Roland Barthes dans son analyse des lexies d’une nouvelle d’Edgar Poe, nous permet de cerner non seulement la narrativité de la Promenade mais en plus la mise en récit et la mise en discours des éléments de la textualité.  Là encore, il faut faire la différence entre l’articulation du narratif et l’articulation narrative : dans le premier cas, il s’agit d’un univers macro-générique concomitant avec d’autres univers dans chaque texte, alors que le deuxième renvoie à un niveau d’analyse. Si nous nous étions borné à ce niveau, l’approche serait réductrice et donc défaillante méthodologiquement.    

Il faut constater qu’il existe un flot de critiques approchant les Promenades de Rousseau en les rapportant à leur contexte d’apparition ou de consommation. En réalité, ce n’est pas tant la rareté – à notre connaissance - des approches systémiques des Promenades que l’abondance d’autres consacrées à des genres plus maniables comme le conte et la fable pour la lecture sémiotique qu’il faut rappeler ici. On peut néanmoins affirmer que ce travail demeure une entreprise qui peut montrer la faisabilité des concepts opératoires de la sémiotique.

Notre étude se focalisera tout particulièrement sur l’articulation du narratif. Une remarque sans doute évidente, mais qui n’en demeure pas moins très importante s’impose tout d’abord : nous n’allons pas retracer tous les éléments de l’axe génératif.

Nous allons commencer par analyser l’unité introductive de la Promenade. Notre but premier serait de déterminer le statut fonctionnel de l’incipit et sa fonction textuelle. Pour ce faire nous nous sommes penchés sur l'examen des lexèmes constitutifs de la première phrase de la Promenade. Il ne fait guère de doute que l’on doit tenter de saisir le fonctionnement énoncif mais aussi énonciatif de la phrase initiale de la Promenade d’autant plus que l’incipit débute par un embrayage actoriel.

Des questions capitales doivent être inévitablement posées à ce propos : Quel est le statut textuel et paratextuel de l’incipit ? Quelle est la fonction du « je » (mis en avant textuellement) dans la narration selon le modèle actantiel ? Quelle est la position de ce même « je » dans l’énonciation (le débrayage et l’embrayage).? Y a t-il  les marques de l’ancrage de l’être biographique dans la Promenade? Quelle est la distance entre le « je » biographique et le « je » fictionnel ? La référence aux Confessions et aux Dialogues peut-elle être vue et lue comme un indice d’une écriture autobiographique ? Autant d’interrogations qui en définitif peuvent se résumer en celle-ci : quelle est la fonction textuelle et discursive de l’incipit ?

Notre étude s’attachera donc à exposer en premier lieu comment le narratif se manifeste dans des niveaux différents. Il faudra alors nous demander si l’organisation textuelle de la Promenade dévoile un arrangement discursif stratégique.  Nous adopterons pour cela un point de vue qui s’ouvre sur le problème de l’énonciation comme celui agréé par Joseph Courtés. Un autre impératif guidera notre travail : c’est celui qui nous pousse à considérer la texture apparente de la Promenade comme un des éléments fondamentaux de la pratique signifiante.

Nous avons été confronté à ces problèmes majeurs. Nous pouvons situer ces problèmes dans deux niveaux, les uns  concernent le corpus, et les autres  la démarche. Pour ce qui est du corpus, signalons que nous n’avons pas trouvé d’analyses sémiotiques, et pour ce qui est de la démarche, il est incontestable que les Promenades de Rousseau sont condensées au niveau sémantique.

A ces problèmes d’ordre spécifique s’ajoutent les écueils qui émanent de la nature même de la recherche comme aventure, étant donné que toute étude est confrontée généralement au manque de référence bibliographique.

 

1. Le statut énoncif et énonciatif de l’incipit de la Promenade :

 

1.1. Le statut fonctionnel de l’incipit:

 

Si l’on applique à la première Promenade de J-J.Rousseau la grille proposée par Andréa Del Lungo dans son essai de classification et d'explication des incipits romanesques², on peut dégager quelques réflexions. Nous pouvons également comprendre la stratégie de communication avec le lecteur.

Pour Del Lungo un  doit remplir cinq fonctions[1] :

       1justifier la prise de parole = fonction légitimante.

       2 - Commencer le texte = fonction codifiante.

                   3- Intéresser le lecteur = fonction séductive.

       4- Mettre en scène la fiction = fonction informative.

        5- Mettre en scène l’histoire = fonction dramatique.

 

La toute première ligne nous introduit dans le texte, mais aussi dans l’univers thématique de la Promenade (la solitude). Ceci peut correspondre à la fonction légitimante. Mais la solitude comme thématique prépondérante textuellement montre un paradoxe de l’écriture ; comment en effet prétendre une disjonction totale avec la société, toute en opérant une conjonction par le biais de l’écriture ? La  légitimation de l’écriture est explicitée par le segment suivant :

 

« Mais je comptais encore sur l'avenir, et j'espérais qu'une génération meilleure, examinant mieux et les jugements portés par celle- ci sur mon compte et sa conduite avec moi démêlerait aisément l'artifice de ceux qui la dirigent et me verrait encore tel que je suis. C'est cet espoir qui m'a fait écrire mes Dialogues, et qui m'a suggéré mille folles tentatives pour les faire passer à la postérité.. » [2]

Nous constatons dans ce segment que les Promenades ont le statut d’une œuvre définie selon l’intentio auctoris par son devenir et non par ce qu’elle peut engendrer comme réaction. Cette légitimation justificatrice peut être examinée d’après les données de la sémiotique des passions. Il suffit de lire cette séquence pour voir la complexité du parcours pathémique :    

« Cet espoir quoique éloigné, tenait mon âme dans la même agitation que quand je cherchais encore dans le siècle un cœur juste, et mes espérances que j'avais beau jeter au loin me rendaient également le jouet des hommes d'aujourd'hui. J'ai dit dans mes Dialogues sur quoi je fondais cette attente. Je me trompais. Je l'ai senti par bonheur assez à temps pour trouver encore avant ma dernière heure un intervalle de pleine quiétude et de repos absolu. Cet intervalle a commencé à l'époque dont je parle, et j'ai lieu de croire qu'il ne sera plus interrompu. » [3]

   De par sa position dans la texture de surface, l’incipit est élément prééminent dans l’encodage énonciatif. Il institue par conséquent une fonction codifiante relative à  la manière avec laquelle il faut approcher le texte. Le premier lexème est un embrayeur qui classe la Promenade dans un type de discours plutôt que dans un autre. Citons à ce propos Jaques Le Gall :

 « La codification se construit autour de références voire d’inférences, telles une citation, un nom d’auteur, une allusion, ou tout autre embrayeur susceptible d’orienter la réception, c’est-à-dire d’ouvrir un horizon d’attente » [4]      

  La  fonction légitimante peut interférer sur le parcours de séduction déclenché par l’acte d’écriture même. Mais sans altérer sa dimension volitive en dépit de la nature du contrat qui unit le producteur de l’énoncé et son consommateur. Ceci apparaît dans les stratégies érigées dans l’acte d’écriture. Il apparaît aussi dans le maniement conscient et usuellement esthétique de la langue. La solitude sociale peut être accentuée par une solitude plus profonde qui résulte d’un échec dans l’écriture.  Pour le sujet écrivant cette expérience devient une tentative de refaire ce qui a « été brisé ».

Par sa dimension informative, l’incipit assure au texte sa lisibilité. Il lui assure aussi son intelligibilité. L’intelligibilité du texte permet de le concevoir comme une histoire qui ne narre pas toujours une histoire. En conséquence, il réclame une mise en marche du discours comme une énonciation qui peut révéler la stratégie textuelle selon l’approche génétique et une stratégie discursive mettant en scène la fabula de l’écriture.    

 

1.2. Le statut énonciatif de l’incipit de la Promenade :

 

Bien que très simple, la question « comment ou par où commencer ? » ne fut qu’assez tardivement posée[5]. C’est Aragon qui officia et avalisa l’incipit comme élément paratextuel qui peut remanier le débat à propos du statut des seuils qui cadrent le texte. L’approche génétique quant à elle était pionnière « en déplaçant l’interrogation critique de l’auteur vers l’écrivain, de l’écrit vers l’écriture, de la structure vers les processus, de l’œuvre vers sa genèse. »[6] et en concevant la configuration finale d’une œuvre comme une réalisation progressive au cours de laquelle rédaction n’est que le débouché d’un travail de documentation, de collecte d’informations, de conception et rectification. L’apport de la critique génétique quant à l’incipit apparaît dans l’attention accordée aux deux types d’étapes prérédactionnelles[7] du processus d’écriture c’est-à-dire l’étape exploratoire «préinitiale» (documentation, détermination du projet), et l’étape de décisionnelle qui précède aussitôt la rédaction et  qui constitue la mise en route du projet. Notons à propos de la phase prérédactionnelle que :

 

 « Chez Aragon, le travail préliminaire sur l’incipit du récit joue à lui seul le rôle de phase initiale en télescopant la décision, la programmation et le début de la réalisation. Chez Giono, la phase d’exploration et de décision se concentre dans l’invention du titre, la rédaction servant ensuite à l’élucider. »[8]

 

Il serait donc productif de concevoir l’incipit comme un élément textuel pouvant être envisagé comme le seuil du texte, si l’on prend en considération la définition que lui a donnée Andréa Del Lungo :

 

« Frontière décisive de l’œuvre, seuil à double sens entre le monde et   le texte, instant fatidique de rencontre des désirs de l’écrivain et des attentes du lecteur »[9]

 

L’incipit comme frontière est exprimé dans la phrase introductive du conte et des conteurs «Il était une fois». Il n’est donc pas tendancieux et abusif d’affirmer que ce seuil témoigne d’une rupture et d’une localisation comme il est indiqué dans ce schéma :

 

Seul des oppositions situées à des niveaux différents peuvent manifester la rupture et la localisation occasionnées par l’incipit. Il ne fait aucun doute que l’exorde d’un texte est une borne démarcative et localisatrice fonctionnant à des niveaux différents :

 

 

La rupture

La localisation

Niveau Temporel

avant vs après

Pendant

Niveau spatial

ici vs ailleurs

Niveau existentiel

absence vs présence

Etre

Niveau scriptural

blanc vs texte

Ecrit

Niveau phonétique

Silence vs parole

verbe

 

Admettons donc qu’à titre de médiation entre le texte et son lecteur, entre le destinataire et le destinateur ou entre le narrateur et le narrataire, l’incipit se révèle investi des  marques de la relation qui unit l’auteur à son public.

Pour ce qui est de la Promenade que nous nous proposons d’étudier, deux raisons nous ont poussé d’approcher cet élément, l’une est générale et systématique l’autre est plus spécifique et particulièrement ancrée dans notre corpus car :

1-Etant un élément textuel, l’incipit (im)pose son statut énoncif et énonciatif comme une systématique qui ne sort pas d’une programmation globale du texte, du fait que tout texte ne peut être que anaphorisation ou cataphorisation, même s’il tente de s’organiser dans certains cas selon une rupture thématique, explicite et intentionnelle (récit dégénéré, et fragmentaire par exemple).

2-Et étant un élément du discours, l’incipit est au fonctionnement spécifique de texte et à sa dynamique interne. C’est la structure distinctive qui construit donc l’univers pathémique et les parcours figuratifs et thématiques.

 

Le « Je » se trouve dans une situation dégradée, si nous concevons la socialité comme indice de normalité. Et  pour marquer cette situation, il fait appel à un registre pathétique, ce récit de moi est un discours lyrique, car on y trouve des marques de subjectivité, qui fait que le moment d’écriture soit continu.

Comme introduction d’un récit du moi, l’incipit s’ouvre sur une marque de l’énonciation qui est le «Me ». Une question capitale s’impose : de quelle corrélation s’agit-il ?   De la corrélation de personnalité  ou celle de la subjectivité ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout en affirmant que le  « je » désigne ici Jean Jacques Rousseau l’auteur des Promenades et énonciateur, on peut  parler de «narrateur » du récit.  En nous appuyant sur tous les segments de la Promenade, il nous est possible d’admettre qu’il est question de corrélation de la personnalité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le segment introductif de la Promenade, et qui nous pousse à nous interroger sur la corrélation,  est le suivant : «Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, d’ami, de société que moi-même. » [10].

 

Dans ce segment textuel, on relève les embrayeurs : « voici » et « me » qui renvoient à la situation de l’énonciation. Ce «me » représente une présence forte de l’énonciateur. La réunion de ces termes, montre bien la position qui confronte une spatialité et une temporalité mais aussi une subjectivité indéterminée. On ne peut que remarquer tout au long de la Promenade le grand nombre des marques de l ‘énonciation telles que «me », «moi », «je ».

Admettons avec Courtés qu’ :« A l’opération de débrayage, qui assure le passage de l’insistance de l’énonciation à celle de l’énoncé, répond, en ce sens inverse, la procédure dite d’embrayage qui vise le retour à l ’instance  de l’énonciation »[11]. A vrai dire, ce retour est absolument impossible : si l’on revenait, en effet à l’instance de l’énonciation, l ’énoncé disparaîtrait. Ceci dit, un embrayage partiel est impossible.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Signalons d’abord que «Me voici » n’a donc de sens comme ancrage (temporel, spatial et actoriel)  que par rapport à deux types de structures : les structures sémio-narratives que nous tenterons d’approcher dans le deuxième chapitre et les structures discursives. Cela veut dire qu’en se localisant dans un ou plusieurs segments de la durée (la temporalité), et de l’étendue (la spatialité) et en se positionnant dans des structures polémico-contractuelles que le «Me voici » prend sens. Cette désignation actorielle et spatiale est le simulacre d’une performance visant un rôle thématique au niveau syntaxique et au niveau morphologique. Il est aussi la prise en charge d’un positionnement dans une structure prédictoire.                

 

                                                                                  Passif (agent).

Le «Me » va assurer le rôle du sujet

 

                                                                                  Actif (patient).          

 

 

Le caractère rétrospectif de la narration et son inscription dans la sphère de la subjectivité dévoilent une complexité narrative, nous avons ces trois entités (narrateur-actant/acteur-auteur), ce qui donne encore  une complexité dans le schéma actantiel .En effet, la rétrospection  dans la narration manifeste un va-et-vient constant entre le temps du récit et celui de la narration. Ainsi, on peut parler de  régression énonciative.

 

 

 

             AtN[12]

 

           

              Atn[13]

 
                                           
 
                                               Distance entre Atn et AtN                                                               

 

 

 Quand on prend le texte dans sa littéralité il évoque un ici ou  s’ancre le sujet, mais dans la profondeur du texte (discours), c’est un ailleurs qui ne se détermine que par les autres segments textuels.

Résumons cela en disant que :

- «Voici », marque la prise en charge d’un positionnement d’une structure prédictoire.

- « Donc », va favoriser une lecture de la temporalité et de la spatialité conséquence, mais en le favorisant, il relativise sa pertinence.

- «Seul sur la terre », renvoie à la disjonction dans l’espace.

 

1.2.1 : L’embrayage actoriel :       

 

            Le “je” se trouve dans une situation où l’écriture assurer  la médiation, entre l’auteur et le lecteur ou ce qu’on préfère appeler : énonciateur et énonciataire ; l’énoncé est le produit  d’un acte qui est   l’énonciation, les deux actants du programme narratif : énonciateur et énonciataire, étant, virtuels,  présupposés logiquement :

 

« …L’énonciation est un acte, une opération, et, comme telle, elle est assimilable-dans son ordre et à son niveau- à un programme  narratif déterminé qui met en jeu trois actants.

Indépendamment du /faire/ qui s’identifie ici évidemment à l’acte même de l’énonciation nous avons un sujet de faire(=S1) ou «sujet énonciateur » (J-C.Coquet), auquel nous réserverons désormais le nom d’énonciateur, l’objet(=O) en circulation correspond à ce qui est énoncé, à l’énoncé donc ; le troisième actant en lice est naturellement le sujet à qui s’adresse l’énoncé, qui en est le bénéficiaire(=S2) : nous l’appelons énonciataire. »[14]

 

Ainsi, le programme narratif de cet acte, proposé par Courtès, est comme suit :

 

F         ⌠ S1                               (S2               O)       

 

 

 

         énonciation          énonciateur          énonciataire          énoncé

 

            Dans un énoncé, les pronoms personnels, tels que “je”, “nous”, “tu” et autres, sont certes des marques de l’énonciation, mais ils ne renvoient pas toujours au couple: énonciateur/énonciataire, puisque l’énoncé est déjà produit.

Dés lors, Courtès fait la distinction entre les deux composantes de l’énonciation:

 

 

 


énoncé

 

Oŭ:  Le narré est «l’énoncé énoncé ».

        La façon de présenter ce narré est l’énonciation énoncée.

           

Rappelons que  la sémiotique greimassienne rejetait au début par le principe de l’immanence (on est obligé par ce principe de rester dans le texte) ; le sujet énonciateur, mais  a finit par accepter d’enrichir cette théorie par aborder  les problèmes relatifs à l’énonciation .

            Greimas, lui-même affirme :

 

« On doit chercher à déterminer le statut et le mode d’existence du sujet de l’énonciation. L’impossibilité  ou" nous trouvons de parler, en sémiotique, tout court, sans le concevoir nécessairement comme faisant partie de la structure logico-grammaticale de l’énonciation dont il est l’actant sujet, montre à la fois les limites dans lesquelles  s’enferme de parti pris notre réflexion sémiotique et le cadre théorique duquel son statut peut être précisé. Ou bien l’énonciation est un acte performateur non linguistique et échappe, comme tel, à la compétence du sémioticien, ou bien elle est présente d’une manière ou d’une autre-comme présupposé implicite dans le texte par exemple -, et alors l’énonciation peut être formulé comme un énoncé d’un type particulier, c’est à dire comme un «énoncé dit énonciation » parce qu’il comporte un autre énoncé au titre de son actant-sujet, et dés lors elle se trouve réintégrée dans la réflexion sémiotique qui cherchera à définir le statut sémantique et grammatical de son sujet »[15]   

 

La Promenade commence par le marqueur « Me » qui engage le lecteur  dans un contrat énonciatif donnant  lieu à une stratégie spécifique de la réception, vu que cet élément crée une (des) hypothèse(s) de lecture, tout en écartant d’autres, surtout si nous concevons avec Bakhtine que : « Toute œuvre littéraire est tournée en dehors, non vers elle, mais vers l’auditeur-lecteur, […] elle anticipe en une certaine mesure, ses réactions éventuelles ».[16]

La prédominance textuelle place la Promenade dans un espace  d’échange selon une relation intersubjective. Ceci est confirmé par l’organisation du texte autour de la corrélation de l’identité « je® il ». Alors, il faut dire que :

 

«a-Entre discours à transmettre (discours cité) et discours servant à la transmission (discours citant), il existe ce rapport d’appréhension  du discours d’autrui si bien analysé par Volochinov.

b-Deux autres stratégies énonciatives, mêlées étroitement selon les moments du récit(mêlées aussi au troisième type d’énonciation), retenons  que l’énonciation historique (dans laquelle il n’y a plus de narrateur, mais seulement une fonction narrative) comme l’énonciation du discours, sont des traces des réglages interactifs du discours.

c-A’ la base de toute communication narrative, il faut postuler un contrat énonciatif  dans un réseau de places ( institutionnelles et locutives) et de relations. Par contrat, entendons aussi les conventions discursives et l’accord des interlocuteurs (sur la base du savoir partagé implicite et du choix d’un niveau d’intelligibilité) que les affrontements persuasifs (au faire croire de l’énonciateur  correspond le faire interprétatif de l’énonciataire)[17]

 

Si nous passons de la stratégie énonciative proprement dite· à l’énonciation énoncée, nous serons confrontés à deux actants de l’énoncé.

Le «Me » qui est mis en avant textuellement s’identifie avec un acteur engagé dans l’action du moment où il se positionne dans l’acte narratif «Me voici donc seul » qui présuppose une situation opposée avant l’accomplissement d’une performance. Il y a là une identification entre l’actant de l’énonciation /la narration et l’acteur de l’énoncé/le narré.

 Une autre identification peut être discernée, elle réunit le je biographique et le je embrayeur : L’acteur référentiel et  l’acteur fictionnel 

Nous sommes donc confrontés à deux univers : biographique et fictionnel :

 

 


                                                                                              

 

 

 

 

 

 

 

Cette confusion entre deux univers différents donne un aspect hétérogène à la Promenade quant à sa visée. Nous pouvons représenter le schéma de Nadine Gélas à propos de la fonction pragmatique du récit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Produire un texte

 

autobiographique

                                             c’est persuader /dissuader

 

L’introduction à un récit centré sur le moi, par le «Me », insiste sur le fait que ce «moi », est l’objet de la Promenade et du récit qui la raconte, le sujet est bien  aisé à  déterminer son statut, le sentiment d’existence est marqué par ce pronom « me ». Cela  fait de lui un être actif. Le « je » de la Promenade est donc à mi-chemin entre le personnage-référentiel  et le personnage-embrayeur  [18]

 

1.2.2. L’embrayage spatial et temporel:

 

Parce qu’il y a l’absence d’indices temporels et aspectuels renvoyant à un segment temporel ou à une position syntaxe de la narrativité, l’incipit place la temporalité en suspense. Car tout en indiquant la temporalité  qui  de prime à bord indique la conséquence, le «donc » fait écran de /par l’absence de chrononyme dans la phrase introductive..

Cette indétermination donne la possibilité  de situer ce «voici donc ». La logique des possibilités narratives de Bremond pour nous être utile. Le point de départ est  la reconnaissance de l’aspect narratif de la Promenade après  la postulation que la narrativité est un phénomène reconnaissable grâce  au processus pragmatique (au sens général.). En  reprenant le schéma logique qui retrace la linéarité du récit et englobe l’enchaînement des fonctions. Nous pouvons situer le segment épisodique de l’incipit dans toutes les phases fonctionnelles de la réalisation des séries que l’on peut représenter comme suit :

Série 1                                                 Série 2

1:[1] fonction initiale

                                                                             1: fonction initiale

 

2[1] : processus de réalisation                            

 2: fonction médiane

                                                          

                                                          3: fonction  terminale                                   

                                                      

   31: fonction terminale·

 

La séquence narrative peut en effet être située dans la fonction initiale comme dans la fonction terminale, car l’aspect aspectuel du « donc » n’est déterminé que par le positionnement dans l’axe de la temporalité.

L’indétermination temporelle crée un éventail de possibilités quant à la narration mais tout en plaçant la dégradation comme processus narratif et comme possibilité  la plus crédible. Si nous concevons la solitude un écart par rapport à un schéma vraisemblable et synonyme d’amélioration. Ce donc peut être placé dans la sphère du prévisible ou de l’actuel ou du réel. Nous pouvons ainsi exploiter le schéma de Bremond pour montrer les positions possibles du « je ». 

 

 

1.dégradation prévisible

                    

        

2- processus de dégradation                         processus de dégradation            

        

 

 

 

     

                

 3.dégradation produite                                             dégradation évitée                  

 

 

Mais cette dégradation hypothétique ne peut être un état initial de l’amélioration, surtout si nous admettons que la dégradation relève dans notre texte du potentiel.

 

 

 

 

 

 

 

1:[1]        dégradation potentielle                                              

1: amélioration à obtenir.

 

2[1] : processus de dégradation                                                  

2:processus d’amélioration

 

 

                                                                       3: amélioration obtenue

 

 

31:       dégradation évitée                                          

 

 

Néanmoins, cette position dégradée n’exclut pas le processus qui vise l’amélioration.

 Concluons que le «Me voici donc » est l’embrayage  spatial  qui détermine unposition abstraite car il ne réfère pas à un segment spatial déterminé, mais à une position dans un espace qui n’est obligatoirement pas  topographique ou topologique.

 

2. L’articulation narrative et thématique de la Promenade :

 

Ce texte que l’on pourrait insérer dans le genre de la Promenade, invente une nouvelle forme d’écriture (l’hétérogénéité et la complexité de la composition et de la stratification des instances énonciatives des figures et des thèmes : argumentation, description et narration, le couple récit/discours). Dès lors,  on peut s’interroger sur la narrativité et la mise en discours dans sa totalité.

      Avec la séquence narrative, on arrive à relever les séries d’états et de transformations, sur lesquelles se constitue la logique du récit, mais il importe donc de respecter chaque niveau, et la succession  au sein de la séquence.

 

Pour clarifier cela, on peut représenter les transformations comme suit :

 

F(S op)                                   (SUO)-----------(S∩O)

 

Ou’     S op : représente le rôle du sujet opérateur.

             S     : représente le rôle du Sujet d’état.

       O :  représente le rôle de l’objet (manquant puis acquis).

U et ∩ représentant les relations de disjonction et de conjonction entre le Sujet  et l’Objet-valeur.

   

Ainsi, on arrive à comparer entre Sujet, Objet et mettre en évidence les rapports qu’ils entretiennent entre eux.  Il faut dire que « le récit s ’ordonne à partir de sa fin en remontant jusqu’au début. La dernière unité donnée est donc la première logiquement »[19] .

La première ligne prépare une séquence de manipulation : l’état initial du sujet héros, troublé ainsi par le fait d’être exclu de la société ; et qui dans sa quête intentionnelle, part de son manque de l’objet désiré, ensuite, succède l’incompréhension, la rupture, et l’indignation de ce héros, un manque est ressenti par le sujet héros, et par une sorte d’accord, il commence à écrire pour combler ce manque. De ce fait, le sujet d’état passe d’une disjonction initiale à une conjonction finale.

           

PN== F(S2)               ⌠( S1 U O )                            (S1∩ O)⌡ [20]

 

Cette transformation peut engendrer un programme qui est « la structure syntaxique élémentaire qui met en musique le paradigme actantiel, à travers la relation entre le sujet et l’objet, érigés ainsi en hypers-actants…Le concept sémiotique de jonction définit cette double relation élémentaire : conjonction et disjonction. »[21]

Au terme de la manipulation, on constate une tension lors de la réalisation future du contrat.

Dans la séquence d’acquisition de la compétence, le sujet compétent acquiert l’écriture comme moyen de nouer ce qu’a été brisé, en d’autres termes, combler le manque.

La séquence performance s’accomplit une fois le héros triomphe en arrivant au terme de l’épreuve principale: « En dépit des hommes, je saurais goûter encore le charme de la société » [22].

Dans ce segment textuel,  on ne peut relever sans ambiguïté  la phase de sanction, en raison de la quête même de l’objet qui semble être contractuelle et polémique à la fois, on constate alors, une satisfaction ultérieure de ses besoins, là où on touche un intérêt « égocentrique ».

Rappelons bien sûr que le sujet compétent et le sujet performant ne sont qu’un et ne forment qu’un sujet à des phases différentes de la séquence narrative.

 

 «Ils ont cherché dans les raffinements de leur haine quel tourment pouvait être le plus cruel à mon âme sensible, et ils ont brisé tous les liens qui m’attachaient à eux » [23]

 

L’articulation narrative et l’aspect hiérarchique des deux niveaux donnent un sens à la quête introspective qui déborde la schématisation littérale du faire, étant donné que le faire conjonctif de S2 par rapport à O1( le tourment cruel) est enchâssé par le vouloir modalisateur du faire. La conjonction de S2 avec l’objet n’est qu’une phase initiale visant la conjonction de S1 avec le même objet.

            «Il »  est à la quête du «tourment cruel », à la réalisation de cette quête, ils ont brisé les liens,  on peut schématiser comme ceci :

 

S2              ⌠(S2          U O1)                 (S2 ∩  O1)⌡

 


                                                                                 

                                                                                             

                                                                          (S2 U S1)      la logique      

 

                                                            

                                                                                    (S2 U S1)

                                                                   « ils ont brisé les liens »

 

F(s)                  ⌠(S2 ∩ O2)              (S2 UO2)⌡            

S1 :      je.                                                       O1 :   le tourment cruel.

S2 :      ils.                                                      O2 :     l’affection

                                                                      

L’objet de la quête est le tourment cruel,  par sa focalisation spatiale par rapport au sujet opérateur, il nécessite, pour la réussite de l’épreuve un faire réflexif (au niveau cognitif-introspectif-) et un faire transitif au niveau pragmatique.

   La disjonction (S2 U O2), n’est qu’une implication logique qui n’exclut pas son contraire. La dernière transformation n’est par conséquent, qu’une formulation hypothétique : c’est la raison pour laquelle, il faut approcher le parcours de dégradation selon l’agent de patient du faire .

 

F(S1)                    ⌠(S1 U O1)                       (S1∩ O1)⌡

F(S2)                   ⌠(S2  ∩ O1)                        (S2 U O1)⌡

                                                                      

 

                                                                                    (S1 U  S2)

 

La disjonction du S1 avec S2 peut apparaître, si l’on se réfère  à l’aspect du faire, «ils ont brisé violemment » «ils n’ont pu qu’en cessant de l’être se dérober à mon affection », comme système dysphorique.

Alors que la visée pragmatique, cognitive et thymique de S1 démontre le contraire car se disjoindre de l’autre est une preuve obligatoire et principale de la disjonction avec soi même.

 

disjonction axiologique              conjonction pragmatique, cognitive et thymique.

 

Dans l’exercice du faire persuasif, les actants visent un statut sémiotique en objectivisant les positions inter-actantielles, de fait, les sujets mis en relation par le contrat, hiérarchisent les pôles et les positions au niveau discursif.

 

Niveau cognitif

F (S2)        ⌠ (S2 U O1)      (S2    O1)⌡

Niveau persuasif

F (S2)           (S1 U O1 )     (S1     O1)⌡

 

            Les parcours narratifs ne donnent aucun indice, sur la relation entre destinateur/destinataire et le sujet opérateur. Il est donc pertinent d’approcher la dimension cognitive du récit en mettant en place une structure qui explicite les positions morphologiques et syntaxiques des actants selon leurs points de vue comme il apparaît dans la manipulation :

 

Manipulation

 

 

 

 


                Point de vue                                                       point de vue

                 du destinateur                                                              du sujet opérateur

                                                                                                      

           

 Persuasion                                                    acquisition des valeurs          

                    (faire faire)                                                               modales

                  S1 ®   S1                                                                   S1∩S2

 

 

2.1. La modalisation de la quête :

 

 

C’est le texte qui institue l’opposé de la solitude, car cette dernière peut recevoir les investissements sémantiques différents selon la visée thématique.

           

«Voilà ce qui me reste à chercher. Malheureusement cette recherche doit être précédée d’un coup d’œil sur position. » [24]

 

Ce segment textuel présente la complexité du programme narratif du «je » (S1), du fait de l’emboîtement des structures de l’Etre du faire et du Faire-être. Cette organisation obéit à la logique narrative de la présupposition et de l’implication.* ; C’est-à-dire que l’acquisition de la compétence n’est pas une finalité pragmatique au sens peircien.

D’autre part, la performance n’est pas l’aboutissement d’un Etre du faire, même, si ce n’est pas explicite dans le texte par des indices thématiques ou figuratifs. Le programme narratif d’usage permet de cerner la compétence du sujet opérateur (la conjonction et la disjonction actualisante), et cela peut être représenté dans le schéma suivant :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Compte tenu de la présupposition et de l’implication de l’Etre du faire et du Faire-être, nous pouvons discerner la complexité du PN. Cette dernière ne réside pas dans la réalisation de la relation entre le sujet d’état et l’objet, mais dans l’enchâssement de certains faires narratifs dans les autres, et même dans l’emboîtement des parcours narratifs réalisés par un seul sujet. Nous sommes donc amenés à mettre en lumière l’opposition du PN par rapport à un noyau* central dans le narré, autour duquel pivotent les segments à tous les niveaux de l’axe génératif.

Signalons aussi que l’objet de la quête est la conjonction de S1 avec lui-même, une conjonction cognitive et épistémique en s’objectivant tout en gardant sa continuité matérielle car la conjonction n’est pas avec une spatialité étrangère.

Il n’est possible d’affirmer que la conjonction ne concerne pas une spatialité  même  si elle est située dans l’espace et dans le temps. Ainsi, il est possible d’envisager le sujet opérateur (S1) comme un actant dédoublé dans son existence sémiotique :

 

                                   S1

 

 


S1                                    S’1

Sujet                                objet.

 

 

 

Ce même S1 peut désigner un acteur assumant deux positions actantielles :

 

           

 

Sujet                               objet

            S1                                    S’1

 

                                  

     

 

 S1.

 

Dans la séquence narrative inhérente à la quête, le S1 met en jeu une modalisation virtualisante de la transformation principale que l’on peut résumer comme un vouloir et/ou un devoir relatif à l’acquisition d’un objet valeur.

La schématisation pourra dès lors  mettre en évidence l’objectivation d’un sujet qui implique une subjectivation préalable du sujet comme objet (le sujet comme corporalité et l’objet discontinu et le sujet comme altérité). On peut dés lors rendre compte de la quête comme réalisation d’un faire modalisé :

 

F(S1)                          ⌠ (S1 U S’1)           (S1 ∩  S1’) 

S1: sujet.

S’1: objet.

 

La quête de l’Objet valeur passe par l’accomplissement d’un faire narratif annexe par rapport à la performance voulue. On est alors confronté à deux performances, l’une est une performance voulue (le passage de l’altérité vers l’identité en plus de la conjonction avec l’identité) l’autre est due  (la reconnaissance de la position et la localisation dans l’espace et dans la société). On peut schématiser cela de la façon suivante :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


    P N d’usage                                                                       P N principal

 

Compétence      performance                                                                       

  

performance

 

 

                      

 

   transformation                                                transformation

                          de S1                                                              des états réalisés

                          (S1Ç 0m)                                                        par S1.

                          reconnaissance de                                               (S1Ç S¢1)

                          la localisation

                                 ß                                                                          ß

 

                          (S1 Ç 0)                                                              (S1 Ç S¢1)

 

                      

performance                                                                          performance

                              due                                                                                   voulue

 

Examinons après cette schématisation le segment suivant :

 

“Malheureusement cette recherche doit être précédée d’un coup d’œil sur ma position. C’est une idée par laquelle il faut nécessairement que je passe pour arriver d’eux à moi”[25]

 

Dans ce segment textuel, la position de Jean Jacques Rousseau est l’objet de quête principale, le « je » est confronté à deux parcours narratifs : le premier concerne la quête de soi et le positionnement par rapport à sa propre identité, cette  quête offre des possibilités que l’on peut expliciter en projetant la conjonction de S1 et la disjonction  mais sans que la projection soit un critère qui dévoile un parcours pathémique .

Le deuxième parcours narratif concerne la quête de S1 par rapport à S2.

 

F(S1)      ------   (S1U S1)  ------  (S1∩ S1)⌡

           

Il y a un enchâssement du pragmatique par rapport au cognitif. C’est l’idée qui est l’objet de la quête. Le faire traduit la nécessité d’accomplir une performance.

La connaissance de la position de S1 traduit un vouloir concernant la localisation dans la spatialité

La «performance due » instaure  un investissement sémantique de l’état et du faire de S1. Etant modalisés, l’état et le faire sont susceptibles d’être projetés sur le carré sémiotique. La projection de l’état  modalisé concerne les catégories modales aléthiques, que l’on peut schématiser comme suit:

 

 

Devoir être                                                     devoir ne pas être

(nécessité)                                                      (impossibilité)

 

 

ne pas devoir ne pas être                   ne pas devoir être                  

( possibilité)                           (contingence) 

           

Et la projection du faire concerne les catégories modales déontiques :

 

Devoir faire                                                    devoir ne pas faire

(prescription)                                                (interdiction)

 

 

 

 

ne pas devoir ne pas faire                  ne pas devoir faire

(permissivité)                                    (facultativité)

           

 

En tant que sujet modalisé comme être et comme faire, S1 peut être placé dans le carré sémiotique, des catégories modales aléthiques, il serait dans ce cas un sujet devant être et par conséquent inscrit dans la nécessité.

Il est à signaler que ces segments textuels qui manifestent la modalisation combinent l’être et le faire, dans la même organisation mais selon des positions différentes, car on ne peut pas morceler le sujet en un faire indépendamment de l’être qui le réalise,  comme on ne peut en aucun cas reconnaître un être sans qu’il soit un acteur qui réalise les faires.

Il n’est cependant pas pertinent d’affirmer en s’appuyant sur ce principe d’unité entre le pragmatique et le cognitif, que la modalisation de l’état n’est pas différente de celle de la transformation. Il est alors nécessaire de déceler la différence entre les deux niveaux modalisés.

Greimas a affirmé : «On peut considérer le devoir faire, et le devoir  être, deux structures modales identiques, quant à l’énoncé  modalisant qu’elles comportent et distinguent quant aux énoncés qui sont modalisés » [26]

 

2.2. La complexité actantielle :

 

L’actant est un élément d’une relation : celle qui lie l’agent à son action : Il désigne donc une fonction ; comme il apparaît dans l’énoncé narratif  simple (EN=F(A·)[27]. La fonction dont il s’agit ici déborde la conception proppienne qui l’a rapporté à « l’action d’un personnage défini au point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue »[28] le modèle actantiel invite donc à regrouper les personnages sous des actants abstraits ou collectifs pour trouver d'autres niveaux de sens au lieu d’en rester à l’analyse psychologisante. Il autorise aussi « la réduction des combinaisons multiples que connaît le récit »[29]

La réduction des combinaisons du récit est ajoutée à la réduction des personnages conçus dans le modèle de V.Propp qui : « avait regroupé les dramatis personae du conte en une série de sept personnage : Agresseur (méchant), Donateur (pourvoyeur), Auxiliaire, Princesse (personnage à chercher) et son père, Mandateur, Héros et Faux-héros.» [30]

La détermination des couples peut être ainsi :

Sujet                                       Objet

Destinateur                             Destinataire

Adjuvant                                Opposant.

Les couples précédemment cités s’organisent selon des modalisations spécifiques à chaque relation.

 

 

 


                                  

                       

 

                       

 

 

Le choix du sujet est extrêmement important, c’est un personnage ou un groupe de personnage, il est celui dont le désir détermine d’une manière décisive l’action du récit, son désir est positif.

Un actant désigne un personnage, il peut être un être humain, un animal, un objet ou un concept.

Les quatre  actants qu’on considère comme principaux dans le modèle greimassien sont organisés en couple selon leur relation réciproque : « le modèle actantiel est axé sur l’objet du désiré par le sujet et situé comme objet de communication , entre le destinateur et le destinataire. »[31] Cependant, il est impératif de signaler les dissemblances entre les deux couples Destinateur/Destinataire :

 

« Si le sujet et l’objet sont apparents dans une relation de présupposition réciproque, le destinateur occupe une position de commandement face au destinataire »[32]

 

 Un seul acteur peut cumuler plusieurs fonctions actantielles, le sujet de l’action peut en être le destinataire ; de même, le destinataire peut être son propre destinateur : communication réflexive.

L’adjuvant est celui qui apporte de l’aide en agissant dans le sens du désir.

L’opposant est celui qui crée des obstacles en s’opposant à la réalisation du désir.           

« Tout récit à la première personne implique que l’acteur, même si on raconte de lui des aventures lointaines, est en même temps la personne actuelle qui produit de la narration. Inséparable du sujet de l’énonciation, le sujet de l’énoncé est double »[33]

 

Le schéma actantiel peut être représenté ainsi :

     

     Destinateur                                                           Destinataire.

 

 

         

      Adjuvant                                                                Opposant.

 

Nous avons deux schémas actantiels, celui du «je », et du «il ». La Promenade confronte deux pôles qui interagissent  sur les transformations mélioratives et péjoratives. Ceci crée deux positions morphologiques opposées susceptibles d’opérer des transformations narratives. Les deux pôles fonctionnent suivant une modalisation virtualisante spécifique. Pour le premier pôle la représentation sera comme suit :  

    

Destinateur                            Objet                                      Destinataire.

J.J.Rousseau                     Promenade.                                  L’humanité.

 

 

 

Adjuvant                                Sujet                                       Opposant

nature                                     J.J.Rousseau                    les humains

                                              (scripteur)                  

 

Le J-J.Rousseau dont il s’agit ici, n’est pas l’être biographique. Il est un être de papier engagé dans un univers fictionnel car : 

 

«En amont de l'énonciation, nul embrayage ne peut atteindre l'instance problématique [l'auteur] et, en aval au-delà de la représentation de l'objet, nul débrayage ne saurait atteindre le réel »[34]

Cette schématisation concerne l’acte d’écriture et le pacte qui en résulte. Ce sont les marques paratextuelles qui manifestent la référence métatextuelle. On peut donc identifier le narrateur à l'auteur quand il y a référence aux données biographiques ou autobiographiques comme c’est le cas pour les Promenades qui évoquent les Confessions et les Dialogues :

 

« C'est cet espoir qui m'a fait écrire mes Dialogues, et qui m'a suggéré mille folles tentatives pour les faire passer à la postérité » [35]

 

               Si nous passons de l’énonciation à l’énoncé, nous pouvons déceler les positions actantielles qui organise la visée pragmatique du « il ». 

 

Une deuxième représentation actantielle s’impose. Elle a le rôle d’expliciter la communication d’un objet abstrait  dont la source est le « il ».  Le destinataire est dans ce cas un « je » solitaire :

 

 

Destinateur                            Objet                                      Destinataire

            La haine.                                 La persécution.                         je

 

 

 

Adjuvant                                Sujet                                  Opposant

L’animosité                            Les persécuteurs.                     Société.

 

            L’articulation semble être ambiguë,  car l’actant est malaisé à traiter ou à déterminer. En raison de sa diversité, le destinateur est en même  temps le sujet du modèle. La relation est ainsi constitue par l’attitude même du destinateur.

Le narrateur est un anti-destinateur puisqu’il s’oppose à la transformation narrative opérée par le destinateur, qui se subdivise en un destinateur et un sujet manipulateur.

 

Destinateur                             objet                                       destinataire

Il                                             solitude                                   je

 

                                                          

 

                                            

sujet

                                           animosité

 

Les deux schémas précédents nous amènent à poser une question d’ordre philosophique, car elle concerne la dimension ontologique du faire. Le sujet se limite-il à un agent actif (selon le modèle anthropomorphique) ou y-a-t-il possibilité de considérer cet agent comme un sujet manipulé ?

Ces deux questions nous poussent à problématiser les postions du destinateur .

Etant un destinateur, le narrateur prend la position du sujet manipulateur qui va faire faire un PN (programme narratif). Mais cette manipulation est réflexive car le sujet manipulateur  qui se charge d’accomplir le faire narratif (conjonction avec l’Autre).

La narration des transformations narratives, des états cognitifs et passionnels et la prise en charge de l’armature du récit pas le discours ( c’est-à-dire la centration du je dans le texte), placent le narrateur dans le rôle du judicateur qui catégorise le sujet et l’objet.

Ce rôle place le destinateur «judicateur » dans un univers pathémique, en plus de son univers pragmatique et cognitif :

 

« Outre les dimensions pragmatique et cognitive, le niveau pathémique dans le quel le destinateur sujet «passionné » éprouve au terme de son parcours, un état d’âme euphorique  ou dysphorique. »[36]

 

Nous remarquons que le passionnel est lié au pragmatique  même s’il n’y a pas d’indices qui manifestent les transformations :

 

« La passion, de fait, ne peut plus être dissociée analytiquement de la double action qui l’encadre et qui lui confère son statut existant (action, passion, action)»[37]

 

 

2.3. La thématisation de la position :

 

La thématisation de la reconnaissance de la localisation passe par un positionnement dans l’espace topologique ou topographique, articulant  un univers sémantique et individuel et renvoyant à des catégories opposées dans des axes sémantiques  hiérarchiques, par l’espace d’apparition et de fonctionnement comme il est schématisé ici :

 

                                                     s1              vs               s2

                                                 

                                              

                                                                          S

                                                                         s3                     vs           s4

           

                                                                    

                                                                                              

S¢

 

 

Nous pouvons exploiter cette schématisation pour montrer l’articulation de deux thématiques qui s’arrangent autour du paraître. Il suffit d’examiner le segment suivant :

 

«Oui, sans doute, il faut que j’aie fait sans que je m‘en aperçusse un saut de la veille au sommeil ou plutôt de la vie à la mort ». [38]

 

En analysant cette séquence textuelle, nous pouvons déceler deux axes sémantiques : le premier concerne l’existence : vie/mort.

 

                                           vie             vs              mort

 

 


                                                              existence

 

Le deuxième concerne la conscience : veille/sommeil.

 

S veille          vs           sommeil

 


                                                      

                                                             conscience

 

 

  L ‘évocation des passages de la vie et de la mort renvoie à un devenir combinant le /terminatif/ et le /duratif/.

  On peut graduer la relation entre les deux axes sémantiques, en spécifiant les catégories et leurs espaces d’apparition, car la relation d’enchâssement n’est pas donnée d’emblée par une encyclopédie sémantique préalable et parce que le texte ne définit aucune stratification quant aux plans de chaque axe. Cette affirmation ne contredit pas l’affirmation selon laquelle la langue est une institution , seulement, il faut rappeler que l’homme est ancré dans le monde : «parce que  nous sommes au monde, nous sommes  condamnés au sens, et nous ne pouvons rien faire ni dire qui ne prenne un nom dans l’histoire »[39]

Ainsi, nous avons besoin d’un niveau élémentaire pour chaque axe  sémantique pour montrer  les traits minimaux et leur articulation dans une structure logique : «C’est le carré sémiotique qui représente les relations principales auxquelles sont nécessairement soumises les unités de signification pour pouvoir engendrer un univers sémiotique susceptible d’être manifesté ».[40]

Dans le carré sémiotique, un actant peut assumer quatre positions actantielles à partir desquelles il remplit des rôles dans la progression du discours narratif.

 

 Le carré sémiotique est le modèle constitutionnel de la théorie greimassienne, les contenus dont les sommets du carré sont investis peuvent alors s’obtenir par des relations syntaxiques réelles : négation puis assertion des contenus opposés, comme l’écrivait Greimas :

 

« C’est la sommation du terme S1 qui fait apparaître le terme contradictoire. La structure de la contradiction n’est donc pas une structure de type présence/absence, c’est au contraire l’absence faisant surgir la présence : non S1 est déjà le premier terme positif »[41] .

 

Avec le carré sémiotique, on situe la valeur que l’Objet représente pour un  Sujet, dans un système de valeurs pour soutenir l’organisation narrative du texte :

 

 

Valeur A                                                        Valeur B

 

 

 

 

 

Non Valeur B                                    Non valeur A 

 

Appliqué  à la position de S1 le classement des figures de la conscience donnera ceci :

 

 

                     veille                                                                  sommeil    

             sans doute       

                     

                  voulue                                                                   saisie            

 

 

 

 

                       non sommeil                               non veille

 

 A ces figures de la conscience s’ajoutent celles de l’existence que l’on peut représenter comme ceci.

S

                                           s 3                                                       s4

                                        / vie /                                              / mort /     

 

 

 

 

 

                                         non  s4                                          non s3

 

/non mort /        nonS                / non vie /

 

Notons d’abord que l’absence d’une hiérarchie apparente entre les deux axes : le couple veille/sommeil constitue une thématisation englobée et spécifique par opposition à celle de vie/mort : thème englobant et plus générique, si l’on tient compte de l’articulation des catégories des deux couples représentants la saisie de S1. On peut dés lors mettre le doigt sur la dynamique passionnelle et cognitive des sujets observateurs.

Nous pouvons aussi  projeter les deux positions sémiotiques pour montrer l’aspect véridictionnel :

«…je suis dans cette étrange position, elle me paraît encore un rêve ….et que je vais me réveiller…»[42]         

 vérité

           

       /être/                                /paraître/

                       étrange position                                 rêve

                      

  secret                                                                                            mensonge

 

                       /non paraître/                                      /non être/

                       non rêve                                            

                       réveil

 

                                               fausseté.

 

            Nous pouvons prévoir une lecture syntagmatique de la tentative de reconnaissance de la position (objet, valeur de la quête) articulée d’un paraître vers un être :

 

           Etre                                  paraître

                        (réveil)                                                (rêve)

 

non paraître

                        non rêve

 

2.4. De l’aspectualisation à la temporalisation :

 

Remarquons que le faire est inscrit dans la temporalité est cadré par le préjugé. Remarquons également que l’aspectualisation est une dimension hiérarchiquement supérieure à la temporalisation  mais aussi à la l’actorialisation, la domination de l’aspect inchoactif dans la valorisation de la dimension ontologique de l’identité et de l’altérité.

En parallèle, cet aspect inchoactif se combine avec l’aspect terminatif justifié par la visée stratégique de la quête car la protensivité du «je » est une interprétation apriorique et une valorisation anticipatrice. De ce fait, le faire narratif dissimule un «métasavoir », concernant l’ontologie de l’être et la dialectique de l’identité et de l’altérité. Ce métasavoir crée un métavouloir renvoyant à un positionnement phorique.

Il convient donc d’insister sur la complexité de la modalisation volitive ;  en effet, deux vouloirs contraires coïncident dans l’attitude de S1.

 

 

Attitude pragmatique.

Attitude épistémique et passionnelle.

S1      S2

S1 U S2

 

 

            La première attitude manifeste le parcours narratif et la valeur investie selon la performance, la deuxième manifeste un jugement de valeur qui se fonde sur le caractère inchoactif et terminatif en même temps.

 

2.5. la complexité de l’aspect axiologique de la Compétence/ Performance :

 

            En faisant une lecture syntagmatique, on peut donner un autre aspect à la valeur sémantique de la performance. Il y a en effet deux lexèmes prédominants sémantiquement: franc, ouvert dans la séquence suivante  :

 

«Sans adresse, sans art, sans dissimulation, sans prudence, franc, ouvert… » [43]

 

Ces deux lexèmes sont susceptibles d’axiologiser l’état et le faire de S1.

            Il est à signaler qu’une lecture de la thématisation de la performance expliquant l’axe sémantique du faire explicite deux axes dominants : le premier est «éthique », le deuxième spatialise l’aspect de ce même faire.

 

                                   S1                                           S2

                        (franchise)                                          (hypocrisie)

 

 

 

                        non S2                                                non S1.

                        (non hypocrisie)                                (non franchise)

Le deuxième est comme suit :

 

                                          S3                                                S4

                                   (ouverture)                                         (fermeture)

 

 

                                  

Non S4                                              non S3

(non fermeture)                                 (non ouverture)

 

            S’il est admis que l’ouverture est un indice abstrait (dont l’iconicité peut se manifester par différents moyens) de la socialité voire la sociabilité. Le texte de Rousseau dévoile l’impertinence de ce jugement préalable et préconçu.

 

On peut représenter cette divergence entre la spatialité inhérente au texte comme ceci :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                            S1                                          S2

                        (ouverture)                                         (fermeture)

                        socialité*                                           asocialité

sociabilité                                           asociabilité                            

 

                       

 

                               non S2                                         non S1

                        (non fermeture)                                  (non ouverture)

                        non asocialité                         non socialité

                        non asociabilité                                  non sociabilité

 

Cette  spatialisation des relations est communément employée pour montrer l’accès de l’identité à/chez l’altérité et vice versa, c’est-à-dire segmentation qui différencie l’espace publique de l’espace privé et de l’espace même de l’Autre.

            La Promenade fonctionne selon les points de la focalisation et par rapport à un système d’opposition préétablie. La disjonction avec l’autre « fermeture  par rapport l’autre » accentue la conjonction avec soi.

La spatialisation inhérente au texte peut dés lors être représenté comme ceci :

 

                        S3                                                       S4

                        (ouverture)                                         (fermeture)

 

                       

 

 

 

 

 

 

                       

          Non S4                         non S3

                        (Non fermeture)                     (non ouverture)

           

2.6. La complexité de l’aspect axiologique de la sanction :

 

            On est amené à reconnaître que la complexité de l’aspect axiologique de la compétence/performance est amplifiée par la complexité de la sanction, qui est réflexive et transitive en même temps : elle est réflexive parce que S1 s’érige en judicateur qui évalue son propre état passionnel et sa propre performance ; elle est transitive parce que S2 est amené à donner  concernant la performance de S1.

Il est établi que le texte est un artifice syntaxico-sémantico-pragmatique. Ainsi, tout lecteur se doit de résister à ce qui offert par la dimension dictionnairique  à première vue, mais il est axiomatique d’affirmer que la signifiance d’un texte dépend d’une sémantique du mot et d’une encyclopédie qui arrange l’univers du texte. C’est un aspect paradoxal qui donne un statut au texte. Convenant donc de vérifier la composition de l’univers sémantique, sémémique et métasémémique des constituants leximatique.

Pour rendre compte de la performance de S1 et de sa modalisation et de son axiologisation, il est indispensable d’inscrire la sanction dans un système de valeurs qui débordent une encyclopédie sémantique, voire idéologique ou anthropologique tout en s’appuyant sur elle.

On est de ce fait confronté à ce que le texte édifie comme catégorie.

 

«Sentant enfin tous mes efforts inutiles et me tourmentant à pure perte j’ai pris le seul parti qui me restait à prendre, celui de me soumettre à ma destinée sans plus regimber contre la nécessité » [44].

                                           

Dans ce segment, nous pouvons formuler la modalisation du faire comme une alternance entre un échec au niveau actualisant et la catégorisation affective.

 

Non pouvoir faire                                          non faire

Non pouvoir être                                           être

Non savoir faire                                             non faire

           

Ces faire modalisateurs sont dominés par le volitif dans la mesure ou’ il intervient après la réitération de la performance : «je me suis débattu longtemps »,  et sa qualité  /agressivité/ : «aussi violemment » [45].

Constatant que les valeurs obéissent à une dynamique et qu’il y a un changement de statuts si on compare l’avant et l’après performance.

La dynamique des valeurs n’est pas sans incidence par rapport au faire et à l’être, et si nous approchons des lexèmes qui qualifient la performance de S1 isolément nous pouvons confronter l’aspect péjoratif au mélioratif.

faire                                                                           l’être

 


aspect mélioratif                                            aspect péjoratif

se débattre(faire) :                                                     se soumettre(non faire) :

transformations «longtemps »                                   «mes efforts inutiles »

                       « violemment »

                       résultats 

                       « vainement »             «destinée »            « néécessité »

 

              

valeur                          valeur

 

individuelle.                universelle

                                                                       « ma »                   « la » 

enlacement «sans art »

 

 

Faire contraire de l’anti-sujet : complicité « leur donner de nouvelles prises qu’ils n’ont eu garde de négliger ».

 

 

A l’issue de ce travail nous avons pu constater que la première Promenade de J.J.Rousseau est structurée selon une stratégie textuelle et discursive visant la narration d’un «état d’âme » mais aussi l’argumentation justifiant du coup l’acte de l’écriture et rationalisant une représentation dépréciative concernant la relation du Même avec l’Autre.

Ajoutons que le narratif ne peut être mis en évidence que si l’on postule que la narrativité comme phénomène ou aspect discursif coexiste avec les autres aspects génériques du discours même pour ceux qui peuvent apparaître divergents à première vue. Notre corpus manifeste très bien cela, car il est un texte hétérogène du point de vue générique. Et bien que relevant d’un genre inédit, la Promenade n’a pas pu échappé aux aspects généraux des textes dont l’hétérogénéité générique.

Ceci étant, la Promenade semble s’engager dans le narratif à deux niveaux :

- Le premier est général car toute performance langagière est une énonciation.

- Le deuxième est spécifique et reconnaissable grâce aux marques de l’énonciation.

Notre travail qui se voulait systémique a essayé de ce fait de montrer le statut énonciatif  et énoncif de l’incipit, tout en insérant la phrase introductive dans la globalité du texte. Cet objectif nous a conduit à concevoir la phrase introductive comme un élément relevant de la textualité du paratextuel en même temps. Il est ainsi permis  de le concevoir comme un artifice métatextuel de par sa dimension fonctionnelle. 

Remarquons aussi que l’incipit coïncide thématiquement avec la séquence résultative de la narrativité. Le «donc » marque alors le point d’arrivé dans le parcours thématique de l’acteur de la narration.

Bien que le modèle actantiel soit un outil simplificateur des positions narratives, il n’exclut pas la complexité des schémas qu’institue le texte. Dans la première Promenade ceci est avéré par les  positions des acteurs.

La Promenade dévoile par ailleurs un paradoxe confrontant l’état voulu et la transformation acceptée (solitude) à l’acte d’écriture qui est l’élimination de celle-ci. Car il est une conjonction  actorielle qui lie un auteur/énonciateur et un lecteur/ énonciataire.

De ce point de vue, la justification de l’écriture est un élément métatextuel qui  rationalise l’acte d’écriture mais qui n’exclut pas la fonction séductive et justificatrice.

Quant à l’énonciation, il nous est à présent possible de dire qu’elle englobe des instances qui instituent un contrat spécifique selon la représentation de l’énonciateur et de l’énonciataire.

            Cette approche nous a permis entre autre  de constater que la Promenade retrace toute la chaîne de la narrativité selon deux points de focalisation  différents, celui engagé par la modalisation virtualisante du « je », et celui mis en œuvre par le « il ». Nous retrouvons donc deux parcours opposés, l’un vise la péjoration et l’autre l’amélioration.

            La première des phases de la narrativité est la manipulation. Celle-ci est réflexive dirigée de l’acteur vers lui-même. A cette communication d’un objet cognitif et épistémique s’additionne  la communication transitive. Elle apparaît dans le vouloir être souhaité à l’être biographique (Jean-Jacques Rousseau) dans la réception de l’œuvre (les Promenades) et de son auteur.

            Il est à remarquer que la première Promenade fonctionne selon une complexité de l’aspect axiologique de la compétence et de la performance. Cette complexité  est amplifiée par la composition de la sanction, vu que cette dernière est réflexive et transitive en même temps. La réflexivité de la sanction érige le «je » en judicateur, dont la performance est l’évaluation de son propre état passionnel et la localisation par rapport à l’altérité. En revanche, la transitivité est motivée par un jugement épistémique qui classe l’altérité et l’identité selon une dialectique marquée par l’aspect polémique.

           Disons enfin que le récit déployé par la Promenade cadre l’action par l’être du faire et le faire être. Ce qui donne un enjeu quant aux faires et une modalisation des états et des transformations opérées par les acteurs de la Promenade.

 

 

 

 

MEDJDOUB Zahra.

 

Université de Tlemcem      (Algérie)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                             

  

**Cette étude paraîtra prochainement dans le Numéro 16 de la revue Etudes J.-J. Rousseau

.© Medjdoub Zahra.



[1]  Voir J. Le Gall, « Brève histoire du concept d’incipit dans la critique », dans Narratologie les frontières du récit, Publication de la faculté des lettres, arts et sciences humaines de Nice, n° 2, 1999,  p. 85.

 

[2]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, Paris, libraire Général de France, 2001, p.47.

[3] Ibid., p.47.

[4]  J.Le Gall, Brève histoire du concept d’incipit dans la critique, op. cit. , pp.86-87.

[5] Voir  J.Le Gall, « Brève histoire du concept d’incipit dans la critique », dans Narratologie les frontières du récit, Publication de la faculté des lettres, arts et sciences humaines de Nice, n° 2,  p.79.

[6]  P-M de Biasi, Critique génétique, Universalis

[7] P-M de Biasi, Critique génétique, Universalis

[8]  Ibid.

 [9] A. Del Lungo, L’incipit romanesque, Paris, Seuil, coll « Poétique », 2003, p. 384.

[10] J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p.43..

 

[11] Joseph Courtès, Analyse sémiotique du discours, de l’énoncé à l’énonciation, Paris, Hachette université, 1991, p. 257.

[12]  Axe du temps du narré.

[13] Axe du temps de la narration.

[14] Ibid.,  p. 249.  

[15] « Pour une théorie du discours poétique », dans A.J.Greimas (éd.), Essais de sémiotique poétique, Paris, Larousse, 1972, p. 20.

[16] M.Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Gallimard, 1978.p. 397.

[17] J-M.Adam, Le texte narratif, Nathan, 1985, p.181.

· qui regrsoupe l’énonciateur et le destinataire dans l’acte d’énonciation et le locuteur et l’allocutoire).

[18] Voir .Hamon, « Pour un statut sémiologique du personnage », in Poétique du récit, Paris, Seuil, 1977, p. 122-123.

 

· Cl.Bremond,  « La logique des possibles narratifs », Communication,  n° 8, 1966,p. 60-61.

20 C.Chabrol, Le récit féminin, La Haye-Paris, Mouton, 1971, p. 13-14.

[20]  -F: l’énoncé de faire transformateur.

-S2: sujet de faire

-S1: énoncé d’état initial indiquant la disjonction U, du héros S1 avec la société O. 

[21]  D.Bertrand, Précis de sémiotique, Paris, Nathan, 2000, p183. 

[22]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p.

[23]  Ibid., p..

[24]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, op. cit., p..

* : la compétence n’est pas une quantité mais une qualité, l’Etre du faire implique un Faire de l’être.

*nous n’avons pas évoqué le problème théorique que pose cette catégorie narrative et discursive.

[25]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, op. cit., p..

[26]  A.J.Greimas ; J.Courtès, Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979.p.90.

· F= fonction, A=actant.

[27] Cf O.Ducrot ; J-M. Schaeffer, Nouveau dictionnaire encyclopédique du langage, Paris, Seuil, 1995, p.446. 

[28] V.Propp, Morphologie du conte, Paris, Seuil, 1970.p.31.

[29] J-K.Klinkenberg , Précis de sémiotique générale, Paris, De Boeck &, 1996.p.185.

[30] .C.Geninasca, « Eléments de sémiotique du conte populaire » dans  Sémiotique , l’école de Paris, 1982, p. 73.

[31] A.J.Greimas, Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966.p.180.

[32] J-C.Coquet,  « L’école de Paris » dans Sémiotique, l’école de Paris, 1982.p.73.

[33] J.M.Adam, Le texte narratif,  p199, nathan, 1985.

 

 

[34] G.Cordesse, « Note sur l'énonciation narrative »,  Poétique, 65, 1986, p. 46.

[35]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p. 38...

[36] J.Courtès, La sémiotique du langage , Paris, Nathan, 2003.p. 93-94.

[37] J-C.Coquet, La quête du sens, le langage en question, Paris, PUF,1997, p. 9.

[38]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p..

[39] Maurice  Meleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p.X

[40] Groupe d’Entrevernes, Analyse sémiotique des textes, introduction, théorie-pratique, Lyon, PUL, 4e édition, 1984, p. 132.

[41] M.Arrivé, J-Cl Coquet (éds), Sémiotique en jeu. A’partir et autour de l’œuvre de A.J.Greimas, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamin, 1987, p. 314.

 

[42]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p. 47.

[43]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p..

* La socialité est la manifestation d’une intégration/insertion dans un groupe ou une communauté alors que la sociabilité est intégration/insertion dans le système de valeurs du groupe, la socialité est le degrés zéro de la sociabilité et la socialité est l’acceptation de la société et du réseau relationnel.

 

 

 

 

[44]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p..

[45]  J-J. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, p.47.