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La Lettre à d'Alembert, ou Jean-Jacques contre la société du spectacle.
Mis en ligne le 14 janvier 2003.
© : Jean-Pierre Montier.

Jean-Pierre Montier est Professeur en Littérature et Art à l'Université de Rennes 2. Il a publié notamment « Arrêt sur image dans La Princesse de Clèves » (Littérature, n° 119, septembre 2000), « Constantin Guys selon Baudelaire : reportage et modernité », in Littérature et Reportage, dir. Myriam Boucharenc et Joëlle Deluche, Presses Universitaires de Limoges, 2001, et un ouvrage : L'Art sans art d'Henri Cartier-Bresson, Flammarion, 1995.

 


 

La Lettre à d'Alembert

ou Jean-Jacques contre la société du spectacle

 

 

La Lettre à d'Alembert date de 1758. C'est une réponse à l'article « Genève » publié dans l'Encyclopédie, dans lequel le mathématicien prenait parti en faveur de la construction d'un théâtre dans la ville natale de Rousseau, Genève, marquée par le calvinisme et son rigorisme en matière morale.

Mais ce n'est pas par l'effet d'une sorte de patriotisme que Rousseau s'emporte contre d'Alembert et qu'il tient à préserver Genève — la ville dont il est originaire (et où d'ailleurs certains de ses ouvrages seront condamnés) — de la contamination par le théâtre.

Il existe bel et bien une ligne de fracture symbolique entre, d'un côté, la petite république suisse et, de l'autre, Paris, capitale du luxe, de l'esprit, du “progrès” et de ses chantres (tel d'Alembert), Paris où se concentrent toutes ces formes d'art et de science que Rousseau a déjà critiquées dans ses deux Discours.

Avec cette œuvre en apparence secondaire se marque le clivage au sein des Lumières entre Rousseau et les autres philosophes, d'Alembert et Diderot évidemment, outre Voltaire.

Bien qu'isolé, prêchant une cause qui semble perdue, Rousseau va donner corps, dans ce texte capital, à une idéologie politique qui, sans qu'elle se réclame toujours de lui explicitement, connaîtra une large expansion au XXe siècle.

La question primordiale que pose Rousseau est de savoir si le relâchement des mœurs, au théâtre et dans les sociétés qui le pratiquent, est dû à des causes particulières, liées à une conjoncture spécifique, ou s'il existe un lien d'essence entre l'existence du théâtre et le laxisme moral, signalant l'oubli de la nature humaine (postulée bonne), la négligence de la vertu propre au citoyen.

Rousseau répond dès le début à cette question, en prenant le parti du Barbare à qui l'on vantait les jeux du cirque à Rome et qui demanda, indigné : « Quoi ! Les Romains n'ont donc ni femmes ni enfants[1] ? »

Il affectionne ce genre de fable et la commente avec des accents dignes de Cicéron, ou de Caton : « C'est le mécontentement de soi-même, c'est l'oubli des goûts simples et naturels qui rendent si nécessaires un amusement étranger. Je n'aime point qu'on ait besoin d'attacher incessamment son cœur sur la scène, comme s'il était mal à son aise au-dedans de nous[2]. »

Le ton est donné. Il ne s'agit pas pour lui de prolonger la critique des moralistes qui, tels Bossuet ou Bourdaloue, brocardaient le théâtre au nom de la décence, en arguant soit des mauvaises mœurs des acteurs, soit de la moralité douteuse des scènes représentées (problème de la bienséance), ou qui, plus généralement, soulignaient les problèmes de maintien de l'ordre que pose tout endroit public où sont amenées à se rencontrer des personnes de condition et de sexe différents.

La plupart des critiques moralistes pensaient que théâtre et morale étaient, finalement, conciliables, que tout n'était au surplus qu'une question de juridiction, de réglementation, d'organisation, de « bonne police ».

Conformément à sa méthode, Rousseau va remonter à l'origine du problème, et s'interroger sur le lien qui unit la société au spectacle : existe-t-il un rapport intrinsèque entre la notion même de spectacle et l'existence d'une société dans laquelle l'homme de la nature ne se retrouve plus ? Si ce lien est discernable, est-il un signe indubitable attestant de la perversité de « l'homme de l'homme » dans des états qui, au contraire de la ville de Genève justement, favorisent les théâtres ?

Rousseau répond en prenant parti pour l'existence d'un lien originellement pervers entre spectacle et société.

Si la plupart des sociétés sont des dérivation dégradées de l'état de nature, certaines d'entre elles, en outre, sont plus spécialement perverties que d'autres : ce sont celles où il existe des lieux pour pratiquer cette occupation singulière qu'est un spectacle.

Rousseau commence donc sa Lettre par cette assertion paradoxale : loin d'être le lieu où se développe de manière privilégiée la sociabilité humaine, le théâtre est l'endroit où s'exprime de manière insidieuse la plus fausse des sociabilités. Il discerne chez les spectateurs qui vont au théâtre non pas l'expression de leur attachement aux autres hommes, mais au contraire le désir sournois et égoïste d'oublier les autres et soi-même :

« L'on croit s'assembler au spectacle, et c'est là que chacun s'isole ; c'est là qu'on va oublier ses amis, ses voisins, ses proches, pour s'intéresser à des fables, pour pleurer les malheurs des morts ou rire aux dépens des vivants[3]. »

Bref, le théâtre est ce lieu emblématique où l'homme vivant en collectivité s'arroge le droit de mettre entre parenthèses les devoirs qui sont les siens, et contrevient, en se réfugiant dans l'imaginaire, au contrat moral qui le lie aux autres membres de la communauté.

La preuve de cette rupture sinon du « contrat » du moins du « lien » social est que rien n'est plus sujet aux variations de la mode que les spectacles : or l'homme véritable est un ; donc les multiples modes auxquelles les théâtres sont soumis — et qu'ils entretiennent — sont bien la preuve que l'homme qui va au spectacle est cet être éparpillé, hors de son assiette, propre à la société dégradée.

Les spectacles, à leur manière, contribuent à l'éclatement de l'homme, à sa modification progressive, au même titre qu'y contribuent aussi les lois, les gouvernements, les religions, etc., de sorte qu'il est désormais fort éloigné de sa nature véritable : « Voilà d'où naît la diversité des spectacles, selon les goûts divers des nations.[…] Un peuple galant veut de l'amour et de la poésie, un peuple badin veut de la plaisanterie et du ridicule. Il faut, pour leur plaire, des spectacles qui favorisent leurs penchants, au lieu qu'il en faudrait qui les modérassent[4]. »

Autrement dit : un homme qui est resté le plus proche possible de l'état de nature a des plaisirs qui naissent à proportion de ses travaux, et l'homme qui travaille non seulement ne s'ennuie pas, mais ne meuble ses loisirs que de plaisirs doux, conformes à son état de père, d'époux, et de citoyen. Les spectacles, au contraire, reposent sur l'ennui. Ils sont l'expression d'une oisiveté non pas sereine comme celle de la rêverie, mais tapageuse, agitée, extravertie[5].

Comme souvent chez Rousseau, on trouve implicitement une distinction sémantique subtile mais capitale entre deux termes pourtant proches l'un de l'autre : l'ennui en effet n'est pas pour lui l'oisiveté, car s'il fait l'éloge de la seconde (le doux far niente permet à l'homme de se retrouver lui-même un instant, et d'oublier les contraintes factices de ses activités quotidiennes), Rousseau en revanche perçoit l'ennui comme un vice. Dans « ennui » il y a « haine » : l'ennui c'est ne rien faire sans être en mesure toutefois de retrouver le chemin qui mène à soi-même, à sa vie intérieure, à son assiette naturelle, et alors cet ennui se change en frivolité, en goût du paraître et en sentiments d'acrimonie, de jalousie, de rivalité à l'égard de nos semblables.

Ce n'est pas dans l'oisiveté mais bien dans l'ennui que s'enracine le goût du spectacle, lequel, au même titre que le luxe, ressortit à une problématique de la séduction, au sens étymologique, c'est-à-dire qu'il s'agit dans les deux cas de faire sortir l'individu de son centre de gravité, de l'attirer ailleurs, de le faire dériver davantage loin de soi.

Aussi, pour Rousseau, la question de savoir si les spectacles peuvent être utiles et instruire est-elle oiseuse, car étant faits pour plaire, ils peuvent sans doute instruire à l'occasion, mais ils s'adressent fondamentalement aux passions et aux penchants des peuples : ils ne touchent donc, par définition, ni le sens de la Vertu, ni la Raison[6]. Les spectacles ne peuvent faire autrement que se régler sur les passions dominantes de chaque peuple. La scène doit donc respecter les goûts et les préjugés des spectateurs. Par conséquent, non seulement le théâtre ne peut prétendre améliorer en quoi que ce soit des mœurs qu'il ne fait que suivre ou flatter, mais il ne manque jamais de les corrompre davantage en insufflant une énergie à toutes les passions, auxquelles il confère même un semblant de légitimité.

Et s'il est vrai que le théâtre s'adresse bien à la conscience morale, c'est pour la déréaliser : une émotion ne dure que le temps du spectacle, et ne saurait en rien présager du degré d'émotivité dont les mêmes spectateurs pourraient faire preuve dans une situation non plus fictive mais réelle, face, par exemple, à des souffrances véritables. Loin qu'elles les rendent plus sensibles aux maux d'autrui, les fictions du théâtre permettent au contraire aux spectateurs de soulager leur émotivité à blanc, si l'on peut dire, de sorte qu'ils se sentent quittes d'éprouver ces mêmes sentiments moraux face à la réalité. « Au fond, quand un homme est allé admirer de belles actions dans des fables, et pleurer des malheurs imaginaires, qu'a-t-on encore à exiger de lui ? N'est-il pas content de lui-même ? Ne s'applaudit-il pas de sa belle âme ? Ne s'est-il pas acquitté de tout ce qu'il doit à la Vertu par l'hommage qu'il vient de lui rendre ? Que voudrait-on qu'il fît de plus ? Qu'il la pratiquât lui-même ? Il n'a point de rôle à jouer : il n'est pas comédien[7]. » La preuve en est que, lorsque le vice est puni et la vertu récompensée, ce n'est pas le sens moral qui est content mais la bonne conscience du spectateur, puisque même les méchants aiment à voir la vertu triompher, pourvu que ce soit exclusivement sur une scène. Si la vertu est couronnée au théâtre, c'est pour satisfaire aux seules passions, non pas à la conscience morale.

Même si le théâtre fait voir des actions vertueuses ou des crimes punis, il ne les montre sur la scènes qu'en tant qu'objets de plaisir : on jouit en effet de l'image des actes vertueux. Mais pour ce faire, ils doivent être transformés, mis à la dimension de la scène, grossis. Ainsi les actes les plus vertueux y semblent-t-ils ampoulés, quand les crimes les plus noirs y paraissent magnifiés. De manière générale, il n'y a de place sur la scène d'un théâtre que pour les sentiments qui ont une expression peu discrète : « Le savoir, le courage, l'esprit ont seuls notre admiration ; et toi, douce et modeste vertu, tu restes toujours sans honneurs[8] ! »

C'est ainsi que dans Mahomet de Voltaire, la grandeur d'âme du héros efface aux yeux des spectateurs l'atrocité de ses crimes. En revanche, il fait de l'ombre à un personnage qui seul attire l'attention de Rousseau, et qui fut évidemment négligé par la critique autant que par les specta­teurs. Il s'agit de Thyeste : « Ce n'est pas un homme courageux, ce n'est point un modèle de vertu ; c'est un homme faible et pourtant intéressant, par cela seul qu'il est homme et malheureux. Par cela seul, le sentiment qu'il excite est extrêmement tendre et touchant : car cet homme tient de bien près à chacun de nous, au lieu que l'héroïsme nous accable encore plus qu'il ne nous touche, parce qu'après tout nous n'y avons que faire. Ne serait-il pas à désirer, ajoute Rousseau, que nos sublimes auteurs daignassent descendre un peu de leur continuelle élévation et nous attendrir quelquefois pour la simple humanité souffrante, de peur que, n'ayant de la pitié que pour des héros malheureux, nous n'en ayons jamais pour personne[9] ? »

On sent à quel point Rousseau s'investit lui-même dans la description qu'il donne de ce personnage secondaire, et que l'on touche évidemment ici au cœur de sa critique.

Elle est en deux temps : d'abord, les héros véritables ne peuvent être que des sortes de monstres, par nature, si l'on peut dire, sinon ils n'auraient rien de théâtral. Donc, ils ne peuvent servir de mesure à nos actes, et ne sauraient au contraire que brouiller nos critères de valeurs. En outre, ils font de l'ombre à l'humanité véritable, lorsqu'il arrive que celle-ci apparaisse sur la scène, car les hommes vertueux et tendres sont par définition les plus effacés.

L'ontologie du spectacle que propose Rousseau n'est pas sans évoquer celle qu'écrira plus tard Sartre, analysant la perversité des tourniquets imaginaires mis en place dans les pièces de Jean Genet. Le théâtre étant un monde imaginaire, les vertus qui y sont couronnées le sont tout autant : « Le théâtre a ses règles, ses maximes, sa morale à part, ainsi que son langage et ses vêtements[10]. » C'est bien pourquoi il ne peut faire de la vertu autre chose que de théâtral, et par conséquent la dégrader davantage.

C'est ainsi, raconte Rousseau, que de jeunes Athéniens se moquaient d'un vieillard qui ne parvenait pas à trouver de la place pour s'asseoir sur les gradins du théâtre : tous se serraient les uns contre les autres chaque fois qu'il croyait pouvoir prendre place, si bien qu'il dut faire ainsi le tour de l'hémicycle : lorsqu'ils s'en avisèrent, des ambassadeurs de Sparte prièrent le vieillard de venir s'asseoir au milieu d'eux. Et Rousseau de conclure que si les Athéniens savent ce qui est honnête, les Lacédémoniens le pratiquent. L'exemple n'est évidemment pas choisi au hasard, puisque si Athènes représente le raffinement de la civilisation, les inclinations de Rousseau le portent vers Sparte, petite république austère qui sert de paradigme antique de Genève.

De la prétendue “catharsis”

Rousseau souligne bien que le mal ne vient pas de ce que les pièces de théâtre seraient de médiocre qualité : au contraire, affirme-t-il, le théâtre français ne saurait être meilleur. Ainsi ses arguments auront d'autant plus de force qu'il montrera, en prenant pour exemples des pièces de Racine, Corneille ou Molière, que, tout édifiantes que ces auteurs les prétendent, leurs pièces ne favorisent nullement la vertu et n'améliorent en rien ceux qui assistent aux représentations.

Son argumentation va dans un premier temps s'attacher au genre le plus prestigieux, la tragédie. Il est vrai qu'au XVIIIe, la tragédie fait les frais de l'évolution du goût : elle apparaît aux antipodes de l'esthétique qui prévaut alors, et qui tend à valoriser la vérité des caractères et la modération dans les actions. Voltaire lui-même ne manque pas de souligner que la scène tragique offre souvent le spectacle de l'emphase, de l'excès, de la folie meurtrière, et combien tout cela s'apparente à l'archétype du mauvais goût, du gothique, comme on disait alors. Si Voltaire épargne Racine, il juge Corneille brouillon et excessif, Garnier confus et démesuré, Shakespeare génial mais barbare.

Rousseau prend donc appui sur ces critiques, mais leur donne une tout autre dimension : il ne s'agit pas pour lui de se situer du point de vue du bon goût, donc en fonction du plaisir esthétique ressenti par le spectateur, mais bien d'examiner en quoi un tel plaisir peut se justifier. Or, en dépit de ses excès, la tragédie demeure quand même le genre théâtral le plus justifiable au regard de la morale, puisqu'elle est censée instruire et purifier les passions, selon la tradition aristotélicienne, à laquelle puisent abondamment tous les théoriciens du théâtre du XVIIe siècle.

C'est bien ce qui amène Rousseau à contester la validité de la thèse d'une purification des passions : « Je sais que la poétique du théâtre prétend purger les passions en les excitant : mais j'ai peine à bien concevoir cette règle. Serait-ce que pour devenir tempérant et sage, il faut commencer par être furieux et fou[11] ? » Pour Rousseau, susciter une passion, c'est les exciter toutes. Seule la Raison peut les contenir. Mais elle n'est de rien au théâtre. Prétend-on que le théâtre fait aimer la vertu et haïr le vice ? C'est absurde, car il faudrait que ces sentiments fussent artificiels, alors qu'ils sont au contraire les plus naturels. Rousseau va donc montrer que la prétendue catharsis ne fonctionne pas sur le plan moral, mais exclusivement sur le plan esthétique.

Il dissocie nettement la sphère morale de la sphère esthétique, justifiant par là l'exclusion des poètes de la Cité voulue par Platon. Il faut noter que, douze ans plus tard, lorsque Diderot rédigera en 1769 son Paradoxe sur le comédien, il donnera implicitement raison à Rousseau sur ce point, en écrivant : « Le citoyen qui se présente à l'entrée de la comédie y laisse tous ses vices pour ne les reprendre qu'en sortant. Là, il est juste, impartial, bon père, bon ami ; et j'ai vu souvent à côté de moi des méchants profondément indignés par des actions qu'ils n'auraient pas manqué de commettre s'ils s'étaient trouvés dans les mêmes circonstances que celles où le poète avait placé le personnage qu'ils abhorraient[12]. »

Si donc les théoriciens du théâtre ont perdu leur temps à vouloir justifier la tragédie par l'amendement moral et l'amélioration spirituelle qu'elle est supposée produire, Rousseau a donc raison de dire qu'au mieux l'effet moral d'une tragédie est nul. Ce qui laisse évidemment entendre que la plupart du temps, il est préjudiciable : car, si la boursouflure du spectacle tragique l'empêche d'instruire, elle ne lui interdit pas de nuire, puisqu'elle sollicite l'imagination et suscite les passions.

Une machinerie jouant à contre-nature

Mais revenons à notre Barbare. Selon Rousseau, la représentation des horreurs tragiques accoutume un peuple à des atrocités qu'il n'eût même pas osé imaginer. La barbarie du spectacle tragique était-elle déjà manifeste chez les Grecs ? Pas tout à fait, répond Rousseau, car les légendes cruelles dont il s'est nourri faisaient partie des “antiquités nationales”, ou, si l'on veut, de l'identité profonde de ce peuple. Pour nous, modernes, toutefois, la distance historique qui nous en sépare les rend plus vénérables, et donc plus dangereuses [13]. Si ces mythes étaient la mémoire, l'identité, presque la “nature” des Grecs, ils ne sont pour nous qu'artifices rapportés. Désormais, le spectacle tragique rend l'horreur familière, et, c'est un comble, presque naturelle. L'anti-nature devient alors le critère même sur lequel se règlent les passions et les comportements, car lorsque l'action tragique se pare des atours et des prestiges du beau, lorsqu'elle se drape dans les splendeurs factices du théâtre, alors l'atrocité et le vice prennent un caractère presque exemplaire.

Si l'on examine à présent la comédie, il est clair pour Rousseau que, loin d'amender les mœurs en montrant les ridicules des vices et des passions, la comédie ne ridiculise que la vertu : prenant l'exemple du Misanthrope, Rousseau montre que Molière a mis sur la scène un homme de bien qui déteste la méchanceté de ses contemporains, qui est l'ami de l'humanité vertueuse, mais qui pour cette raison même dérange et finit par être tourné en dérision par tous ceux dont toute la sagesse, tel Philinte, consiste seulement à savoir s'adapter, et passer des compromis[14].

On pourrait bien sûr rétorquer à Rousseau que, si atroces que soient les horreurs tragiques, ces spectacles sont au moins la preuve d'un certain raffinement, puisqu'ils sont irréalisés par la situation scénique elle-même, qui ne montre que des actions imaginaires, alors que, dans les jeux du cirque des romains, avaient lieu de véritables exécutions. Mais précisément, pour Rousseau les Romains n'avaient pas ce raffinement pervers qui consiste à souiller son imagination : « [au cirque] on voyait couler le sang, il est vrai, mais on ne souillait pas son imagination des crimes qui font frémir la Nature[15]. » Ce qui montre bien que la position de Rousseau ne consiste pas en une critique naïve du mensonge théâtral en tant que tel. Elle est fonction de l'importance capitale qu'il accorde à l'imagination. On pourrait croire en effet que les spectacles qui ne montrent que des faux-semblants de cruauté seraient une forme de divertissement plus “civilisée” que les jeux du cirque : or, en s'adressant à l'imagination, ils atteignent la faculté qui pour Rousseau recèle ce que l'homme a de plus authentique, de plus profond.

L'imagination renvoie à la vie intérieure, à laquelle précisément donne accès la rêverie, celle aussi que tentent d'explorer les Confessions.

On pourrait dire que c'est grâce à elle que l'homme rousseauiste parvient dans certaines conditions à retrouver la meilleure part de lui-même. Or si les spectacles s'adressent à l'imagination, c'est pour l'occuper dans un sens qui est finalement contraire à la nature de l'homme : aussi constate-t-on symptomatiquement qu'à cause des spectacles l'ordre naturel est inversé. « La même cause qui donne, dans nos pièces tragiques et comiques, l'ascendant aux femmes sur les hommes, le donne encore aux jeunes gens sur les vieillards ; et c'est un autre renversement des rapports naturels qui n'est pas moins répréhensible[16]. » Le théâtre — et les cités ou états où on les édifie — sont ainsi des lieux où triomphent les femmes, où elles sont exposées aux regards et où elles prennent le pas sur les hommes, ce qui est la pierre de touche d'un état social aussi éloigné que possible de l'état de nature. Les anciens honoraient davantage les femmes en n'en parlant jamais et en respectant leur modestie naturelle. Au contraire de ce qui se passe dans une société sagement policée, les femmes, au théâtre, sont sur le devant de la scène, parce que ce sont elles qui donnent leurs règles aux passions amoureuses (sur l'excitation desquelles reposent tous les spectacles).

C'est pourquoi la seule morale théâtrale, si l'on peut dire, est de prédisposer à la faiblesse sentimentale, au détriment de l'exercice de la vertu. Au théâtre, c'est toujours l'amour qui gagne, même quand le dénouement est en apparence contraire : ainsi dans Bérénice, « Titus a beau rester romain, il est le seul de son parti ; tous les spectateurs ont épousé Bérénice[17]. ».

Si le but du théâtre était réellement d'instruire (comme l'affirment tous les défenseurs du théâtre, depuis Molière jusqu'à Beaumarchais, un peu plus tard, dans la préface du Mariage de Figaro), il devrait montrer aux jeunes gens qu'il faut se défier des illusions de l'amour. Or, « en favorisant tous nos penchants, il donne un nouvel ascendant à ceux qui nous dominent ; les continuelles émotions qu'on y ressent nous énervent, nous affaiblissent, nous rendent plus incapables de résister à nos passions ; et le stérile intérêt qu'on prend à la vertu ne sert qu'à contenter notre amour-propre, sans nous contraindre à la pratiquer[18]. ».

De la place du théâtre dans la cité

Rousseau ayant montré le rapport intrinsèque existant entre le théâtre, le luxe, l'oisiveté, la souillure de la faculté imaginative et la corruption morale, il examine à quoi peuvent bien servir les spectacles.

Dans les grandes villes, à occuper les fripons deux heures par jour à faire autre chose que des filouteries. Dans les petites villes, il n'y en a pas : les habitants des grandes cités concluent qu'on s'y ennuie. À tort ! Rousseau rétorque que dans les petites villes on est plus inventif, plus ingénieux et actif que là où règnent l'oisiveté et le luxe des riches.

Intervient ici l'éloge des Montagnons de Neuchâtel : car c'est finalement tout un dispositif géopolitique que Rousseau va édifier pour faire pièce à la pression de d'Alembert — irrévocablement considéré désormais comme un représentant des grandes capitales et de leur conception de la culture et du progrès, celles-là mêmes qu'il avait récusées dans son Dicours sur les sciences et les arts.

Ainsi, les habitants des alentours de Neuchâtel sont-ils convoqués pour illustrer une forme d'utopie critique de la société du spectacle, identifiée à la capitale française[19].

Les loisirs des Montagnons se passent en bricolages inventifs, à cultiver leurs talents naturels pour le dessin ou la musique. Il ne s'agit pas d'arts savants enseignés par des maîtres et destinés à une élite, mais d'arts traditionnels, permettant à la famille nucléaire ou à la communauté restreinte de ressentir sa solidarité, son unité. « Un de leurs fréquents amusements est de chanter avec leurs femmes et leurs enfants des psaumes à quatre parties[20]. » Car Rousseau ne méconnaît pas qu'il faut à l'homme des divertissements, à la condition toutefois que ces derniers ne l'éloignent ni de son être ni de ses devoirs (de père, d'époux, de citoyen). Or, tout spectacle est pour lui porteur d'illusion sur le plan éthique, d'apparence sur le plan ontologique, de décadence sur le plan politique.

Ces trois niveaux (éthique, ontologique, politique) sont indissociables, ce par quoi Rousseau radicalise la critique augustinienne (ou pascalienne) du spectacle qui ne portait que sur les deux premiers : la critique rousseauiste est en outre et ultimement à visée politique.

Et pour vérifier son hypothèse, Rousseau propose d'examiner a contrario ce qui se passerait si l'on venait à édifier un théâtre chez ces Montagnons : cela signifierait relâchement du travail, augmentation des dépenses, création d'impôts, introduction du luxe, volonté de briller et de se parer, finalement perversion des mœurs et dégénérescence du corps social[21].

Aussi, la conclusion que Rousseau tire est que, lorsqu'un peuple est corrompu, les spectacles ne lui sont bons que pour supporter seulement cet état de corruption. En revanche, ils sont mauvais, sans rémission, pour les quelques peuples qui — préservés comme miraculeusement des évolutions subies dans les grandes capitales — sont encore vertueux.

Cependant, en dehors et au-delà de la famille où se déroulent ces veillées, chez les Montagnons, n'est-il cependant pas possible d'aller quérir du divertissement ?

Si, répond Rousseau : car n'oublions pas que l'enjeu qu'il conserve dans sa ligne de mire est bien de circonscrire un mode de sociabilité compatible avec le contrat social, et par conséquent qui soit plus large que la seule famille nucléaire. Si, pour Rousseau, les Montagnons forment une société quasi naturelle, il n'en fait cependant pas une utopie.

Il fournit alors un autre modèle que celui des Montagnons, celui des clubs ou cercles genevois. Car s'il y a quelque chose de foncièrement impudique à s'exhiber en public, comme fait le comédien (« J'adjure tout homme sincère de dire s'il ne sent pas au fond de son âme qu'il y a dans ce trafic de soi-même quelque chose de servile et de bas[22]. »), s'il est par ailleurs injurieux envers la pudeur naturelle des femmes de les inviter à se montrer et se mêler à un public où elles sont l'objet des tous les regards, que reste-t-il pour se divertir en ville, sinon ces sociétés closes, dans lesquelles les sexes sont séparés, et que les genevois dénomment clubs ? « Suivons les indications de la Nature, consultons le bien de la société ; nous trouverons que les deux sexes doivent se rassembler quelquefois, et vivre ordinairement séparés[23]. » Les cercles et les clubs permettent cette séparation conforme à la nature. On s'y réunit l'après-midi, pour lire, bavarder, pratiquer des jeux innocents (sans mise d'argent).

Sans doute arrive-t-il que les hommes y fument du tabac et y boivent ; que de leur côté les femmes s'y livrent à leur penchant pour le babil médisant. Mais ces inconvénients mineurs ne sont rien, dit Rousseau, au regard des conséquences qu'engendrerait la construction d'un lieu de spectacle, lequel contrarierait l'existence de cette vie associative exemplaire.

Société du spectacle ou de l'argent : même fêlure

C'est au sens fort du terme pour Rousseau un problème de choix de société : l'une, villageoise, au pire provinciale (Genève), est la moins éloignée possible de l'état de nature ; l'autre, urbaine, oisive, luxueuse, reposant sur les apparences et la “distinction”, est contre-nature et décadente[24]. La première valorise l'être, la seconde l'avoir. La première (la société des clubs) autorise l'homme à demeurer aussi proche que possible de son assiette naturelle. La seconde (la société du spectacle) accroît l'inégalité des conditions, ce qui trahit son caractère contre-nature : elle interpose entre les hommes un double artifice nuisible à leurs relations, l'illusion du spectacle et le signe monétaire. Car sans argent, point de spectacle : Rousseau le souligne lourdement, s'indignant du fait que construire chez eux un théâtre ce serait en outre demander aux Genevois de payer pour assurer leur propre décadence !

Mais réciproquement ; si les spectacles ont certes besoin d'argent, l'argent même ne trouve sa justification que dans l'utilité (prétendue) des spectacles grâce auxquels la société fait reluire et donne à admirer sa (soi-disant) éminence : l'argent engendre le besoin de briller, le luxe, le règne de l'apparence, et le spectacle alimente à son tour tous ces artifices.

Argent et spectacle entretiennent donc un lien originellement et intrinsèquement pervers.

Autrement dit, la critique rousseauiste envers le spectacle est aussi, consubstantiellement, une critique de l'argent.

Rousseau ne dénonce pas la présence accidentelle, ou mal répartie, ou trop importante de l'argent : société du spectacle et société de l'argent sont pour lui un seul et même repoussoir, ou pour mieux dire, « l'horreur économique » et « l'horreur spectaculaire » sont deux faces, indissociables, d'une même pièce. Car le signe monétaire, à la fois virtuel et opaque, est lié à un type de société où le rapport à la nature humaine est devenu lui-même virtuel et opaque[25].

Une question demeure cependant en suspens : quels spectacles seraient-ils dignes d'individus liés par un nouveau contrat social ? Quels sont les divertissements dignes de républicains ?

Là prend sa place l'opposition fondamentale chez Rousseau entre la fête et le spectacle : la fête unifie, exalte une communauté, lui procure un amusement en même temps qu'elle scelle son identité. Pour savoir ce qu'est une fête selon Rousseau, il faut je crois se référer à La Nouvelle Héloïse (cinquième partie, Lettre VII à Milord Edouard), où l'on a une description extraordinaire des vendanges chez M. de Wolmar, lorsqu'après le travail tous les paysans sont rassemblés pour se réjouir autour de leur maître pour manger, boire et chanter des airs connus de tous, dans un domaine situé au cœur d'une vallée (on retrouve un type de site cher à Rousseau, connotant une douce séparation d'avec le monde environnant).

Dans la fête, nul besoin d'applaudissements, puisque chacun est partie prenante. La fête reconquiert l'unanimité, elle est l'égalité en acte. Idéalement (lorsqu'elle n'est pas octroyée au peuple, comme c'était le cas de la plupart des fêtes monarchiques hors de l'espace curial), la fête refonde rituellement le pacte social égalitaire. Elle se situe dans le prolongement du travail, ses joies sont proportionnelles aux vertus qu'elle récompense, et les dépenses qu'elle occasionne sont elles aussi à proportion des fruits que ce travail a produits. Sachant que ces fruits doivent être limités, sans quoi on risque de retomber dans une société d'abondance, et donc de commerce et d'argent.

La société festive repose donc nécessairement sur une économie de subsistance, autarcique et introvertie. La société du spectacle est hyper-productive, extravertie et entropique.

Le spectacle — au contraire de la fête — repose sur l'idée de fracture : il y a la scène et la salle, ceux qui jouent et ceux qui regardent, ceux qui procurent l'illusion et ceux qui à la fin applaudissent pour s'en réjouir. Par conséquent, la fêlure que le spectacle introduit au sein de la communauté — entre ceux qui agissent et ceux qui sont destinataires de la re/présentation — est bien la preuve pour Rousseau que certaines sociétés humaines sont arrivées à un tel point de décadence et de déni de la nature qu'elles ont substitué l'avoir à l'être, l'apparence à l'essence, l'urbanité factice des salons à la sociabilité douce des chaumières ou des clubs. Et cette scission est fondamentalement la même que celle du signe monétaire, entre valeur d'usage et d'échange, ou entre valeur économique et valeur humaine.

Il faut ici souligner l'opposition cruciale entre Voltaire et Rousseau, autrement dit au sein même de ce qu'on appelle commodément la philosophie des Lumières.

Pour Voltaire, l'égalité est une chimère, ni possible, ni même souhaitable (l'inégalité est même un moteur socio-économique essentiel ; sans inégalité, point de commerce, donc point de société évoluée). Pour Rousseau, la reconquête de l'égalité naturelle prime et conditionne tout : nul ne peut se dire libre si l'égalité n'est pas obtenue préalablement. Mais autant le primat voltairien de la liberté engendre de l'inégalité, autant le primat rousseauiste de l'égalité est potentiellement liberticide.

Les concepts de liberté et d'égalité, tels qu'élaborés par Voltaire et Rousseau, sont donc parfaitement antinomiques, et inconciliables, sinon en principe par le troisième terme du trinôme que les révolutionnaires prendront à leur compte, la fraternité. Mais Voltaire ne pense la fraternité qu'à l'intérieur du cadre restreint du compagnonnage philosophique. La fraternité n'est pas pour tous. Rousseau, lui, voit dans la fête civique le moment rituel où la fraternité pourra irradier la communauté entière, révélant chacun à soi-même et à tous en même temps. Mais cette fraternité égalitaire repose sur l'exclusion de tout ce qui dépasse, de tous ceux qui contrarient l'unanimité. La fraternité festive s'avérera à l'avenir grosse de totalitarismes.

Car il serait illusoire d'imaginer possible de sélectionner tel point de la critique rousseauiste qui séduirait et de délaisser ce qui paraît daté, passé de mode, ou suspect. Le dispositif conceptuel mis en place par Rousseau est un système philosophique, dans lequel tous les éléments sont en relation étroite les uns avec les autres. Si on prend comptant la critique de l'argent, il faut aussi, dans le lot, accepter la misogynie rousseauiste ou encore son éloge des cultures rurales. Rousseau est d'une cohérence redoutable : rappelons que la Nouvelle Héloïse, il déclare l'avoir écrite pour les seuls gens de province (même si ce fut un des best-sellers du siècle) et que par ailleurs il ne gagna pas sa vie comme écrivain, mais comme copiste de musique. Rousseau n'eût pas voulu tenir ses revenus d'un travail reposant sur la distinction sociale et d'un un “art” symptomatique d'une sociabilité éloignée de la nature.

Sa critique du spectacle est ainsi au point de convergence d'un ensemble de dichotomies systémiques, qui circonscrivent toute sa philosophie politique.

D'un côté, on a l'homme de la nature, le doux farniente, l'idéal d'une langue naturelle (car les signes linguistiques lui sont aussi suspects que les monétaires), l'échange des fruits d'un travail modéré, la sobriété vertueuse, l'imagination rêveuse qui permet à l'homme de se retrouver, la fête qui égalise et met bas les masques.

De l'autre, on a l'homme de la société, l'oisiveté malheureuse des riches, la communication factice des conversations artificielles, l'horreur d'une économie productiviste, le luxe malsain, l'imagination dégradée qui se soulage en fausse catharsis, le spectacle qui reconduit la scission, la “distinction” et l'inégalité entre les hommes.

Conçue pour imposer ce qu'on pourrait appeler un “choix de société” très tranché, la critique rousseauiste du spectacle se révélera surtout, à l'usage, une machine idéologique d'une formidable productivité, encore active à ce jour. Pourtant, le programme qu'elle dessine fut bel et bien mis en œuvre par les fêtes de la Révolution française : mais, comme le souligne Mona Ozouf, si « la festomanie révolutionnaire est l'histoire d'une immense déception », les ressources de l'idéologie « contre la mauvaise grâce des faits[26] » n'en sont pas moins infinies.

Rousseau a probablement raison de penser que spectacle et argent sont indissociables : mais au lieu de déplorer l'existence de ce lien intrinsèque, on peut aussi, renversant la perspective, se demander avec Voltaire cette fois si la liberté ne sort pas gagnante du fait que toute société du commerce (au sens large qui va du commerce amoureux à celui des marchandises) soit effectivement une société du spectacle, tant il est clair que l'égalité festive s'incarnera, de fait, dans des sociétés ou des épisodes historiques totalitaires, et qu'à l'inverse les sociétés du spectacle permettront la critique et l'historicité démocratiques plutôt que l'autarcie économique et l'eschatologie égalitariste. Si c'est le jeu et l'intérêt bien compris de l'idéologie que de brouiller les cartes, ce peut être l'enjeu de la critique historique que de les mettre à plat.

Jean-Pierre Montier

 


NOTES

[1] Rousseau, Lettre à M. d'Alembert sur son Article Genève, Paris, Garnier-Flammarion, préface de Michel Launay, 1967, p. 66. Les citations ultérieures renverront toutes à cette édition.

[2] Idem.

[3] Ibidem.

[4] Ibid., p. 68.

[5] Sur cette question, voir la fin de la cinquième Promenade des Rêveries du Promeneur solitaire, ainsi que les analyses de Jean Starobinski, in Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l'obstacle, Gallimard, collection, Tel, pp. 415 sq.

[6] « Il n'y a que la Raison qui ne soit bonne à rien sur la scène », écrit Rousseau (Lettre à M. d'Alembert, op. cit., p. 69).

[7] Idem, p. 79.

[8] Ibidem, p. 85.

[9] Ibid., p. 89.

[10] Ibid., p. 80.

[11] Ibid., p. 71.

[12] Diderot, Paradoxe sur le comédien, Garnier-Flammarion, p. 167.

[13] Il semble que l'on trouve en germe chez Rousseau l'opposition qui s'exprimera au XXe siècle par le débat entre arts populaires et arts élitistes : c'est en tous cas ainsi qu'on peut expliquer pourquoi Rousseau “innocente” les horreurs tragiques au nom de leur caractère national et populaire (les mythes représentant comme les contes une forme littéraire sans notion d'auteur et transmise oralement), tandis qu'il stigmatise les formules littéraires dont l'existence est synonyme de luxe et de raffinement, c'est-à-dire finalement de distinction (dans l'acception de la sociologie contemporaine, au sens d'artifice comportemental signalant une séparation entre des classes sociales).

[14] Je ne m'attarde pas à commenter ce qui touche à la comédie, puisque c'est ce passage qui, pour l'essentiel, a été l'un des seuls retenus par les commentateurs et critiques littéraires. Je m'attache par conséquent à souligner la profonde cohérence du texte de Rousseau, et son potentiel idéologique.

[15] Lettre à M. d'Alembert, op. cit., p. 92.

[16] Idem, p. 116.

[17] Ibidem, p. 122.

[18] Ibid., p. 128.

[19] Ibid., p. 133 sq.

[20] Ibid., p. 135.

[21] Ibid., pp. 138-140.

[22] Ibid., p. 163.

[23] Ibid., p. 195.

[24] Ibid., p. 212.

[25] Sur le rapport de Rousseau à l'argent, voir les Rêveries du promeneur solitaire, les épisodes du mendiant qui l'attend à une des barrières de Paris, des oublies et des pommes données au petit savoyard, enfin du vieux invalide.  La charité oblige, l'argent n'est distribué par Rousseau qu'avec mille précautions, et finalement rien ne vaut le don en nature. Voir également Starobinski, op. cit., pp. 129-137.

[26] Mona Ozouf, La Fête révolutionnaire, 1789-1799, Gallimard, Folio-Histoire, 1976, p. 24.

 

 

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