Rousseau– disciple de Locke?[1]

 

 

 

 

 

 

On sait depuis longtemps que Rousseau a  bien lu  le traité pédagogique de Locke – Some Thoughts upon Education dans la traduction de Coste ( Pensées sur l’Education) ainsi que ses traités politiques – Two Treatises on civil Government dans la traduction de David Mazel  (Du Gouvernement civil).[2] On connaît aussi – grâce aux études de Bouchardy et de Jimack[3] – les dettes de Rousseau à l’égard du sensualisme contemporain. Or, il reste toujours à préciser les rapports ambigus entretenus par Rousseau avec la métaphysique de l’auteur de l’Essay concerning human Understanding. C’est pourquoi nous nous proposons  ici d’examiner chez Rousseau les deux thèmes principaux de la réception française de Locke: le rejet des idées innées et l’hypothèse de la matière pensante.

 

 

On sait que l’auteur d’Emile quoiqu’influencé par le Traité des Sensations (1754) (dont il  reprend  la fiction de la statue  et l’idée qu’il  faut apprendre à sentir) -  s’oppose avec fermeté au sensualisme radical d’Helvétius. C’est ce que vient de rappeler d’ailleurs Jacques Domenech dans un article important.[4]  Mais il nous semble intéressant de souligner que quand Rousseau dénonce  la célèbre formule d’Helvétius, juger, c’est sentir, et le corollaire qui en découle,  l’égalité naturelle des esprits,  en insistant sur  la distinction des facultés de l’esprit et sur son activité (dès  les Notes (1758) insérées dans son exemplaire de l’Esprit, ensuite dans La Nouvelle Héloïse et dans l’Emile),  il rejoint la psychologie de Locke. Il rétablit ainsi la pensée du maître anglais contre les dérives de certains de ses disciples, ouvrant une nouvelle voie au sensualisme francais. Il est vrai que rien ne permet d’établir ici une influence directe, - même si Rousseau affirme dans les Confessions avoir lu l’Essai de Locke[5] -  mais le  rapprochement avec Locke se précise quand on entre dans le détail de la généalogie de la raison dans l’Emile.

A première vue, Rousseau semble se distancer par rapport à Locke dans sa conception du développement de la raison, car dès La Nouvelle Héloïse et ensuite dans l’Emile, il reproche au philosophe anglais d’avoir soutenu “qu’il faut raisonner avec les Enfans”[6] Ainsi, contre ce qu’il appelle dans l’Emile “la grande maxime de Locke”, il affirme que “de toutes les facultés de l’homme, la raison, qui n’est pour ainsi dire qu’un composé de toutes les autres, est celle qui se développe le plus difficilement et le plus tard”,[7] et il en conclut que raisonner avec les enfants, c’est leur parler une langue qu’ils ne comprennent pas. Or, curieusement,  même  si Rousseau a pu trouver l’idée du développement tardif de la raison chez  Condillac, son désaccord avec Locke n’est qu’apparent: en effet, Locke précise que quand il dit qu’il faut raisonner avec les enfants, il veut parler des raisons “qui sont proportionnées à leur capacité et à leur conception”. Il  ne s’agit pas de faire “de longs discours & des raisonnemens philosophiques”, mais de leur faire sentir qu’on ne fait “rien qui ne soit raisonnable en soi & qui ne se termine à leur propre avantage” (p.151).  Rousseau  ne dit pas autre chose quand il affirme,  dans l’Emile,  qu’il est “bien éloigné de penser que les enfans n’aient aucune espèce de raisonement. ”Au contraire”, ajoute-t-il, “je vois qu’ils raisonent très bien dans tout ce qu’ils connoissent et qui se rapporte à leur intérest présent et sensible”.[8]  Ainsi,  dans ce contexte pédagogique,  Rousseau, qui  s’est tant inspiré par ailleurs des Pensées sur l’Education de Locke,  reste fondamentalement d’accord avec le philosophe anglais, mais – fait plus significatif -  au coeur même de son explication du développement de la raison on  trouve, dans une version raffinée,  la théorie des idées de Locke.

Locke, on s’en souvient, affirme que toutes les idées simples viennent passivement de deux sources, les sens et la réflexion, et que l’esprit compose ensuite activement ces idées en  idées complexes. En bon sensualiste, d’accord avec Condillac et Helvétius, Rousseau simplifie le principe de Locke en disant simplement que toutes les idées viennent des sens. (il supprime comme Voltaire et bien d’autres sensualistes  la réflexion, source intérieure des idées,  regard porté par l’esprit sur ses propres opérations), mais il divise la raison en deux étapes: “Comme tout ce qui entre dans l’entendement humain y vient par les sens, la première raison de l’homme est une raison sensitive;  c’est elle qui sert de base à la raison intellectuelle: nos premiers maîtres de philosophie sont nos pieds, nos mains, nos yeux”.[9] Divisant ensuite la raison sensitive en deux autres étapes, il précise que l’enfant, ayant d’abord reçu passivement des sensations isolées ou “des peintures absolues des objets sensibles”,[10] compare ensuite activement ces sensations. Etablissant ainsi par son activité innée des rapports entre les sensations, l’esprit crée une sorte de sensation complexe, et c’est à ce produit de l’activité de l’esprit que Rousseau réserve le nom d’idée: “Nôtre élève n’avoit d’abord que des sensations,  maintenant il a des  idées: il ne faisoit que sentir, maintenent il juge. Car de la comparaison de plusieurs sensations successives ou simultanées, et du jugement qu’on en porte, naît une sorte de sensation mixte ou complexe que j’appelle idée”.[11]

Cet exposé rappelle de façon frappante la théorie de Locke présentée au début de l’Essai sur l’Entendement humain: dès le premier chapitre du Livre I, le philosophe anglais introduit l’idée d’un développement de la raison ou comme il dit de la “Faculté de raisonner”: l’enfant, dit-il, recevant d’abord des idées (des impressions) des objets extérieurs qui l’entourent, devient de plus en plus capable de raisonner sur ces impressions, l’activité de l’esprit croissant avec le nombre de sensations inscrites dans les sens et dans la mémoire. Identifiant d’ailleurs, comme Rousseau,  la “Faculté de raisonner” avec la comparaison ou le jugement “du rapport ou de la différence qu’il y a entre les unes et les autres” (des impressions), il précise que cette activité élémentaire de l’esprit relative aux sensations se fait indépendamment du langage et avant “ce que nous appelons l’âge de Raison”.[12] Sur ce point, Rousseau se trouve donc clairement plus d’accord avec Locke qu’avec Condillac, qui, dans son Essai, insiste justement sur le langage comme condition ‘sine qua non’ du développement de  la raison.

La distinction nette entre la réception passive des idées et l’activité de l’esprit déployée sur ces idées n’est pas non plus sans rappeler le début du Livre II de l’Essai de Locke où celui-ci précise que l’esprit, après avoir reçu passivement ses idées simples, a la “puissance de les répéter, de les comparer, de les unir ensemble, avec une variété presque infinie et de former par ce moyen de nouvelles idées complexes, selon qu’il le trouve à propos”.[13] En effet, ce qui sépare sur ce point Rousseau de Locke est en fin de compte une distinction terminologique, car sensations simples et sensations complexes sont pour Rousseau l’équivalent des idées simples et des idées complexes chez Locke. Mais  il s’agit en même temps chez  Rousseau d’un approfondissement de la distinction lockienne, car il emploie aussi la terminologie de Locke pour décrire la raison intellectuelle qui vient se superposer à la raison sensitive: “Ainsi ce que j’appellois raison sensitive ou puérile consiste à former des idées simples par le concours de plusieurs sensations, et ce que j’appelle raison intellectuelle ou humaine consiste à former des idées complexes par le concours de plusieurs idées simples”.[14]

Comme l’ont signalé plusieurs chercheurs, la notion d’idée (= sensations composées) chez Rousseau peut venir de Condillac ou de Buffon,[15] mais pour le fond de sa pensée, il reste plus près de l’Essai de Locke. Plusieurs raisons semblent appuyer cette thèse: 1) Rousseau n’a pu se cacher que Condillac – malgré quelques formules ‘activistes’ empruntées à Locke – se propose déjà dans l’Essai, de réduire l’activité de l’esprit à la passivité de la sensation: Condillac veut montrer “comment les opérations de l’âme s’engendrent toutes de la première”[16]. Rousseau, lui, insiste sur la différence et sur l’activité des facultés de l’esprit (il parle de facultés, Condillac parle d’opérations…). 2) Rousseau s’est familiarisé avec la théorie des idées de Locke aux Charmettes, comme l’atteste  son poème “Le Verger des Charmettes”, dans lequel il dit: “avec Locke je fais l’histoire des idées”.[17] Il s’en souviendra  encore en écrivant les Confessions[18]. 3) Dans les Lettres Morales, écrites peu avant l’Emile, on sent la présence de l’Essai de Locke: ainsi, quand Rouseau, dans la 3e Lettre, professe son agnosticisme, comparant l’entendement à une maison “fort mal éclairée” en parlant des sens comme “cinq fenêtres par lesquelles notre âme voudroit se donner du jour”,[19] il suit en cela Locke lorsque celui-ci compare l’entendement à “un cabinet entièrement obscur, qui n’auroit que quelques petites ouvertures pour laisser entrer par dehors les images extérieures et visibles, ou pour ainsi dire les idées des choses”.[20] Ce passage, terminant le chapitre XI, où Locke explique les facultés de l’esprit, précède d’ailleurs immédiatement le chapitre XII, consacré aux idées complexes (Ch. XII: Des Idées complexes), c’est-à-dire le chapitre où Locke insiste sur la différence entre les idées simples “dans la réception desquelles l’Esprit est purement passif” et les idées complexes qui sont le produit de l’activité de l’esprit.[21] Un autre passage de Rousseau, toujours dans la 3e Lettre Morale, ne nous permet plus de douter qu’il ait puisé sa théorie des idées dans le 2e Livre de l’Essai de Locke: critiquant explicitement la conception du res cogitans de Descartes, il rappelle que ”Locke fit voir que l’essence de l’ame ne consiste point dans la pensée”.[22] Or, le chapitre dans lequel Locke démontre “que les Hommes ne pensent pas toujours”, c’est-à-dire le premier chapitre du 2e Livre de l’Essai, est précisément aussi le chapitre où il explique l’origine des idées. Et – pour comble – ce même chapitre précède immédiatement celui qui est consacré aux idées simples (Ch.II: Des Idées simples), lequel, comme le chapitre sur les idées complexes, distingue nettement entre la passivité des idées simples et l’activité des idées complexes.

 

Précisons maintenant la part de Locke dans la formation de la pensée morale de Rousseau. On se souvient que, dans l’Emile, il distingue le développement moral de l’enfant en deux époques: 1) la période ‘prémorale’ où toutes les actions de l’enfant sont guidées par l’instinct de conservation, l’amour de soi, période qui s’étend jusqu’à environ 15 ans (livres 1-3); 2) la période proprement morale, qui commence avec l’éclosion de la conscience, véritable instinct moral qui élève l’homme au-dessus des bêtes (livres 4-5). Dans la première période, l’enfant vit dans ”la dépendance des choses”,[23] dans la seconde il découvre ses rapports à autrui. Pour décrire la première période ou l’enfant est “Dépourvu(es) de toute moralité,”[24] Rousseau applique le principe plaisir/douleur, d’abord  formulé par Locke dans des termes ’innéistes’,[25] plus tard  repris par Condillac et Helvétius dans une formulation plus sensualiste. La terminologie de Rousseau révèle ici une assimilation du sensualisme contemporain: comme Condillac il parle du “mal-aise des besoins” pour indiquer l’origine du ”désir ”, [26] et comme Helvétius il désigne, dans l’Emile (livre 4) le mobile fondamental des actions de l’homme par les mots d’amour de soi et d’intérêt.[27]

Cependant, si Rousseau trouve utile d’appliquer le schéma sensualiste pour décrire la première période de l’enfance, il s’y oppose fermement  quand il s’agit de la deuxième période proprement morale. C’est ici qu’il introduit sa notion de conscience, présentée dans le 4e Livre et dans  la Profession de foi comme un “instinct divin”,[28] qui nous assure un fondement absolu de la morale en dénonçant l’insuffisance de la morale de l’intérêt.[29] Or, s’il est vrai que la réfutation de la morale de l’intérêt,  dirigée surtout contre le livre de l’Esprit d’Helvétius (Discours II), occupe une place importante dans la partie morale de la Profession de foi, il est intéressant de constater – avec P.M. Masson dans son édition. critique De la Profession de foi (Paris, 1914) – que cette partie a été ajoutée après le premier manuscrit d’Emile (le manuscrit ”Favre”), qui ne contient qu’une Profession rudimentaire. L’essentiel de la discussion morale de la Profession se trouve, en revanche,  déjà dans les Lettres Morales, écrites pendant l’hiver 1757-58, c’est-à-dire avant même le premier manuscrit d’Emile – et  avant qu’il connaisse le livre de l’Esprit, qu’il avoue  ne pas avoir lu encore dans une lettre adressée à  M. Vernes, datée du 15 octobre 1758.[30]  Cette constatation nous paraît importante,  car si la position morale de Rousseau a été élaborée, pour l’essentiel, indépendamment de la philosophie d’Helvétius, elle semble, en revanche, révéler, en tout cas, des traces d’une lecture de l’Essai de Locke.

On sait que Locke, dans le premier livre de l’Essai réfute les idées innées. D’accord avec lui quand il s’agit de ce que Locke appelle des ‘principes de spéculation’, Rousseau  défend contre lui (comme Voltaire et bien d’autres au XVIIIe siècle) l’argument du consentement universel sur lequel repose, l’innéité des ‘principes de pratique’: “Jettez les yeux sur toutes les Nations du monde, parcourez toutes les Histoires. Parmi tant de cultes inhumains et bizarres; parmi cette prodigieuse diversité de moeurs et de caractères vous trouverez partout les mêmes idées de justice et d’honnêteté, partout les mêmes notions du bien et du mal”.[31] Il est vrai que Montaigne – cité nommément – est visé ici, mais c’est en tant que représentant d’un scepticisme en morale, alors que l’opinion que réfute Rousseau, c’est la thèse lockienne selon laquelle les idées morales – comme toutes les idées – tirent leur origine des sens. C’est ce qui apparaît clairement du passage suivant, où Rousseau nous présente l’avis des “prétendus sages”: “erreurs de l’enfance, préjugés de l’éducation s’écrient-ils tous de concert, il n’y a rien dans l’esprit humain que ce qui s’y introduit par l’expérience et nous jugeons d’aucune chose que sur des idées acquises”.[32] Il est significatif que dans la première version de ce passage, qui se trouve dans les Lettres Morales, Rousseau emploie le mot d’entendement à la place de celui d’esprit, ce qui le rapproche naturellement davantage aux expressions de l’Essai sur l’Entendement humain

D’ailleurs, la terminologie employée par  Rousseau dans sa réfutation du relativisme moral porte en général  l’empreinte de Locke. Ainsi, quand il affirme contre Locke que nous trouvons partout les mêmes idées et les mêmes notions de morale, les mots idées et notions sont dus à une contamination terminologique[33], car, en vérité, c’est sur sa théorie des sentiments que Rousseau fonde l’universalité de la morale. De plus, toute la terminologie autour de la notion de conscience porte les traces du texte de Locke: ainsi, contre l’affirmation de Locke selon laquelle il n’y a pas de “caractères” “gravez naturellement” dans l’âme, Rousseau juge que les règles de morale sont “écrites par la nature en caractères inéfaçables”,[34]  et contre le passage où Locke  parle expressément de la conscience, ne voyant dans celle-ci rien d’autre qu’un préjugé de l’éducation, Rousseau définit la conscience comme “un principe inné de justice et de vertu” (je souligne).[35]  Locke argumente, justement, contre ce qu’il appelle les “principes de pratique”. De plus, définissant la moralité, Rousseau reprend presque littéralement la formule de Locke.  Rousseau: “toute la moralité de nos actions est dans le jugement que nous en portons nous-mêmes”, et Locke: “la conscience qui n’est autre chose que l’opinion que nous avons nous-mêmes de ce que nous faisons”.[36] La différence – essentielle, il est vrai – porte naturellement sur l’origine de la conscience, innée pour Rousseau, produite par l’éducation pour Locke.

Nous terminons ces considérations sur la morale chez  Rousseau par une hypothèse qui peut paraître téméraire, mais qui n’est peut-être pas sans fondement: il nous semble, en effet, que la notion de conscience chez Rousseau se laisse, en dernière analyse, réduire à la psychologie affective chez Locke.  Locke soutient dans le 2e Livre de l’Essai – nous l’avons vu – que l’homme naît sensible au plaisir et à la douleur, principe qui sera exploité pour ses conséquences matérialistes par Condillac et Helvétius. Mais dans le premier Livre de l’Essai,[37] faisant une exception à sa réfutation des idées innées ’pratiques’, il avance le même principe dans une formulation plus innéiste. Le plaisir et la douleur, ou – comme il dit – “l’envie d’être heureux” et “la crainte d’être miserable”, mobiles universels des actions de l’homme, sont appelés “des Principes de pratique véritablement innés” ou “certains panchans qui y (:dans l’âme) sont imprimés naturellement”; et enfin, distinguant nettement la connaissance acquise de l’affectivité innée, il précise que “ce sont là des inclinations de notre âme vers le Bien et non pas des impressions de quelque vérité qui sont gravées dans notre entendement”. C’est peut-être dans ce passage chez Locke – et dès la composition des Lettres Morales – que Rousseau a vu la possibilité d’une conciliation de son sensualisme épistémologique avec son innéisme moral. En effet, admettant avec Locke qu’il n’y a pas d’idées innées de la morale, lui aussi assure à celle-ci un fondement absolu et universel en accordant à l’homme des sentiments innés. “Il ne faut pour cela”, nous dit-il, “que vous faire distinguer nos idées acquises de nos sentimens naturels; car nous sentons avant de connoitre, et comme nous n’aprenons point à vouloir nôtre bien et à fuir nôtre mal, mais que nous tenons cette volonté de la nature, de même l’amour du bon et la haine du mauvais nous sont aussi naturels que l’amour de nous-mêmes”.[38] Glissant ainsi  (comme Locke) de la sensation au sentiment, Rousseau semble arrriver à sa notion de conscience innée par une analogie avec l’amour de soi, qui n’est autre que le principe plaisir/douleur: “les actes de la conscience” n’étant pas “des jugemens, mais des sentimens”,[39] ils sont innés de la même façon que “l’amour de soi, la crainte de la douleur, l’horreur de la mort, le desir du bien-être”.[40] Dans le 4e livre d’Emile, Rousseau ne s’arrête pas à l’analogie amour de soi-conscience, mais s’emploie à montrer l’origine de la conscience dans l’amour de soi, partant peut-être du principe de Locke selon lequel “le Plaisir et la Douleur…sont les pivots sur lesquels roulent toutes nos Passions”.[41] L’amour de soi étant une “passion primitive, innée, antérieure à toute autre et dont toutes les autres ne sont en un sens que des modifications”, “toutes si l’on veut sont naturelles”.[42] Le problème – sérieux  - d’expliquer le passage de l’amour de soi à l’amour des autres n’en est pas un pour Rousseau qui le règle dans une note: “c’est pour ne pas souffrir que je ne veux pas qu’il souffre; je m’intéresse à lui pour l’amour de moi, et la raison du précepte est dans la Nature elle-même, qui m’inspire le desir de mon bien-être en quelque lieu que je me sente exister”.[43]

L’importance accordée aux “passions” est un lieux commun dans le sensualisme contemporain ainsi que l’origine des “passions” dans le principe lockien de plaisir/douleur. Mais alors que Condillac et Helvétius partent des formules plus sensualistes et matérialistes du 2e Livre de l’Essai de Locke (Ch.XX), Rousseau a pu choisir une autre voie en prenant son départ dans les formules plus innéistes et spiritualistes du Livre I (Ch.II, §3). D’une certaine façon Condillac, Helvétius et Rousseau tirent la même leçon de l’Essai de Locke: l’origine de tous les sentiments dans notre sensibilté innée au plaisir et à la douleur. Mais ils interprètent différemment le mot de sensibilité.

 

Les affinités de Rousseau  avec Locke en épistémologie et en morale concernant le problème des idées innées se prolongent naturellement dans sa conception du pouvoir de l’éducation, qui repose la question de l’inné et de l’acquis. La question est de savoir dans quelle mesure, pour Locke et pour Rousseau,  l’enfant  naît malléable, ou – si l’on veut – table rase . Pour John Passmore, dans un article remarquable, “The malleability of Man”, Helvétius serait, par sa thèse de l’’égalité naturelle des esprits’, c’est-à-dire la ‘toute-puissance de l’éducation’, un fidèle interprète de la vraie pensée de Locke contrairement à Rousseau, qui plaide pour une éducation négative basée sur la bonté naturelle de l’homme.[44] Or, manifestement Passmore se trompe sur la notion de ‘bonté naturelle’ qui pour Rousseau – comme pour Locke - ne signifie autre chose que l’absence du péché originel dans l’enfant nouveau-né.[45] En effet, quand Rousseau dit qu’il tient “pour maxime incontestable qu les premiers mouvemens de la nature sont toujours droits”, il précise tout de suite qu’il s’agit d’un rejet du péché originel. L’homme naît moralement neutre avec son seul ‘amour de soi’: “Il n’y a point de perversité originelle dans le coeur humain. Il ne s’y trouve pas un seul vice dont on ne puisse dire comment et par où il y est entré. La seule passion naturelle à l’homme est l’amour de soi-même…”.[46] Sur ce point, l’accord avec Locke est frappant: “Car peut-on nommer un vice, dont le goût ne soit communiqué aux Enfans, ou par leurs Parens, ou par leurs nourrices; dont on ne jette les semences dans leur ame dès qu’ils sont capables de les recevoir?”[47] Or, si l’homme naît, pour ainsi dire, moralement neutre, mu uniquement par son amour de soi, est-ce qu’il  ne faudrait pas  donner raison à  Helvétius quand, dans sa réplique en 1773, il dénonce  chez Rousseau une contradiction avec la défense, dans la Profession de foi, d’une conscience (morale) innée?[48] Non, car nous avons vu que la “conscience” n’est, en fin de compte, qu’un sentiment virtuellement inné en tant que modification possible de l’”amour de soi”. Et l’amour de soi, comme le dit Rousseau, “passion indifférente en elle-même au bien et au mal…”, ne devient bon ou mauvais ”que par accident et selon les circonstances dans lesquelles il se développe”.[49]

Comme le montre cette citation, Passmore n’a pas raison de dire que pour Rousseau, “the child is not morally malleable”.[50] En effet, Rousseau est justement d’accord avec Locke sur l’idée que seule l’éducation détermine le développement moral de l’individu. Un mauvais caractère est le résultat d’une mauvaise éducation, ou, comme le dit Locke,  l’effet des vices qu’on n’a pas empêché de naître.[51] C’est aussi l’avis de Rousseau, qui, au coeur même de sa fameuse méthode ‘négative’, recommande  ce qui pour Locke constitue l’essentiel d’une bonne éducation: (nous citons le mot de Locke) “Il ne faut point contenter les vaines fantaisies des Enfans”.[52] Pour Locke, “l’indulgence excessive” des parents fait contracter de mauvaises habitudes à l’enfant,[53] leçon retenue par Rousseau dans La Nouvelle Héloïse où , lui aussi, dénonce “l’indulgence insensée des mères” comme source du mauvais caractère de l’enfant.[54] L’important, dit Rousseau, est d’habituer l’enfant à se plier devant un “refus irrévocable”. Insistant  plusieurs fois sur ce point dans l’Emile,[55] Rousseau n’hésite pas à dire que “l’éducation n’est certainement qu’une habitude”.[56] Sur ce point, sa lecture de Locke ne diffère pas de celle d’Helvétius.

Or si, en fin de compte, Rousseau et Helvétius sont d’accord avec Locke sur la malléabilité morale de l’homme, Rousseau reste quand même plus fidèle qu’Helvétius à la véritable opinion de Locke. Car n’oublions pas que Locke, qui peut dire p.ex. que “la différence qu’il y a entre les moeurs et la capacité des hommes, vient plus de la différente éducation qu’ils ont reçue que d’aucune autre chose…”,[57] insiste tout de même sur le fait que l’homme apporte en naissant un tempérament particulier auquel il faut adapter l’éducation: “Dieu”, dit-il, “imprime dans l’Esprit des hommes certains caracteres, qui, peut-être, comme le défaut de leur taille, peuvent être un peu redressez, mais qu’on ne sauroit gueres changer en d’autres tout contraires”.[58] Dans La Nouvelle Héloïse, Rousseau reprend cette idée qu’il oppose à la thèse helvétienne de l’égalité naturelle des esprits: “…chacun apporte en naissant un temperament particulier qui détermine son génie et son caractere, et qu’il s’agit ni de changer ni de contraindre, mais de former et de perfectionner”.[59] Il faut naturellement ici faire la différence entre tempérament et caractère moral: le tempérament (froid, flegmatique, colérique etc. ) est inné, mais le caractère moral est la somme des habitudes contractées dans l’enfance. Locke et Rousseau soutiennent – contre l’avis d’Helvétius – que l’éducation morale  ne peut réussir qu’en fonction d’un  tempérament inné.

Pour conclure sur le thème des idées innées, je dirai que Rousseau ‘corrige’, en quelque sorte, les dérives du sensualisme radical de Condillac et d’Helvétius en restituant l’empirisme modéré de Locke: l’homme ne naît pas table rase, car si les idées et les sentiments viennent de la sensation, nous naissons, comme dit Rousseau, avec “certaines dispositions à les acquérir”[60] et, parallèlement, si le caractère moral (ou immoral) est le produit de l’éducation,  nous apportons en naissant un tempérament inné.

 

Terminons en précisant l’attitude de Rousseau face au matérialisme issu de l’Essai de Locke. Comme l’a montré John Yolton dans son livre Locke and french Materialism (Oxford, 1991), le rejet des idées innées se conjugue la plupart du temps avec l’exploitation du thème de la matière pensante dans la réception française de Locke. La doctrine selon laquelle toutes les idées viennent des sens est liée dans l’esprit des matérialistes français à l’hypothèse émise par Locke selon laquelle il n’est pas impossible à Dieu, tout-puissant, d’accorder la pensée à la matière. Mais il convient d’ajouter que le pivot autour duquel se construit cette interprétation matérialiste  de Locke est la notion de substance qui, pour Locke, reste inconnue et inconnaissable. Nous insistons sur ce point fondamental, mais négligé, pour comprendre le matérialisme français: affirmant que toutes nos idées viennent soit de la sensation – l’observation extérieure des objets -, soit de la réflexion – l’observation intérieure des opérations de l’âme, Locke est amené à ne voir la substance que comme un substrat inconnu, porteur des qualités observées. Voici comment il s’exprime: “We have no such clear Idea at all, an therefore signify nothing by the word Substance, but only an uncertain supposition of we know not what (…) Idea, whih we take to be the substratum, or support, of those Ideas we do know”.[61]

Revenons à Rousseau, tergiversant dans son attitude face à cet aspect de la lecture contemporaine de l’Essai. Notons d’abord que les bases sensualistes de sa théorie de l’éducation le pousse vers des concessions au matérialisme. Non seulement – nous l’avons vu – il donne un fondement matériel à la raison humaine en la ramenant aux sens, mais il va même jusqu’à reprocher à Locke d’inverser cet ordre naturel des choses: “Locke veut qu’on commence par l’étude des esprits et qu’on passe ensuite à celle des corps; cette méthode est celle de la superstition, des préjugés, de l’erreur; ce n’est point celle de la raison ni même de la nature bien ordonnée; c’est se boucher les yeux pour apprendre à voir. Il faut avoir longtemps  étudié les corps pour se faire une véritable notion des esprits et soupçonner qu’ils existent.  L’ordre contraire ne sert qu’à établir le matérialisme”.[62] Or, malgré cette critique, Rousseau reste – comme d’aileurs beaucoup de ses contemporains – fidèle à l’agnosticisme de Locke, en tout cas avant d’avoir lu le livre De l’Esprit d’Helvétius. C’est ce qui ressort des écrits mineurs de la fin des années 50, surtout des Lettres Morales de 1757, mais aussi d’un manuscrit posthume, rédigé probablement vers 1756: “Fiction ou morceau allégorique sur la Révélation” (O.C., IV).

 Parmi les ‘lettres morales’, adressées à Mme d’Houdetot (Sophie), la 3e est une véritable profession de foi agnostique: ainsi nous apprenons que les mots de ‘substance’, de ‘corps’ et d’esprit’ chez les philosophes ne renvoient à aucune réalité et que notre ignorance de la substance a créé des systèmes de courte durée. Après avoir trouvé la vérité évidente “je pense, donc j’existe”, Descartes a établi l’existence de deux substances à partir de qualités qui s’excluent mutuellement: la pensée et l’étendue. Or, ce dualisme a été ensuite mis en question par Newton et Locke, l’un démontrant que l’étendue n’est pas l’essence du corps, l’autre que la pensée n’est pas l’essence de l’âme. Ainsi instruit, Rousseau nous invite à rester sur l’évidence de Descartes – “Je pense, donc j’existe” – mais ceci ne le retient pas d’émettre quelques conjectures hasardeuses: qui sait si la matière ne pense pas, car 1) “Il n’y a rien de fixe sur le nombre de sens nécessaire pour donner le sentiment et la vie à un être corporel et organisé”,[63] et 2) “nous nous voyons entourés de corps sans âme, mais qui de nous apperceut jamais une ame sans corps et peut avoir la moindre idée d’une substance purement immatérielle”.[64]

Dans la “Fiction ou morceau allégorique sur la Révélation” (1756), Rousseau  semble tout à fait  prêt  à tirer des conséquences matérialistes de la notion lockienne de la substance inconnue. Des qualités à nous inconnues pourraient rendre la matière pensante: “Qu’elle (la matière) en ait (:des qualités) que je ne connois point et ne connoitrai peut-être jamais, qu’ordonnée ou organisée d’une certaine maniére elle devienne susceptible de sentiment, de réflexion et de volonté, je puis le croire sans peine…”.[65]  Dans le brouillon d’Emile (le ‘manuscrit Favre’) il n’exclut toujours pas  la possibilité de la matière pensante, quoique peut-être un peu plus hésitant: “Or quel(que) parti qu’on prenne dans cette obscure question j’appelle ame ou esprit la substance à laquelle appartiennent le sentiment et la pensée, soit généralement comme qualités, soit spécifiquement comme propriété”![66] Or, dans la version définitive d’Emile, et  surtout dans la Profession de foi, s’il continue à admettre l’essence ou la substance inconnue de la matière et de l’âme (“des mistères impénétrables nous environnent de toutes parts”),[67] il rejette fermement la matière pensante. Trouvant en lui une force intérieure, qui activement lie les impressions des sens, et la volonté qui meut le corps, il conclut à l’existence de deux substances qui s’excluent mutuellement, quoiqu’unie dans une interaction incompréhensible.[68] Autrement dit, à l’instar de beaucoup d’apologistes de l’époque, Rousseau réfute l’hypothèse de Locke, uniquement à partir des attributs essentiels – des “qualités primitives” – qui lui paraissent incompatibles: “Vous réfléchirez sur tout cela; pour moi je n’ai besoin, quoi qu’en dise Locke, de connoitre la matière que comme étendüe et divisible pour être assuré qu’elle ne peut penser, et quand un philosophe viendra me dire que les arbres sentent et que les rochers pensent, il aura beau m’embarrasser dans ses arguments subtils, je ne puis voir en lui qu’un sophiste de mauvaise foi, qui aime mieux donner le sentiment aux pierres que d’accorder une ame à l’homme”.[69] En 1769, il revient à la charge dans une lettre à “M. de Franquières”, et appelant à la rescousse Platon et Clarke, il dénonce de plus en plus fermement l’hypothèse de Locke: “quoiqu’en dise Locke, la supposition de la matiere pensante est une véritable absurdité”.[70]

Récapitulons: convaincu avec Locke que la substance nous reste inconnue, Rousseau est d’abord favorable à l’hypothèse du philosophe anglais, selon laquelle la matière pourrait bien être pensante. Ensuite un peu moins convaincu mais toujours sans exclure cette possibilité, il finit par la rejeter de plus en plus catégoriquement.

 

Concluons: empiriste modéré en épistémologie, en morale et en pédagogie,  Rousseau ‘corrige’, en quelque sorte l’extrêmisme du  sensualisme contemporain en proposant une théorie de l’origine des idées plus fidèle à la philosophie de Locke. Or,  en métaphysique,  quoique  agnostique à son exemple et même, au départ, avec une tendance matérialiste, il finit par s’opposer fermement à lui en  rejetant,  sans hésitation, l’ hypothèse de la possibilité de la matière pensante.

 

 

                                                                                                 Jørn Schøsler ©

                                                                                                               Université d’Odensee

                                                                                                                     (Danemark)

 



[1]    Cet  article est une version  remaniée et considérablement augmentée d’un texte paru  dans Revue romane XIII/1 (1978). Il a paru dans le numéro 12 des Etudes J.-J. Rousseau en 2000.

[2]   Cf. P.ex. Peter D. Jimack, “La genèse et la rédaction de l’Emile de J.-J. Rousseau” (Studies on Voltaire and the eighteenth century, vol. 13 (Genève, 1960); et Ian M. Wilson, “The influence of Hobbes and Locke in shaping of the concept of sovereignty in eighteenth century France”, (Studies on Voltaire and the eighteenth century 101, chap. 20), (Voltaire Foundation, 1973).

[3]    F. Bouchardy, ”Note sur Condillac et Rousseau”, Mélanges d’histoire littéraire et de philologie offerts à M. Bernard Bouvier,  (Genève, 1920), pp. 17-31; Peter D, Jimack, “Les influences de Condillac, Buffon et Helvétius dans l’Emile”, Annales de la Société Jean-Jacques Rousseau 34 (1956-58), pp. 107-38; et P.E. Jimack, “La genèse et la rédaction de l’Emile de J.-J. Rousseau” (Studies on Voltaire and the eighteenth century, vol. 13,  ch. 13 (Genève, 1960).

[4]  Jacques Domenech, ”Rousseau, lecteur et critique d’Helvétius”, dans: Tanguy L’Aminot (éd.), Jean-Jacques Rousseau et la lecture, (Studies on Voltaire.., 369 (Voltaire Foundation, 1999), pp. 159-174.

[5]   ”Je commençois par quelque livre de philosophie, comme la Logique de Port-royal, l’Essai de Locke, Mallebranche, Leibnitz,, Descartes, etc.” (O.C., I, Pléiade, éd. par. B. Gagnebin, p. 237). Toutes les citations de Rousseau se rapportent à cette édition.

[6]   De l’Education des Enfans, § LXXXIV, trad.  Coste, Amsterdam, 1730, p. 150.

[7]    O.C., IV, p. 317.

[8]    Ibid., p. 365.

[9]    Ibid., p. 370.

[10]   Ibid., p. 344.

[11]   Ibid., p.481.

[12]   Essai, L. I, ch.i, §15.

[13]   Essai, II,ii, §2.

[14]   Emile, O.C, IV, p. 417.

[15]  Peter Jimack pense que Rousseau tient sa conception de l’idée de Buffon (La genèse et la rédaction de l’Emile, Studies  on Voltaire…13, (1960), p. 321). Jean Bloch dit que sa définition de l’idée ”is very close to what we find in Condillac and Buffon” (”Rousseau and Helvétius on innate and acquired traits: the final stages of the Rousseau-Helvétius controversy”, Journal of the History of Ideas 40, 1979, p. 22). Déja Bouchardy pensait que l’idée au sens de “sensations comparées” venait de Buffon (“Note sur Condillac et Rousseau”, p. 28) 

[16]   Essai sur l’Origine des Connaissances humaines, éd. Le Roy: Oeuvres philosophiques (Paris, 1947), I, p. 28.

[17]   O.C., IV, p. XXVI.

[18]   O.C.,I, p. 237.

[19]   O.C.,IV, p. 1092.

[20]   Essai, II,xi, §17.

[21]   Essai, II,xii, §1.

[22]   O.C., IV, p. 1096.

[23]    Ibid., p. 311.

[24]    Ibid., p. 321.

[25]    Essai, I,ii, §3.

[26]    O.C., IV, p. 280. Cf. Condillac: ”la privation d’un objet que nous jugeons nécessaire à notre bonheur, nous donne ce mal-aise, cette inquiétude que nous nommons besoin et d’où naissent les desirs” (nous soulignons). (Extrait raisonné…, éd. Le Roy, 1, p. 324).

[27]    O.C., IV, p. 491; et  Helvétius: De l’Esprit (Paris, 1758), p. 34 et pp. 52-53.

[28]    O.C., IV, p. 600.

[29]    Ibid., p. 599.

[30]   Cf. P.M. Masson, ”Rousseau contre Helvétius”, Revue d’histoire littéraire de la France (1911), p. 118.

[31]    O.C., IV, pp. 597-98.

[32]    Ibid.,  p. 598. Cf les Lettres Morales, p. 1108.

[33]   Cf. Locke, Essai, L. I: Des Notions innées et p.ex., L. I, ch.I, §10: „Les Partisans des Idées innées“.

[34]    Locke, Essai, I,ii,3, et Rousseau, Emile, O.C., IV, p. 594.

[35]    Ibid., p. 598; cf. Lettres Morales,  O.C., IV, p. 1108; cf. Locke, Essai, I,ii, 3-4.

[36]    Emile, O.C., IV,  p. 595, et Locke, Essai, I,ii,8.

[37]    Essai, I,ii, 3.

[38]    Emile, O.C., IV, p. 599. Ce passage se trouve à peu près sous la même forme dans les Lettres Morales. Cependant, il y a une différence de vocbulaire – petite mais significative: dans les Lettres Morales, Rousseau parle non pas d’idées acquises, mais de perceptions acquises, fait qui révèle son point de départ dans le texte de Locke, qui emploie indistinctement les mots d’idées et de perceptions (cf. Essai, II,i,3): “Et premierement nos sens étant frappés par certains objets extérieurs, font entrer dans nôtre âme plusieurs perceptions distinctes des choses…) (c’est moi qui souligne).

[39]   O.C., IV, p. 599.

[40]   Ibid., p. 600; cf. aussi Lettres Morales, O.C., IV, p. 1109.

[41]   Essai, II,xx,3.

[42]   O.C., IV, p. 491.

[43]   Ibid., p. 523.

[44]   “The Malleability of Man  in Eighteenth-Century Thought”, dans: Aspects of the Eighteenth Century, ed. By Earl Wassermann (Baltimore, 1965), pp. 41-43.

[45]    Le contresens remonte à la critique d’Helvétius dans De l’Homme (Londres, 1773) (Section V, ch. III).

[46]   O.C, IV, p. 322.

[47]   De l’Education des Enfans, trad. Coste (Amsterdam, 1730), §XXXVIII, p. 55.

[48]   De l’Homme, Londres,1773, t. 2, p.4.

[49]   Lettre à Christophe de Beaumont, O.C.,IV, p. 936; cf. Emile, p. 322 et 493.

[50]   Op.cit., p. 42.

[51]   Op.cit., §XXXVI, pp. 52-54.

[52]   Ibid., § XXXIX, p. 61.

[53]   Ibid., §§ XXXV-XXXVIII.

[54]   O.C., II, pp. 571-72.

[55]   O.C., IV, pp. 287-88; aussi pp. 261, 286, 289, 314-16, 364.

[56]   Ibid., p. 248; cf. aussi pp. 327, 341.

[57]   Op.cit., §XXXIII, p. 49.

[58]   Ibid., § LXVIII, p. 97.

[59]   O.C., II, p. 563.

[60]   La Nouvelle Héloïse, O.C., II, pp. 565-66.

[61]   Essay concerning human Understanding, ed. Nidditch, Oxford, 1975 : I,iv, §18.

[62]   Emile. O.C., IV, pp. 551-52.

[63]   Lettres morales, O.C., IV, p. 1097.

[64]   Ibid., p. 1099.

[65]   O.C., IV, p. 1046.

[66]   O.C., IV, p. 220.

[67]   O.C., IV, p. 568.

[68]   O.C., IV, p. 576.

[69]   O.C., IV, p. 585. Une note en bas de page indique qu’il vise ici Diderot pour qui la matière est douée d’une ”sensibilté universelle”.

[70]   O.C., IV, p. 1136.